Sans doute existe-t-il des navigateurs qui ne s'intéressent plus à l’astronomie. L’époque où les marins se dirigeaient et évoluaient sur les eaux à l’aide des étoiles est révolue depuis longtemps. Tout est électronique de nos jours. Prendre la barre est “rare” : ce n’est plus qu’un caprice des types comme moi ou comme Atlas, des vieux loups de mer, des gars qui ne cherchent pas à savoir si la position des astres dans le ciel ait pour eux un réel intérêt, mais des types qui malgré tout se laissent tenter par une randonnée de nuit pour découvrir la mythologie des natifs australiens parce que c’est une occasion d’être ensemble, de discuter, de faire une mise à jour, de cultiver l’imaginaire collectif qui nous prête encore cette vieille habitude d’être capable de retrouver la grande ours si le ciel est clair. Alors, nous nous sommes lancés sans trop réfléchir. Je l’ai appelé, mon vieil ami. J’ai rassemblé quelques affaires après avoir averti Rae que je prenais congé de “nous” pour quelques jours et j’ai pris la route sans hésiter, sans me demander si je suis prêt ou si j’ai envie de m’épuiser à marcher sur un dénivelé de…. de combien d’ailleurs ? Je ne m’en suis pas tracassé. Je crois qu’outre le plaisir d’être avec mon frère d’armes, je saisis toutes mes chances de quitter le loft. Certes, il m’a manqué : je n’en pouvais plus de notre appartement-témoin où je ne me sentais pas chez moi. Cela étant, je deviens vite fou pour des raisons indéfinissables. Parfois, j’ai l’impression que les murs s’abattent sur moi, que le plafond descend et semble prêt à m’écraser. J’ai la sensation d’étouffer, si bien que j’ai tendance à me concentrer sur le travail, choisissant quelques fois de m’installer sur l’immense terrasse du casino, lors de journée ensoleillée, parce que si l’air est vicié par la pollution, je peux le respirer amplement et à pleins poumons.«Tu n’as pas idée de ce que ça me fait du bien d’être là…d’avoir une vue sur l’horizon, sur le néant…» ai-je remarqué au terme d’un silence tandis que le groupe de marche s’est installé pour camper et observer ce pour quoi nous nous sommes déplacés en pleine nuit. Au contraire, nous aurions été boire un verre quoique nous enfuir en bateau aurait pu être une option. «Sur le rien qui donne l’impression qu’on est tout petit parce que le monde est grand… cette sensation, elle m’avait manqué.» Je suis convaincu qu’il entendre, Atlas. Il saisira toute l’étendue de ce qui n’a rien d’un sous-entendu. J’affirme plus que je ne suppose dès lors que je tourne mon regard en direction de mon acolyte. «Comment tu vas ?» lui ai-je ensuite lancé, souffrant toujours de la difficulté de parler de moi sans m’inquiéter de l’état d’esprit des autres. «Depuis la dernière fois qu'on ne s'est vus je veux dire. Tu sais un peu mieux où tu vas ? A tout niveau ? » Professionnellement ? Amoureusement ? «Par quoi  tu veux commencer ? » Peut-être préfèrera-t-il comprendre comment je me suis retrouvé en prison et, ensuite, enfermé avec un bracelet autour de la cheville puisqu’il est de ceux que j’ai tenu à l’écart de cette mésaventure, non par manque de confiance, pour lui éviter les ennuis de part ce métier dont il ne sait que faire aujourd’hui.

(c) axolotlsdirectory & harley

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@AMOS TAYLOR & ATLAS

Le soleil à son zénith venait de lui rappeler qu’il existait quelque chose en dehors de son appartement sombre. Lunette de soleil perchée sur le bout de son nez pour l’empêcher de plisser des yeux, et pour dissimuler ses cernes, Atlas s’attelait à copier le rythme de marche de son camarade. Il n’avait pas réellement eu envie de sortir, il s’efforçait de le faire, pour ne pas décevoir Amos, pour que personne ne vienne envahir la grotte qu’était devenu son logement. Il se cachait derrière un sourire de façade et son éternellement haussement d'épaule, mais quelque chose lui faisait dire que cela ne prendrait pas auprès du militaire. Amos le connaissait que trop bien. Et surtout, il prenait le temps d'étudier une situation. Il allait lire entre les lignes, mais en attendant, Atlas donnait le change. « Tu n’as pas idée de ce que ça me fait du bien d’être là… D’avoir une vue sur l’horizon, sur le néant… » Il releva les yeux, suivant le regard qu’Amos jetait sur l’horizon qui s’offrait à eux. Le soleil flirtait avec l’horizon, offrant un dernier rayon avant de plonger les lieux dans une nuit noire. Atlas avait conscience de la beauté de ce qui s’offrait à eux, mais le sentiment se voulait teinter d’une indifférence qu’il n'était pas certain de comprendre. « Profite, mon pote. » Il savait que ce dernier ne possédait plus autant de liberté ces derniers temps. Alors, s’il fallait crapahuter durant des heures pour venir s’asseoir sur un caillou mal taillé, peut-être que cela en valait la chandelle. « Sur le rien qui donne l’impression qu’on est tout petit parce que le monde est grand… Cette sensation, elle m’avait manqué. » Atlas en avait le vertige. Toute cette immensité et la sensation de ne rien pouvoir en faire. On allait lui couper les ailes. Il ne pensait qu'à cela, lui désormais terrorisé par le bruit des pales d’un hélicoptère. Ce son qui se voulait rassurant par le passé était devenu son pire cauchemar et qu’importe les mois écoulés, rien ne paraissait vouloir changer. Atlas ne voulait pas de cet horizon à perte de vue, il avait besoin du confort de ses habitudes, retrouver ce qui faisait de lui un homme doté d’un avenir certain.

« Comment tu vas ? » Cette question il l’avait attendue avec angoisse. Elle venait le saisir à la gorge alors qu’il cherchait à s’installer de manière confortable. Avant, il serait accroupi sans même réfléchir, gardant ses genoux proches de son torse pour venir y accouder ses avant-bras. Aujourd’hui, il devait garder sa jambe tendue, s’il ne voulait pas souffrir pendant des heures par la suite. Et ce petit détail, de rien du tout, lui donnait envie de hurler au monde entier. « Depuis la dernière fois qu'on ne s'est vus je veux dire. Tu sais un peu mieux où tu vas ? À tout niveau ? » Il voudrait qu’Amos cesse avec ses questions en cascades, mais il avait toujours été aussi conscient des autres, aussi attentionné. Il ne le faisait pas exprès, c’est qu’Atlas devait se répéter. « Par quoi, tu veux commencer ? » Il ne put se retenir plus longtemps. « Une question à la fois, Amos. » Une étape après l’autre, il n’était guère capable de plus. Atlas se refusait à simplement admettre que rien ne semblait aller. Soupirant longuement, cachant ses yeux derrière la paume de sa main, il prit une seconde de réflexion. Il n’avait aucune idée de par où commencer. « Je sais pas. » Qu’il finit par admettre, haussant encore une fois des épaules. « Je vais à la base tous les jours pour faire de la paperasse et interviewer les nouvelles recrues. » Autrement dit, pour servir de bouche trou pour un homme aussi gradé que lui. « J’ai pas parlé à Matilda depuis des semaines. » Qui voudrait d’un mec qui avait aucune envie de faire quoi que ce soit si ce n’est se battre pour un poste qui n’était déjà plus le sien ? « J’ai encore tellement de trous dans la tête que j’ai oublié… » Il avait oublié Matt. « Un de mes vieux amis est décédé et je me souvenais pas de ça. » Il pensait simplement que la vie les avait un peu séparés, les copains de toujours. Mais c’était plus définitif que deux chemins qui s'éloignent. « Et sa sœur squatte ma chambre d’ami le temps de finaliser son divorce. » Les deux âmes en peine qui se soutenaient tant bien que mal, cherchant à recoller les morceaux sans savoir quel bout prendre et lequel pouvait être jeté pour de bon. « Si c’est pas toi qui m'avais demandé, je serais jamais venu ici ce soir. » Il n’aurait pas fait l’effort, lui qui pourtant aimait tant marcher. Un rire nerveux s'échappa d’entre ses lèvres. « Comme tu peux le voir, je pète la forme, mon gars. » Et s’il avait un peu plus de couilles, il se serait levé pour faire le chemin inverse. Mais Amos n’allait pas l’entendre de cette oreille, il le savait.