Trois semaines que le jeune homme était arrivé dans cette ville. Et il y avait un peu plus de trois semaines que le soleil ne s’était pas levé sur cette ville. Ce qui l’arrangeait avec sa nouvelle condition, son créateur lui avait bien dit de rester loin du soleil s’il ne voulait pas mourir dans d’atroce souffrance. Il s’était caché, s'était terré dans sa chambre d’hôtel dans un premier temps.  Puis quand la soif lui tiraillait trop les entrailles, il finissait par sortir et attaquer la première chose qui lui passait sous la main, qu’elle soit animale ou humaine. C’est seulement au bout de plusieurs jours qu’il décida qu’il ne pouvait pas vivre toute sa vie ainsi, et se décida de se reprendre en main et  de trouver quelque chose qui pourrait le guérir. Eoin passait ses journées à la bibliothèque, le nez dans des ouvrages les plus obscurs les uns des autres. S’il fut un temps où le bibliothécaire aurait pu trouver ses lectures étranges depuis que la nuit éternelle s'était abattue sur Brisbane, consulter ce genre d’ouvrage semblait être une activité banale. Souvent après avoir passé sa journée, il passait ses nuits à arpenter les rues. Il les passait à observer, à étudier les gens qu’il croisait tout en essayant de deviner s’ils étaient comme lui, une créature assoiffée de sang. Il tentait aussi d’apprivoiser toutes les nouvelles sensations qu’il ressentait en tant que vampire, ce qui était loin d’être simple.

Ce soir, il est assis à une table du Nemrod, un pub, avec un verre de whisky irlandais devant lui, mais aussi son carnet à croquis et un crayon dans ses mains. Si son père, fiers irlandais, était là, il aurait été sûrement fou de rage. Comment son bien-aimé fils pouvait pénétrer chez l’ennemi. Chez les O’hara, ils étaient tous de fier irlandais qui aspirait un jour à une Irlande libre et refusait tout ce qui était de près ou de loin lié à la couronne britannique. Mais à cet instant, pour Eoin, ce pub est le seul endroit qui lui rappelait un petit peu chez lui. Et en ce moment, alors que sa vie avait pris un tournant brutal, il avait besoin de se sentir chez lui. Il a choisi une table à l’écart et l’abri des regards indiscrets pour observer les client tout en les dessinant sans être vu.
Instinctivement, il porte son verre à ses lèvres, mais une odeur désagréable stoppe tout mouvement de sa part… Et Eoin repose son verre d’un coup sec, il avait oublié un instant que depuis qu’il avait été transformé sa boisson favorite semblait avoir l’odeur du poison.

Puis soudain un bruit de verre qui se brise, et quelques instants plus tard l’odeur du sang frais vient chatouiller les narines du jeune vampire. L’odeur est délicieuse et enivrante. Ses pupilles se dilatèrent instantanément. Il peut sentir du bout de sa langue ses canines poussées. « Non….. Non… » Murmure-t-il pour lui-même. Il ne pouvait pas rester d’ici. D’un bond, il se lève et en abandonnant tout sur sa table, il se précipite vers la sortie, bousculant sans aucune excuse des gens au passage. Il doit s’éloigner au plus vite de cette odeur.
Une fois, dehors, le jeune vampire s’appuie contre le mur le plus proche. Les yeux fermés, il essaye tant bien que mal de canaliser cette pulsion qui monte en lui…  

( Pando )

Comme toujours, le Nemrod est bondé. Éparpillés en petits groupes dans la salle, des clients trinquent et discutent à voix basse ou gueulent leurs exploits à tue-tête. Si d’ordinaire l’ambiance est plutôt festive dans ce pub où se donnent rendez-vous tous les ivrognes de la ville, depuis le début de l’éclipse la plupart des gens ont la mine basse. L’atmosphère est aussi plus tendue, terreau fertile où éclatent de véritables altercations plutôt que les rixes bon enfant habituelles. Assis à sa table préférée, dans un coin de la pièce où les jeux d’ombres lui permettent de se fondre dans la masse, Sid boit son verre à petites gorgées. L’alcool n’a plus le même goût qu’autrefois, mais au fil des décennies il a appris à tolérer puis à apprécier la saveur amère et un peu fumée d’un whiskey bon marché. Surtout, c’est la couverture parfaite, comme rien n’est plus suspect dans un pub qu’un homme qui ne boit pas. Il observe les clients, cherche à déceler sur leurs visages pervers et leurs regards torves ceux qui ne valent pas mieux que les monstres de la nuit. Ceux qui, le soir venu, lèvent la main sur leur femme ou leurs enfants. Ceux qui volent et menacent, pillent et ravagent sans le moindre remords. Ceux qui tuent, surtout. Ceux-là sont les plus goûteux, car à la saveur métallique et enivrante de leur sang se mêle la certitude d’avoir rendu service à l’humanité, même s’il y a longtemps qu’elle ne veut plus de lui.

Il croit avoir trouvé la cible parfaite, un homme aux larges épaules qui n’a pas hésité à attirer la barmaid sur ses genoux et à la peloter un moment sous les rires gras de ses amis avant de finalement la laisser s’échapper, lorsqu’un mouvement brusque sur sa droite attire son attention. À la table à côté de la sienne, un gamin au teint pâle vient de reposer son verre d’un geste si raide qu’une partie de l’alcool qu’il contient a éclaboussé la table. Intrigué, Sid incline légèrement la tête. Discrètement, il hume l’air, cherche à travers les relents de vieille bière qui tachent le zinc et le fumet alléchant des corps qui l’entourent l’odeur du gamin. Il a beau se concentrer, il n’en perçoit aucune, pas plus qu’il n’entend le rythme régulier de battements dans sa poitrine. Intéressant. Ainsi, le jeune inconnu est lui aussi un vampire.

À l’autre bout du pub, une bataille éclate. Sid n’y porte pas la moindre attention. Il ne quitte pas des yeux le gamin qui, lui sursaute au bruit du verre brisé. C’est ainsi qu’il aperçoit dans ses moindres détails l’expression de détresse qui se peint sur ses traits juvéniles lorsque l’odeur métallique du sang fraîchement versé se rend jusqu’à eux. De toute évidence, son visage d’ingénu n’est pas qu’un leurre dont il se sert pour mieux attirer et dévorer ses victimes. Il s’agit véritablement d’un tout jeune vampire qui a encore du mal à lutter contre ses pulsions. « Non….. Non… » souffle-t-il, si bas qu’un humain n’aurait sans doute rien entendu malgré leur proximité. Il s’attend à ce que le gamin cède à sa soif et bondisse sur le blessé. C’est plutôt le contraire qui se produit. Il se lève brusquement, renverse presque sa chaise dans sa hâte, et sort du Nemrod comme s’il avait le diable à ses trousses. Sa curiosité bel et bien piquée, le vampire avale cul-sec ce qu’il lui restait de whisky et se lève. Il jette un coup d’œil à la table que vient d’abandonner l’inconnu. Il y a laissé son verre encore plein et un carnet. Tout en se sacrifiant de bon cœur pour éviter de gaspiller l’alcool délaissé, il feuillette les pages du cahier. Elles sont recouvertes de croquis assez réussis parmi lesquels il reconnaît les traits de certains clients du pub. « Hm… » murmure-t-il songeusement avant de refermer la couverture en un claquement sec. Sans se presser, il sort à son tour du Nemrod, louvoyant avec grâce entre les spectateurs qui se rapprochent pour former un cercle compact autour des combattants. Une fois dehors, il n’a que quelques pas à faire pour rejoindre le gamin. Les yeux fermés, il est si concentré qu’il ne remarque pas l’arrivée de Sid, qui s’arrête juste devant lui. « Tu ne pourras pas lutter pour toujours, tu sais. » Il y a des limites même à la volonté la plus forte. Le corps d’un vampire ne lui permettra jamais de se laisser mourir de faim. « Il faudra bien que tu te repaisses éventuellement. » Il tend la main, fasciné par ses grands yeux obscurcis par la soif, effleure du bout de l’index une canine acérée qui dépasse de ses lèvres pleines. Il laisse retomber sa main, lui offre son carnet. « Qu’est-ce qui t’en empêche ? » demande-t-il, la tête légèrement inclinée vers la droite comme un chiot curieux.

( Pando )

C’était si prévisible qu’une bagarre éclatée dans un pub, et quelqu’un soit blessé. Eoin se maudit lui-même pour avoir pensé que ce serait une bonne idée de s’aventurer dehors au lieu de rester enfermé dans sa chambre d’hôtel. Hôtel qui d’après ce qu'il a pu voir abrite beaucoup d’autres créatures de la nuit, mais il n’avait pas encore osé discuter avec eux. Le vampire du bateau ne lui avait pas expliqué grand-chose d’autre que les règles de base à la survie vampirique, il l’avait surveillé pour que le jeune vampire ne fasse pas un carnage à bord. Mais Eoin n’avait aucune idée comme il devait se comporter face aux autres vampires. Avait-il une hiérarchie ? Mais à cet instant, il est loin de toutes ces préoccupations. La seule chose qui occupait son esprit était l’odeur de sang frais et sa fuite du pub pour éviter de planter des crocs dans le cou du pauvre malheureux.
La porte de pub s’était refermée derrière lui, étouffant les bruits et les effluves d’alcool portant l’odeur du sang frais envahissait encore ses narines. Le jeune homme s’appuie contre le mur, il ferme les yeux… Il se souvient de ce que lui disait son frère petit quand il faisait des cauchemars, il doit se concentrer sur sa respiration, sur sa cache thoracique qui monte et descend doucement. Les yeux fermés, il essaye d’appliquer les conseils de son grand-frère sauf qu’il ne sentait ni respiration ni cœur battre. Ce qui le fit paniquer une demi-seconde, une nouvelle fois, il avait oublié sa condition de vampire. Du bout de sa langue, il sent encore ses canines. À cet instant, il n’a qu’une seule envie, c’est celle de retourner dans ce pub et de les planter dans le cou de n’importe quel humain, mais il ne pouvait pas faire ça. Ses oncles s’enfoncèrent dans la paume de sa main pour tenter de contrôler la soif… Respire… non… ne respire pas… Imagine… Eoin se met à imaginer un petit et joli boulingrin, de jolies fleurs rouges une jolie fontaine à son centre. Il s’imagine l’eau qui coule de cette fontaine et il a enfin l’impression de reprendre un semblant de contrôle sur la faim qui le ronge.« Tu ne pourras pas lutter pour toujours, tu sais.» Une voix le fait sursauter et sortir de ce mini-état de méditation. Le jeune homme ouvrit d’un seul coup les yeux pour les poser sur un homme. Il ne dit rien et le détaille, il lui semble plus âgé que lui, mais surtout, il n’arrive pas à entendre le cœur de cet homme battre. Serait-il comme lui ? « Il faudra bien que tu te repaisses éventuellement. » Hésitant à lui répondre, il finit par lâcher quelques mots. « Je sais… J’ai déjà craqué plus d’une fois… Mais… » Mais il n’arrive pas à aller se nourrir de lui-même avant que ses instincts de vampire ne lui dictent que faire. L’homme avance sa main pour effleurer une de ses canines. Le jeune vampire détourne la tête pour s’y soustraire. Il venait de sentir une nouvelle pulsion le traverser, celle d’attraper cette main et d’y planter ses crocs. Ses ongles s’enfoncent encore un peu plus dans sa paume de main le blessant légèrement cette fois-ci... De l’autre main, il récupère son carnet que lui tend l’homme « Merci… » « Qu’est-ce qui t’en empêche ?» Il détourne le regard de l’homme et se met à fixer le sol « Parce qu’ils n’ont rien demandé… Qu’ils sont innocents ! Que boire le sang humain, c’est péché… Que c’est mal s’attaquer à plus faible que soi. » Eoin énumère plusieurs raisons qui lui traversaient l’esprit, même s’il y en avait d’autres comme la peur de tuer quelqu’un. Son regard se pose de nouveau sur l’homme « Vous êtes comme moi, n’est-ce pas ? Depuis plus longtemps… » C’était plus une affirmation qu’une question, l’homme semblait connaître ce qu’il vivait, il devait être donc comme lui. Il hésite un instant avant de poser une question qui lui brûle les lèvres depuis qu’il a senti l’odeur de son propre sang s’écouler de sa paume de main dans laquelle ses ongles étaient toujours enfoncés. « Et si je bois mon propre sang, ça doit fonctionner ? » Lorsque les mots franchissent ses lèvres, Eoin se rendit compte de la stupidité de sa question, et le vampire en face de lui allait sûrement le prendre pour un fou. Il secoue la tête et lâche dans un petit rire « Vous devez sûrement me prendre pour un fou. »  

( Pando )

Le visage du gamin se contracte en une expression angoissée. « Parce qu’ils n’ont rien demandé… Qu’ils sont innocents ! Que boire le sang humain, c’est péché… Que c’est mal de s’attaquer à plus faible que soi. » C’est un dilemme que Sid connaît bien lui aussi, un qu’il a longtemps ruminé avant de finalement accepter qu’il n’y avait aucune solution parfaite, seulement des moyens d’atténuer la culpabilité. Le vampire relève ses yeux sombres vers Sid, l’observe d’un air curieux. « Vous êtes comme moi, n’est-ce pas ? Depuis plus longtemps… » Il confirme son intuition d’un bref hochement de tête. Il y déjà presque un siècle qu’il erre sur Terre, confiné à cette forme inhumaine, cherchant en vain sa place dans l’univers sans jamais vraiment la trouver. Une odeur particulière flotte autour d’eux, mélange des effluves agréablement métalliques du sang et de quelque chose d’un peu acide. Sid hume discrètement l’air, ne met le doigt sur l’origine du parfum étrange qu’en voyant une goutte sombre s’écouler de la paume du gamin et s’écraser sur le trottoir. C’est le sang du gamin qu’il a flairé. Comme s’il avait suivi le cours de ses pensées, le jeune vampire s’exclame : « Et si je bois mon propre sang, ça doit fonctionner ? » Le désespoir qui animait ses traits se transforme en un rictus sans joie. « Vous devez sûrement me prendre pour un fou. » Sid soupire, secoue la tête. « Tu n’es pas fou, » affirme-t-il d’une voix étonnamment douce. « Juste un peu dépassé par les événements, je crois. » Car il est intimement convaincu que le vampire qui a transformé le gamin n’a pas pris la peine de s’occuper de lui comme il aurait dû le faire.

C’est la responsabilité du créateur d’enseigner à sa créature comment évoluer dans le monde. Sid en veut toujours à sa propre créatrice, même s’il y a des décennies déjà qu’il s’est retourné contre elle et l’a tuée, mais il sait au moins reconnaître qu’elle a pris de l’éduquer correctement. Sid, lui, n’a transformé qu’une seule personne. Une jeune femme qu’il avait trouvée au seuil de la mort et qui s’était accrochée à lui en le suppliant de ne pas la laisser mourir. En apercevant ses canines allongées, elle lui avait tendu son cou sans la moindre hésitation. À la dernière seconde, il avait accepté de la transformer parce qu’elle lui rappelait sa sœur. Même s’il n’avait pas particulièrement voulu des responsabilités qui incombent à un vampire créateur, il s’était occupé d’elle jusqu’à ce qu’elle sache contrôler ses pulsions et décide de s’embarquer sur un bateau pour aller découvrir le monde.

« Peut-être que ça fonctionnera une fois ou deux, mais ta faim ne sera jamais complètement assouvie. Alors tu finiras par craquer à nouveau ou tu finiras par t’empoisonner à force de boire ton propre sang. » C’est une fin atroce et souffrante dont il n’a été témoin qu’une fois dans sa vie et qu’il ne souhaiterait à personne. « Tu dois te nourrir, tu n’as pas le choix. » La porte du pub s’ouvre à la volée. Sid tourne la tête en direction du bruit. C’est l’homme aux larges épaules qu’il avait repéré à l’intérieur qui vient de sortir. Il passe devant eux d’une démarche titubante, clairement bien imbibé. Le vampire le suit du regard, une lueur intéressée brillant au fond de ses yeux aux reflets rougeâtres. L’homme ne remarque rien et s’engouffre dans l’allée mal éclairée qui borde le pub. L’inconnu est bien assez large pour nourrir deux vampires, surtout que Sid a croqué une proie il y a deux jours. La majorité de son sang pourra donc apaiser la faim du gamin. D’un geste vif, il cueille la main du jeune homme dans la sienne, la tourne jusqu’à exposer sa paume ensanglantée. « Ce n’est pas la solution, » murmure-t-il d’un ton réconfortant. « Si tu veux, je peux t’aider. »

( Pando )

Une idée folle avait traversé son esprit. Pourquoi pas se nourrir de son propre sang ? Après tout, il avait besoin de sang pour survivre et boire le sien semblait sur le coup être une bonne alternative. Mais après quelques secondes de réflexion. Eoin se trouve bien stupide d’avoir pensé ça. N’importe quel animal qui mangerait sa propre chair finirait par mourir et les vampires ne devaient pas faire exception.L’homme face à lui confirma ses craintes, c’était possible, mais pas viable. Il avait raison, il devait se nourrir, il n’avait pas le choix, même s’il ne pouvait pas s’empêcher de culpabiliser. Il n’avait pas à choisir qui devait vivre ou mourir sous croc. Il n’avait pas envie de jouer à un quelconque dieu… Même s’il est devenu une créature toute droite, sortir des enfers. Il y a un autre sentiment qui se mélange à la culpabilité : la colère. De quel droit le vampire dans le bateau avait-il pu faire de sa vie un enfer ? De quel droit il avait décidé que sa vie devrait être immortelle et remplie de souffrance.

Eoin hoche la tête pour répondre au vampire qui se tient devant lui. Oui, il devait se nourrir. Au même moment, la porte du pub s’ouvre d’un coup, laissant sortir un homme avec une stature imposante, mais totalement ivre, titubant sous l’effet de l’alcool. Le jeune homme ne peut s’empêcher de le suivre du regard. Ses pupilles se dilatèrent encore plus, et l’envie de planter ses crocs dans la chaire d’homme se fraya un chemin dans sa tête, et sa langue passe sur ses canines. Il a faim et sa nature de vampire prend le dessus sur son côté humain, la seule question dans sa tête à ce moment-là, c'est comme arriver à maîtriser un homme de cette stature sachant qu’Eoin est plutôt un poids plume.

Le vampire lui saisit la main, et le jeune vampire, ce qui le fit reconnecter avec la réalité et Eoin détourne le regard de la ruelle où s’est enfoncé l’homme. Il relâche la pression qu’il exerce sur sa paume de main. Un regard sur sa main ensanglantée, l’homme avait raison. Avait-il vraiment le choix ? Il se mord la lèvre, hésitant encore un instant avant de relever les yeux et de croiser celui du vampire. Non, il n’avait pas le choix et il n’avait pas envie de mourir, pas tout de suite… Peut-être qu’un jour, il trouverait un remède et qu’il pourrait redevenir humain, mais ça ne pouvait se faire que s’il restait en vie.«Ce n’est pas la solution » « Si tu veux, je peux t’aider. » Il hoche la tête. « Je veux bien de votre aide… Je ne veux pas mourir. »  Il se détache du mur, mais reste immobile, il est prêt à suivre l’homme. « Je… Au fait… Je suis Eoin . » Dit-il dans un demi-sourire, se rendant compte de son impolitesse. Cela faisait plusieurs minutes qu’il parlait avec l’homme, et il ne s’était pas encore présenté. Si sa mère avait été présente, elle l’aurait sûrement repris. Il ne sait pas ce qui va se passer. Jusqu’à présent, il s’était nourri quand il ne pouvait plus se contrôler, et c’était tout simplement jeter sur la première chose qu’il lui passait sous le nez, ç'avait toujours été brutal, sanglant et meurtrier. Et quand il était sur le bateau, son créateur attirait lui-même les proies dans sa grande cabine en leur promettant une fête des plus exquises. Devait-il faire de même ici, manipuler ces pauvres hommes qui étaient passés devant eux, ou devait-il tout facilement l’attaque dans une petite ruelle de la ville. Tellement d’autres questions lui traversent aussi l’esprit à ce moment. Doivent-ils le tuer, boire jusqu’à la dernière goutte de son sang ? « Est-ce qu’on va devoir le tuer ? »

( Pando )

Le jeune vampire hoche la tête et Sid esquisse un sourire satisfait. « Je veux bien de votre aide… Je ne veux pas mourir. » Il ne voulait pas mourir lui non plus. L’instinct de survie humain est fascinant et ne s’estompe pas parce qu’on devient une créature de la nuit. Malgré la solitude de l’immortalité, la crainte de voir son secret dévoilé, la soif parfois impossible à tarif, il a toujours voulu vivre. C’est au bout du compte ce qui l’a poussé à accepter qu’il n’avait d’autre choix que de s’abreuver au sang d’humains sans défense s’il voulait survivre. Le jeune homme se redresse, l’observe de ses grands yeux assombris par le besoin de se nourrir. « Je… Au fait… Je suis Eoin. » Il accepte l’offrande de son prénom avec un sobre hochement de tête tandis qu’il se dirige d’un pas lent vers la ruelle. Il y a si longtemps qu’il habite ce corps nouveau, aux capacités physiques puissantes, qu’il arrive à les maîtriser à la perfection. Il canalise la puissance qui court dans ses membres en une démarche suave qui lui donne souvent l’air de flotter au-dessus des pavés usés qui constituent la rue. « Je m’appelle Sid, » offre-t-il à son tour, une confidence pour une confidence.

Ils s’engagent dans la ruelle. Un clochard adossé contre un mur les observe, puis détourne le regard, se doutant certainement qu’il vaut mieux ne pas s’intéresser de trop près à eux. Le vampire observe les environs, repère sans mal l’homme qui s’est arrêté, une trentaine de mètres plus loin, pour fumer une clope. « Est-ce qu’on va devoir le tuer ? » Il se tourne vers le gamin. Son expression pleine d’espoir lui ferait sans doute mal au cœur s’il pouvait encore battre. Il soupire, savoure la sensation de l’air qui circule dans ses poumons. Il n’a plus besoin de respirer, mais il le fait par habitude, par plaisir, presque, comme on consommerait une exquise pâtisserie sans la moindre valeur nutritive, pour le simple bonheur de goûter le sucre et le chocolat. « Il est possible de se nourrir sans tuer sa proie, oui. » Il n’est pas donné à tout le monde d’y arriver, cependant. Il faut une discipline de fer pour y arriver et réussir à s’arracher à la saveur exquise de l’hémoglobine sans drainer l’humain de son sang. « Mais tu n’y arriveras pas. Du moins, pas seul. Ton contrôle est ténu, presque inexistant, surtout affamé comme tu l’es. » Ils ont presque atteint l’homme, qui fume sans les remarquer, trop perdu dans le brouillard d’alcool qui l’entoure. D’un bond, Sid le rejoint, lui assène un violent coup à la nuque. L’homme s’écroule comme une poupée de chiffon sur le sol. En chantonnant, le vampire glisse ses avant-bras sous les aisselles de leur proie et le traîne comme s’il ne pesait guère plus qu’un sac de pommes de terre jusqu’à une espèce d’alcôve creusée à même le mur d’un immeuble. Une fois à l’abri de ce cocon d’obscurité totale, il relâche l’homme et invite d’un geste de la main le gamin à s’approcher. « C’est pour toi, Eoin. Nourris-toi comme ton corps le demande. Je t’arrêterai avant que tu ne le tues, » susurre-t-il d’une voix envoûtante.

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( Pando )

Eoin se présente quand il se rend compte qu’il ne l’avait pas. Il était devenu une créature du diable, mais il était hors de questions de perdre sa bonne éducation. Sid… C’était donc ainsi que se prénommait son sauveur d’une nuit. « Enchanté de vous connaître… Et merci de m’aider »  lorsqu’il s’engage dans la ruelle, l’homme est là, adossé à un mur, en train de fumer. Il les regarde un instant avant de détourner le regard.  
Eoin est toujours en proie à des doutes, il ne veut pas mourir, mais il ne veut pas faire de mal à autrui.  C’est surtout quand il voit l’homme adosser contre le mur qu’il se demande s’il a pris la bonne décision. Il avait bien vu dans le pub que l’homme n’était pas la personne la plus respectable, mais méritait-il de mourir pour autant. Pourtant, il comprend peu à peu en discutant avec l’autre vampire qu’il n’aura pas le choix.  Et peut-être qu’avec le temps il trouverait un remède et pourrait redevenir humain. Il va devoir commencer à se nourrir, mais il ne voulait pas tuer. Et c’est plein d’espoirs qu’il pose la question à Sid. « Il est possible de se nourrir sans tuer sa proie, oui. » Un véritable sourire se dessine sur les lèvres du jeune. Savoir qu’on n’était pas obligé de tuer le rassurait, mais une autre question se glisse dans son esprit.  Que se passerait-il si une de ses victimes se rappelle un peu trop de son visage. Est-ce qu’il risque de se venger ? De lancer la police à ses trousses. La voix de Sid le tire de ses pensées. « Mais tu n’y arriveras pas. Du moins, pas seul. Ton contrôle est ténu, presque inexistant, surtout affamé comme tu l’es. » Ça, il se doutait bien qu’il n’y arriverait pas seul. Il avait été incapable de le faire jusqu’à présent, et avait tué chaque créature vivante dans laquelle il avait fini par s’abreuver.«Dans combien de temps je pourrais me controler ?»  Ils arrivent proches de l’ivrogne, l’homme ne semble pas les avoir remarqués. D’un seul mouvement, Sid est déjà sur l’homme et lui assène un coup violent, ce qui fit presque sursauter Eoin. L’homme s’écroule comme une poupée de chiffon. Le petit brun ne peut s’empêcher de jeter quelques regards en arrière de peur qu’on les trouve dans une position un peu fâcheuse : Sid en train de chantonner tout en traînant l’homme et Eoin immobiles en train de l’observer, mais personne ne semble voire s’aventure dans cette ruelle. Eoin s’approche en quelques pas de Sid et de leur victime.
« C’est pour toi, Eoin. Nourris-toi comme ton corps le demande. Je t’arrêterai avant que tu ne le tues, » La voix envoûtante de Sid le rassure autant qu’elle l’attire.  « Merci . » Le jeune vampire s’agenouille rapidement et attrape l’homme pour le redresser. Encore une fois il est surpris par la facilité qu’il manipule un homme bien plus grand et lourd que lui. Il a faim, très faim , et ses pupilles se dilatent complétement, tout comme ses crocs finissent par complément sortir. Et très rapidement, c’est l’instinct qui prend le dessus et il plante ses crocs dans le cou du malheureux. Le goût métallique du sang remplit ses papilles, une sensation d'euphorie le prend. C’est un véritable délice, il sent peu à peu la sensation de faim partir, mais comme l’avait prédit Sid le jeune homme ne s’arrête pas. À cet instant Eoin n’a plus aucun contrôle sur lui-même, et ne ressent plus aucune culpabilité…  Tout ce qu’il veut c’est de boire encore et encore, s’enivrer de ce sang. Il ne sait pas combien de minutes se sont passées depuis qu’il a commencé à s’abreuver.

( Pando )