she wanna make it to the end
Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

Je ne me suis pas précipitée à son chevet. Je n’ai pas frappé à sa porte le premier jour de sa sortie et je ne me suis pas pointée par surprise au centre pour venir la chercher à la sortie, comme une vient chercher une prisonnière le jour de sa libération. Je lui ai laissé de l’espace puisque, s’il y a quelque chose que je sais sur les Blackwell, c’est que nous en avons besoin. Je l’ai aussi fait parce que je me doutais que je n’étais pas forcément la personne avec laquelle elle avait envie de passer sa première soirée ou sa première journée après plusieurs semaines d’enfermement. Ce n’est pas pour autant que je n’ai pas pensé à elle. Je lui ai envoyé un message, en lui souhaitant un bon retour en ville et en annonçant que je viendrai lui rendre visite dans la semaine. A aucun moment je n’ai parlé de son retour au Casino puisqu’elle n’est pas indispensable et que je préfère qu’elle ne revienne que lorsqu’elle sera prête. Je n’ai pas à cœur de me présenter à elle en tant que boss exigeant : c’est en tant que demie-soeur que je frappe à sa porte en fin d’après midi et avant de rejoindre moi-même l’Octopus.

Et je ne suis pas seule. Lorsque Callum gare la voiture le long du trottoir de l’ancien immeuble d’Amos, celui ou se trouve l’appartement sommaire que nous prêtons à la petite blonde, je quitte l'habitacle avant d’ouvrir la portière arrière pour détacher Micah, parfaitement réveillée, qui bat des bras à l’arrière. Sage comme une image, belle comme un cœur, elle s’accroche à mes cheveux lorsque je l’attire contre moi pour la serrer dans mes bras. Je tente de retirer mes mèches de ses doigts mais elle en attrape systématiquement d'autres, si bien que je perds mon combat contre un bébé de six mois bien trop déterminé. Un baiser sur le crâne de ma fille, l’horaire de retour communiquée à mon garde du corps, je m’annonce à l’interphone avant de gravir les marches jusqu’à l’étage auquel est logée la jeune femme. Lorsqu’elle m’ouvre la porte, je lui adresse un sourire avant d’entrer dans l’appartement comme si je possédais les lieux (c’est presque le cas, de toute façon). « Laisse-moi reprendre mon souffle. Trois étages c’est pas grand chose, mais elle commence à peser son poids. » J’ai maudit l’ascenseur perpétuellement en panne de l’immeuble alors que je gravissais les étages en talons aiguilles. « Tu peux respirer Spencer, elle est pas encore en âge de mordre. Elle tire les cheveux par contre, si j’étais toi j’éviterai de m'approcher trop près. » Je ris doucement avant de replacer Micah dans mes bras, de sorte à ce qu’elle puisse voir Spencer et que cette dernière ait vu sur son visage plutôt que l’arrière de son crâne. « Je me suis dit qu’il était largement temps pour des présentations officielles, non ? Voici Micah, comme tu t’en doutes. » Et pas un bébé que j’aurais volé à l’angle de la rue. « Je peux la poser sur le tapis ? » La question sous-jacente est ”Est-ce que c’est propre ? Est-ce qu’il y a le moindre risque que mon poupon s’enfonce une aiguille utilisée dans la main ?” « Elle met tout dans sa bouche depuis quelques jours. Tu m’en voudras pas de prendre mes précautions. » Malgré tout, si j’avais réellement peur pour la sécurité de ma fille, je ne serais pas là avec elle, aujourd’hui, et Spencer le sait certainement. « Comment tu te sens ? C’est pas trop dur d’être de nouveau… Ici ? » Et toute seule, et non plus perpétuellement entourée d’autres patients, de médecins et de psychologues ?

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Laisse-moi reprendre mon souffle. Trois étages c’est pas grand chose, mais elle commence à peser son poids. » Et c’est là que Spencer remarque enfin ce qu’elle porte, Raelyn. Le précieux colis qu’elle pose avec une infinie tendresse avant d’en sortir l’occupante. La blonde suit l’action du regard, la main crispée sur la poignée de porte à peine refermée. Autant elle savait que Raelyn allait venir, autant elle ne s’attendait pas à cette visite là. Pas déjà. C’est n’est qu’un bébé, elle en a déjà côtoyé beaucoup dans ses jeunes années, ce n’était pas rare d’en voir passer dans les foyers ou les familles d’accueil mais ils ne restaient jamais bien longtemps. Et en toute honnêteté, elle ne s’y intéressait pas particulièrement. Elle se savait colérique, jalouse de l’attention que les autres recevaient et qu’on ne lui accordait pas, alors elle préférait rester à l’écart et n’a eu l’occasion de tenir un bambin que peu de fois et parce qu’elle n’avait pas le choix. Les plus grands lui demandaient parfois de surveiller pendant qu’ils faisaient autre chose et elle était bien obligée d’accepter. « Tu peux respirer Spencer, elle est pas encore en âge de mordre. Elle tire les cheveux par contre, si j’étais toi j’éviterai de m'approcher trop près. » Son attention se reporte sur Raelyn et la jeune femme souffle un rire en hochant la tête, lâchant finalement sa porte. « Tu m’aurais dit je- J’serai descendue t’aider. » qu’elle arrive à sortir alors que son regard reste fixé sur l’enfant. Non pas qu’elle doute de la capacité de sa demi-soeur à s’occuper de sa fille mais trois étages avec un cosy encombrant, elle n’a aucun mal à croire que ça soit pénible.

« Je me suis dit qu’il était largement temps pour des présentations officielles, non ? Voici Micah, comme tu t’en doutes. » Elle regarde le bébé un instant, ne sachant pas vraiment comment réagir. « Ca lui fait quoi ? Six mois ? » A l’échelle d’une vie c’est rien, et pourtant beaucoup de choses peuvent arriver sur ce laps de temps. C’est suffisant pour changer du tout au tout. Un léger sourire s'étire sur son visage à la vue de la gamine. « Je peux la poser sur le tapis ? Elle met tout dans sa bouche depuis quelques jours. Tu m’en voudras pas de prendre mes précautions. » La question aux apparences pourtant anodines est facile à comprendre. Et elle est tout à fait légitime. « Ouais je- On a tout nettoyé de fond en comble. » Tous les petits cachetons ou toute autre forme de tentation ont disparu dans le fond de la cuvette. Les seringues et tout le reste ont été jetés également, histoire de faire place nette. L’appartement est immaculé, à peine dérangé par la présence de son occupante qui passe le plus clair de son temps ailleurs. « Comment tu te sens ? C’est pas trop dur d’être de nouveau… Ici ? » Spencer acquiesce, s’occupe les mains avec de la vaisselle qu’elle a laissée traîner et répond finalement. « Ca va, c’est surtout… Bizarre de plus avoir cet espèce de brouillard constant, tu sais ? » Et pour être tout à fait franche, elle n’est pas sûre d’apprécier l’expérience. C’est qu’elle a l’esprit bruyant, Spencer. Toujours un millier de questions, d’inquiétudes pour tout mais surtout n’importe quoi, elle sur-analyse tout ce qu’elle voit, fait toutes les interprétations possibles et imaginables. Ça a toujours été le cas et quand elle était gamine, c’était compliqué pour elle de se concentrer sur une seule et unique chose à la fois. Quand elle était high, ça avait tendance à faire taire tout ça et c’était sans doute ce qui lui plaisait le plus. « Mais sinon ouais, ça va. » Suivre la routine mise en place au centre l’aide beaucoup, ne pas être seule dans tout ça aussi. « Toi ? » Qu’elle renvoie un peu au pif. C’est étrange de se retrouver à faire du small talk avec Raelyn. Habituellement y a toujours un sujet super sérieux entre les deux, un dealer, un job, des affaires de familles, bref. Elle pourrait revenir sur son séjour, mais c’est le genre de truc un peu barbant qui ne fera qu’ennuyer l’aînée. « Je suis pas encore trop revenue là pour l’instant. J’ai même plus de vêtements à moi ici.  » Elle ricane en haussant les épaules. Inutile de préciser où ils sont et où elle préfère rester. « Tu veux boire un truc ? J’ai heu… De l’eau. » Avec un frigo vide, autant dire qu’elle n’a pas grand chose à proposer à son hôte.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

Les yeux de Spencer sur posent sur Micah - ou plutôt la silhouette de Micah perdue dans son énorme cosy, et deviennent aussi ronds que des billes. A sa décharge, je crois que j’aurais fait ce genre de tête également autrefois, si Ariane ou quelqu’un d’autre s’était pointé à ma porte avec un bébé. Je crois que j’ai fait cette tête là lorsque la rousse m’a rendu visite avec Abel pour la première fois, tout bien réfléchi. Sauf que Spencer est pétrifiée et je suis certaine que ce n’est pas là la preuve de son aversion pour les nouveaux-nés mais quelque chose d’entièrement différent. Elle a presque l’air effrayée, et ce constat me fait sourire. « Tu m’aurais dit je- J’serai descendue t’aider. » - « Je peux monter trois étages en la portant. » Je balaye sa proposition d’un geste de la main et pour cause : l’endurance s’améliore lorsqu’on devient mère et que l’on a un petit être en bas âge dont il est nécessaire de s’occuper à longueur de journée. Je suis prête à parier qu’elle montera encore d’un cran quand Micah apprendra à marcher et qu’il faudra lui courir après tout le temps. « Ca lui fait quoi ? Six mois ? » - « Tout juste. » L’âge où, j’en ai l’impression, le vrai caractère d’un enfant pointe le bout de son nez puisqu’il me semble déjà commencer à détecter celui de ma fille. Elle tente de se mettre à quatre pattes et lorsqu’elle échoue - à chaque fois pour l’instant - il est clair qu’elle s’agace et s’impatiente. Voilà un trait de caractère qu’elle a emprunté à son père - la mienne est infinie - et je me surprends à m’attendrir de le retrouver chez un être qui n’est encore qu’une miniature d’humain. « Ouais je- On a tout nettoyé de fond en comble. » Doucement, je détache ma fille du cosy pour la prendre dans les bras et la déposer sur l’épais tapis. Elle s’appuie sur ses petits bras pour s’asseoir seule - position qu’elle maîtrise à présent - avant de relever ses deux immenses billes bleues vers la petite blonde qui ne la regarde pas si différemment. Si ce n’est que l’une des deux babille et se bave presque dessus en riant. « Je crois que tu l'amuses. » Découvrir de nouvelles personnes lui fait souvent cet effet, et je me demande si c’est la preuve d’un trait de caractère qui restera - si elle est extravertie à l’inverse de ses deux parents - ou s’il ne s’agit que d’une curiosité inhérente à son statut d’enfant qui découvre le monde qui l’entoure. Une caresse sur les doux cheveux blonds de mon bébé plus tard, je me redresse sans m’éloigner d’elle pour autant.

« Ca va, c’est surtout… Bizarre de plus avoir cet espèce de brouillard constant, tu sais ? Mais sinon ouais, ça va. Toi ? » Je hoche la tête gravement. Je me demande si le sevrage a été aussi difficile et douloureux pour elle qu’il l’a été pour moi ou si d’avoir intégré une structure spécialisée a rendu la chose plus simple. Sans grand surprise, j’en doute. « Y’a des jours où j’avais l’impression de plus avoir un seul os dans le corps et d’autre où j’étais tellement contractée que je ne pouvais plus bouger de mon lit, à l’époque. » Alors, s’il y a bien quelqu’un qui sait, c’est moi. « A quoi ça ressemblait, là bas ? » Je suis curieuse, puisque j’ai moi-même toujours refusé de mettre ne serait-ce qu’un doigt de pied en cure de désintoxication. « Je suis pas encore trop revenue là pour l’instant. J’ai même plus de vêtements à moi ici. » Je crois deviner qu’elle veut dire qu’ils sont chez cette mystérieuse personne à qui elle tient et, si j’en crois l’appel que l’inconnue m’a passée après l’overdose de Spencer, pour qui c’est réciproque. « Elle est venue te chercher ? » Je m’en doutais, sans quoi je me serais proposée. Mais ce n’était certainement pas mon visage que ma demi-soeur voulait voir en premier. « Tu veux boire un truc ? J’ai heu… De l’eau. » - « Du café. » De mon sac à main, je tire un paquet de café en poudre que j’ai amené, prévoyante et devinant qu’il n’y aurait pas grand chose dans ses placards. « Me remercie pas. Y’a que ça qui m’aidait à faire passer l’envie… » Celle de consommer autre chose. « Ça et la clope. Je me suis dit que ça serait peut-être pareil pour toi. »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Je peux monter trois étages en la portant. » « J’en doute pas. Tu vas être super musclée à force. » Elle se déride un peu, canalisant sa nervosité dans quelques traits d’humour. Encore que, se trimballer un petit être comme ça à longueur de journée, ça doit effectivement faire faire du sport. « Tout juste. » Elle a bien visé. Faut dire que c’est pas très compliqué de se rappeler à peu près quand l’enfant est née, dans la mesure où c’est une période où beaucoup de choses ont commencé à changer pour elle. En soit, tout ça est arrivé il y a encore peu de temps, et avant, c’était une autre vie complètement. « Je crois que tu l'amuses. » « Ah ? » Son regard se pose de nouveau sur la petite qui s’est déjà assise et la fixe. C’est vrai qu’un bébé s’amuse d’un rien, elle avait complètement oublié.

« Y’a des jours où j’avais l’impression de plus avoir un seul os dans le corps et d’autre où j’étais tellement contractée que je ne pouvais plus bouger de mon lit, à l’époque. » « T’as eu autre chose pour compenser ou c’était… » à la dure ? Le genre de méthode quasi impossible à faire seul dans son coin. « A quoi ça ressemblait, là bas ? » « C’était… Pas si terrible que ça. » Toute chose considérée. « J’veux dire, ça sentait l’hôpital, on était jamais vraiment seuls et c’était… Long. Vraiment long. » Une éternité enfermée, à devoir accomplir des tâches quotidiennes et routinières, à devoir parler à des gens - et pas juste un brin de conversation, parler à des pro et à des gens qui posaient plein de questions sur elle et ses ressentis, bref, tout ce qu’elle déteste faire. « La première semaine était la pire. » Ils atténuaient les effets du manque avec d’autres médocs et des doses précises et contrôlées, plus de la thérapie et tout le bordel, ça n’empêche qu’elle a passé on ne sait combien de temps aux chiottes pour dégueuler le peu qu’elle arrivait à manger. Sans parler des nuits agitées où le sommeil se refusait tout simplement à elle. Non, vraiment pas des moments agréables qu’elle recommanderait à qui que ce soit. « Elle est venue te chercher ? » Bien sûr qu’elle a noté l’implication de la phrase. Spencer sourit doucement et secoue la tête. « Un infirmier du centre m’a raccompagnée jusque chez elle. » Le résultat est le même au final. « Mac. Son nom. Enfin Mackenzie, mais- » un haussement d’épaules et elle sourit. Est-ce que ça sert à quoi que ce soit que Raelyn connaisse l’identité de ta partenaire maintenant ? Sans doute pas, mais au moins c’est fait. « Du café. » Sur le point de protester et de s’excuser de l’absence de café, elle est coupée par le paquet que Raelyn sort de son sac. La surprise laisse place à l’amusement et elle se marre doucement en récupérant l’objet pour aller préparer tout ça. « Me remercie pas. Y’a que ça qui m’aidait à faire passer l’envie… Ça et la clope. Je me suis dit que ça serait peut-être pareil pour toi. » « T’as pensé à tout. » Qu’elle constate sans se défaire de son sourire amusé. Préparer les tasses avec la poudre de café et mettre l’eau à chauffer lui occupe les mains et c’est une bénédiction. « J’sors beaucoup, depuis- J’vais juste marcher sans forcément aller quelque part en particulier mais j’ai toujours besoin de faire quelque chose. N’importe quoi. » Le tout, c’est qu’elle se garde l’esprit et le corps occupés. Ca lui évite de trop laisser vagabonder ses pensées et d’avoir envie de les faire taire. Pendant que l’eau termine de bouillir, la jeune femme ne peut s’empêcher de jeter un oeil en direction du bébé qui découvre un nouvel environnement, adressant parfois des sourires baveux à sa mère. « Elle a les mêmes yeux que lui. » Qu’elle constate sans détacher le regard. S’il y a bien une chose qu’elle a gardé en mémoire d’Amos, c’est la couleur de ses yeux.

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« J’en doute pas. Tu vas être super musclée à force. » J’esquisse un sourire amusé et, alors que je la dépose sur le tapis épais du salon, je me fais la réflexion que Micah a en effet encore pris quelques grammes. « Elle grandit à vue d’oeil. Je m’attendais pas à ça. » Et si personne - à part peut-être Amos - ne m’entendra dire à l’oral que le temps passe bien trop vite, c’est pourtant exactement ce que je pense. Elle tient déjà assise, tente de se mettre à quatre pattes quand, moi, j’ai l’impression que c’était hier qu’on me l’a deposée dans les bras pour la première fois.

« T’as eu autre chose pour compenser ou c’était… » Je secoue la tête, avant de rester songeuse un instant. « Oui et non. J’avais rien et, en même temps, une relation à réapprivoiser. J’avais l’esprit occupé, disons. » Et pas forcément d’une façon sereine et agréable : je nageais en eaux troubles, avec la crainte de ne plus jamais réussir à revenir vers Amos, le désarroi de découvrir que j’avais envie de lui pardonner malgré sa trahison que me révoltait toujours, et la peur de l’avoir perdu pour de bon. « Mais j’ai passé le plus clair de mon temps à vomir et à l’insulter, au début. » Le sourire que j’esquisse n’est que politesse : je n’ai pas envie de me souvenir de cette période pendant laquelle Amos et moi étions séparés, déchirés, et pendant laquelle je surmontais le sevrage le plus compliqué que j’ai traversé, de mémoire. « C’était… Pas si terrible que ça. J’veux dire, ça sentait l’hôpital, on était jamais vraiment seuls et c’était… Long. Vraiment long.  » - « Je hais les hôpitaux. » La déclaration n’a pas besoin d’être explicitée. Peu de toxicomanes aiment y séjourner et le fait que la clinique où Spencer est restée plusieurs semaines était privée et réservée à une clientèle à traiter aux petits oignons ne change rien. Même la naissance de ma fille n’a pas réussi à me réconcilier avec ce genre d’endroit. « La première semaine était la pire. » - « C’est toujours la pire. » Je mens à moitié. Le pire, c’est quand le besoin de consommer se fait sentir au moment où l’on s’y attend le moins. « Un infirmier du centre m’a raccompagnée jusque chez elle. Mac. Son nom. Enfin Mackenzie, mais- » - « Elle est toujours là, donc. » C’est un commentaire qui n’attend pas de réponse. J’en doutais, je ne connais pas sa chère et tendre mais j’en doutais, je dois bien l’avouer. Tout le monde n’est pas Amos.

« T’as pensé à tout. » J’esquisse un sourire : je n’ai peut-être pas pensé à tout, mais il est rare que j’oublie ce genre de chose. Sans café et cigarette, je crois que je suis incapable de fonctionner. Pendant ma grossesse, qui m’a privée du second, j’ai largement abusé du premier. « J’sors beaucoup, depuis- J’vais juste marcher sans forcément aller quelque part en particulier mais j’ai toujours besoin de faire quelque chose. N’importe quoi. » - « Amos avait fait déplacer mon tapis de course sur le catamaran. Je comprends ce que tu ressens. » J’avais un trop plein d’énergie à dépenser, de la frustration à dépenser, aussi. « Et c’est plutôt sain. » Ça veut dire que, pour l’instant, elle tente de rester clean, elle tente de s’en sortir.

« Elle a les mêmes yeux que lui. » La discussion passe d’un sujet à un autre sans que personne ne soit choqué et je comprends tout de suite qu’elle parle de Micah, qu’elle fixe toujours avec un regard difficile à qualifier. Elle a l’air à la fois méfiante, émue et effrayée. « C’est ce que je voulais. Lui l’inverse, mais il a perdu de toute évidence. » Et moi qui ne suis pas réellement douée pour dire à quel parent ressemble un bébé, c’est bien la seule caractéristique sur laquelle je peux trancher. « Et elle a déjà son petit caractère. Elle est bornée et ça, c’est difficile de savoir à qui elle l’a emprunté. »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Elle grandit à vue d’oeil. Je m’attendais pas à ça. » Elle veut bien la croire sur parole, c’est assez difficile de se faire une idée dans la mesure où c’est sa première rencontre avec la fillette. Elle paraît déjà grande, assez éveillée pour faire attention à ce qui l’entoure et Spencer n’est pas sûre d’avoir déjà vu un bébé plus jeune que ça. Les quelques nourrissons qu’elle a eu l’occasion de côtoyer aux foyers savaient déjà pour la plupart marcher ou au moins se déplacer à quatre pattes, profitant du moindre écart d’attention pour se faire la belle et partir découvrir les alentours. Ca rendait fou les éducateurs de constamment devoir surveiller ces petits êtres.

« Oui et non. J’avais rien et, en même temps, une relation à réapprivoiser. J’avais l’esprit occupé, disons. » Effectivement, ça doit tenir occupé. En comparaison, Raelyn n’a pas choisi la solution de facilité. Faire ça dans son coin, sans soins adaptés et sans aide professionnelle, ça paraît presque grotesque. Elle sait, Spencer, elle a essayé plein de fois et ça s’est toujours soldé par des échecs cuisants. Mais à l’époque, elle était désespérément seule et c’est sûrement là que le bât blesse. « Mais j’ai passé le plus clair de mon temps à vomir et à l’insulter, au début. » La jeune femme plisse du nez en affichant une grimace. Rien de surprenant là-dedans, mais ça reste peu enviable comme passage. « Au moins j’ai pu lui épargner ça. » A peu près quoi. Avec le recul, cette phase-là aurait été préférable plutôt que de manquer de crever dans sa salle de bain. « Je hais les hôpitaux. » « M’en parle pas. » Elle a toujours évité autant que possible ce genre d’endroit et ce, pour plein de raisons. Toutes mauvaises, si on devait émettre un avis sur la question. Encore une façon d’éviter d’avoir à affronter les conséquences de ses actes ou les jugements du personnel hospitalier qui a sans doute vu bien pire, mais ça, c’est pas le genre de chose qui rassure Spencer. « C’est toujours la pire. » L’organisme qui tente au mieux de combattre d’éliminer les restants de narcotiques et qui fait vivre un véritable enfer malgré les quelques substituts proposés, les sautes d’humeur bien trop fréquentes, l’envie d’aller s’enterrer pour de bon parce que n’importe quel obstacle paraît infranchissable, ouais. Une première semaine éprouvante à être malade comme un chien, et puis doucement, le retour vers une balance un peu moins déséquilibrée. Pour le reste, une routine à instaurer, des gens à qui parler, des limites à se fixer ; tout l’inverse de ce que Spencer avait l’habitude de faire. « L’après doit pas être beaucoup mieux, en vrai. » Tout est question de self-control et de tellement d’autres paramètres que c’est épuisant. « C’est marrant parce que… J’ai pas souvenir de la dernière fois que j’ai eu l’esprit aussi clair et en même temps, j’ai l’impression qu’il me manque un truc. » Et elle n’a aucune idée de comment elle fera pour gérer toutes les contrariétés qu’elle avait l’habitude d’étouffer dans l'œuf en s’assommant de drogues diverses et variées. Alors elle parle de Mac, de la personne sur laquelle elle s’appuie sans doute trop pour que ça soit tout à fait sain. « Elle est toujours là, donc. » Est-ce qu’elle en doutait ? La blonde ne peut même pas dire de s’offusquer de ce constat, elle-même a encore du mal à réaliser qu’elle n’a pas été lâchée en cours de route alors que ça aurait été amplement mérité. Un espèce de retour de karma qui ne l’aurait même pas étonnée après tout ça. « J’te l’ai dit, elle est du genre têtue. » Et Spencer ne sait toujours pas pourquoi ou par quel miracle elle est toujours dans les parages. N’importe qui d’autre aurait lâché l’affaire dès les premières difficultés, personne n’a envie de devoir gérer une gamine de vingt-six balais qui n’en fait qu’à sa tête et se fout dans la merde à la première occasion qui se présente. Ça reste toujours de l’ordre de l’incompréhensible, pour la blonde. Elle ne s’en plaint pas, bien au contraire, mais elle a peur du moment où toute la situation aura dépassé le stade du “trop”. La cassure définitive, celle qui sera sans retour en arrière possible, elle lui pend au nez aussi sûrement que le météore qui a exterminé les dinosaures.

Spencer s’attelle à préparer le café, plutôt contente d’avoir quelque chose à faire de ses dix doigts. « Amos avait fait déplacer mon tapis de course sur le catamaran. Je comprends ce que tu ressens. Et c’est plutôt sain. » Elle imagine la scène ; Raelyn en jogging avec son café à la main, en train de marcher des kilomètres sur un plancher qui tangue à moitié au gré des vagues. L’image est amusante sur le papier, un peu moins quand on sait pourquoi elle le faisait. « Vous vous êtes bien trouvés tous les deux. » Blackwell se remémore les mots d’Amos, la façon qu’il a de parler de la mère de son enfant et de l’étincelle dans son regard quand elle avait posé une ou deux questions lors de leur rencontre.

« C’est ce que je voulais. Lui l’inverse, mais il a perdu de toute évidence. » « Elle a les cheveux plus clairs que lui, il a quand même gagné un peu du coup. » Un bon mélange des deux quoi. La bouilloire qui s’arrête attire l’attention de Spencer qui s’empresse de verser l’eau bouillante dans les tasses déjà prêtes, une cuillère pour mélanger et elle apporte le breuvage à son hôte, faisant extrêmement attention de passer à une distance convenable du bébé histoire d’éviter tout incident de type trébuchage. « Et elle a déjà son petit caractère. Elle est bornée et ça, c’est difficile de savoir à qui elle l’a emprunté. » « P’t-être à vous deux. » Et ça, dur de savoir si ça rend le trait pire ou au contraire, un peu plus tempéré. « Il a rien dit que tu- Que tu l’amènes ici ? » Encore son côté incertain qui refait surface. « J’veux dire, je pensais pas que t’aurais voulu non plus qu’on se rencontre aussi tôt, j’suis pas encore tout à fait heu- » de la famille, digne de confiance, proche, les choix sont multiples et variés, alors elle préfère à moitié se planquer derrière sa tasse fumante et bien trop chaude pour être bue. Elle abandonne, repose sa boisson et secoue la tête.

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« L’après doit pas être beaucoup mieux, en vrai. » Les souvenirs dans lesquels je devrais me replonger si je voulais réellement aider Spencer, réellement lui répondre en tout cas, ne sont ni joyeux ni agréables. J’ignore où mettre le curseur dans mon cas. J’ignore s’il faut commencer à compter à partir de mon overdose ou de la dernière fois où de la drogue est entrée dans mon organisme, ma dernière rechute. J’ignore s’il faut considérer que le début de ma guérison, c’est quand j’ai décidé, moi, que je devais m’en sortir, plutôt que quand Amos a pris cette décision à ma place et pour moi. J’ai certainement l’air pensive. Mon regard dévie vers ma petite fille qui attrape entre ses doigts les longs poils du tapis, et qui me lance des sourires charmeurs. Mes lèvres à moi s’étirent aussi et, finalement, je relève les yeux vers la blonde. « Y’a des jours où l’envie de consommer te donnera presque la nausée, où elle sera pire qu’au premier jour de ta cure. Mais dans l’ensemble, les choses vont aller en s’améliorant. » Il y aura des bas aussi bas, mais en moyenne, elle se sentira mieux, en moyenne, elle remontera la pente. « Je crois, en tout cas. » Je repense à ce jour où, alors que je me sentais plus forte, je me suis réveillée en étant incapable de bouger tant mes muscles étaient contractés, plus dur que du bois. Mais Spencer a certainement passé ce cap, elle a certainement déjà vécu ce genre d’expérience. « Si un jour tu sens que tu vas flancher, c’est pas une preuve de faiblesse que de demander de l’aide. » A moi, à sa mystérieuse compagne, à n’importe qui, ça n’a pas d’importance.

« C’est marrant parce que… J’ai pas souvenir de la dernière fois que j’ai eu l’esprit aussi clair et en même temps, j’ai l’impression qu’il me manque un truc. » Je laisse échapper un rire jaune, dénué de toute trace de joie. Un rire qui dit ”je sais”. « Ouais, une vraie merde. » Même deux ans après, un frisson me parcourt l’échine et tous mes muscles me donnent l’impression d’être douloureux, ne serait-ce que parce que nous sommes en train de remuer des choses compliquées. Je porte ma main à ma nuque, que je masse du bout des doigts. « J’te l’ai dit, elle est du genre têtue. » - « C’est bien. C’est ce qu’il faut pour s’accrocher avec nous. » Peut-être est-ce la première fois que j’emploie ce pronom nous concernant, la blonde et moi, la première fois que je nous mets si ouvertement dans le même panier. Dans le genre têtu, personne ne peut faire pire - ou mieux - que l’homme amoureux qui m’a chargée sur son épaule pour m’éloigner de force de mes démons, qui m’a retenue prisonnière en mer pendant des semaines puisque c’était la seule solution qui s’offrait à lui. « Vous vous êtes bien trouvés tous les deux. » Amusée, je relève les yeux dans sa direction et je l’interroge du regard. Je me demande s’ils ont souvent parlé, elle et mon conjoint, et ce qu’ils se sont dit. « Plus que tu le crois. » Puisqu'au-delà de notre association, qui est une évidence aux yeux de toute personne extérieure - Amos et moi avons échangé les rôles. Bien sûr, elle ne sait rien de son addiction et je n’ai pas l’intention de lui en parler.

« Elle a les cheveux plus clairs que lui, il a quand même gagné un peu du coup. » Doucement, je tends une main vers Micah qui s’accroche à présent à ma jambe pour caresser ses cheveux blonds. « Te montre pas plus naïve que tu l’es. » Sur ce point-là aussi, Amos a gagné. « Je suis brune, normalement. Enfin, presque la même couleur que lui, un peu plus foncé peut-être. » Je l’observe, songeuse. « Toi ? » Avant Micah, je me foutais de la génétique. Je ne me souviens que mal d’à quoi ressemblait mon frère aîné. Aujourd’hui, je dévisage ma demi-sœur à la recherche de similarité entre nous, je tente de savoir si nous avons des traits communs qui nous viennent de Jeremiah, si j’ai transmis ces traits à mon bébé ou si elle ressemble plus à ma part maternelle. Force est de constater que je ne suis pas à l’aise avec l’exercice. « P’t-être à vous deux. » Oh que oui. Un sourire amusé étire mes lèvres puisque la jeune fille est loin de se douter des plans les plus sombres de ma personnalité. A ses yeux, je dois surtout être sa sauveuse, celle qui lui donne trop sans d’autres raisons qu’une générosité qui n'existe pourtant pas. Je ne suis pas généreuse. « Il a rien dit que tu- Que tu l’amènes ici ? » Je fronce les sourcils et l’observe quelques secondes. « J’veux dire, je pensais pas que t’aurais voulu non plus qu’on se rencontre aussi tôt, j’suis pas encore tout à fait heu- » Est-ce parce qu’elle a peur de faire du mal à ma fille qu’elle se tient si éloignée, ou bien parce qu’elle a peur de l’innocence dégagée par les enfants de son âge ? Moi qui ai cessé de l’être depuis bien longtemps, je m’émerveille d’avoir pu donner naissance à un être humain encore si pur. Micah s’accroche à mon pantalon de costume moulant. Elle tente de se mettre debout en s’agrippant de toutes ses forces mais elle n’y arrive pas encore. Je l’attrape sous les bras pour l’installer sous mes genoux avant de relever mes yeux vers Spencer. « Il a confiance en moi. » Et il me le prouve chaque jour. « Je crois pas que tu présentes la moindre menace pour elle. Je devrais ? » Je lève un sourcil. Mon visage ne présente pas la moindre trace d’agitation ou de nervosité quand, pourtant, chaque fibre de mon être serait prête à réagir si qui que ce soit menaçait Micah.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Y’a des jours où l’envie de consommer te donnera presque la nausée, où elle sera pire qu’au premier jour de ta cure. Mais dans l’ensemble, les choses vont aller en s’améliorant. » « Ouais… » Est-ce qu’elle est seulement convaincue, Spencer ? C’est tellement abstrait toute cette situation, imaginer une vie après cette période sombre et un peu trop longue. Elle y arrivera, peut-être, si elle s’en donne les moyens et qu’à un moment elle décide seulement d’y  croire. « Je crois, en tout cas. » Là-dessus, Raelyn est sans doute le meilleur exemple qu’elle puisse trouver. Elle s’en est sortie, a réussi à renverser la machine pour trouver assez de thunes pour acheter un foutu casino -et là-dessus, Spencer n’est pas assez naïve pour croire que c’est le résultat d’un investissement bien placé ou elle ne sait quoi, mais ce ne sont pas ses affaires. « Si un jour tu sens que tu vas flancher, c’est pas une preuve de faiblesse que de demander de l’aide. » « Je sais. » On lui a souvent répété, mais elle a toujours refusé d’écouter pourtant. Elle a toujours préféré faire les choses dans son coin, qu’importe à quel point la tâche était insurmontable. Il est sans doute plus que temps de mettre sa fierté de côté et de suivre les conseils qu’on s’entête à lui donner  depuis des années.

« Ouais, une vraie merde. » Et le soucis de Spencer dans tout ça, c’est qu’elle a toujours été incapable de rester seule avec ses pensées pendant trop longtemps. Elle se questionne sur tout, a du mal à trier les informations pertinentes et celles qui le sont un peu moins. La drogue et l’alcool avaient au moins l’avantage de faire disparaître la plupart des idées parasites et maintenant il va lui falloir apprendre à vivre avec. « C’est bien. C’est ce qu’il faut pour s’accrocher avec nous. » Elle n’irait sans doute pas jusqu’à dire que c’est bien. De son point de vue, ça reste un sacré poids qu’elle impose à sa partenaire et c’est le genre de chose qui a fait qu’elle a préféré fuire une première fois. La blonde affiche néanmoins un léger sourire pincé et hoche la tête. Raelyn aussi a eu un passif avec la drogue, sans doute pour des raisons différentes mais le résultat est tout de même là. Sauvée d’elle-même par une tierce personne qui s’est accrochée et qui a décidé que ça valait le coup. Alors ouais, ils se sont bien trouvés avec Amos puisqu’il a su la tirer de là. « Plus que tu le crois. » Avec un léger sourire et haussement d’épaules, Spencer n’ajoute rien de plus. Après tout, elle ne les connaît pas si bien que ça, l’un ou l’autre, tout ce qu’elle a c’est une vague idée et un bref aperçu de ce à quoi ressemble leur relation.

« Te montre pas plus naïve que tu l’es. Je suis brune, normalement. Enfin, presque la même couleur que lui, un peu plus foncé peut-être. » « Si foncée que ça ? » Difficile à dire sans l’avoir jamais vue qu’avec sa couleur actuelle. Quoi que, elle se rappelle vaguement la photo envoyée par Rose, et elle ne se rappelait plus que sa couleur de l’époque était sombre à ce point. « Toi ? » Il faut quelques secondes à la jeune femme pour comprendre le renvoi. « Moi ? » Elle sonne presque comme un chat étranglé avec son espèce de rire nerveux. Merde, elle s’attendait pas à ce genre de question. Spencer plisse le nez dans une grimace de réflexion, parce qu’il lui faut quelques instants se remémorer des détails concernant sa génitrice. « Hm… Maureen avait les cheveux clairs. Genre plus châtains que blonds. » Ce qu’elle se souvient surtout chez elle, c’est son visage émacié, creusé par la consommation abusive d’alcool et un peu par extension, l’odeur atroce qui se dégageait d’elle. Ça lui fout la nausée rien que d’y repenser. « Pour l’autre côté, je saurai pas dire. » Qu’elle ajoute en pinçant les lèvres. Pas de grand-parents auxquels se comparer pour en savoir plus, pas d’oncles, de tantes ou de cousins pour confirmer qui ressemble à qui. « Peut-être les yeux viennent de lui. » ou peut-être pas. La couleur des deux femmes se rapproche à peu près, et c’est sans doute le seul trait physique qui a l’air commun.

« Il a confiance en moi. » Sauf qu’ici, c’est pas la confiance qu’il place en Raelyn le problème. « Je crois pas que tu présentes la moindre menace pour elle. Je devrais ? » « Non, bien sûr que non. » Elle se lance, déjà prête à se confondre en excuses si jamais ses doutes ont pu prêter à confusion. « Je- c’est juste- » Et voilà qu’elle commence à bégayer. Difficile de faire le point tant son esprit part dans tous les sens. « Elle est encore petite et on vrai, on est pas non plus genre… Proches. » Y a pas non plus un lien fraternel indéfectible entre elles, même si dans les faits elle a sûrement fait bien plus pour Spencer que la plupart des soeurs ont l’occasion de faire sur toute une vie. D’ailleurs peut-être qu’elle va mal le prendre d’entendre ça ? La jeune femme se racle la gorge et reprend aussi vite. « J’veux dire, je m’attendais pas forcément à ce que t’aies envie de le faire, c’est ta famille après tout. » Et Spencer dans tout ça, c’est la pièce rapportée dont on ne sait pas trop quoi foutre, celle qui est là même si on sait pas trop pourquoi. « Enfin ça me touche que tu l’aies fait. »  Autant qu’elle sache, Raelyn, que le geste et l’intention comptent.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

« Si foncée que ça ? »
« J’adresserai tes félicitations à mon coloriste. »

Un sourire étire mes lèvres alors que le malaise de la jeune femme m’amuse. Je ne suis pas de celles qui font tout pour que leur interlocuteur se sente à l’aise et comme chez soi. Je sais qu’il émane de moi une confiance en moi et un certain cynisme qui rendent mal à l’aise la plupart de mes interlocuteurs, mais j’ai toujours adoré en jouer. Spencer ne fait pas exception à la règle, bien qu’avec elle, le tout reste particulièrement sans malice ou danger pour la jeune femme. Etonnement, je ne lui veux aucun mal. « Moi ? » - « Tu vois quelqu’un d’autre dans la pièce ? » Je fais mine de me retourner sur moi même pour observer les alentours mais, dans un studio, le tour est vite fait. « Hm… Maureen avait les cheveux clairs. Genre plus châtains que blonds. Pour l’autre côté, je saurai pas dire. » Ce que je lui demandais, c’est si son blond était sa couleur naturelle, mais puisque la réponse n’a pas réellement d’importance je la laisse poursuivre dans la voie qu’elle a choisi. C’est plus intéressant finalement, de la laisser tenter de nous trouver des ressemblances à toutes les deux.

On ne peut pas dire que nous sommes diamétralement opposées, mais personne ne soupçonnerait que nous sommes parentes. Peut-être suis-je biaisée, mais je ne me reconnais pas réellement dans les traits de son visage presque encore enfantin. « Peut-être les yeux viennent de lui. » - « De Jeremiah ? Peut-être, j’ai pas la réponse. » J’ai vu de vieilles photos, mais tout ça me semble si loin que j’ai presque oublié à quoi il ressemblait. Si je le croisais dans la rue, je serai incapable de le reconnaître et je m’en moque pas mal. Il n’est qu’un nom, une identité qui n’a pas la moindre influence sur le cours de ma vie. « Peut-être. Ceux de Liam étaient bruns, presque noirs. » Ni mon frère aîné ni ma mère n’ont les yeux clairs, ça je m’en souviens. « C’est important pour toi ? De savoir si on se ressemble ou pas ? » Je lui pose la question sur un ton dénué de jugement, curieuse de connaître l’importance qu’elle attache à des choses qui en sont dépourvues pour moi. Ma famille, je l’ai choisie. Etrangement, Spencer est le seul reliquat et lien du sang auquel j’accorde aujourd’hui de l’importance, alors qu’elle ne fait partie de ma vie que depuis quelques mois.

« Non, bien sûr que non. »
« Bien. »

Elle ne me connaît pas en profondeur, mais doit se douter de comment je fonctionne à présent : c’était la seule réponse possible à apporter à ma question. J’ai beau avoir un soft spot pour la gamine, je me débarrasserais d’elle sans scrupule si elle devait un jour présenter une menace pour mon bébé. Toutefois, l’idée me semble parfaitement ridicule : Spencer est un oisillon tombé du nid, un qui s’est cassé les deux ailes et une patte, elle a déjà assez de travail à faire pour s’occuper de sa propre personne. « Je- c’est juste- » Curieuse, je penche la tête sur le côté et je l’observe en silence. « Elle est encore petite et on vrai, on est pas non plus genre… Proches. » Elle semble immédiatement regretter le terme employé, comme si je pouvais être blessée par ses mots. « J’veux dire, je m’attendais pas forcément à ce que t’aies envie de le faire, c’est ta famille après tout. Enfin ça me touche que tu l’aies fait. » - « Tu peux respirer : on est pas proches non, en effet. » Et elle peut l’énoncer à haute voix sans que je me sente trahie ou que je n’ai l’impression d’être en face d’une ingrate. « Mais je te vois pas comme un danger non plus, c’est pour ça qu’elle est là avec moi. » Pour lui prouver que je lui fait confiance, en partie en tout cas. « Et t’as pas à la prendre dans les bras, tout comme je te demanderai pas de la garder et de t’en occuper. » Je n’ai de toute façon pas l’intention de lâcher ma petite fille pour la lui tendre. « Mais tant que tu prends soin de toi, je vois pas pourquoi je la garderai à distance, sauf si tu me demandes de le faire. » Après tout, avant Micah, je détestais la progéniture d’autrui. Même sur Abel, le fils de ma seule amie, je n’ai posé qu’un regard à moitié intéressé. Une minuscule moitié. « Amos pense que c’est important pour elle qu’elle sache d’où elle vient. Et comme j’ai pas l’intention de remettre les pieds à Charleville un jour… Quand elle commencera à poser des question, ce sera toi son seul repère de mon côté de la famille. » Et peut-être que ce sera important pour elle bien plus que ça ne l’a jamais été pour moi. « Ça veut pas dire que je te demande quoi que ce soit, ou que j’attends de toi que tu joues un rôle dans sa vie. Rien ne t’y oblige. » A présent, Micah la dévisage avec curiosité et un sourire sur ses lèvres de bébé. « Mais au moins voilà, je te l’ai présentée. » Je ne sais pas réellement comment justifier mon choix de venir avec ma fille autrement : je ne suis pas douée pour ces choses-là.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Tu vois quelqu’un d’autre dans la pièce ? » la plaisanterie fait sourire Spencer qui roule gentiment des yeux. A peu de choses près, on pourrait les prendre pour deux potes en train de plaisanter sur des conneries sans importance. Ne manquent qu’une tape sur l’épaule et un joint entre les doigts pour que ça soit vraiment crédible. Y a un semblant de complicité qui commence à apparaître, mais on est encore loin d’une relation réellement soudée et à l’épreuve du temps. Alors elles s’apprivoisent un peu, parlent de ce qui les lie et de possibles points communs. « De Jeremiah ? Peut-être, j’ai pas la réponse. » le contraire l’aurait étonnée, c’était il y a toute une vie qu’il était présent pour ses enfants lui, tout le monde l’a oublié et c’est largement mérité. « Peut-être. Ceux de Liam étaient bruns, presque noirs. » ainsi donc sa théorie tient à peu près la route. Non pas que ça change quoi que ce soit de toute façon. « C’est important pour toi ? De savoir si on se ressemble ou pas ? » il lui faut quelques instants pour considérer la question. « Pas vraiment. » Est-ce que c’est le moment où elle avoue que dans le fond peut-être un peu ? Que lorsqu’elle a reçu la vieille photographie de la part de Liam, elle a passé des heures à chercher des similitudes en vain. Gamine elle n’avait aucun repère de ce genre, la seule personne qui lui ressemblait un tant soit peu, c’était Maureen et elle a toujours refusé avec force et violence leurs similarités. Elle n’avait aucune envie d’être associée à cette femme là et la débectait de tout son être. Et puis un jour elle s’est mis en tête que Jeremiah avait le beau rôle, que c’était sans doute mieux de ce côté-là avant de finalement repousser l’idée aussi vite qu’elle était arrivée. « C’est le genre de choses que j’aurai bien aimé quand j’étais gamine, surtout. » Aujourd’hui ça a tout de même bien moins d’importance. C’est appréciable, mais pas indispensable non plus. « Ca et un grand frère un peu chiant ou une grande soeur à qui j’puisse piquer les fringues pour lui ressembler. » Ca la fait rire aujourd’hui d’imaginer quelle genre de petite soeur pénible elle aurait pu être, dans d’autres circonstances. Alors elle secoue la tête en affichant un sourire amusé et en haussant les épaules.

Elle bafouille des excuses, se justifie sur à peu près tout mais surtout pour rien, alors qu’elle ferait surtout mieux d’arrêter et de se concentrer un peu. « Tu peux respirer : on est pas proches non, en effet. » Bon, au moins elle ne le prend pas mal. C’est qu’elle a encore du mal à tout à fait cerner l’attitude à adopter autour de Raelyn. « Mais je te vois pas comme un danger non plus, c’est pour ça qu’elle est là avec moi. Et t’as pas à la prendre dans les bras, tout comme je te demanderai pas de la garder et de t’en occuper. » Et c’est un choix plus que judicieux, elle a déjà bien assez à faire avec sa propre personne pour le moment. « Mais tant que tu prends soin de toi, je vois pas pourquoi je la garderai à distance, sauf si tu me demandes de le faire. » « Ça va aller. Et puis j’ai rien contre les enfants, hein. » elle souffle un rire en haussant les épaules. Et concernant la partie qui consiste à prendre soin d’elle, promis elle y travaille. C’est un nouveau quotidien qu’elle a encore un peu de mal à appréhender, mais ça finira par venir. « Amos pense que c’est important pour elle qu’elle sache d’où elle vient. Et comme j’ai pas l’intention de remettre les pieds à Charleville un jour… Quand elle commencera à poser des question, ce sera toi son seul repère de mon côté de la famille. » Ce ne sont que des mots, sûrement qu’ils ne veulent pas dire grand-chose pour Raelyn, mais pour Spencer et sa tendance à tout surinterpréter, c’est une sorte de déclaration silencieuse qui veut dire pas mal de choses. Si elle continue sur sa lancée pour aller mieux, qu’elle arrive à garder un semblant de contrôle sur son existence et qu’elle est toujours là dans les années à venir, elle est susceptible d’avoir une place, même minime dans tout ça. « Il est du genre proche de sa famille, lui ? » Parce que pour les soeurs Blackwell, c’est tout vu. Entre celle qui a renié la sienne pour en choisir une autre qui lui convenait mieux, et celle qui n’a jamais trop eu son mot à dire, elles ne partent pas avec le meilleur bagage qui soit en termes de référence. « Ça veut pas dire que je te demande quoi que ce soit, ou que j’attends de toi que tu joues un rôle dans sa vie. Rien ne t’y oblige. Mais au moins voilà, je te l’ai présentée. » Et c’est déjà bien plus que ce qu’elle aurait pu espérer, Spencer. « En temps voulu, j’aimerai bien, je pense. » D’ici quelques années sûrement, lorsqu’elle aura repris sa vie en main et qu’elle aura appris à se gérer et à mieux connaître sa demi-soeur et son compagnon, un quelconque rôle est envisageable et seulement si ça leur convient encore à ce moment-là. « C’est marrant, c’est pas tellement le genre de relation que j’imaginais avec toi à la base. » Pas du tout même. Mais là, quand elle pose les yeux sur la fillette qui sourit comme l’innocente qu’elle est, Spencer ne peut s’empêcher d’enfin l’imiter. L’idée de faire partie d’un cercle familial, même de façon un peu éloignée pour l’instant, lui plaît bien trop pour la repousser complètement. « Un truc cordial un peu de loin à la rigueur, mais pas ça. » Faut dire qu’elle imagine rarement des relations avec qui que ce soit, ça a toujours tendance à mal se terminer alors autant s’épargner.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

« C’est le genre de choses que j’aurai bien aimé quand j’étais gamine, surtout. » Je laisse échapper un rire amusé en songeant qu’elle est à des kilomètres de se douter de quel genre de gamine et surtout d’adolescente j’étais. Seigneur, elle m’aurait détestée. « Ca et un grand frère un peu chiant ou une grande soeur à qui j’puisse piquer les fringues pour lui ressembler. » - « Je te rassure, t’aurais pas voulu grandir avec nous. Liam et moi, on a toujours été deux inconnus. » Nous n’avions de famille que le nom, les liens du sang. Nous ne nous étions pas choisis et il a vite été clair que nous n’avions rien en commun et aucune envie d’être proche. « Vaut mieux pour toi qu’on ait fait connaissance que maintenant. » A moins qu’elle se soit découvert une passion pour la ferme depuis notre dernière rencontre : auquel cas, elle aurait adoré vieillir aux côtés de mon frère, partager sa vie morne et fade.

« Ça va aller. Et puis j’ai rien contre les enfants, hein. » - « Moi, je les détestais tous avant elle. » Avant de donner naissance au petit monstre qui, installé sur mes genoux, me tire les cheveux dès qu’ils sont à sa portée. « Je les déteste d’ailleurs toujours. Tous sauf elle. » Comme son père finalement, Micah fait office d’exception. Devenir mère n’a pas fait naître une douceur insoupçonnée en moi, je ne m’émerveille pas plus qu’hier devant les marmots qu’il m’arrive croiser. C’est à elle que je réserve mes instincts maternels, la progéniture d’autrui me débecte toujours autant. « Tu admettras qu’elle est parfaite, en même temps. » Je lui adresse un sourire amusé, un qui dit qu’au fond, j’ai conscience de mon manque d’impartialité sur le sujet. Je n’ai pas l’intention d’arrêter d’encenser ma fille pour autant.

« Il est du genre proche de sa famille, lui ? » - « Amos ? Oui. Il a grandi avec trois frères et une famille plutôt conservatrice. » Je ne sais pas si on peut les qualifier de proches mais, le préciser, ce serait révéler l’intimité de mon conjoint à la blonde alors je me contente de pointer du doigt l’évidence. « C’est important pour lui. Et je le respecte. » Je ne rejette pas tout ce que je ne comprends pas. J’ai beaucoup de défauts, mais l’intolérance n’en fait pas partie - sauf face à la médiocrité. « En temps voulu, j’aimerai bien, je pense. » Et elle pourra. Quand elle ira mieux, quand elle sera plus forte et quand je lui ferai confiance, une confiance aveugle. Pour l’instant, elle est loin de ça. Je ne suis pas prête à lui confier mon bébé quand une partie de moi pense qu’elle pourrait l’échanger contre un sac de poudre, si elle rechutait. « C’est marrant, c’est pas tellement le genre de relation que j’imaginais avec toi à la base. » - - « Hm ? » Je lâche ma fille des yeux pour observer la jeune femme. Moi, je n’imaginais rien, à vrai dire. « Un truc cordial un peu de loin à la rigueur, mais pas ça. » J’esquisse un sourire et attrape les doigts de Micah dans mes doigts, pour l’empêcher de continuer à me torturer. « Je suis pleine de surprise. » J’adresse un clin d'œil à ma demi-sœur, avant de poursuivre. « C’est quoi tes plans, maintenant ? » Elle a toujours vécu au jour le jour. Maintenant qu’elle a un toit au-dessus de la tête, un boulot qui lui apporte une certaine sécurité et qu’elle est clean, a-t-il des rêves ? Des aspirations ?

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

« Je te rassure, t’aurais pas voulu grandir avec nous. Liam et moi, on a toujours été deux inconnus. Vaut mieux pour toi qu’on ait fait connaissance que maintenant. » « Ouais, peut-être. » qu’elle ajoute sans trop de mise en forme supplémentaire. Et même si elle n’ajoute rien, elle sait, dans le fond, que même des frangins qui s’adressent à peine la parole lors des repas ou qui n’ont rien en commun, ça lui aurait plu. N’importe quoi aurait été mieux que les foyers, que Maureen et ses bouteilles, que la descente qui a suivi sans qu’elle ne contrôle rien. Elle ne le dit pas, se contente d’un léger sourire pincé et passe au dessus. Après tout, peut-être qu’elle n’a pas tous les éléments en main pour comprendre cette brisure que Raelyn a choisi de faire avec la famille qui l’a vue naître, sans parler du fait qu’elle est bien mal placée pour contester la moindre décision. Alors tant pis, elle se contente de la croire sur parole, ne conteste pas et prend ce qu’elle a aujourd’hui.

Aujourd’hui, c’est sa demi-soeur encore presque étrangère qui lui présente sa fille et ça compte franchement bien plus que de parfaits inconnus perdus dans la campagne australienne. « Moi, je les détestais tous avant elle. » Ca a au moins l’avantage d’arracher un rire franc à Spencer qui secoue doucement la tête. De son côté, elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle les déteste, les petits. C’est surtout qu’elle est terrifiée de faire quelque chose qu’il ne faut pas, de reproduire malgré elle certains comportements qu’on a pu avoir à son encontre lorsqu’elle était gamine et que, d’une manière ou d’une autre, ça soit dommageable au point de juste gâcher une vie supplémentaire. Elle extrapole beaucoup, c’est un fait, mais c’est plus fort qu’elle, toutes ces idées négatives. Y a encore du boulot avant qu’elle ne réussisse à changer cette image tordue et déformée qu’elle a d’elle-même. « Je les déteste d’ailleurs toujours. Tous sauf elle. » Et à première vue, personne ne soupçonnerait Raelyn d’être le genre de femme à s’attendrir devant un enfant. Le sien, du moins. Comme quoi il y a toujours plusieurs facettes chez les gens, celle qu’ils laissent entrevoir au plus grand nombre, et celle qu’ils veulent bien montrer à quelques rares privilégiés. « Tu admettras qu’elle est parfaite, en même temps. » « Ca va, pas trop mal. Même si je dois bien admettre que vous avez fait du bon boulot. » qu’elle enchérit avec un sourire amusé au coin des lèvres. Ca doit être un truc de parent, ça, de trouver son bébé parfait au point de toujours le comparer aux autres. Et vu la façon dont Raelyn regarde sa progéniture, Spencer peut affirmer sans trop de difficulté que personne ne s’en prendra jamais à elle.

« Amos ? Oui. Il a grandi avec trois frères et une famille plutôt conservatrice. » Une grande famille, donc. Enfin grande selon les standards de la blonde qui n’a pas tellement de comparatif en tant qu’ancienne enfant unique et mise de côté par ses parents. Ca lui fait toujours bizarre, d’ailleurs, de se dire qu’en fin de compte elle partage le même sang que quelqu’un et que cette personne semble en avoir quelque chose à faire. « C’est important pour lui. Et je le respecte. » « J’comprends. » Comme quoi pour l’amour et l’appréciation de quelqu’un, on est prêts à beaucoup de choses, même si ça veut dire accepter un côté familial un peu envahissant où qui a tendance à juger à peu près tout et n’importe quoi. « Je suis pleine de surprise. » ça, elle l’a bien remarqué. « C’est quoi tes plans, maintenant ? » Ah, la grande question ça. C’est comme quand elle était gosse et qu’on lui demandait quel métier lui plairait une fois adulte. « C’est là que j’te dis que j’en ai pas ? » Même réponse qu’à l’époque, à la différence près que maintenant ça semble un peu trop tard pour s’autoriser à rêver un boulot fantasque qui rapporte gros sans rien foutre de ses journées. « J’ai jamais été douée pour prévoir les choses ou voir sur le long terme. » Si ça avait été le cas, elle n’aurait pas manqué de se foutre en l’air par inadvertance, et peut-être qu’elle serait devenue mère de famille dans un mariage malheureux au point de planquer des bouteilles de vin sous l’évier en espérant que personne ne les trouve et ne pose de questions trop gênantes. Qui sait. « Essayer de rester sobre, pour commencer. Ça me paraît déjà pas mal comme début. » Essayer de ne pas foutre en l’air sa relation, aussi. Et bizarrement, ça lui semble déjà bien plus compliqué que de devoir résister à l’appel d’une dose d’héro bien envoyée. « Si jamais j’me découvre une vocation qui sait, peut-être essayer de passer un diplôme ou quelque chose du genre. » Parce que c’est bien beau d’avoir négligé ses études au point de tout juste avoir terminé le lycée sans rien entreprendre derrière, mais aujourd’hui à tout juste vingt-six ans, elle n’a aucune idée de ce qu’elle aimerait faire ou même si elle est douée en quoi que ce soit. Faire le service dans un bar ou un casino, elle sait faire, mais clairement elle ne se voit pas tellement passer sa vie complète à regarder des vieux riches s’enquiller des cocktails tout en dépensant le PIB d’un petit pays juste sur une soirée. Pas tellement de plans, donc, juste quelques aspirations qui ne font même pas plus rêver que ça. Sans parler du fait qu’elle doit un paquet d’argent à Raelyn et tous les bons services qu’elle lui a rendus, alors elle se voit assez mal se barrer pour faire autre chose dans les années à venir. « Quand j’étais gosse j’voulais m’occuper d’animaux, du coup faut voir. » au moins eux, ils sont faciles à comprendre et à appréhender, contrairement aux gens.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

« Ça va, pas trop mal. Même si je dois bien admettre que vous avez fait du bon boulot. » Je ne pensais pas qu’un jour je ferais partie de ces mères qui ne savent ou ne veulent pas faire preuve de la moindre objectivité lorsqu’il est question de leur rejeton. Bien sûr, je suis épargnée par toutes les niaiseries qui viennent avec tout ça, mais il n’en reste pas moins vrai que je défendrais farouchement la thèse qui dit que Micah est une merveille et un être à part si quiconque osait le remettre en question. J’aime mon poupon d’un amour auquel je n’étais pas préparée et pour cause : il n’a rien à voir avec ce que je ressens pour son père. Il n’est pas question de puissance ou d’intensité et me demander de les classer selon ces critères serait inhumain puisqu’ils me sont tous les deux aussi nécessaires que l’air que je respire. Non, c’est différent et d’une façon sur laquelle je serais bien incapable de mettre des mots. J’ai eu du mal à appréhender le fait que j’étais la mère de cet être minuscule, mais j’ai été renversée par une déferlante d’amour à l’instant même où j’ai posé mes yeux sur elle. La seule chose que je ne peux nier, c’est qu’elle est grincheuse lorsqu’elle est fatiguée et je capte déjà les premiers signes précurseurs : elle bat de ses cils fins pour garder les yeux ouverts. De mes genoux, je la passe dans mes bras et elle dépose docilement sa tête sur mon épaule.

« C’est là que j’te dis que j’en ai pas ? » - « Si tu le fais, je te répondrai que je ne suis pas vraiment surprise. » Parce que l’addiction se nourrit de votre énergie vitale et que se sevrer semble aussi épuisant que de déplacer des montagnes. Et je ne parle même pas de rester clean. « J’ai jamais été douée pour prévoir les choses ou voir sur le long terme. » - « Tu sors à peine du centre. T’as le temps pour ce genre de choses. » Moi même, je n’ai pu envisager la suite - et ma conquête du Club - qu’après avoir récupéré et pris le temps de panser mes blessures. « Essayer de rester sobre, pour commencer. Ça me paraît déjà pas mal comme début. » - « C’est pas mal. » C’est même plus que pas mal. Ce sera une lutte de tous les jours, mais je pense que Spencer le sait et que ce n’est pas quelque chose qu’elle a besoin d’entendre. « Si jamais j’me découvre une vocation qui sait, peut-être essayer de passer un diplôme ou quelque chose du genre. » J’esquisse un sourire amusé avant de laisser un rire m’échapper. J’imagine aussi peu la gamine reprendre ses études que je n’envisage moi-même de le faire. Loin de prétendre qu’elle est idiote - pour l’instant, je n’ai rencontré que la petite junkie, la toxicomane, et je sais que chaque individu est bien différent une fois soustrait à l’emprise des drogues dures. « Quand j’étais gosse j’voulais m’occuper d’animaux, du coup faut voir. » Cette fois, je ne cherche même plus à cacher mon amusement. « Les rêves de gamins, c’est généralement fait pour le rester. » De mon côté, je n’ai pas souvenir d’avoir aspiré à grand chose sur le plan professionnel. Toute ma volonté - et elle a toujours été de fer - a toujours été entièrement dédiée à une seule chose : quitter Charville. Rester là-bas m’aurait tué aussi efficacement que la drogue a bien failli le faire et je crois que c’est en partie pour ça que je n’y suis jamais retournée, même gamine, lorsque j’ai déchanté et plongé bien vite. Je préférais crever ici que vivre une vie entière là-bas. Je crois qu’une part de moi savait également que personne n’en aurait rien eu à foutre de mon sort, et que je ne voulais pas être confrontée à ce triste constat. Je crois que quitte à être seule, j’ai préféré que ce soit mon choix. « T’occuper d’animaux… C’est pas un peu ce que tu fais au casino ? »  Je lui adresse un clin d'œil avant de m’appuyer un peu plus sur le dossier du sofa : ma fille commence à poser son poids. « T’as tout le temps du monde. A l’Octopus, ta place t’appartient, et tu peux la reprendre quand tu veux. Quand tu seras prête aussi. » Je lui adresse un clin d'œil, avant de reprendre. « Je connais bien les propriétaires. Je peux t’arranger ça. »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Et maintenant, c’est quoi la suite ? Difficile à dire pour quelqu’un qui n’a toujours fait que vivre au jour le jour et n’a fait que prendre des décisions hâtives jusqu’au point de non retour. « Si tu le fais, je te répondrai que je ne suis pas vraiment surprise. » nulle doute que Raelyn elle-même ne savait pas tellement quoi foutre après s’être purgée de ses excès. « Tu sors à peine du centre. T’as le temps pour ce genre de choses. » la jeune femme acquiesce sans pour autant savoir si c’est une bonne chose. Du temps elle en a toujours eu, à plusieurs reprises on a essayé de la tirer vers le haut, de l’aider en la laissant aller à son rythme parce que forcer les choses n’a jamais fonctionné avec elle, et tout ce qu’elle a fait c’est continuer à nager vers le fond. Alors le temps, ça lui fait peur si elle veut être tout à fait honnête. Elle voudrait que ça aille vite mais en est bien incapable, alors elle se frustre et s’énerve, ne constate même pas les petits progrès tant ils lui parraissent insignifiants et c’est l’histoire qui se répète, le serpent qui se mord la queue. Pourtant elle tente de se convaincre que déjà, voir les choses à petite échelle pour commencer, c’est une bonne chose. Les grands plans, peut-être qu’ils viendront plus tard, qui sait. « C’est pas mal. » la patronne a l’air d’accord, ne semble pas non plus vouloir la brusquer et ça lui fait presque bizarre. D’ordinaire, les gens n’ont pas tellement de patience à son égard. « Les rêves de gamins, c’est généralement fait pour le rester. » « Ouais, sans doute. » la vérité, c’est qu’elle se plaira sans doute dans n’importe quoi qui lui demande de ne pas rester statique. Rester vissée derrière un bureau, très peu pour elle. Si elle n’a pas encore trouvé sa vocation, ça ne veut pas dire qu’elle ne le fera jamais. « T’occuper d’animaux… C’est pas un peu ce que tu fais au casino ? » et ça lui arrache un rire franc avant qu’elle n’acquiesce. En vérité il y a bien pire comme clientèle, s’il y a parfois quelques esclandres à cause de clients trop éméchés et mauvais perdants, ça reste tout de même assez rare, les coups fourrés. Faut dire que constamment voir des vigiles mal regarder toute la salle et prêts à intervenir au moindre souci, ça dissuade assez vite de créer des ennuis. Et clairement, Spencer ne s’en plaint pas. Lorsqu’elle bossait dans des bars, c’était tout de même un tout autre délire, il faut être honnête, plus d’une fois elle s’est retrouvée avec de gros lourds sur le dos ou à devoir elle-même jouer les gros bras en cas de besoin. (Autant dire que vu sa corpulence, elle était rarement prise au sérieux.) Mais elle voit ce que Raelyn veut dire, dans ce cas de figure. « T’es un peu rude avec tes clients. » non pas que ça la dérange particulièrement, elle est sans doute la première à leur cracher dans le dos une fois à l’abri des regards. « T’as tout le temps du monde. A l’Octopus, ta place t’appartient, et tu peux la reprendre quand tu veux. Quand tu seras prête aussi. » oh ça c’est tout vu. Si Spence s’écoutait, elle y retournerait dès ce soir pour s’occuper le corps et l’esprit. Faut pas s’y méprendre, elle ne s’est pas découvert une soudaine passion pour servir des gens trop riches, mais au moins quand elle était là-bas, concentrée sur ses tâches et surtout entourée par tout un tas de gens qui la gardaient à l’oeil, ça limitait pas mal les possibles conneries. Et peut-être que c’est tout ce qu’il lui faut, au final. « Je connais bien les propriétaires. Je peux t’arranger ça. » « Ah ça serait bien aimable si tu pouvais m’arranger le coup, ouais. » qu’elle répond avec un sourire amusé. Non décidément, Raelyn ne réussira pas à la convaincre que ça se serait mal passé si elles avaient grandi sous le même toit. Du côté de la blonde, en tout cas. « Je pense que je vais pas trop tarder à y retourner, en vrai. » on pourrait croire qu’elle aime se faire du mal et précipiter les choses, mais non. « Si je reste sans rien faire plus d’une semaine, j’vais vriller. » pas qu’elle sera de retour dès la semaine après sa sortie de cure, elle doute que ça soit conseillé par tous les professionnels de santé qui la suivent, mais elle risque de ne pas savoir gérer l’oisiveté et le manque de stimulation. Elle profitera un moment de rester avec sa partenaire et elles prendront leur temps pour apprivoiser ce nouveau quotidien, remplaçant les anciennes contraintes par de nouvelles plus saines et moins fatales. « Et puis j’voudrais pas abuser non plus. » elle doit déjà bien assez de choses à Raelyn et elle n’a aucune envie de tirer sur la corde jusqu’au point de rupture. « Y a pas beaucoup d’patrons qui feraient ça. » et surtout pas pour une petite merdeuse dans son genre. « Par contre je- Peut-être que c’est pas une bonne idée que je reste à proximité des alcools, tu sais ? J’ai jamais eu trop de problème avec mais j’ai pas envie que- Enfin peut-être que je devrais plutôt en parler avec Amos, de ça. » après tout c’est pas son truc à elle, la gestion du personnel. Et c’est sans doute pas le moment ou l’endroit de parler boulot.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell

« T’es un peu rude avec tes clients. » J’esquisse un sourire amusé : au moins, je ne mens ou ne triche pas. Ce n’est pas parce que je les détrousse de leur argent que je leur voue une reconnaissance éternelle : je suis au contraire parfaitement consciente d’encourager l’addiction de certains et de profiter des l’amour de l’excès des autres. Si je me sens coupable ? Pas le moindre du monde. Ces travers existent depuis la nuit des temps et existeront toujours bien après ma mort. Ce que je fais, c’est simplement en tirer parti. « Tant que ce sont des animaux dans mon établissement. » Et pas chez la concurrence. « Alors tout va bien. » J’adresse un clin d’oeil à la jeune femme avant de me redevenir un peu plus sérieuse. « Ah ça serait bien aimable si tu pouvais m’arranger le coup, ouais. » - « C’est comme si c’était fait. » Autrement dit - de façon moins sentimentaliste - je n’ai pas l’intention de lui mettre la moindre pression pour retrouver le chemin de l’Octopus le plus vite possible afin de commencer à rembourser l’immense dette qu’elle a accumulée en ma faveur. Je pourrais effacer son ardoise - je suis loin d’être dans le besoin - mais je sais que ce serait autant infantilisant que cela enverrait un mauvais message : celui que je ne le pense pas capable d’assumer la responsabilité de ses actes.

« Je pense que je vais pas trop tarder à y retourner, en vrai. » Je comprends ça, le besoin de rester en mouvement . Quand j’ai perdu le Club, replongé et après m’être sevré, j’ai ressenti une immense sensation de vide : celui provoqué par le fait de ne plus savoir quel était mon prochain mouvement. « Si je reste sans rien faire plus d’une semaine, j’vais vriller. » - « Je comprends ça. » Et si elle n’est pas occupée, si elle est laissée seule en tête à tête avec ses démons trop longtemps, les risques de replonger sont certainement plus importants aussi. « Et puis j’voudrais pas abuser non plus. » D’un geste de la main, je balaie cette possibilité. Elle n’a pas à craindre ce genre de chose, la blonde. Je ne suis pas une patronne douce et compréhensive, mais Spencer n’a rien d’une employée comme les autres : nous savons toutes les deux que je ne l’ai pas embauchée pour ses compétences en mixologie. « Y a pas beaucoup d’patrons qui feraient ça. » - « Parce que je suis pas ta patronne. » Si, sur le ton de la conversation, cette affirmation peut laisser entendre que je suis plus que ça, que je suis surtout sa sœur, c’est surtout la vérité. Dans les faits, Amos est à la tête du Casino et je suis à la tête de l’organisation criminelle dont elle ignore l’existence. « La taille des équipes est conséquente. Ça permet de pallier aux absences plus facilement. » Tout ça c’est la théorie, la vérité, c’est que les recettes du Club et de l’Octopus permettent largement de couvrir les pertes engendrées par un salaire jeté dans le vent, et que ni moi ni Amos ne nous formaliserons de le faire pour elle. Elle n’est pas vraiment une inconnue, même si j’ignore ce qu’elle est, et ses combats intérieurs font beaucoup trop échos aux nôtres - et aux souvenirs les plus douloureux de mon compagnon - pour que nous ne passions pas l’éponge sur ses dettes et son manque de régularité au boulot. Elle fait du mieux qu’elle peut, j’en suis persuadée. « Par contre je- Peut-être que c’est pas une bonne idée que je reste à proximité des alcools, tu sais ? J’ai jamais eu trop de problème avec mais j’ai pas envie que- Enfin peut-être que je devrais plutôt en parler avec Amos, de ça. » - « Oui, parle-lui-en. » Parce que je ne veux pas lui donner l’impression que je décide là où ce serait à lui de le faire. « Mais s’il y a quelqu’un qui peut comprendre, c’est lui. » Parce qu’il m’a aidée à traverser mon sevrage, et parce qu’il se bat contre une addiction à la boisson. Elle n’a pas cette dernière information en sa possession, si bien que je la passe sous silence. « Il t’apprendra même à donner les cartes ou faire tourner une roulette, si tu t’imagines dans l’uniforme des croupiers. » Elle ne serait pas la première à commencer dans ce boulot là sans avoir la moindre idée de ce qu’elle fait. « Et c’est plutôt sage, comme décision. »