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Eve n'a jamais été du genre colérique, n'importe qui la connaissant de près ou de loin pourrait l'affirmer. Pourtant, ses yeux qui lancent des éclairs depuis qu'elle a reconnu Jameson portent à croire que cette affirmation est erronée. Si on lui avait dit qu'elle serait si furieuse de la revoir, elle-même n'y aurait sans doute pas crue, persuadée qu'avec le temps elle serait passée à autre chose. Mais force est de croire que ce n'est pas le cas : il lui a suffi de croiser le regard de son ex pour que tous leurs souvenirs remontent et ravagent jusqu'à sa bonne foi. Elle n'a aucune envie d'admettre qu'elle a besoin d'aide, de son aide, et que sa cheville lui fait un mal de chien. Elle voudrait prétendre que tout va bien et qu'elle n'a pas à s'infliger plus longtemps cette désagréable compagnie, mais la réalité la rattrape sans mal et elle est bien obligée d'accepter l'aide qui lui est proposée. Elle se serait cependant bien passée du ton sec et autoritaire de Jameson, cependant. Tout comme elle se passera de toute discussion avec elle pendant le trajet : que ce soit à propos de la pluie, du beau temps, ou de ce qui a pu exister entre elles par le passé. Ne pas penser à leurs souvenirs communs ne devrait pas être bien compliqué pour l'avocate, de toute façon, puisque leur relation lui importait si peu qu'elle l'a piétinée sans vergogne à l'époque. « Aucun problème pour moi. » Lorsque la Daxson élargit l'idée de ne pas parler au point de presque proposer un roi du silence, elle ne peut que remarquer les yeux de son interlocutrice qui se lèvent vers le ciel avec un agacement certain. « C’est ce que j’ai cru comprendre, vu le nombre de fois où j’ai dû entendre le message de ton répondeur. » Eve est presque tentée de lui proposer de lui répéter de vive voix le dit message, si son ex tient tant que ça à se rappeler de cette horrible période où, le cœur brisé, elle refusait de répondre au moins appel de cette l'ayant trompée. Mais le sarcasme n'a jamais été son genre, au contraire elle a toujours trouvé que c'était un mode de communication plus voué à être méchant qu'efficace. « Au moins le message était clair. » Et il réclamait que Jameson la laisse tranquille, exactement comme aujourd'hui. Car si l'enseignante a accepté l'aide de son ex, c'est bien en désespoir de cause, et sûrement pas pour qu'elles profitent d'une balade en forêt pour discuter de ce qui l'a poussée à inviter dans ses draps quelqu'un d'autre.

Mais si Eve a la rancune étonnamment tenace et ne parvient pas à desserrer les dents depuis que l'avocate l'a rejointe pour lui porter secours, ce n'est pas le cas de Raya qui décide d'interrompre leur – bien peu instructif – échange de regards en venant réclamer des câlins. Et pas à Eve, non : elle est toute concentrée sur Jameson, la fixant d'un regard adorable et s'agitant comme pour exprimer toute la joie qu'elle ressent de la revoir. Une joie que ne partage pas sa maîtresse dont les protestations ne lui font cependant ni chaud ni froid : la chienne a reconnu Jameson et elle l'aimait bien à l'époque où les deux femmes sortaient ensemble, pourquoi ne l'aimerait-elle plus aujourd'hui ? Ce n'est pas elle qui a souffert des écarts de conduite de l'avocate, alors il n'y a aucune raison pour qu'elle lui en veuille qui a vite fait de craquer pour s'accroupir et la caresser. « Oh mais oui, t’es toujours aussi belle et aussi câline. » Eve se surprend à espérer, par pur esprit de vengeance mal placée qui ne lui ressemble pas, que Freya décide de faire le même caprice et vienne lui réclamer des câlins. Mais cette dernière est bien mieux dressée que la petite chihuahua et ne bouge pas d'un iota, observant simplement la scène malgré le désespoir de la professeure des écoles. Un désespoir que son ex ne semble pas décidée à alléger de si tôt, puisqu'elle revient à la charge dans ce qui semblait être une trêve à l'ambiance étrange. « On devrait parler pourtant. » Eve, qui jusque là préférait regarder ailleurs pour s'épargner ce spectacle lui rappelant les retrouvailles enthousiastes que Raya accordait à Jameson lorsqu'elles se voyaient en compagnie de leurs animaux de compagnie, reporte son attention sur son ex qui reçoit une nouvelle salve d'éclairs comme réponse immédiate. « Je n’ai pas été honnête avec toi et tu as tous les droits de m’en vouloir. Mais si tu dois me haïr et me tenir responsable de notre rupture, j’aimerais au moins que tu le fasses pour les bonnes raisons. » Les yeux de l'enseignante s'écarquillent face à l'audace dont son interlocutrice ose faire preuve. Les bonnes raisons de lui en vouloir, elles sont toutes trouvées et elle n'a pas besoin d'une discussion pour en ajouter à la liste : l'adultère est selon elle une raison bien suffisante pour ne plus vouloir entrer en contact avec son ex. « Que tu m'aies trompée, ce n'est pas une bonne raison à tes yeux ? » D'une voix partagée entre la rancœur féroce et l'incrédulité, la question lui échappe avant qu'elle ait pu réfléchir à la pertinence de rétorquer à haute voix. Peut-être aurait-elle mieux fait de l'ignorer pour que cette discussion n'ait pas lieu, après tout c'est ce qu'elle a réclamé : ne pas en discuter. « Ne me réponds pas. J'ai dit que je ne voulais pas en parler, » répète-t-elle un peu sèchement alors qu'elle secoue légèrement la tête de gauche à droite. Elle lui avait dit, pourtant, elle ne voulait pas parler, de ça ou de quoi que ce soit d'autre, mais comme toujours l'avocate est une telle tête de mulle qu'elle ne peut pas l'entendre.

Jameson finit par sortir une carte qui, avec un peu de chance, lui indiquera un chemin tout tracé et – surtout – très rapide pour rejoindre une zone plus vivante où elles ne seront plus obligées de se supporter. « Bon, si on suit ce chemin vers le nord, on devrait tomber sur un parking à moins de 2km. Tu penses tenir ? » « Oui, ça ira, » assure-t-elle. « Tu peux me trouver un long bâton, pour prendre appui quand je marche, s'il te plaît ? » Les derniers mots lui arrachent la langue, quand bien même une réaction si immature peut sembler stupide. Mais elle a besoin de ce substituts de bâton de marche, espérant que ça suffira à compenser le poids qu'elle ne peut pas mettre sur sa cheville blessée. L'idée même que son ex ait à la porter sur le chemin la met mal à l'aise, mais ça n'arrivera pas, n'est-ce pas ?

Win : Heureusement, sa cheville tient le coup bien mieux qu'elles auraient pu l'imaginer. Il leur reste moins d'un quart du trajet quand la douleur recommence à être plus gênante, Eve réfrénant au mieux des grimaces. « Tu penses qu'on est encore loin du parking ? » qu'elle demande, alors que son regard fouille les horizons à la recherche de la moindre voiture – mais pour l'instant il n'y a que des arbres et pas la moindre trace de bitume. Pour l'instant la douleur n'est pas lancinante, mais elle aimerait bien arriver avant que ce soit le cas.

So close : Elles sont à mi-chemin lorsque la douleur se fait plus présente et fait grimacer Eve, qui contient difficilement les traits de son visage crispés. « Tu penses qu'on est encore loin du parking ? » qu'elle demande, alors que son regard fouille les horizons à la recherche de la moindre voiture – mais pour l'instant il n'y a que des arbres et pas la moindre trace de bitume. « Je crois que je vais avoir besoin d'une petite pause, » explique-t-elle dans un soupir. Elle pourra peut-être tenir cent mètres de plus, mais ensuite elle aura besoin d'un temps de pause.

Fail : Le destin est joueur et a envie de voir combien de temps la fierté d'Eve peut la rendre stupide : elles n'ont fait qu'un tiers du chemin lorsque la douleur est devenue si lancinante que son rythme de marche ralentit drastiquement. Elle ne se sent pas de tout faire d'une traite. « J'ai besoin d'une pause, » lance-t-elle, les dents serrés, avant repérer un gros rocher et de s'en approcher pour s'y asseoir. Ce n'était pas une question, ni une suggestion : elle a bien trop mal pour négocier une pause, et en vient presque à douter de pouvoir continuer.

HRP :

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Si Eve a réclamé à ce qu'elles ne discutent pas durant le trajet qu'elles sont forcées de partager, son message semble être entré par une oreille de son interlocutrice et ressorti par l'autre puisqu'elle ne se tait absolument pas, bien au contraire. Selon elle, elles devraient en parler, mais ce n'est pas l'avis de la Daxson qui n'a aucune envie de revenir sur ce qu'il s'est passé. Découvrir qu'elle était cocue a été bien assez violent ce jour-là pour qu'elle n'ait pas envie de remuer sa peine et son amertume à ce sujet aujourd'hui. Même si, en réalité, le fait de revoir Jameson a à lui seul suffit à raviver ses ressentiments, en témoignent son regard assombri et son étonnante froideur. Elle n'est pas comme ça, d'habitude, connue par son entourage pour être souriante et agréable. Elle n'a pas envie de l'être avec celle qui lui a brisé le cœur et l'a trahie de la plus odieuse des façons, considérant qu'il n'y a aucune excuse à son acte. C'est pour cela qu'elle a refusé de répondre à ces coups de fil après leur rupture – car oui, après l'avoir trouvée au lit avec une autre personne il n'y avait dans son esprit aucun doute sur le fait qu'elles n'étaient plus ensemble. Et le fait que l'avocate considère qu'elle ne l'a pas fait pour de bonnes raisons la met hors d'elle, au point que cette fois elle lui réponde même avec une certaine agressivité. Elle n'en revient pas de son culot. Elle n'en revient pas qu'elle ose lui dire ça en face, nier ce qu'elle a ressenti ce jour-là, nié ses sentiments au point d'estimer que c'est à elle de choisir pourquoi Eve devrait lui en vouloir. Secouant la tête, cette dernière revient sur ses propos uniquement pour demander à ce que Jameson ne renchérisse pas dessus. Elle a dit qu'elle ne voulait pas en parler et est toujours de cet avis, même si une réponse lui a échappée sous le coup de la colère et de l'indignation. « Comme tu voudras. » Elle grommelle mais la Daxson s'en moque : en discuter n'aura aucun intérêt si ce n'est la replonger dans des émotions qu'elle ne veut plus ressentir. Elle n'aime pas se sentir si négative et n'a qu'une hâte : que leurs chemins se séparent et qu'elles n'aient plus à s'adresser la parole.

Le bâton que lui a trouvé et affiné Jameson à la main, et pour lequel elle l'a remerciée de façon aussi neutre que possible, Eve progresse lentement mais sûrement. Par chance, sa cheville ne se montre pas trop capricieuse, à croire que le spray froid et l'attelle de fortune de son ex n'ont pas été sans intérêt. Néanmoins, il n'y a pas encore de parking à l'horizon lorsque la douleur commence à ressurgir petit à petit, lui arrachant quelques grimaces mal contenues. Elle ne sait pas à quel point elles ont avancé et pose la question à Jameson, espérant qu'avec la carte sous la main cette dernière pourra lui donner une estimation du temps qu'elle doit encore tenir. « Dix minutes. » Elle hoche la tête, laissant échapper un soupir trahissant autant sa fatigue que son teint qui a pali. Elle s'apprêtait à reprendre lorsqu'elle est interrompue. « Attends. » Même si elle ne sait pas pourquoi elle lui demande cela, elle s'exécute, n'ayant pas envie de marcher à l'aveugle juste pour contrarier son ex. Et lorsqu'elle la voit sortir sa gourde puis une gamelle, elle comprend ce qu'elle compte faire. Aussi en profite-t-elle pour s'asseoir sur une souche d'arbre afin de s'octroyer une pause et épargner quelques instants sa cheville malmenée. Son regard évite sciemment Jameson, se concentrant plutôt sur Freyja et Raya qui se grognent bien moins dessus que les deux humaines. Malheureusement, ce silence presqu'apaisant est interrompue par l'avocate qui semble incapable d'entendre que son ex se moque de sa plaidoirie. « Je sais que tu ne veux pas parler de ce qu’il s’est passé entre nous. Qu’une rupture et le silence sont pour toi justifiées par mon infidélité. » Eve tourne les yeux vers elle uniquement pour lui octroyer un regard agacé, espérant que cela suffise à la dissuader de continuer sur le sujet sur lequel elle ne veut pas revenir. Mais Jameson est plutôt du genre femme déterminée qui ne sait pas renoncer, elle le sait très bien, c'est même un des traits qu'elle préférait chez elle. Aujourd'hui il l'insupporte, ni plus ni moins. Et lorsque l'autre reprend la parole, l'enseignante soupire et pose son bâton à côté d'elle, sentant qu'elles vont en avoir pour un moment à défaut de pouvoir fuir en courant cette discussion stérile.

Win : Le bâton est bien calé, Eve peut sans souci écouter les justifications irrecevables que va sûrement lui vendre son ex.

So close : Le bâton glisse sur le sol mais Eve l'ignore, elle est de toute façon trop concentrée sur ce que raconte son ex pour en avoir quelque chose à faire de voir se contorsionner pour le ramasser. Ce sera son problème pour plus tard.

Fail : Le bâton glisse sur le sol et pique le pied d'Eve qui grimace. Elle le décale d'un léger coup de son pied indemne et ne tente pas de le ramasser, n'y accordant déjà plus aucun intérêt puisque les propos de son ex ont vite attiré toute son attention.

« Le truc, c’est qu’en ce qui me concerne, je ne pensais pas te tromper. Ça ne retire rien à la peine que je t’ai causée, mais c’est la vérité. » Les sourcils de la Daxson se froncent aussitôt et sa bouche s'entrouvre dans un geste de protestation, pourtant aucun mot ne sort. Si ses yeux sont remplis de la même indignation que tout à l'heure, cette fois elle ne sait pas quoi dire. Et ce silence laisse toute la place à l'avocate pour poursuivre son explication, aussi bancale soit-elle. « Quand tu as disparu, je n’ai pas compris. Je me suis repassée notre relation des centaines de fois et j’ai fini par réaliser que je n’avais pas été claire avec toi. Que nous n’avions jamais pris le temps de définir les termes de notre relation… et qu’on était toutes les deux persuadées que c’était évident. » Bien vite, Eve se retrouvait submergée d'informations auxquelles elle ne s'attendait pas et plongée dans un capharnaüm de sentiments qui la déboussole.  « Je veux que tu saches que j’avais de véritables sentiments pour toi. J’attendais de voir où ils nous mèneraient avant de... » De quoi, de la tromper ? « avant de réfléchir à la prochaine étape de notre relation. » Eve a envie de protester que ce qui est évident c'est qu'on ne trompe pas sa partenaire avec le premier venu, encore moins quand on dit avoir de véritables sentiments pour elle. Elle se rend compte que malgré sa colère et sa douleur, il y a des fantômes de sentiments qui ressurgissent parce que bon sang elle l'a aimée Jameson. Elle se demande si en étant plus claire à l'époque elles seraient encore ensemble aujourd'hui. Pourtant il n'y a toujours rien qui sort de sa bouche, juste un mélange confus d'agacement, de rancœur et de désarroi dans ses yeux qu'elle-même ne comprend pas très bien. « Le type avec qui tu m’as surprise… un musicos que je me tapais une fois l’an depuis une éternité. Le vestige d’une époque où j’étais expat' et lui le seul visage familier à débarquer à l'improviste dans la ville où je séjournais. Ça n’a jamais rien voulu dire, et j’aurais arrêté de le voir sans même devoir y réfléchir si j’avais compris la façon dont tu concevais notre relation. » Même si ça l'agace profondément, la Daxson sent une pointe de culpabilité se faire un chemin dans son esprit. Comment ne pas se dire qu'elles auraient peut-être pu tout sauver si elles avaient discuté après cet incident ? Comment ne pas se demander si ignorer tous ses appels, tous ses messages après leur rupture n'a pas été une grave erreur ? Comment ne pas se sentir, au moins en partie, responsable de l'échec de leur relation ? Pourtant il y a toujours cette colère profonde qui lui dit que Jameson aurait pu lui en parler avant d'aller fricoter avec un autre, lui faire part de ce qu'elle pensait de leur relation, être honnête sur son désir de non-exclusivité. Il y a encore cette rancœur parce qu'elle a été trompée et que ces aveux ne changent pas la douleur qu'elle a ressenti en la découvrant dans le même lit que ce musicos. « Je ne suis pas assez naïve pour croire que ça changera quoi que ce soit. Mais je tenais à ce que tu le saches. » Eve pince les lèvres et passe ses mains sur son visage pour souffler un coup. Elle envisage pendant un instant de ne pas répondre pour clore d'office cette discussion, mais trop de choses ont été dites pour qu'elle puisse réellement passer à autre chose sans rétorquer. « Je comprends pas comment pour toi ça pouvait ne pas être évident que je ne voulais pas que tu couches avec quelqu'un d'autre. Comment t'as pu te dire que ça ne me blesserait pas que tu couches avec ce type, qu'importe que ça fasse une éternité que tu te le tapes. » Soudainement elle a besoin de comprendre, de savoir comment la communication dans leur couple – ou leur relation, que Jameson appelle ça comme elle le souhaite – a pu échouer au point que celle qu'elle aimait se dise qu'elle ne verrait pas d'inconvénient à ce qu'elle couche avec quelqu'un d'autre. « J'étais pas claire quand on se voyait ? J'ai fait quelque chose qui a pu te laisser croire que je voulais pas qu'on soit un couple classique, sans aller voir ailleurs ? » Ou est-ce qu'elle n'a juste pas voulu voir les signes que c'était ce qu'Eve voulait, parce que ça lui permettait de se sentir plus libre ?

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À dire vrai, Eve pensait qu'entendre les justifications de son ex ne pourrait qu'embraser sa rancœur que sa seule présence a suffi à réveiller. À ses yeux, aucun de ses mots ne pouvait ne serait-ce qu'alléger sa colère et sa peine, et encore moins justifier ce qu'elle a fait. C'est pour cette raison qu'elle ne voulait pas en parler. À quoi bon remuer cette trahison inadmissible, si ce n'est pour raviver sa douleur et lui rappeler à quel point elle s'était sentie humiliée ? Elle ne voulait pas de cette discussion, pourtant face à l'insistance de Jameson elle se retrouve à subir son flot de paroles incessant. Peut-être aurait-elle dû boucher ostensiblement ses oreilles pour bien lui faire comprendre qu'elle ne voulait pas l'entendre, mais elle ne le fait pas. Elle dirait sûrement que c'est parce qu'elle n'est pas une enfant, mais il n'y a sans doute pas que ça. Elle qui a tendance à pardonner si facilement a en réalité bien du mal à oublier complètement tout le positif de leur relation passée. Elle en veut à Jameson, c'est certain, mais il y a aussi une part d'elle qui s'est toujours demandé ce qu'elle avait fait pour que celle qu'elle aimait invite une autre personne dans son lit.

Alors Eve l'écoute, assise sur cette souche d'arbre qui n'a rien de confortable – mais l'est assurément plus que cette discussion. Son visage laisse apparaître tout un tas d'émotions qu'elle ne pense même pas à contenir, trop occupée à essayer de comprendre ce que Jameson lui raconte. Elle ne voit pas ce qu'elle a pu faire pour laisser croire qu'elle souhaitait autre chose qu'une relation exclusive, parce qu'à ses yeux c'est le seul modèle de couple concevable. Ça la perturbe tant qu'elle ne peut pas tenir sa langue, interrogeant son ex à ce sujet. Est-ce qu'elle n'était pas claire dans ses intentions ? A-t-elle laissé entrevoir le moindre signe qu'elle était d'accord avec l'idée qu'elles aillent voir ailleurs ? Qu'est-ce qui dans son attitude tout au long de leur relation a pu laisser croire à Jameson que ça ne la blesserait pas de la trouver avec un autre ? « Je ne sais pas. » À vrai dire, elle n'est pas certaine d'avoir déjà entendu ces mots de la bouche de la Winters. Dans son souvenir, elle avait toujours la réponse à tout, et quand elle ne l'avait pas elle la cherchait. Elle devrait sans doute se satisfaire qu'elle reconnaisse ne pas savoir et n'invente pas une excuse stupide, mettant dans sa bouche des mots qu'elle n'aurait jamais prononcés à propos de leur relation, mais elle est aussi frustrée de ne pas obtenir de réponse satisfaisante. Voyant les sourcils de Jameson se froncer, elle ne fait pas de commentaire, espérant que si elle se tait alors il y aura une suite à ces trois mots qui ne lui ont absolument pas suffi. « En vérité tu m’as probablement donné tous les signes de ce que tu voulais qu’on soit, et c’est moi qui n’ai pas su les interpréter. » Ça a quelque chose de rassurant, d'entendre de sa bouche qu'elle n'a rien fait pour mériter d'être trompée, qu'elle était claire sur ses intentions. Il y a cependant quelque chose de triste à penser que si elles s'étaient toutes deux mieux exprimé, leur histoire n'aurait pas fini ainsi.

Du coin de l'œil, la Daxson aperçoit Freyja s'approcher de sa maîtresse. Raya, elle, est restée auprès de la gamelle, les oreilles dressées, immobile comme si elle sentait la tension et préférait en rester loin. « Je n’ai jamais eu de relation exclusive, tu sais ? Et je ne suis jamais parvenue à me projeter avec personne non plus. Sauf une fois... » Il y a un silence, et à la mimique qu'esquisse le visage de son ex Eve comprend que ce ne sont pas de bons souvenirs qui remontent. « J’avais 17 ans, j’étais une étudiante naïve et une j’ai quitté le Canada pour lui. Je me suis retrouvée sans amis et sans moyens à l’autre bout du monde en Australie. » C'est le genre de début d'histoire qui semble trop pour bien se terminer, mais l'enseignante ne se permet aucun commentaire. À vrai dire, elle ne sait même pas pourquoi Jameson lui raconte ça, supposant qu'elle a besoin de justifier son inexpérience, peut-être même de s'alléger d'un poids. « Ça s’est mal terminé. » Les détails lui sont épargnés, et elle se retrouve partagée entre la curiosité inquiète – le visage de la Winters s'est considérablement plissé depuis qu'elle a commencé à en parler – et l'impression de ne plus être légitime à l'interroger à ce sujet. Elles ne sont plus un couple, après tout, et ça fait longtemps que leur histoire est terminée. « Après ça, je n'ai jamais rien eu de sérieux. Garder une certaine distance, c’était ma sécurité. Et je n'avais jamais eu envie d'autre chose non plus... jusqu'à ce que je te rencontre toi. Et ça m'a fait flipper. » À nouveau, plusieurs émotions glissent sur le visage d'Eve qui n'a pas pour habitude de les réfréner. Doit-elle se sentir flattée d'avoir été celle qui lui suscite l'envie de se poser ? Ou être d'autant plus blessée qu'elle l'ait trompée malgré cela ? Son cœur se serre à l'idée que Jameson n'ait pas su – ou pu ? – lui en parler. Lui parler de ses envies, de ses peurs, de son passé amoureux plus tumultueux que ce qu'Eve s'était imaginé. « J'ai merdé. En voulant me protéger, j'ai merdé. Je t’ai blessée et j’en suis profondément désolée. » Cette sincérité dans les yeux et la voix de son ex l'atteignent en plein cœur et pendant quelques secondes elle en perd ses mots. Et lorsque finalement elle reprend la parole, son ton n'a plus rien d'agressif, exprimant simplement un mélange de réflexion pensive et de regret. « J'aurais préféré que tu m'en parles à ce moment-là. Qu'on puisse discuter de ce qu'on voulait. » En terme d'exclusivité, de futur commun, de crainte qu'il aurait mieux valu exprimer, partager, apaiser peut-être. « Ça nous aurait évité tout ça. » La tromperie, la douleur, la peine, cette conversation... Tout, finalement. Est-ce qu'elle serait encore ensemble, si elles avaient su en discuter ? C'est une question qu'Eve n'a pas envie de se poser, en fin de compte. Alors elle secoue la tête, passant une main sur son visage et laissant un soupir s'échapper de ses lèvres. « C'est bon, je me suis assez reposée. On devrait y aller. » Et elle mentirait en disant que ce n'est pas uniquement parce que cette discussion l'a plus remuée encore que ce qu'elle imaginait.

Win : Elle se penche en avant pour ramasser son bâton, s'appuyant dessus pour se relever, déjà prête à repartir.

So close : Elle se penche en avant pour ramasser son bâton mais manque de glisser de la souche. Un mouvement un peu ridicule des bras lui évite la chute, elle récupère alors sa canne de fortune et s'appuie dessus pour se remettre sur ses pieds.

Fail : Elle se penche en avant pour ramasser son bâton, mais elle l'a poussé trop loin et glisse dans sa tentative. La voilà les fesses par terre, tendant le bras pour récupérer sa canne de fortune et s'en servir pour se relever laborieusement.

HRP :

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C'était une discussion qu'Eve ne souhaitait pas avoir, pourtant elle mentirait en disant qu'elle ne ressent pas un peu de soulagement maintenant que les choses ont été dites. Rien ne pourra les renvoyer dans le passé pour éviter de commettre de telles erreurs, ni ne lui fera oublier qu'elle a retrouvé la femme dont elle était amoureuse au lit avec quelqu'un d'autre, mais le fait de comprendre un peu mieux ce qu'il s'est passé est presque rassurant. Jameson ne l'a pas trompée parce qu'elle n'était pas une petite-amie assez présente mais parce qu'elles n'attendaient pas les mêmes choses de leur relation. Ça n'enlève rien à l'humiliation d'avoir senti des cornes lui pousser devant ce spectacle horrifique, mais ça met un point final à toutes les questions qu'elle s'est posée ce jour-là et les semaines qui ont suivi.

Contre toute attente, Eve pourra sûrement tirer du bon de ces retrouvailles imprévues et de ce sauvetage relativement catastrophique. Enfin pour l'instant, elle souhaite surtout mettre fin à cette discussion qui n'a pas manqué de faire naître des et si ? dans son esprit. Bien sûr, si Jameson lui avait parlé de ses craintes, leur histoire ne se serait sans doute pas terminée ainsi. Mais si elle-même avait été plus explicite sur ce qu'elle désirait, sur sa vision du couple aussi classique soit-elle, sur l'avenir qu'elle leur voyait ensemble, est-ce que cela leur aurait épargné cette rupture désastreuse ? Une part d'elle pense que oui, et l'autre la pousse à se remettre sur pied pour reprendre leur randonnée interminable en direction du parking. Reposée elle l'est bien assez, maintenant elle a besoin de bouger, d'arrêter de réfléchir, et surtout d'atteindre une zone avec du réseau et une route pour pouvoir rentrer chez elle. Alors la voilà debout mais vacillante, s'étant précipité bêtement pour cacher un embarras évident face à une discussion qui l'a plus bouleversée que prévu. Elle parvient finalement à retrouver son équilibre en s'appuyant sur le bâton qui l'a aidée à marcher jusqu'ici. « Ton enthousiasme est beau à voir mais on va quand même y aller doucement. » Eve s'abstient de répondre à sa remarque parce que ses mots seraient trop secs, inadéquats pour une taquinerie si bête. Elle n'est pas sûre d'être déjà capable de cela avec son ex, de vouloir qu'elle soit taquine malgré les explications qu'elles ont pu s'offrir. Heureusement Jameson s'abstient de s'enfoncer dans cette idée et lui vient plutôt en aide en glissant un bras sous son épaule. C'est ainsi qu'elles reprennent leur marche, la Daxson espérant profondément qu'elles ne sont plus si loin de la civilisation.

Autour d'elles il n'y a que des arbres et ce chemin qu'elles piétinent, le silence à peine perturbé par le bruit de rares oiseaux alors qu'au-dessus d'elle le Soleil se couche lentement et teinte le ciel de nuances chaudes. « Tu as raison, tu sais ? J’aurais dû te parler de tout ça. Tu avais le droit de savoir dans quoi tu t’embarquais. » Le silence presque apaisant de la nature prend fin à ce moment-là, parce que l'avocate a besoin de vider son sac, d'enfin reconnaître à voix haute ses torts et le mal qu'elle lui a fait. Il faut admettre qu'Eve ne lui en a jamais vraiment laissé l'occasion par téléphone, refusant de répondre à la moindre de ses sollicitations du jour au lendemain. « Mais je ne suis pas sûre que j’en aurais été capable. » Entendre Jameson reconnaître ainsi ses faiblesses, ses blocages, la surprend agréablement malgré leurs mois de relation. Lorsqu'elles sortaient ensemble, elle rayonnait pas son charisme, son ambition, cette impression qu'elle donnait de pouvoir répondre à n'importe quelle question, à n'importe quelle situation. Elle n'était jamais à court d'argument, avocate dont le répondant ne se cantonnait pas qu'au tribunal. Là, elle semble l'être. Elle aurait dû – oui, indéniablement elle aurait dû, mais si elle ne le pouvait pas alors peut-être que leur histoire était immanquablement vouée à l'échec. « Peut-être si on s’était rencontrées quelques années avant… ou quelques années après. » L'enseignante a envie de lui dire que c'est trop tard de toute façon, que ce qui est fait est fait, que ses paroles sont peut-être empreintes de sagesse aujourd'hui mais qu'elles ne changent pas ce qu'il s'est passé. Tout ce qui lui vient à l'esprit ne lui convient pas, trop nostalgique, trop salé, trop amer. Si bien qu'elle n'a toujours pas trouvé quoi répondre lorsque Jameson change de sujet à l'approche de leur but. « Regarde, on est arrivées. » En effet, à quelques mètres de là elles peuvent apercevoir la fin du chemin qu'elles arpentent mais surtout du bitume recouvrant le sol. « Enfin... » soupire-t-elle, son essoufflement traduisant une fatigue certaine. « Tu as quelqu’un qui peut venir te chercher ? » Hochement de tête presqu'instinctif, bien sûr qu'elle a quelqu'un pour venir la chercher, un journal d'appels plein de personnes prêtes à lui rendre ce service – Leslie exceptée, trop de kilomètres les séparant désormais. « Sinon je peux te raccompagner. » Elle se doutait que la proposition allait arriver, aussi a-t-elle déjà en tête les personnes qu'elle pourrait appeler, à commencer par Jay. « Je vais appeler mon frère. » Si ce n'est pas lui, quelqu'un répondra bien à son appel et la ramènera à la civilisation en lui épargnant un trajet supplémentaire avec son ex, n'est-ce pas ? Même si l'idée de passer du temps avec elle la rebute moins que lorsqu'elle a reconnu son visage au sommet de ce ravin plus tôt dans l'après-midi, elle doute tout de même que rester en sa compagnie trop longtemps soit une bonne idée pour leur bien à toutes les deux.

Win : Pour son plus grand bonheur, son frère décroche dès les premières sonneries. Eve lui explique brièvement qu'elle s'est blessée en promenant Raya en forêt et il accepte de venir la chercher sans lui poser d'autre question que sa localisation actuelle. Après lui avoir rappelé d'être prudent sur la route, l'enseignante raccroche et reporte son regard sur Jameson. « Mon frère va venir me chercher, selon son GPS il lui faut environ un quart d'heure. » Une durée sur laquelle Einstein aurait beaucoup de choses à dire. « On pourrait chercher un endroit où s'assoir au niveau du parking, » suggère-t-elle en désignant le regroupement de voitures d'un geste du menton. Elle préfère y être lorsque son aîné arrivera, afin qu'il n'ait pas de mal à la repérer.

So close : Eve ouvre ses contacts, sélectionne le nom de son aîné et lance l'appel, mais rien ne sonne. Fronçant les sourcils, elle regarde les petites barres de réseau représentées en haut de l'écran et constate avec dépit qu'il n'y en a aucune, remplacées par une petite croix. « Tu as du réseau toi ? » Avec un peu de chance, elles n'ont pas le même opérateur, sinon Eve devra choisir entre un peu plus de marche pour rentrer avec quelqu'un d'autre ou au moins une demi-heure de plus en compagnie de son ex.

Fail : Eve sort son téléphone et... Pourquoi l'écran est noir ? Lorsqu'elle tente de l'allumer, c'est l'icône d'une batterie rouge et vide qui apparaît pour lui envoyer un message clair : elle ne pourra pas appeler avec son propre téléphone, ni même envoyer un message. « Je crois que la batterie est morte, » constate-t-elle dans un souffle, les lèvres pincées, l'agacement venant la chatouiller. « Je peux emprunter le tien ? » Elle ne connaît pas tant de numéros par cœur que ça, alors elle n'a plus qu'à espérer que les rares élu·es décrochent.

HRP :

anyone but you

Eve a l'impression d'avoir dû marcher pendant des heures pour atteindre ce parking qui a tout du Saint Graal à cet instant précis. Maintenant il lui faut seulement contacter une personne véhiculée et disponible qui acceptera de venir la chercher ici, et le plus vite sera le mieux. La proposition d'être raccompagnée par son ex lui semble tout à fait inenvisageable après avoir déjà passé toute cette marche à travers la forêt en sa compagnie. Certes, elle ne regrette plus autant d'être tombée sur elle maintenant qu'elles ont eu une discussion lui ayant enfin permis de comprendre pourquoi elle l'a trompée alors qu'elle pensait qu'elles formaient un couple stable et heureux. Néanmoins, elle ne poussera pas sa chance plus loin : si quelqu'un d'autre peut la récupérer ici, ça leur rendra service à toutes les deux. C'est sans surprise son frère qu'elle appelle en premier, et lorsqu'il décroche elle sent déjà son cœur s'alléger d'un poids. Iels échangent quelques minutes, le temps qu'elle lui explique ce qui lui est arrivé et où la rejoindre, puis elle lui intime d'être prudent sur la route avant de raccrocher. Lorsqu'elle se tourne vers Jameson, c'est uniquement pour énoncer des faits qui, dans son esprit, rime avec la fin de leurs retrouvailles difficiles.

Eve ne peut pas nier qu'il y a eu du bon à ce qu'elles se retrouvent d'une façon aussi saugrenue, mais elle avouera aussi avoir hâte que tout ça se termine. Elle voudrait rentrer chez elle, prendre une douche et mettre son cerveau en veille devant une comédie romantique pour faire abstraction de cette drôle de journée. D'ici là, elle préférerait tout de même attendre son frère directement sur le parking afin qu'il n'ait pas de mal à la retrouver. « Bonne idée, ouais. » Jameson l'aide alors à avancer jusqu'au dit parking où un rocher assez gros trouve finalement leur préférence, puis à s'installer dessus. « Il te verra directement quand il quittera la route de forêt. » Elle esquisse un mince sourire satisfait. « Merci. » Après quelques secondes que la Daxson interprète comme de l'hésitation, son ex finit par s'asseoir à ses côtés. Un silence s'installe et elle ne saurait dire combien de temps il dure. Des secondes ou des minutes ? Elle aurait dû se douter que Jameson finirait par le briser, c'est ce qu'elle fait depuis le début de la soirée après tout. « Comment va ta fille ? » Peut-être qu'elle ne devrait pas répondre, lui dire qu'elles peuvent bien attendre en silence pour s'épargner plus de dégâts, qu'après la discussion qu'elles ont eue elles peuvent bien ne plus se parler pendant six mois. Mais Eve n'a jamais été si sèche ou vindicative et il leur reste un quart d'heure à tuer, sans l'ombre d'une chose à faire sur ce parking, ni d'une âme qui vive autre qu'elles deux. Au moins Ella est un sujet neutre qui n'a jamais été une source de conflit entre elles. Lorsqu'elles étaient ensemble, Jameson savait que sa petite princesse serait toujours sa priorité et qu'elle l'aimait plus que tout, et elle n'a jamais émis le moindre reproche à ce sujet. « Elle va bien. » Elle a bien grandi, aussi : au début de l'année elle a fêté son septième anniversaire, et un an plus tôt elle quittait le Kindergarden pour rejoindre les grand·es. Bon sang ce que ça lui a fait bizarre, à Eve, de l'accompagner pour cette rentrée des classes là. « Elle a bien grandi depuis la dernière fois que tu l'as vue. » Des changements il y en a eu beaucoup d'autres en réalité, mais il y en a certains dont elle n'a pas envie de parler avec son ex. Le retour de Leslie, la garde partagée, la solitude des week-ends sans sa fille, l'annonce du départ insensé pour Costa Rica, le sentiment d'abandon, le cœur brisé à moitié assumé, la tentative de passer à autre chose après des années à ne pas en être capable... Tout ça, elle le passe sous silence et se contente d'une affirmation bien moins compliquée à expliquer. « Elle est à l'école primaire maintenant. »

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