i stand behind my decision to panic

Tim, Cian & co

« Charlie vient de partir pour l’hôpital, elle a perdu les eaux. »

Déjà, je compte sur mes doigts. Ce n’est pas censé arriver aussi tôt. Elle avait encore un bon mois devant elle. Je le sais, on en a parlé hier soir. De ce qu’allait être l’avenir une fois que Gabriel serait venu au monde. Je lui avais promis que ma porte serait toujours ouverte pour eux, qu’elle soit enceinte ou avec son petit bout ne changeait rien pour moi. On en avait parlé comme ça, parce qu’elle caressait son ventre arrondi devant la télé et que j’avais évoqué la venue au monde de ce petit bébé. C’est encore trop tôt. Mes doigts tremblent alors que je tente d’appeler Matt. J’avais laissé mon téléphone de côté le temps de me charger des dossiers de quelques recrues. Le message date d’il y a près de trois heures. Je n’aime pas ça. Deux heures et pas de nouvelles. Un mauvais pressentiment me tord le bide. Emprisonné dans mes pensées, je sursaute lorsque mon téléphone se met à sonner entre mes mains. Je décroche sans regarder d’où provient l’appel. Hôpital Saint-Vincent. Mon cœur s’arrête alors que l’infirmière me parle et répète après mon silence : « Monsieur, vous êtes bien l’oncle de mademoiselle Charlie Villanelle ? » - « Oui, oui, c’est moi ! Elle est où ? Il se passe quoi ? » J’ai la sensation que sa réponse met des années à venir. « Votre nièce est en train d’accoucher, le médecin nous a demander de vous prévenir. Elle va avoir besoin d’une opération pour contrôler l’hémorragie, nous avons besoin de l’accord d’un membre de la famille. » Ma nièce accouche. Opération. Hémorragie. Mon souffle se coupe avant que je ne réagisse en quelques secondes. « Vous avez mon accord pour tout ! » Pour n’importe quoi, mais ramener là moi. « J’arrive. Je suis là dans pas longtemps. J’arrive ! » Et je crois que je viens de lui hurler ces derniers mots, mais je n’en ai plus vraiment conscience. Je raccroche, manque de tomber de ma chaise en me levant et me précipite vers la sortie. Prendre la voiture ne semble pas l’option la plus raisonnée, mais je suis déjà derrière mon volant. Je refuse de la perdre. Pas elle. Pas encore une fois.

Je conduis comme un forcené, me gare de travers à moitié sur la rue, à moitié sur une place, avant de me précipiter dans l’hôpital. Je passe devant tout le monde. Je me fiche de tout et notamment des règles de bienséances. « Charlie Villanelle ! » Une infirmière hoche la tête et prend son téléphone. Les quelques secondes d’attente me semblent interminables. Je suis prêt à lui sauter dessus pour savoir où se trouve ma nièce. « Troisième étage sur votre gauche. » Et déjà, je suis dans la cage d’escaliers. Troisième étage. J’arrive essouffler, je crois que je pousse un membre du personnel sans réellement le vouloir. Je me retrouve dans un couloir vide. Il se moque de moi ?! Et soudain, tout au bout de ce long couloir, une porte qui s’ouvre, un médecin, des infirmières, une blonde sur un lit que l’on emmène à la va-vite. Un silence de plomb. Et un instant plus tard, un grand brun qui se retrouve aussi perdu que moi dans ce couloir. Je me précipite à sa rencontre, réalise que la blonde sur le lit était ma nièce et que celui qui se trouve en face de moi doit être : « Tim ? » Son regard qui croise le mien alors que j’entends mon cœur battre si fort. « Qu’est-ce qui se passe ? On m’a parlé d’opération ? Et Gabriel ? » J’ai à peine conscience de le bombarder de questions. Je m’excuserai plus tard.   

 

C'est la catastrophe.

J'ai pédalé tellement vite à travers les rues de la ville que j'ai failli me faire renverser par au moins deux mamies en voitures, un bus, et un autre gosse en vélo. J'ai presque jeté mon vélo devant l'hôpital. Heureusement que je n'étais pas trop loin de ce putain d'hôpital dans lequel je ne voulais pas remettre les pieds pour un motif autre que les stages que je fais de plus en plus souvent, en psychiatrie. Cette fois-ci, je ne me retrouverai pas dans ce service. Cette fois-ci, je suis certain d'être encore moins à mon aise qu'avec les fous. Cette fois-ci, il est question de Charlie. Charlie qui va être maman.

Charlie que je revois encore sur mon canapé, Charlie avec qui je faisais mes tartines les matins de lendemain de soirée, Charlie pour qui je traverserais la ville à vélo, pour qui je dégagerais littéralement un mec de sa bagnole façon GTA V. Juste pour rallier un peu plus vite ce bâtiment que je crains. Ce bâtiment qu'on a déjà visité ensemble, aussi drôle que cela puisse paraître. Juin dernier, ce n'est pas si loin. Nouvelle année, nouvelles résolutions. J'aurais aimé que mon année ne commence pas par ma mort potentielle, renversé par un bus. Mes boucles folles ont pris le vent. En attachant maladroitement mon vélo à un endroit où il est formellement interdit de le faire, je pense à ce putain de cadeau que j'ai oublié sur la table de mon salon. Pas emballé. Le bébé était supposé arriver plus tard, mais je suis prévoyant. J'en ai même oublié le sachet de pop-corn salé que je me suis noté partout de porter avec moi, juste pour la faire sourire après l'accouchement. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de ça. J'ai reçu ce texto de son oncle, un peu trop alarmant. Ma conscience bondit de pensée en pensée, rien n'est cohérent. Rien n'a besoin de l'être.

Dans la panique, j'oublie de me présenter à l'accueil de l'hôpital. Un urgentiste me barre le passage, je suis forcé de faire un détour du côté de ce maudit registre. Mes poumons brûlants n'ont pas le temps de trouver le repos que je m'élance déjà dans les escaliers. Mon cœur me maudit de le lancer dans un marathon pareil. Avec mon sens de l'orientation désespérant, je me perds une fois. Peut-être deux. Peut-être plus, mais j'ai arrêté de compter après la deuxième fois. Et enfin, au bout du couloir, un visage familier. Je suis à deux doigts du malaise lorsque passe, sur un brancard, ma meilleure amie. L'image a pour effet de stopper net mes mouvements au même titre que mes pensées. « Charlie. » Ils sont trop loin pour m'avoir entendu et ne parlons pas d'elle, que je suis certain d'avoir aperçu inconsciente. Dix pas de plus et je capte enfin les premiers mots de l'oncle. Dix pas de plus, et je comprends de qui nous sommes en présence. « Où est-ce qu'ils l'emmènent ? » Pas en salle de réanimation. Pas en en salle de réanimation. Pas en salle de réanimation. Je parle dans le dos de ce type que je n'ai encore jamais rencontré, le souffle encore court. « J'ai fait du plus vite que j'ai pu. Désolé, Cian. » Mes yeux voudraient la voir reparaître, au bout de ce couloir, elle et sa tignasse de fausse blonde. Elle, sans qui la planète, ma planète ne fait pas sens.

Il devait être fort. Pour elle. Pour eux, tous. Pourtant, rien ne semblait se dérouler comme ils l'avaient prévu, ensemble. Gabriel devait arriver dans un bon mois et demi, Charlie n'était pas censée perdre autant de sang et cerise sur le gâteau, une petite fille n'était pas prévue dans l'équation. Tim était d'une pâleur extrême au moment où le personnel hospitalier lui demandait de sortir quelques instants, le temps qu'ils vérifient les signes vitaux des deux bébés alors qu'on le forçait à lâcher la main de Charlie pour que d'autres médecins l'amènent sur la table d'opération. Decastel avait bien du mal à respirer au moment où il l'observa s'en aller sur ce brancard, assoupie alors qu'elle n'avait même pas eu le temps de constater que leurs enfants étaient vivants. Tim ne savait même pas si elle avait eu le temps de comprendre qu'ils avaient eu une fille en plus de Gabriel avant qu'elle ne tombe dans les pommes. Tout cela était proprement surréaliste et il dût se tenir au mur pour les cinq prochaines minutes, une manière comme une autre de faire bonne figure parce qu'il avait les jambes qui tremblaient et les larmes aux yeux. Elles auraient pu être de bonheur parce qu'il était papa mais elles étaient d'angoisse avant tout: on ne lui avait rien dit de plus, juste de partir pour gérer les enfants et voir Charlie partir en chirurgie, pas de quoi apaiser un homme dans son genre. Cela dit, il ne resta pas seul bien longtemps puisque l'oncle de Charlie arriva en courant pour se poster devant lui et lui poser tout un tas de questions des plus logiques en vue de l'appel qu'il avait dû recevoir de l'hôpital. Tim dût prendre son temps pour retrouver la fonctionnalité verbale que comportait son cerveau, ce qui permit au meilleur ami de Villanelle d'apparaître aussi dans le décor. Qu'allait-il leur dire? Il n'en savait pas plus qu'eux, il était tout aussi paniqué, tout aussi perdu mais il devait être fort, oui, puisqu'il l'avait promis à Charlie. "Charlie... Elle a perdu beaucoup de sang pendant l'accouchement alors ils l'emmènent en chirurgie pour régler le souci mais elle m'a promis que ça irait bien alors, il faut qu'on tienne le coup. Pour elle." Il hochait la tête mais son coeur battait trop fort, il respirait trop vite. Du calme, Tim. "Et Gabriel... Il va très bien, je crois. Il était pas tout seul cela dit. On a... On a une fille aussi. Les médecins vérifient que tout va bien pour eux aussi. Ils m'ont dit d'attendre, je... Vous allez rester avec moi, hein?" Parce qu'il allait sombrer si on le laissait tout seul à ce moment là, là où il n'avait jamais connu autant le doute, ne sachant pas si sa famille toute entière irait bien. Oui, il s'agissait de cela, sa famille, son avenir.

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Tim, Cian & co

Dans ma course, je rate une marche. J’entre dans le couloir en trombe. Le temps d’apercevoir ma nièce sur un lit médicalisé, emporté par un médecin qui hurle des ordres et deux infirmières bien trop concentrer pour cela ne soit que de la routine. Je ne cours pas assez vite pour les rattraper, les battements de la porte se referment devant moi. L’espace de quelques secondes, je suis tenté de les suivre. Au diable les règles et autre bienséance, je veux savoir ce qui se passe. C’est à cet instant précis qu’un grand brun apparaît au bout du couloir. Le fameux Tim il semblerait. Je prends un instant pour l’observer. Il semble si perdu. Je n’aime pas ça. Il est seul. Un jeune papa n’est pas censé être avec son enfant ? On m’avait laissé pendant plus d’une demi-heure seul avec Ailis. Oui, mais Ailis allait bien, elle n’est arrivée qu’avec deux jours d’avance. Pas un putain de mois et demi. Je tente de calmer la panique qui monte en moi et pourtant dès que je suis au niveau du jeune homme, je le bombarde de question. C’est le moment que choisi Léo pour débarquer en courant lui aussi. Je ne sais même plus quand j’ai pris le temps de lui envoyer un message, mais c’est le seul contact que je possédais. Il est le meilleur ami de Charlie, je me devais de le prévenir. On se retrouve pendu aux lèvres de Timothy qui semble peiné à trouver ses mots. S’il ne respire pas dans la minute, je le secoue. Enfin, il semble revenir à lui, son regard se colle sur nous et il explique. Charlie a perdu beaucoup trop de sang, ils ont besoin de gérer l’hémorragie en chirurgie. Ne panique pas Cian. J’ai a peine le temps de hocher la tête que le jeune homme continue et nous parle de Gabriel qui semblait aller bien. Un soupire de soulagement et le reste de sa phrase me parvient enfin. « Attends quoi… ?! » J’ai bien entendu là. Ils ont une fille aussi. Aussi. Comme deux bébés. « Des jumeaux ? » Mais… Charlie m’a montré ses échographies plus d’une fois, elle ne parlait que d’un bébé. Un petit garçon, un petit Gabriel. Un million de questions voudrait franchir la barrière de mes lèvres, mais je remarque que Tim est en train de trembler. Okay. Je suis censé être l’adulte ici, pas le faire paniquer plus de raison. Doucement, ma main vient se poser sur son avant-bras pour qu’il me remarque à nouveau. Mon regard attrape le sien et je lui souris quelque peu. « Tim, c’est ça ? » Il hoche la tête. « Respire. » Je prends une longue inspiration comme pour lui montrer l’exemple. J’exagère chacune de mes respirations le temps d’un instant, pour le garder avec nous, pour ne pas ajouter un patient à la liste. « Tout va bien se passer. Charlie est une battante, hein ! » Et je ne sais pas vraiment qui je tente de convaincre ici. Mon regard qui passe de Tim à Léo. Je dois le croire pour eux. Ne pas paniquer, rester calme, prendre le contrôle de la situation. Militaire mode. En douceur, j’entraîne Tim vers les sièges fixé au mur. « Je vais aller voir si je peux avoir des nouvelles des enfants, d’accord ? » Des enfants. Je n’en reviens pas. Tim reste assis et je me tourne vers Léo que j’ai clairement un peu trop ignorer depuis son arrivée. « Elle sera contente que tu sois là. Garde un œil sur lui, je reviens vite, d’accord ? »   

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La Terre tournait définitivement trop vite et la gravité n'avait pas l'air d'être sa grande copine à l'heure actuelle. Tous ces gens qui le regardaient, les proches de Charlie qui attendaient de lui quelque chose qu'il n'était pas en mesure d'offrir parce qu'il n'était qu'un grand gamin, Tim, qu'on ne l'avait jamais préparé à se lancer dans une telle aventure. Dans sa tête, il était sûrement encore le môme caché dans le placard qui tâchait d'échapper aux sévices d'une mère cruelle et là, on lui demandait d'être à la hauteur des voeux de sa sirène, celle qui devait être en train de vivre le moment le plus difficile de son existence et on lui interdisait d'être à ses côtés. C'était si cruel pour Decastel, qui n'avait toujours voulu que la soutenir, que lui offrir le monde à ses pieds et rien d'autre mais il avait clairement failli à la tâche, il devait au moins ouvrir les yeux à ce sujet. Et maintenant, il devait faire face à Cian et Léo en espérant avoir des mots suffisamment compréhensibles pour que les hommes ne veuillent pas courir à travers toute la bâtisse pour trouver des réponses inexistantes. Evidemment, l'oncle de Charlie était surpris, coi même et Tim lui-même n'était pas certain de la réalité de cette information qu'il donnait. Il avait une fille aussi, non? On lui avait laissé peut être une seconde pour la regarder avant de le pousser dehors parce qu'il fallait vérifier qu'elle allait vivre mais on le laissait dans le flou, là. Tout l'était et c'était invivable. "Je crois, oui... Une fille en plus de Gabriel. Je sais pas si j'ai rêvé, tout est allé si vite et puis Charlie s'est évanouie, on m'a poussé dehors, je sais pas..." Il était en train de passer une main fébrile dans ses cheveux et aller s'asseoir dans un coin du couloir n'avait pas l'air d'être une si mauvaise idée pour qu'il ne tape pas dans un mur qui n'avait rien demandé, d'angoisse. "Il va rien lui arriver, non, il peut pas lui arriver quelque chose, pas maintenant." Il se tint la tête entre ses mains, captant que Atwood allait chercher un membre du personnel pour en savoir plus. C'était sûrement vain vu tout ce que Tim avait tenté pour avoir le droit à plus de temps avec sa nouvelle famille. Il allait attendre sagement et recommencer à prier, ce qu'il n'avait pas fait depuis des mois, hochant la tête en attendant qu'on lui parle à nouveau. Qu'on lui assène que tout le monde allait vivre, qu'ils iraient tous bien.

C'est surréel. Rien n'a de sens. Tout se passe trop vite. Mon cerveau enregistre un mot sur deux de ce que Cian raconte. Mes yeux n'ont pas lâché ce garçon devant lequel nous sommes planté. Je suis certain que sa tête me dit un truc. Charlie me l'avait déjà montré en photo, mais il y a plus. Charlie qui n'est pas là. Charlie que je cherche des yeux en sachant très bien que je les ai vu l'emmener à l'autre bout du couloir. Elle est là, quelque part, derrière ces murs. Et personne ne nous dit rien. On ne sait rien sur son état, rien sur l'état de son bébé. Je refuse de la perdre quelque part, et surtout pas dans un endroit d'où elle pourrait ne pas revenir. J'irai la chercher en enfer, comme Orphée est allé chercher Eurydice dans l'antre d'Hadès.

Mon souffle se calme doucement, après la course, enregistre mal les informations données par Timothy, ce père désemparé, encore plus paumé que nous le sommes conjointement, Cian et moi. Le jeune homme semble à deux doigts de la crise de panique. Sa respiration siffle, et lui n'a pas tapé de sprint à travers les murs glauques de l'hôpital. Peut-être que c'est son cœur, qui joue les marathoniens, en silence. Sa panique pulse tout autour de lui comme un énorme cœur prêt à exploser. « D-Deux bébés ? », que je marmonne en fronçant les sourcils. Non, c'est impossible. Mon cerveau se débat entre le trop plein d'informations que contenait cette phrase. Charlie en chirurgie. Les bébés. Un garçon, une fille. Les mots de Cian ont marché sur les miens. Je m'accroche à sa surprise, tente d'enrayer le processus de panique qui se distille au goutte à goutte à l'intérieur de mon estomac, le rendant aussi lourd que du plomb. L'oncle de Charlie a le très bon réflexe d'aider Timothy a reprendre ses esprits, à lui montrer comment freiner l'hyperventilation qui guette, le prémisse du malaise, quand le corps se met en stand-by. Mes réflexes à moi ont probablement été absorbés par les murs qui semblent nous écraser, dans cet espèce de couloir.

Voilà que ma seule figure familière prévoit de se tirer, et je suis forcé d'opiner du chef lorsqu'il me confie la tâche de surveiller le jeune homme. Je reste un instant planté au milieu du couloir, alors que Cian mène doucement Timothy en direction des sièges d'hôpital. « Reviens avec des nouvelles, s'il te plaît. », que je murmure à Cian lorsqu'il passe à mes côtés pour aller se quérir de renseignements, le ton suppliant. D'un pas mal assuré, je me rapproche de Timothy, qui s'est choisi un coin pour s'asseoir. Avec lenteur, je viens me couler à ses côtés, le regard enfoncé dans la peinture blanche qui recouvre tous les murs - ces foutus murs que je voudrais percer de mes yeux. Je sais qu'elle est là, quelque part, et je crève d'imaginer des types en blouses blanches autour d'elle, en train d'éponger le sang dont elle se vide. Je refuse de la perdre elle, ma seule famille. « Elle va s'en sortir haut la main. C'est la femme la plus forte que je connaisse. » Je ne sais pas si c'est d'une aide quelconque. Parfois, le silence est plus adéquat. Mais ma bouche s'ouvre seule, les mots s'en échappent sans que ma conviction ne leur fasse barrage. « Peut-être même qu'elle va sortir de ce couloir, là-bas, en nous hurlant qu'on devrait pas parler d'elle sans elle. » Qu'elles me manquent, nos soirées pop-corn sans film, nos soirées canapé et tequila. « Vous avez de la chance. De vous avoir mutuellement. Elle m'a parlé de toi. » Comment n'avons-nous pas pris le temps de nous rencontrer avant ? C'est toujours dans la tempête que je semble me rendre compte de ce genre de trucs. « Gabriel, alors ? C'est vraiment un joli prénom. » Je tente de rester calme, moi aussi. Pourtant, j'ai envie de courir partout, de tout retourner dans l'hôpital. Ma jambe est prise de tressautements. On devrait être avec elle. Elle ne devrait pas se réveiller seule. Elle ne devrait pas connaître la panique de se réveiller seule. « Vous avez fait des stocks de couches ? » Trop marrant, Léo. Mais au milieu du stress, le mauvais humour, c'est tout ce qu'il me reste.

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Tim, Cian & co

Deux bébés. Je n’ai pas rêvé. Timothy vient de parler de deux bébés. Des jumeaux. Il doit se moquer de nous, ce n’est pas possible ?! Dans une autre situation, si tout, c’était bien passé, je me serais réellement demandé si le jeune homme était en train de nous faire une blague, mais vu la tête qu’il tire tout cela est bel et bien réel. Le brun est en train de trembler de la tête aux pieds tandis que j’échange un regard avec Leo. On a compris la même chose. Charlie a eu des jumeaux. Comment personne n’avait pu se rendre compte de cela ? S’il arrive quoique ce soit à cette petite fille, les médecins vont entendre parler de moi pendant des semaines et des semaines. Mais pour le moment, je tente de me concentrer sur le jeune papa qui devient de plus en plus pâle. En quelques minutes, on lui a enlevé la femme qui l’aime pour l’emmener en salle d’opération, on lui a enlevé son fils et sa fille dont il ne connaissait même pas l’existence. C’est beaucoup pour quelqu’un qui n’était pas préparé à tout cela, pour quelqu’un qui pensait avoir encore quelques semaines avant la grande rencontre. Je l’aide à s’asseoir et surtout lui demande de respirer. Charlie m’avait déjà parlé des crises d’angoisse du brun. Il faut qu’il respire. On n’a pas besoin qu’il finisse dans un lit d’hôpital lui aussi. Ce n’est pas le moment. Je tente de l’aider à s’apaiser, mais les questions ne cessent de s’enchaîner dans un coin de mon esprit et Tim finis par les exposer à voix haute. On se demande ce qui est en train de se passer, où est Charlie, où sont les petits. On a besoin de réponses. « Il ne va rien lui arriver. » répétais-je après Timothy sans pour autant rien lui promettre. J’aimerais tellement lui promettre que Charlie va arriver en riant et en hurlant qu’elle veut voir ses bébés, mais je n’en sais rien. Je voudrais qu’on me rende ma nièce sur le champ, mais personne ne vient nous dire quoique ce soit. Je décide donc de partir à la recherche d’informations.

« Reviens avec des nouvelles, s'il te plaît. » Je me tourne vers Leo et viens poser ma main sur son bras pour serrer un peu. Promesse silencieuse que je reviendrais avec toutes les informations que je pourrais. On ne peut pas laisser Tim dans cet état, il a le droit de savoir comment vont ses enfants. Je pars en direction de la porte d’où Tim est apparu. Je frappe sur le panneau en bois, mais rien. Impossible d’ouvrir la porte dans ce sens-là. Je continue mon chemin dans l’hôpital et finis par trouver un bureau d’infirmière. « Bonjour, je voudrais avoir des informations sur Charlie Villanelle et ses bébés. » Une dame d’un âge me lance un regard noir et m’aboie dessus. « Vous êtes ? » - « Son oncle ! Et vous avez intérêt à me donner des réponses très rapidement, vous avez laisser un père sans ses enfants, sans lui donner la moindre information. » C’est plus fort que moi, le ton monte. J’ai envie de le frapper. Il faut quelqu’un me dise où ils sont sinon je vais finir par casser quelque chose. La femme retourne à sa conversation avec sa collègue et je me tourne vers une blondinette un peu plus jeune et probablement moins conne. « Je veux juste savoir où sont les enfants. Des jumeaux… On ne savait pas pour la petite, je veux juste savoir si elle va bien… » Je veux juste avoir quelques choses à dire à Tim. Mais le silence persiste et je m’emporte. « RÉPONDEZ MOI ! » Et je sens une main se poser sur mon bras et alors que j’allais me dégager, mon regard croise celui de Matt.

 

Ma résolution 2020 aurait clairement dû être d'arrêter de courir dans les couloirs de l'hôpital. D'arrêter de faire des sprints entre les civières, entre les médecins, de bousculer les gens autant en les évitant qu'en leur fonçant dedans. J'avais pas le même cardio que du temps du lycée, je préférais crever de l'avouer, mais c'était impensable que j'allais pas finir par m'effondrer à faire mon jogging façon désespéré, me trompant d'étages comme le veut l'habitude, cherchant la moindre tête connue au passage.

Je suis à bout de souffle quand je tourne le bon coin, quand j'entends la voix de Cían au loin, quand c'est bon, je devrais me calmer. Me dire qu'il va me donner des infos, qu'il en veut autant que moi, et que tout sera clair et concis et précis, dans le moindre détail, parce qu'on est aussi paniqués lui que moi à l'idée que quelque chose se soit pas passé comme prévu. Il a certainement pas de plan de match aussi détaillé que le mien, à la seconde près, les exercices d'urgence qu'on a pratiqués avec Charles qui ont absolument servi à rien à voir comment tout s'est déroulé complètement à l'opposé des prévisions que j'avais ancrées si fort dans la tête de tout le monde que c'était le seul plan unique auquel je m'étais moi-même préparé.

Au fur et à mesure de mes pas vers mon ami par contre, là, mon sourire aussi précoce que rassuré disparaît dramatiquement. « Je veux juste savoir où sont les enfants. Des jumeaux… On ne savait pas pour la petite, je veux juste savoir si elle va bien… » y'a trop d'informations d'un coup, y'a trop de trucs qui se chevauchent, y'a trop d'éléments pour ma tête de con qui veut juste le résumé en une ligne, même pas deux, pour mon air d'idiot qui aurait juste besoin de savoir la fin et qu'elle ait été bonne, le reste j'en ai rien à foutre dans l'instant. « RÉPONDEZ MOI ! » ma main s'est posée instinctivement sur le bras d'Atwood, ça aurait presque pu avoir l'air d'un geste pour le calmer. Ça aurait dû être ça en vrai, parce qu'on crie pas dans des couloirs d'hôpital, parce que ça sert à rien de brusquer le personnel infirmier, parce que clairement, c'est pas en gueulant comme des déchaînés qu'on va recevoir des réponses ou même qu'il y a un lien de cause à effet entre notre rage commune et la santé de Charlie et des bébés - mais ouais, les bébés justement.

« Des jumeaux? » mais non, à la place, je m'incruste à côté de lui, à la place j'ajuste mon timbre de voix au sien, à la place, y'a pas juste un gars qui crie dans ce putain de couloir d'hôpital là, y'en a maintenant deux. « Des jumeaux?! » deux poules sans tête, deux gorges déployées, mais en vrai si vous me demandez, c'est clair que c'est ma voix qui porte le plus, c'est clair que j'ai été entraîné toute ma vie pour faire que ça, pour être aussi désagréable qu'insistant, aussi rageux qu'énervant. « Sérieux vous avez choisi le PIRE moment pour faire durer votre suspense de merde. »

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Tim, Cian & co

Je suis concentré sur l’infirmière en face de moi tentant tant bien que mal de lui arracher des informations lorsque j’entends un pachyderme descendre le couloir dans ma direction. Je n’ai même pas besoin de me tourner pour reconnaître les pas précipiter d’un Matt en pleine angoisse. Au moins, on sera deux. Et de suite, il vient se coller à moi pour former un mur d’yeux inquisiteur qui ne lâcheront pas le corps médical tant que l’on n’aura pas obtenu une réponse. Je serais capable de mordre. Je veux juste savoir comment va ma nièce et surtout comment vont ses bébés. J’vais devenir dingue si on ne me donne pas un petit truc auquel me raccrocher et j’ai un jeune papa à rassurer. À mes côtés, Matt hurle venant tout juste d’avoir l’information sur le fait que Gabriel avait décider de débarquer sur cette terre avec une petite sœur. « Gueule pas comme ça. On t’a fait une surprise ! » J’ai envie de rire tellement mes nerfs sont à fleur de peau. Clairement, je crois que nous avons tous été surpris et c’est une histoire que l’on va pouvoir raconter pendant des années aux enfants. Vous savez que le jour de votre naissance papi a hurler sur tout le monde et oncle Matt… Well il changera jamais celui-là, il sera toujours le poulet sans tête qui se tape les murs sans jamais vraiment comprendre ce qui se passe sous son nez. Heureusement, le brun se rallie à ma cause et on reprend notre jeu un peu bizarre qui consiste à fixer l’infirmière comme si on allait la mordre dans la seconde suivante. Heureusement, une petite jeune arrive, un sourire aux lèvres et s’adresse directement à nous. « Le petit garçon va très bien. On va surveiller sa sœur qui est un peu plus petite, mais ils vont bien. On les garde au chaud jusqu’à ce que maman revienne. » Maman. Charlie est une maman. Je crois que je vais avoir besoin de temps pour me faire à l’idée. Mais ils vont bien. « Merci. » dis-je en souriant. Un merci qui vient du cœur. « Le papa peut venir les voir. » Elle hoche la tête et je soupire de soulagement. J’attrape Matt par le poignet et le tire dans le couloir avec moi. « Charlie se fait opérer, mais on pense positif okay. Les gamins paniquent, j’ai pas besoin que tu le fasses aussi. » Et je sais que c’est le mood militaire qui ressort à plein régime, mais j’ai besoin d’être au contrôle de la situation. Je supplie Matt du regard pour qu’il envoie toutes ses bonnes ondes à ma nièce tandis que l’on rejoint Tim et Léo qui nous attendent comme le Messi. J’arrive avec le sourire, pour les rassurer du mieux que je peux. « Les petits vont bien, ils les gardent au chaud et surveille un peu… » Et je bloque. Elle n’a pas de prénom. « Ta fille. » dis-je finalement à Tim. « Mais elle va bien. Et tu peux aller les voir. »

 

Sa jambe frémissait contre le sol froid de l'hôpital. Tim avait la tête baissée mais les yeux clairement bien ouverts parce qu'il attendait, qu'il ne pourrait jamais trouver le repos tant qu'il n'aurait pas la moindre nouvelle de Charlie et des enfants. Dire que quelques heures à peine auparavant, il était encore au DBD à servir des boissons en essayant de ne pas se tromper entre les diverses commandes des clients. Tout s'était passé si vite et Decastel n'avait pas eu sincèrement le temps de se préparer à un tel revirement de situation. Il n'était pas seul cela dit car il sentait la présence du meilleur ami de Charlie à ses côtés, lui qui le rassurait tant bien que mal alors qu'on entendait au loin les rugissements du tonton de la belle sirène parce qu'il voulait être rassuré sur son état, lui aussi. Timothy tâchait de ne pas écouter parce qu'il avait peur des réponses qu'on leur offrirait, à cette troupe de garçons qui attendaient les nouvelles comme le Messie. Ils y survivraient parce qu'ils pouvaient tous se serrer les coudes, Léo le montrait en balançant sa plaisanterie sur la réserve de couches et Tim eut un léger rire en hochant la tête vers la négative. Non, ils n'avaient rien préparé, c'était à peine si Tim avait réussi à monter un berceau, et maintenant, c'était d'un deuxième dont il était question. Enfin, il l'espérait parce qu'il ne savait pas si leur fille avait survécu à son arrivée surprise au sein de ce monde. Bien vite, Cian était de retour aux côtés de Matt et il permit à Decastel de respirer légèrement mieux. Les bébés allaient bien, c'était déjà une chose, même si l'incertitude persistait concernant leur maman. "Et ma... Et Charlie?" Il déglutissait, se raccrochant au bras de Léo alors qu'il le connaissait à peine. Timothy n'allait pas flancher cela dit, il allait garder la tête haute en se relevant, aussi stablement que possible. "Vous venez les rencontrer avec moi?" Il avait beau être père, Tim restait ce garçon partageur qui désirait faire entrer tout le petit monde dans la chambre où on le laissa entrer, son regard se remplissant de gouttes d'eau salée alors qu'il déposait une main sur une de celles de chaque bébé et il était ému, forcément, car c'était ses bébés. Les enfants qu'il avait avec Charlie, l'amour de sa vie.

« Merci. » the fuck. Comment il fait pour être calme lui, comment il fait pour avoir l'air si cool, si chill tout d'un coup? Quand j'ai l'impression que mon coeur explose contre mes tempes, quand j'ai l'impression que tout explose contre mes tempes, n'importe quel organe en vrai, choisissez celui qui vous tente il a explosé de stress lui aussi. « Le papa peut venir les voir. » Tim est là? Bien sûr qu'il est là. Et j'étire la nuque, et je le cherche des yeux, je sais que Charles crèverait si Tim allait pas, du coup, ça devient ma seule et unique mission de m'assurer que si moi je suis tout sauf ok, lui, il l'est.

Y'a une main qui se pose sur mon bras, je sauterais presque, je ragerais presque si c'était pas celle accrochée à Cían. « Charlie se fait opérer, mais on pense positif okay. Les gamins paniquent, j’ai pas besoin que tu le fasses aussi. » pffff, facile à dire quand t'as l'air de sortir de 4 heures de yoga et de 6 heures de méditation. « C'est toi qui panique. Pas moi. J'suis so relaaaaax. » non Matt, personne y croit et toi encore moins. Mais j'inspire, c'est le mieux que je puisse faire. J'inspire et je lui donne l'air le plus calme que j'ai en banque. Y'a un sourire forcé qui s'y ajoute et un oeil aussi stressé que possible, mais au moins je crie pas. C'est déjà ça.

Et il est là Tim, enfin. « Les petits vont bien, ils les gardent au chaud et surveille un peu… ta fille. » Atwood s'est transformé en guide touristique là, à nous cibler tous les attraits - le seul - dans cet hôpital qui pourrait nous intéresser. « Mais elle va bien. Et tu peux aller les voir. »  une fille. Un garçon. Des jumeaux. On avait une liste complète d'idées de prénoms pour le p'tit gars, on avait tout choisi c'était réglé, bouclé. Et oui, je m'inclus dans le processus de choix, qui ça étonne. Mais une fille, une fille - va falloir que je retourne sur Etsy, va falloir que je rachète tout en double, va falloir que je choisisse du jaune, pas du rose, pas assumer qu'elle aime le rose, surtout pas, et je flippe, et ça recommence, et ça monte, et - "Et ma... Et Charlie?" Charlie. J'inspire. Cían l'a dit, on panique pas Matt, on ne panique plus. "Vous venez les rencontrer avec moi?" et il est vigoureux mon hochement de tête de la positive. Il l'est tellement que j'aurais pu me disloquer un truc dans la nuque, c'est sûr.

L'oncle de Charlie revient déjà, aux côtés de Matt. Quelque chose me dit que la tension n'est pourtant pas prête de redescendre tout de suite, pas alors que Tim semble lui-même sous le point de craquer sous le poids du stress. « Les petits vont bien, ils les gardent au chaud et surveille un peu… ta fille. » Je respire un peu, mais pas assez à mon goût. Qu'en est-il de Charlie ? C'est d'elle dont je veux des nouvelles en premier. Elle est maman de deux bébés. Deux. « Mais elle va bien. Et tu peux aller les voir. » Et Charlie. Et Charlie ? Je m'en fiche, des bébés, tant que je n'ai pas de ses nouvelles à elle. « Et ma... Et Charlie? » Ma main se pose par dessus celle de Timothy, qui serre mon bras comme on serre une branche au milieu d'une rivière en crue. « Elle est forte. On pourra probablement la voir très bientôt. », que je souffle en essayant de le rassurer comme je le peux. C'est moi-même, en fait, que je tente de rassurer. Le cœur au bord des lèvres, je guette tour à tour Matt et Cian.

« Vous venez les rencontrer avec moi? » Consensus général : nous allons rencontrer les bébés, Timothy en tête de cortège que je soutiens d'un bras. Ce n'est plus le moment de paniquer. Mais est-ce qu'on peut vraiment faire ça sans Charlie ? Je suis à deux doigts de demander de ses nouvelles, de passer pour un forceur ou pour un égoïste. Mais la panique, c'est très, très contagieux. Je respire un grand coup, alors que nous passons dans cette pièce qui sent littéralement le bébé. C'est drôle, comme l'odeur est caractéristique. Timothy est autorisé à s'approcher plus que nous, à toucher les bébés. Ils sont beaux, les nouveaux-nés. Ils sont petits. « On dirait des petites crevettes. » C'est leur nouveau surnom officiel. "La paire de crevettes". J'espère que personne ne prendra ma remarque pour un vilain commentaire. C'est tout sauf ce que c'est. « Mais de trop belles crevettes, hein. », que je souligne, comme si c'était nécessaire. Tais-toi, Léo. Et mes yeux se tournent vers Cian et Matt. Eux doivent savoir. Ils sont ceux qui étaient le plus proche d'obtenir des renseignements concernant Charlie, en plus de celles sur les bébés. « Et Charlie ? », que je marmonne entre mes dents, en laissant filer le -i un moment, tout bas.

i stand behind my decision to panic

Tim, Cian & co

« C'est toi qui paniques. Pas moi. J'suis so relaaaaax. » Et s’il n’était pas mon ami, j’aurais aimé frapper Matt pour qu’il se taise juste une seconde. Personne ne te croit Matt. Tu n'as pas besoin de jouer un rôle ici, pas avec moi. Il a tous les droits de paniquer, mais pas plus que moi, pas quand c’est toute ma vie qui se retrouve sur une table d’opération. Mais je ne dis rien, parce qu’il est mon ami, parce que je sais à quel point, il tient à elle et qu’il ne veut que du bien. Il ne sait juste pas vraiment gérer les crises le petit poulet sans tête. J’inspire et croise son regard. « Panique dans ta tête Matt. » Panique en silence. S’il te plaît.

Je sais que je parais détacher de tout, complètement froid et distant, mais c’est mon meilleur moyen de survie. Je mets en œuvre tout ce que j’ai appris pendant des années. On se détache de tout. On analyse, on prend la distance, on aura le temps de pleurer plus tard. Il faut rassurer, il faut amener des nouvelles rassurantes et c’est ce que je tente de faire. Mais tout le monde se raccroche à moi, on me pose trop de questions à la minute alors que je voudrais m’asseoir dans un coin et hurler jusqu’à ce qu’on nous ramène Charlie saine et sauve. Puis mon regard croise celui de Timothy et je comprends que je dois garder la tête sur les épaules. Je le rassure sur ses enfants. Je n’ai pas le temps de répondre quoique ce soit de plus, que d’un mouvement unique, on part en direction de la pouponnière. Tim doit voir ses enfants, il doit être là pour eux. Je suis le mouvement de manière robotique, je sens Léo qui s’agit à mes côtés. Je les laisse entrer dans la pièce, je reste à la porte. Je suis incapable d’aller plus loin. Je ne les verrais pas tant que Charlie ne sera pas là. Je refuse. C’est idiot, c’est égoïste, c’est tout ce que vous voulez, mais je n’avancerai pas plus. Elle est celle qui doit voir ses enfants en premier. Et Léo vient me souffler la question qui lui brûlait les lèvres depuis de longues minutes déjà. « Ils s’occupent d’elle, c’est tout ce que je sais. » C’est tout ce que je sais, et ça me rends fou. « Mais ça va aller. » Hein Léo ça va aller ? Je sens que mes mains commencent à trembler et croise les bras sur mon torse alors qu’un des bébés se met à pleurer.

Et c’est là quelques minutes après. « Cian Atwood. » Je n’ai jamais réagi aussi vite. Je me tourne et me retrouve face à un médecin le sourire aux lèvres. C’est bon signe non. « Votre nièce va bien. » Et le soulagement me fait frissonner de la tête aux pieds. « Elle a perdu une grosse quantité de sang, on va la surveiller encore quelques heures et lui laisser le temps de se réveiller. » Je hoche la tête incapable de parler sous peine de fondre en larmes comme un gamin. Je laisse les autres gérer cette fois.

 

Il aurait dû être rassuré parce qu'il était avec ses enfants, que chacun d'eux avait survécu et était en bonne santé mais il y avait une part de Tim qui paniquait encore et toujours. Il tâchait de faire taire son angoisse mais elle lui hurlait dans les oreilles parce qu'il sentait qu chacun des hommes à côté de lui y pensait aussi. A Charlie. Comment allaient-ils tous survivre sans elle? Il y avait clairement un consensus à ce sujet, ils n'y arriveraient pas parce qu'elle était le lien qui les avait tous amenés ici et que sans elle, aucun d'eux ne subsistait correctement. En tout cas, Timothy s'en rendait compte maintenant qu'il était sur le point de la perdre parce qu'il avait été bête de croire qu'il avait tout le temps du monde pour retourner vers elle, au contraire, il n'avait pas une seconde à perdre en réalité. Du jour au lendemain, on pouvait tout vous retirer et là, le destin lui lançait un message clair: Charlie pouvait partir, le laisser là avec les enfants, l'abandonner, lui et les autres, ne plus revenir et les bénir de son sourire. Il avait les larmes aux yeux, Decastel, alors qu'il touchait ses enfants et tout le monde pourrait mettre ces gouttes salées sur le compte de l'émotion de devenir père mais il y avait aussi cette peur latente qui ne le quittait pas. Il respirait comme il le pouvait mais au fond, il attendait simplement qu'on le rassure sur Charlie et ce fut à ce moment précis qu'une personne de l'hôpital s'adressa à Atwood pour annoncer qu'elle allait bien. Timothy aurait pu s'écrouler à terre mais un miracle le fit rester debout, sur ses deux jambes tremblantes, alors qu'il tournait la tête pour croiser le regard de l'oncle de Charlie. Au final, il avança et s'effondra dans ses bras, sentant que Cian était aussi ému que lui de cette annonce parce qu'il avait eu si peur lui aussi. Ils avaient tous si peur et les yeux de Tim voyageaient vers ceux de Léo et de Matt pour les remercier d'être présents, de ne pas l'avoir lâché alors qu'ils ne le connaissaient pas vraiment. Maintenant, ils étaient tous liés par ce drame qui les marquerait pour l'éternité et le brun n'oublierait jamais que chacun d'eux l'avait sauvé. Chacun à leur manière.

i stand behind my decision to panic

Tim, Cian & co

Je voulais être un roc sans failles pour tout le monde. Je voulais faire face pour les autres hommes présents dans la pièce. On retient tout notre souffle en attendant d’en savoir plus sur l’état de santé de Charlie. On respire difficilement, mais en rythme. On s’inquiète pour la même personne. Sans le vouloir, ce sont eux qui m’aident à tenir, à ne pas flancher. Alors, je reste en retrait, j’observe de loin tandis que Tim découvre ses enfants. Je retiens mon souffle trop longtemps. Tellement que lorsque le médecin appelle mon nom, j’ai l’impression d’avoir couru un marathon tant je suis essoufflé. Je me raccroche aux mots de l’homme face à moi et lorsque le couperet tombe, lorsqu’il nous apprend que Charlie est sorti d’affaire, mon cœur s’arrête avant de repartir dans un rythme effréné. Ma nièce va bien, on va la revoir, elle va pouvoir serrer ses enfants contre elle. Tout ira bien. Le soignant m’apprend qu’elle va avoir besoin de se reposer et je hoche la tête incapable de prononcer le moindre mot. Qu’elle se repose tant qu’elle veut, on la verra après on la serrera contre nous après. Elle va bien, c’est tout ce que je retiens tandis que je me mords la lèvre pour ne pas laisser les émotions prendre le dessus. Je n’ai pas le temps de me tourner vers les autres que Tim se jette sur moi et m’empoigne dans une étreinte qui veut tout dire. Je le sens trembler contre moi et passe mes bras autour de ses épaules. Lui aussi, il peut de nouveau respirer. Et si j’avais un doute sur sa relation avec ma nièce, je suis désormais rassuré. Je ne sais pas ce qui se passe réellement entre eux, mais il n’aurait jamais réagi de cette manière s’il ne tenait pas autant à elle. Je lui fais confiance. « Ça va aller. » dis-je doucement, la voix encore tremblante. Je tapote son dos dans une vaine tentative viril tandis qu’il se redresse. Je passe rapidement mes mains sous mes yeux. Non, je ne vais pas pleurer et pourtant je renifle quelque peu. « Tu veux aller la voir ? » Parce qu’il restera la priorité devant nous tous. « On reste avec les crevettes. » Oui, parce que je veux les voir maintenant. Il est temps que je laisse mon rôle d’oncle complètement paniqué pour entrer pleinement dans un rôle tout nouveau : le papi gâteau. Autant dire que je préfère ce dernier. Je souris à Tim. « Vraiment ça va aller. » J’en suis convaincu désormais.