La nuit à fini par tomber sur Brisbane.

J’ai déjà tourné dans cette rue. Je crois. Une fois ou deux, je ne sais plus vraiment. J’ai perdu le compte. La police a pris ma plainte, mais elle est la mère d’Ailis. Elle n’a pas été déchue de ses droits. Alors, elle a simplement récupéré sa fille à la crèche pour eux. Qu’importe qu’elle n’est pas pensée à me prévenir, qu’importe qu’elle est disparue pendant plus de six mois. Ailis est sa fille aussi, point final. Et moi, je suis un père qui est en train de perdre l’esprit. J’ai hurlé sur Martin, hurlé encore plus fort sur le commissariat et c’est probablement Sullivan qui a fini par me sauver la mise. Je n’en sais trop rien. Charlie a tout tenter, mais je l’écoutais à peine. J’aurais dû l’écouter, rentrer chez moi, prendre le temps de me reposer et repartir à la recherche de ma fille le lendemain. J’ai repris ma voiture en direction de l’appartement avant de faire demi-tour. Sur la plage, j’ai cherché des yeux Eavan. Je me suis donné espoir encore une fois. Observer l’Océan m’a serré le cœur au point de m’en filer la nausée. Je suis reparti en ville. Je ne sais plus vraiment où j’ai garé ma voiture, je l’ai abandonné quelque part, pour parcourir les rues que l’on avait pour habitude de fréquenter. Mais l’heure tournait et la nuit est tombée. Elle est maligne Eavan, elle ne serait pas dans les rues de Brisbane à cette heure-ci avec une petite fille de tout juste un an. J’ai voulu appeler Thomas, mais mon téléphone n’avait plus de batteries. Je me suis perdu dans Brisbane et j’ai atterri devant cette porte. Comme par hasard, comme si mes pas avaient fini par me pousser jusque-là.

Je ne sais combien de temps, je suis resté devant le panneau de bois à peser le pour et le contre. Ma montre affiche une heure du matin bien passée. Je vais probablement lui faire peur, mais je ne sais plus où aller, j’ai la nausée et je commence à avoir froid. Alors, je frappe. Un coup faible. Puis bien plus fort, a répétition. J’entends du bruit, vois de la lumière qui s’allume à l’étage. Puis une voix de l’autre côté de la porte. « Oakley, c’est moi. » Elle me reconnaîtra, je sais. Je l’espère. J’ai besoin qu’elle m’ouvre sa porte.

@oakley jensen

La journée a été plutôt fatigante. J’ai passé plusieurs heures au studio de danse avant d’aller faire quelques courses pour la maison, sachant que Isaac n’aurait sûrement pas eu le temps. Il travaille toujours comme un forcené et dès que je le peux, j’essaye de l’aider un maximum avec la maison, même si je vais bientôt partir. J’ai visité de nombreux appartement au cours des dernières semaines, espérant pouvoir trouver quelque chose d’assez grand pour pouvoir y aménager avec Dorian, mon meilleur ami. Il vit en ce moment chez son patron, Ezra, et lorsqu’il m’a appris cela il ne m’a pas fallu longtemps pour lui proposer que l’on se trouver quelque chose ensemble. Dorian et moi nous connaissons depuis des années et je suis certaines de d’avoir un appartement ensemble ne serait pas du tout un problème. Ayant donc fini par en trouver un qui nous plaît à tous les deux, j’ai commencé à faire des cartons. Au cours des derniers mois chez mon frère, j’avais commencé à acheter des décorations, des trucs qui me faisait me sentir un peu plus chez moi, et c’est donc tout cela qu’il fallait que j’emballe. Ce soir je suis pourtant trop fatiguée pour emballer quoi que ce soit. Je me réchauffe un bout de pizza, me sers un verre de vin et m’installe sur le canapé sous un plaid. Je lance un film de Noël, un de ses films complètement cucul, mais qui me font toujours verser quelques larmes à la fin. C’est sur le coup de vingt-trois heures que je vais me glisser dans mon lit, m’endormant presque immédiatement.

Je suis réveillée en sursaut par des coups répétitifs frappé à la porte. Je jette un coup d’œil à mon réveil qui annonce une heure du matin. Je me frotte les yeux mais les coups ne s’arrêtant pas, je finis par me lever, enfilant rapidement un pull à capuche par-dessus le seul t-shirt que je porte comme pyjama. L’espère de quelques secondes mon esprit se met à imaginer qui peut bien tambouriner comme cela à la porte, et David vient à mon esprit. Ce n’est que lorsque la voix de Cian s’élève derrière la porte que je sens mes épaules se détendre. « Oakley, c’est moi. » Je viens alors ouvrir la porte d’entrée. Que fait-il là à une telle heure ? « Cian… Qu’est-ce que tu fais là ? » Je bâille légèrement et il ne me faut que quelques secondes pour me rendre compte que quelque chose ne va pas. Il a les yeux rouges, les traits tirés, et il ne m’en faut pas plus pour m’inquiéter. « Qu’est-ce qui se passe ? Tout va bien ? » Question conne bien sûr. Je viens doucement poser ma main sur son bras. « Viens, entre. » Je le laisse entrer et le suis au salon. Que se passe-t-il pour qu’il soit dans cet état-là ? Mon ventre se tord d’inquiétude.

Je ne sais pas ce qui m’a mené jusqu’ici. L’instinct, la fatigue ou une simple coïncidence ? J’ai du mal à me souvenir du parcours emprunter tant j’ai erré dans les rues du quartier à la recherche du moindre indice, à me poser toutes les questions du monde pour tenter d’y trouver un éclair de génie. Le prénom d’Eavan qui m’obsède, ce visage que je ne pensais jamais revoir et surtout Ailis qui doit être si désorienté à l’heure qu’il est. Je m’imagine le pire, le regard vriller sur cette porte que je reconnais entre mille depuis peu. Est-ce qu’elle a un endroit pour dormir ? Est-ce qu’elle a pu manger ce soir ? L’idée même que tout cela n’est pas été accompli dans son bien ultime me rends fou de rage. Et c’est là que je prends la décision d’aller frapper chez mon amie. Je ne peux plus rester tout seul ou je manque de faire une connerie. Il faut que l’on me ramène sur terre.

En rien, je n’ai conscience qu’il est vraiment tard et que je tambourine comme un forcené sur cette porte depuis de longues minutes déjà. Je ne pense à rien si ce n’est le fait que j’ai besoin de voir un visage connu. Pourtant, je la ressens cette hésitation de l’autre côté de la porte, mais dès que je m’annonce, le verrou tourne pour laisser apparaître le visage de mon amie. « Cian… Qu’est-ce que tu fais là ? » Un haussement d’épaule en guise de réponse, je crois que je n’ai plus les mots tant je me sens à bout de souffle. « Qu’est-ce qui se passe ? Tout va bien ? » La tête qui vacille de tous les côtés pour dire que non. « Non ça va pas. » Ça ne va pas du tout même, mais le prononcer encore une fois à voix haute, c’est trop. « Viens, entre. » Dès l’instant où la porte se referme derrière moi, je comprends que les recherches sont finies pour ce soir, que j’ai échoué dans mon rôle. Je ne sais pas où est Ailis et l’idée même me renvoies dans un état de panique que je ne me connaissais plus. « Je sais pas où elle est. » Et c’est le pire des cauchemars.

J’hésite. La personne de l’autre côté de la porte tambourine comme un malade, et d’un coup j’ai peur. Peur de qui pourrait se trouver derrière cette porte, peur de ce qu’il pourrait se passer si je l’ouvre. J’hésite même à aller prendre le téléphone pour appeler la police. Ce n’est que lorsque je reconnais la voix de Cian que je soupire de soulagement. Tu es ridicule Oakley, je me dis avant de venir déverrouiller la porte. Il me faut quelques secondes pour me rendre compte que quelque chose ne va pas. Il a l’air inquiet, paniqué, perdu mon ami qui débarque devant ma porte. Je deviens alors inquiète moi aussi. Que se passe-t-il pour qu’il débarque à une telle-heure ? C’est sûrement grave, sinon il aurait attendu le lendemain. Je viens poser ma main sur son bras et l’attire à l’intérieur. J’ai horreur de la voir comme cela, de le voir avec cet air si désemparé. J’ai l’impression que son monde c’est effondré sans que je sache vraiment ce qu’il se passe. « Non ça va pas. » Au moins la réponse est claire et précise. J’ai envie de le prendre dans mes bras, mais je ne le fais pas, passant juste de l’autre côté du bar de la cuisine pour lancer de l’eau à chauffé pour lui servir un thé. Je garde cependant mon regard sur le châtain.

« Je sais pas où elle est. » Je fronce les sourcils. De qui parle-t-il ? « Quoi ? » Réveille toi Oakley, Cian a besoin de toi. Je me frotte un peu les yeux. Il n’y a qu’une seule personne qui peut le mettre dans cet état. Soudain, c’est comme si mon cerveau fait la connexion. « Ailis… » Je murmure alors pour moi-même. Ailis a disparu. Je reviens tout de suite près de mon ami, le cœur serré. « Qu’est-ce qu’il s’est passé Cian ? » Je lui demande en venant prendre sa main dans la mienne. Hors de question que je le laisse seul dans cette situation, même si je ne suis surement pas d’une grande aide. « Tu as appelé la police ? » Bien sur qu’il a sûrement déjà du contacter la police. Mais comment une fillette de même pas un an peut-elle avoir disparu comme ca, d’un coup ? Je viens alors poser doucement ma main sur la joue de Cian. « On va la retrouver d’accord ? Ca va aller… » Du moins je l’espère, je l’espère vraiment. Je viens alors serrer le châtain dans mes bras, sans hésiter, sans même réfléchir. Je n’ose même pas imaginer ce qu’il doit ressentir, comme il doit flipper. Sa petite fille a disparu… Rien que de penser à cela j’en frissonne. « J’te laisse pas… » Parce que tout ce que je peux faire pour le moment c’est être là pour lui, faire mon maximum pour le rassurer, faire tout pour lui.

« Quoi ? » Cette simple question me met hors de moi. Déconnecter de ce qui m’entoure, il me paraît aberrant qu’elle ne comprenne pas immédiatement ce à quoi je suis en train de faire référence. Je ne sais plus vraiment si venir ici était une sage décision, mais mes pas m’ont porté jusque devant chez elle, le reste ne fait plus tant sens. Encore moins lorsque je l’entends murmurer le prénom de ma fille. Elle sait, l’importance de la petite dans ma vie, tout ce que j’ai fait pour elle depuis le départ de sa mère. Oakley est en capacité de comprendre, elle qui m’a tant aidé durant ces six derniers mois. « Qu’est-ce qu’il s’est passé Cian ? » « Eavan l’a récupéré à la crèche, je… Je savais même pas qu’elle était de retour. » Et cette colère sourde qui ne cesse de monter par vague à l’idée même que mon ex-compagne est pu faire une chose pareille. Amos m’avait mis en garde, je ne l’avais pas pris au sérieux, persuader que jamais Eavan ne voudrait retrouver cette vie qu’elle c’était empresser de quitter sans jamais se retourner.

Comme un lion en cage, je tourne en rond tentant d’apaiser mon esprit, m’en sentant bien incapable lorsque Oakley ne cesse de m’abrutir de questions. « Tu as appelé la police ? » « Non, non, j’ai préféré aller faire la fête ! » A cet instant précis, j’oublie. Tout. Les violences qu’elle a pu subir, comment David pouvait agir avec elle. J’oublie et elle prend pour les autres, elle amassera cette colère que j’ai cruellement besoin d’extérioriser avant de devenir de dingue. « On va la retrouver d’accord ? Ça va aller… » Sa main sur ma joue me dérange. Ses bras, qui s’enroulent autour de mes épaules, me donnent envie de hurler. « Me touche pas… » Les mots sont durs, les gestes tentent de rester dans la maîtrise alors que je m’éloigne. Il ne faut pas qu’elle me touche, pas dans ces moments-là, pas alors que je ne saurais probablement pas contrôler le prochain accès de colère. Elle ne connaît rien de tout cela Oakley, elle ne m’a jamais vu dans cet état. Le Cian qui se laisse bouffer par l’instant, qui laisse ressortir des années d’angoisse profondément enfouie et qui ne sait les exprimer que par la colère. « J’te laisse pas… » Si laisse-moi. Non reste. L’ambiguïté de mes désirs, me fait rire d’un de ces rires jaunes. Je voudrais frapper dans quelque chose, hurler à plein poumon. Mon corps tout entier cherche le contrôle, poing serré, regard noir. Prêt à exploser aux moindres faux pas. « Je sais pas pourquoi je suis venu ici. » Et tout me dit que c’était une mauvaise idée pourtant, je reste figé sur place, a garder le contrôle, a ne pas exploser de trop.

Il me faut un peu de temps pour comprendre vraiment ce qu’il se passe. D’habitude, je capte plutôt vite, mais l’heure tardive m’embrouille encore le cerveau. Ce n’est que quand je comprends que sa fille a disparu que j’ai l’impression d’être d’un seul coup réveillé. Cette nouvelle me donne l’impression de recevoir un vrai coup de jus. Mon cœur se serre dans ma poitrine et j’espère qu’il n’est rien arrivé à la fillette. Je prends mes esprits et m’approche du châtain pour lui demander ce qu’il s’est passé. « Eavan l’a récupéré à la crèche, je… Je savais même pas qu’elle était de retour. » Lui qui espérait ne jamais la revoir, voilà que maintenant elle lui enlevé sa fille, après tant de temps. Une once de colère se lève en moi et je vois bien que lui aussi est en colère. Je tente de nouvelle questions, histoire d’en savoir un peu plus sur la situation, mais à vrai dire ce n’est peut être pas le meilleur moyen de gérer la chose. « Non, non, j’ai préféré aller faire la fête ! » Un léger mouvement de recul de ma part avant que je ne me rappel que je suis face à Cian. Je sais qu’il est en colère, que je n’aide peut-être pas vraiment mais il ne me ferait jamais… Pas vrai ? Je viens alors doucement poser une main sur sa joue, tendant de le rassurer, de lui dire que ça ira, qu’on la retrouvera, mais je ne suis sur de rien. Je viens doucement passer mes bras autour de ses épaules.

Le châtain me repousse. « Me touche pas… » C’est la gorge serrée que je me recule. Quelques pas en arrière et je m’appuie contre le bar qui donne dans la cuisine. J’aimerais savoir quoi dire, quoi faire pour apaiser mon ami, pour retrouver sa fille et être sûr que cela ne se reproduise plus. Comment est-ce que je peux trouver les bons moments alors qu’on vient de lui enlever sa fille, qu’il ne sait pas ou elle et son ex sont. Je lui dis alors simplement que je ne l’abandonne pas, que je reste avec lui, mais il ne s’apaise pas le moins du monde. Ses poings serrés, son regard noir… Je n’ai jamais vu Cian comme cela, et à vrai dire, il me fait un peu peur. J’ai envie de croire que c’est la situation qui le rend ainsi, qu’il ne me ferait jamais de mal, parce que je le connais, mais une petite partie de moi et terrifié. « Je sais pas pourquoi je suis venu ici. » Je le regarde, perdue à mon tour et me sentant complètement impuissante. « Je… » Mais je n’arrive à rien dire, je ne trouve pas de mots. Je saisis alors mon portable. « Est ce que… Est-ce que tu veux que j’appelle quelqu’un ? » Je lui demande, avançant d’un pas vers lui. « Je connais un flic, plus ou moins… Elias. Peut être qu'il pourrait aider. » Cet homme que j’ai rencontré par un ami en commun et avec qui j’ai passé une nuit il y a quelques mois. Je sais cependant qu’il est flic, alors peut être qu’il pourrait aider. Je ne sais pas quoi faire d’autre.

Elle fait de son mieux la jeune femme lorsqu’elle tente de comprendre ce que j’avance à vitesse grand V. Perdu dans mon angoisse depuis des heures, je ne réalise en rien qu’il est tard, qu’elle devait dormir et qu’il lui faut un certain temps pour enregistrer toutes les informations que je distille au compte-goutte sans jamais respecter un véritable ordre chronologique. C’est dans sa nature à Oakley, de vouloir être proche des gens qu’elle aime. Alors dans son instinct le plus primaire, elle cherche un contact physique avec moi. Si tout cela n’avait pour but premier que de me rassurer, c’est presque violemment que je m’éloigne d’elle. Il vaut mieux qu’elle ne me touche pas, s’il m’arrive d’être tactile parfois, lorsque mes nerfs sont mis à rude épreuve, il vaut mieux imposer de la distance. Trop pris dans la tempête qui fait rage, je ne remarque pas son regard qui change, ses pas qui l’éloignent de moi. Égoïstement, je n’attendais que cela, qu’elle me laisse de l’espace. Alors pourquoi je suis venu ici ? Je n’en sais strictement rien. Probablement parce que je devenais dingue seul dehors. Je ne cessais de tourner en rond sans savoir où aller, sans savoir quoi faire de la prochaine étape. Il faut que je respire sinon je vais hurler. Je le sens… Le point de retour est juste là, tapis dans le noir, à attendre la moindre excuse pour sortir en fanfare. « Je… » Elle balbutie autant que moi Oakley. La plus sage des décisions serait de partir avant de faire ou dire quelque chose que je regretterais plus tard, mais je reste là, planter au milieu de son salon. « Est ce que… Est-ce que tu veux que j’appelle quelqu’un ? » Qui ? Thomas… Il est trop tard et il a ses enfants. Hors de question de rappeler Charlie qui doit déjà assez s’inquiéter comme ça. Chloe ne doit pas être dans les parages. Alors je ne sais pas. Rien ne semble réellement utile. « Non… Non juste… Deux minutes. » Laisse-moi deux minutes et tout ira bien. Enfin, je crois. Je ne sais plus vraiment. « Je connais un flic, plus ou moins… Elias. Peut être qu'il pourrait aider. » Une nouvelle fois je secoue la tête à la négative. « Je suis déjà allé voir la police. » J’y ai trouvé Charlie et ses conseils. Charlie et ses collègues qui ont tout fait pour me venir en aide, mais qui m’ont bien rappeler une chose, légalement Eavan est la mère d’Ailis. « Il pourra rien faire, elle est sa mère. » Et c’est probablement la pire chose qui puisse exister à cet instant précis.

Fatigué, à bout de nerf et sur le point de craquer, je m’autorise à me laisser tomber sur le canapé. Recroquevillé sur moi-même, le visage enfoui entre mes mains, je tente de ne pas céder quand en réalité tout semble se fissurer de toute part. Pourquoi est-ce qu’elle ne me répond pas ? Et surtout où peut-elle bien être ? « Je lui aurais pas interdit de la voir. » C’est sûrement ça le pire. Comme un con, je lui aurais laissé l’occasion de voir sa fille, en surveillant toujours un peu, mais elle a choisi d’agir dans mon dos. « Elle a pas le droit de me la prendre comme ça. » Et cette fois, il n’y a plus de carapaces qui tienne, les vannes s’ouvrent sans que je ne le contrôle réellement.

L’espace de quelques minutes, mon cœur s’accélère dans ma poitrine, mon corps se tends et j’ai cette impression de déjà-vu. J’ai cette peur au fond de moi, cette peur de la colère qui émane de Cian. Je dois me rappeler de respirer doucement pour ne pas me mettre à paniquer, pour ne pas m’éloigner plus que je ne le fais, pour ne pas aller m’enfermer dans une pièce. Je me répète doucement qu’il n’est pas David, qu’il ne serait jamais lui et qu’il ne serait pas capable de me faire du mal, même énervé. Je veux y croire, et même si à cet instant tout me dit le contraire, je ne veux pas l’imaginer comme mon ex. Mais heureusement, il n’a pas l’air de le remarquer le châtain, que j’ai du mal à respirer, que mes mains se tordent nerveusement et qu’il me faut quelques minutes avant de reprendre mes esprits et d’après mon téléphone. Il me faut un peu de temps avant de trouver quoi dire, avant de lui proposer d’appeler quelqu’un. Peut-être quelqu’un qui saurait quoi faire, quoi dire pour le calmer, pour le rassurer. « Non… Non juste… Deux minutes. » Je ne réponds rien, me contenant d’hocher la tête tout en gardant inconsciemment mon téléphone dans les mains. Je tente de lui parler d’Elias, ce flic que je connais un peu et qui pourrait peut être aider un peu. « Je suis déjà allé voir la police. » Une nouvelle fois, j’hoche simplement la tête. « Il pourra rien faire, elle est sa mère. » C’est vrai qu’il m’a parler de faire un ‘restraining order’ mais qu’il n’a sûrement pas eu le temps de le demander.


Et soudain, il semble à bout Cian, à bout de force, à bout de tout et il se laisse tomber dans le canapé. Incapable de bouger jusqu’à maintenant, je m’avance alors un peu vers lui, gardant pourtant encore mes distances. « Je lui aurais pas interdit de la voir. » Je ne la ne connais pas Eavan, pas vraiment du moins. Je l'ai croisée à quelques occasions, mais je n’ai jamais accroché avec elle, je n’ai jamais eu d’affinité et vu ce que j’ai entendu sur elle ensuite, je ne la porte pas vraiment dans mon cœur. « Je sais… » Je réponds simplement, même pas sur qu’il ne m’entende. « Elle a pas le droit de me la prendre comme ça. » Et il craque complètement. La tête dans les mains il est impuissant. Je n’ai jamais vu Cian comme cela, je ne l’ai jamais vu aussi vulnérable, aussi fragile et encore une fois, j’aurais aimé venir le serrer dans mes bras. Je me contente pourtant de venir m’asseoir face à lui, sur la table basse. « On va la retrouver Cian… » La vérité c’est que je n’en sais rien, je ne peux pas le deviner, mais j’ai envie d’y croire. Après tout ce qu’il a fait pour Ailis, il mérite d’avoir sa fille. « On va trouver des gens qui peuvent nous aider et on va la retrouver… » Il doit y avoir une solution. « Elle l’a abandonné. Après tant de temps elle peut pas te la prendre comme ca… On va trouver une solution. » Je ne laisserais pas Cian perdre sa fille. Peut-être qu’Isaac connaît des avocats, ou des gens des services sociaux, des gens qui pourraient voir la vérité.

Tout semble flou autour de moi. Tout s'emmêle, se mélange et m'oppresse. Ma tête tourne dans un flot continu et assailli de questionnements et de craintes. Je voudrais me réveiller de ce cauchemar qui semble sans fin. La sensation de tourner en rond me colle à la peau, la voix d'Oakley n'est plus qu'une présence lointaine dans tout ce bourdonnement. La jeune femme passe tellement au second plan qu'en rien, je ne remarque ces gestes craintifs, en rien, je ne capte son regard légèrement apeuré. Égoïstement, c'est ma douleur qui prime. Pris dans le tourment des événements, je tente tant bien que mal de garder la tête haute quand en réalité, il ne faudrait qu'un grain de sable supplémentaire pour tout faire vriller. Eavan paiera de ses actions, elle qui nous a lâchement abandonnés pour mieux revenir comme une traîtresse. Je lui aurais tout accorder si elle me l'avait demandé, avec méfiance certes, mais jamais je ne lui aurais interdit de voir Ailis. Probablement encore bien ficeler dans son filet, je lui aurais probablement proposé une solution à l'amiable, quelque chose qui ne priverait pas la petite de sa mère. Une fois encore, elle a préféré agir dans mon dos. Une fois encore, elle cherche à me faire du mal. Comme si elle voulait me faire payer mes actions passées quand c'est elle qui m'a trompé, elle qui a voulu me mentir pendant des années. Elle, elle et encore elle.

À bout de souffle et sur le point de craquer pour de bons, je m'accorde une pause sur le canapé de la jeune femme. Je dois cesser de tourner en rond. Il faut que je calme mon esprit avant de faire ou dire quelque chose que je pourrais finir par regretter. Je sens bien qu'Oakley se sent impuissante, pourtant, elle prends place en face de moi et tente par tous les moyens de me rassurer. « On va la retrouver Cian… » Il ne peut pas en être autrement, je ne sais pas ce que je serais capable de faire si ce n’était pas le cas. « On va trouver des gens qui peuvent nous aider et on va la retrouver… » « Ma nièce travaille au commissariat, elle a tout vu avec ses collègues. » Elle a su m’épauler comme jamais Charlie, elle a su garder son calme, la tête froide et procéder par étapes. C’est grâce à elle et à sa main qui n’a jamais quitter la mienne que j’ai pu faire ma déposition sans jamais perdre mon calme. Tout pour que le juge soit en ma faveur un jour. « Elle l’a abandonné. Après tant de temps elle peut pas te la prendre comme ca… On va trouver une solution. » Tout le monde me dit ça et pourtant personne ne l’a cette foutue solution. « Y a pas de solution… » Et voilà que je baisse les bras, encore une fois. Ce n’est pas mon genre, mais peu à peu, j’ai la sensation de perdre espoir. « Je… Tu as un chargeur ? Mon téléphone n’a plus de batteries. » C’est en sortant ce dernier de ma poche que j’ai peut-être, finalement, une idée. « Tu… Tu pourrais essayer de l’appeler toi ? » Elle ne connaît pas son numéro, peut-être qu’elle répondrais ? Je suis prêt à tout, à ce stade-là.

Je dois me rappeler de respirer, doucement, calmement, sans céder à cette peur qui me ronge l’estomac. Je me sens ridicule de flipper, de réagir de la sorte alors que Cian a besoin de moi, alors qu’il est venu ici pour chercher du réconfort. Je le regarde s’asseoir sur le canapé, je le regarde se prendre la tête dans les mains et je ne crois même pas qu’il remarque que je suis complètement figée. Il me faut quelques minutes pour reprendre mes esprits, pour m’approcher à nouveau de lui et venir prendre place face à lui sur la table basse. Mon cœur bat bien trop vite contre ma cage thoracique, mais je ne veux pas y penser. Je prendre une grande respiration et je tente de réfléchir, de trouver quoi dire, quoi faire. Malgré la colère toujours présente sur le visage du châtain, ce n’est pas l’émotion qui prend le devant à présent. Il semble soudain désemparé, fragile et si j’avais pu, je l’aurais sûrement pris dans mes bras, ou du moins j’aurais essayé une seconde fois. Il ne doit pas être le seul dans cet état-là, parce que je suis certaine qu’Ailis aussi pleure en réclamant son papa. Cela fait des mois qu’elle n’a pas vu Eavan, qu’elle n’a pas vu ce visage qui aurait présent au quotidien depuis sa naissance. Je suis certaine que la petite ne reconnaît même pas sa mère, et que tout ce qu’elle veut en ce moment c’est être dans les bras de son papa. Je chasse cette pensée douloureuse de mon esprit et viens prendre doucement la main de l’irlandais, quelque peu hésitante. Je tente de le rassurer et de le faire pour moi par la même occasion. « Ma nièce travaille au commissariat, elle a tout vu avec ses collègues. » J’hoche alors la tête simplement. « Y a pas de solution… » Je suis muette, à nouveau, ne sachant pas quoi répondre, alors à la place je serre sa main, un peu plus forte dans la mienne.

« Je… Tu as un chargeur ? Mon téléphone n’a plus de batteries. » Je me lève, presque aussitôt. « Oui, bien sur. » Je vais rapidement dans ma chambre, attrape le chargeur qui me passe sous la main et reviens au salon. Je vais le brancher, à côté de la télévision et prend le téléphone de mon ami pour le connecter. Avec tout cela, j’en ai oublié l’eau qui chauffe dans la cuisine, les tasses que j’avais sorti pour faire du thé. Je vais remplir les tasses, presque machinalement et en ramène une à Cian. « Tu… Tu pourrais essayer de l’appeler toi ? » Je relève la tête vers lui alors qu’il saisit la tasse que je lui tends. « Bois ca, ca va te faire du bien. Je vais essayer de l'appeler... » Et sans attendre plus longtemps, je vais attraper mon téléphone et fouille dans celui de Cian pour y trouver le numéro d’Eavan. Je le compose et mets le haut parleur. Les sonneries retentissent pendant ce qui me parait une éternité mais personne ne répond. Sans attendre j’essaye une seconde fois, mais cela se passe de la même manière. Je relève la tête vers l’irlandais. « J’suis désolée Cian… » Et je le suis, vraiment, parce que je ferais tout pour qu’il retrouve Ailis.

J’oublie tout ce qui m’entoure tant je suis obnubilé par le fait qu’Ailis n’est pas avec moi. Je me demande ce qu’elle est en train de faire, il est si tard que j’espère qu’elle a réussi à trouver le sommeil malgré l’absence de ses jouets, de sa chambre et de nos habitudes. J’imagine ma fille en larmes pendant des heures et cette simple idée me tord le cœur au point de me donner la nausée. J’ai autant envie de hurler à tout casser que de me rouler en boule pour laisser échapper toutes ces émotions qui me submergent. Il me faudra quelques minutes pour me souvenir de la présence d’Oakley alors que la jeune femme laisse sa main glisser sur la mienne. Je dois me calmer, je dois garder les idées claires. Une fois encore, je me laisse le temps de faire la liste des endroits où je pourrais aller chercher Eavan. Les idées de lieux s’accumulent dans un coin de ma tête alors que je m’enferme dans mon silence. Soudainement, je pense à l’amie de mon ex-compagne, Freya. Il faudrait que je la contacte, j’avais son numéro fut un temps. Le problème étant que je n’ai plus de batterie et que mon téléphone s'est éteint il y a plus d’une heure déjà. Je sors de ma torpeur pour réclamer un chargeur à la jeune blonde assise en face de moi. « Oui, bien sûr. » Dans la seconde, elle se lève pour aller chercher tout cela. Le temps de son absence, je souffle un bon coup, il faut que je me reprenne, ce n’est pas en cédant à la panique que je vais pouvoir retrouver ma fille.

Et pourtant, une fois encore, je me laisse complètement absorber par l’angoisse qui monte en moi. Tellement que j’en oublie une fois encore la présence d’Oakley et lorsqu’elle revient vers moi avec un chargeur et une tasse de thé, je sursaute comme jamais. « Jeez. » Elle m’a fait si peur que j’ai failli frapper dans le vide. Le geste est suspendu et je me recule dans la seconde d’après. « Tu m’as fait peur. » que je murmure alors qu’elle glisse la tasse brûlante entre mes mains. « Bois ça, ça va te faire du bien. Je vais essayer de l'appeler... » « Merci. » Je souffle une nouvelle fois et lui demande alors de tenter d’appeler Eavan. Bien sûr qu’elle tente immédiatement et lorsqu’elle met son téléphone en haut-parleur, mon cœur se raccroche à chaque long bip qui résonne dans le silence du salon. « Décroche, s’il te plaît décroche… » Mais rien. Les bips s’enchaînent sans que personne ne réponde à l’autre bout du fil. « J’suis désolée Cian… » « Cette putain de connasse. » Et c’est plus fort que moi, de nouveau, c’est la colère qui prend le dessus. J’ai envie de hurler si fort, c’est juste affreux. « Elle a pas le droit de faire ça putain. » Et en rien, je contrôle le coup de pied qui part dans la table basse propageant une douleur dans ma jambe droite. « Je veux juste savoir où est ma fille. »

Je n’imagine même pas ce que Cian doit ressentir, cette détresse qu’il doit avoir en lui de ne pas savoir ou est sa fille, si elle est en sécurité ou même si il la retrouvera un jour. De savoir Ailis loin de son papa, sûrement terrifié et en train de pleurer toutes les larmes de son cœur me brise le cœur. Pourtant, c’est sur le châtain que je veux me concentrer pour le moment, tenter de le rassurer, tenter de le faire garder son calme en espérant que l’on retrouvera la petite blonde. Je suis en colère contre Eavan de faire cela à mon ami, de lui faire cela alors qu’il a tout fait pour sa fille, qu’il donne le meilleur de lui-même quotidiennement pour qu’elle ne manque de rien. Elle lui a enlevé son petit rayon de soleil comme ca, sans le prévenir, sans même lui laissé une chance qu’ils soient tous les deux dans sa vie. Elle lui a arraché son sa fille et je ne peux rien y faire à part serrer la main de Cian doucement dans la mienne et faire ce qu’il me demande. Alors lorsqu’il me demande un chargeur, je me lève aussitôt et vais en récupérer un dans ma chambre. De le voir un peu plus calme, l’espace de quelques minutes, me rassure un peu. Je vois bien qu’il pense toujours à deux cent à l’heure, que son esprit est complètement ailleurs, complètement vers sa fille et il sursaute quand je lui ramène le chargeur et que je lui glisser une tasse de thé bien chaud dans les mains. « Jeez. Tu m’as fait peur. » « Pardon… » Je murmure doucement avant de lui dire de boire son thé pendant que je t’entends d’appeler Eavan depuis mon téléphone. « Merci. » Je lui adresse un sourire et tape le numéro de téléphone.

Aucune réponse. Je ne suis pas vraiment surprise qu’elle ne réponde pas, surtout à un numéro qu’elle ne connaît pas à une telle heure mais je me tourne vers Cian pour m’excuser. Ce n’est pas ma faute, mais je me sens impuissante de ne pas pouvoir l’aider. « Cette putain de connasse. » Il élève la voix, à nouveau, et tout mon corps se tend. Il est de nouveau hors de lui, je vois la haine dans ses yeux au milieu de toute cette peur qu’il a pour sa fille. Et à nouveau, je me sens figée. « Elle a pas le droit de faire ça putain. » La seconde d’après, le temps semble s’arrêter, en même temps que mon cœur. Son pied rencontre violemment la table devant lui et je ne réponds plus de rien. Mon cœur semble s’emballer, ma respiration se coupe, comme si c’est moi qui avais pris le coup, et je recule. Mon dos rencontre le mur à quelques mètres de Cian. Mon regard ne peut plus se défaire de lui et je n’attends plus qu’une chose, c’est que le prochain coup me touche moi. Je n’entends plus rien autour de moi, plus rien venant de Cian. C’est comme si un ravin nous séparer, que nous vivions dans deux mondes différents, chacun enfermé dans le sien, et pourtant nous sommes trop prêts à mon goût. La gorge sèche. Le pouls rapide. Les yeux qui se ferment. Je panique presque. « Non… S’il te plait… »

Les sonneries s’enchaînent dans le vide, résonnant au sein du calme plat qui règne dans la maison. Jamais elle ne décroche et à chaque sonnerie supplémentaire, c’est la colère qui commence à monter. Petit à petit, sournoisement, elle s’immisce dans chacune de mes failles. Si j’ai su tenir le coup durant cette folle journée, si j’ai su rester irréprochable devant le collègue de Charlie, a cet instant précis, je ne contrôle plus rien. C’est une vague indescriptible de rage qui s’empare de moi. Tout est exclusivement dirigé envers Eavan. Elle qui m’a abandonné alors que je m’autorisais de nouveau à lui faire confiance. Elle qui est partie sans se retourner en me laissant sa fille sans aucune explication. Elle qui a trop longtemps jouer avec mes sentiments. C’est sur elle que je voudrais hurler ma colère, ma peur et ma déception, mais c’est Oakley qui assiste tristement au spectacle. Je ne contrôle plus rien lorsque mon pied part se balancer dans la table basse. J’en oublie la douleur et le fait qu’en rien cela ne s’apparente à un comportement normal. Aveuglé par les émotions, je me laisse transporter par ma colère oubliant la jeune femme a mes côtés qui reculent bien trop brusquement. Les secondes s’égrènent à toutes vitesses alors que j’énumère un nombre d’insultes tout aussi surprenant qu’hallucinant. Le prochain coup allait partir autant pour déverser que pour me faire mal, mais c’est la voix d’Oakley qui me stoppe dans mon geste. « Non… S’il te plaît… » Et c’est seulement là que je réalise. Oakley est recroquevillé dans un coin de la pièce, les bras légèrement levé au-dessus de la tête pour se protéger et les yeux emplis d’une peur qui me glace le sang. Elle a pensé que j’allais la frapper. Tout m’échappe à cet instant précis. Trop aveugler par mes propres émotions, j’en ai oublié le passé de mon amie au point de la terroriser. « Oakley… » Ma voix n’est que murmure, mais lorsqu’elle se met à frémir dès l’instant où je me lève, je comprends que je suis allé trop loin. Dépasser par les événements, épris d’un sentiment de honte, je récupère rapidement mon téléphone et recule de plusieurs pas. « Pardon… » C’est tout ce que j’arrive à formuler. Un pardon qui ne ressemble à rien alors que la colère semble désormais se diriger vers ma propre personne. Je suis véritablement le dernier des enfoirés pour lui avoir fait une telle frayeur. « Je… Je suis désolé. Je… » Jamais je ne lui ferais du mal, mais elle n’est pas prête à l’entendre. Elle a besoin que je m’en aille. Alors sans me retourner, je me dirige vers la porte d’entrée. Il faut que je parte avant de tout foutre en l’air, une fois de plus.