Elle avait bien cru, Sienna, qu’elle tirerait un trait définitivement sur le refuge à l’instant même ou elle le quitterait. Après tout, elle n’était là que de passage et sa présence à Brisbane n’était que temporaire. Quelques semaines, quelques mois tout au plus qu’elle s’était promis. Elle allait poursuivre sa route, s’éloigner encore plus de cette ancienne vie, de ces cauchemars qui continuaient de la hanter, de ces démons qui, elle avait l’impression, ne cessaient de la pourchasser. Elle s’était dit trois mois, quatre peut-être, tout au plus. Elle avait bien eu l’intention de s’y tenir, de se trouver un petit boulot dans un supermarché, ou quelque chose du genre, qu’elle pourrait quitter presque du jour au lendemain, qui ne lui procurerait que l’opportunité de se refaire une santé monétaire, avant de pouvoir passer à la prochaine étape. Pourtant, elle ne saurait dire à quel moment exactement, le plan vint à changer et ce qui ne devait être que temporaire devint quelque chose d’un peu plus permanent. L’idée de partir ne l’avait jamais réellement quittée. Encore aujourd’hui, si ce n’était pas de ses retrouvailles avec Finnley et Matilda, elle n’aurait pas vraiment eu de regret ni la moindre hésitation à augmenter la distance qui la séparait de Mark. Pourtant, de retrouver une certaine familiarité dans cette ville, de se retrouver ensevelie de doux souvenirs avait quelque chose de magnétique. Pour la première fois depuis des années, elle avait retrouvé un peu de douceur et de familiarité, Sienna, et c’était ce dont il était difficile de se départir.

Les semaines s’étaient transformées en mois, et les mois en années. Elle s’était tranquillement faite à sa nouvelle vie. Elle avait trouvé une routine qui lui convenait, qui lui plaisait, avait à nouveau des repères dans une ville qui, plus le temps passait, plus elle semblait devenir un nouveau chez-soi. Si elle s’était fait un point d’honneur de ne tisser de liens avec personne, ou presque, parce que ce serait plus facile de tout quitter de cette façon. Parce que les adieux n’étaient pas trop sa tasse de thé, comme pour tous les autres aspects de sa vie, ça aussi, ça avait changé au fil du temps. Elle s’était mise à visiter le refuge à plus d’une reprise, afin d’aider, de redonner à ceux qui lui avaient permis de retrouver un peu de la personne qu’elle avait été jadis, ceux qui lui avaient permis d’avancer. Ceux qui lui avaient donné des opportunités en lesquelles elle avait cessé de croire. On lui avait offert un nouveau départ, et il ne semblait qu’une évidence que de redonner, s’investir un minimum pour aider d’autres femmes, des mères parfois, à, elle aussi, pouvoir avancer qu’importe ce qu’elles traversaient. Avec le généreux salaire qu’elle percevait maintenant – elle qui vivait bien sobrement afin de tenter d’économiser autant que possible, et sachant pertinemment ce qui manquait bien souvent pour ces femmes, elle se pointa ce jour-là avec deux sacs pleins de produits de première nécessité qui, elle savait, étaient souvent oubliés lorsque l’on désirait aider les refuges et que tous les dons étaient distribués. « Je sais que j’aurais dû passer par le centre de donations, mais j’étais à deux coins de rue, alors je me suis dit que j’allais passer. » Qu’elle lança à un des employés qui la reconnu dès lors qu’elle eut passé la porte. Vu le regard qu’on lui porta, à la fois désapprobateur, à la fois reconnaissant, elle offrit une moue piteuse en retour. « Promis, la prochaine fois, je passerai par les voies officielles. » Un sourire complice, et Sienna s’aventura dans les corridors qui avaient été, pendant quelques mois, sa maison. Étrange comment, deux ans plus tard, elle s’y retrouvait comme si elle ne l’avait jamais quitté. Curieuse, elle s’aventura vers les salles ou certaines activités étaient tenues de temps à autre. Peut-être retrouverait-elle des gens qui avaient su la faire sortir un peu de sa coquille. Peut-être pourrait-elle les saluer en passant, les remercier, encore une fois – comme si elle ne l’avait pas suffisamment fait déjà. Passant un des locaux, elle posa son regard sur une silhouette qui ne lui était absolument pas familière, restant quelques instants à observer les chevalets qui étaient disposés ça et là à travers la pièce, à regarder cette femme qui devait avoir quelques années de moins qu’elle, elle devina, tandis qu’elle s’afférait à ranger le matériel qui avait été utilisé sans doutes quelques minutes à peine auparavant.

@ginny williams  

C’était étrange, un étrange au goût de déjà vu. Il y avait quelque chose de nostalgique dans les mots, dans les gestes, dans les couleurs que les étudiantes utilisaient et même dans les questions qu’elles se motivaient les unes les autres à me poser, à se poser entre elles. Des échos d’une vie d’avant entre d’autres murs et entourée d’autres visages. Une galerie qui aurait flotté à quelque part, des toiles prêtes pour un vernissage prévu quelques jours ensuite. L’atelier aurait probablement eu la même structure, on aurait parlé des mêmes éléments, on aurait peint avec les mêmes techniques. Un flou dirigé par le pilote automatique, c’est ce qui pourrait caractériser les pas que j’émiette à travers la pièce, entre les chevalets et les artistes du jour. À laisser les silences se percer de deux ou trois paroles, des bribes de conversations. Elles parlent peu. Elles vivent au mieux de ce qu’elles peuvent et c’est étrange, ça aussi. Comment à chaque fois où j’entre au refuge, ma clavicule ne me fait plus mal du tout. La douleur fantôme s’envole, elle disparaît automatiquement, me donne presque l’impression de ne jamais avoir existé. Ici, c’est comme si je n’étais qu’une bénévole, une petite peintre de quartier qui donne une heure ou deux à la communauté, rien de bien méchant, juste de quoi m’occuper les mains, le coeur, la tête, l’épaule. En thérapie, ils disent que la routine est ce qu’il y a de plus précieux après tout le reste. La routine fait un arrêt au refuge tous les mardis matins, le temps d’enseigner les bases de l’aquarelle.

Et souvent, la routine s’étire un long moment après l’atelier. L’ambiance est faite de coton, il n’y a aucun acouphène. Je ne sais pas de quoi sont composés les murs, mais ils ne laissent passer aucun son, aucun bruit. Je pourrais dormir des heures entières ici, fermer l’oeil et retrouver un semblant de calme qui est plus qu’étranger depuis que je suis revenue. Il y a toujours un klaxon à quelque part. Toujours un bruissement, une conversation, un craquement, n’importe quoi. Rien n’est vide, tout déborde, et c’est bien lorsque je me pose sur l’un des tabourets encore alignés pour l’atelier que je sais qu’en fermant les yeux, je récupèrerais au moins une nuit ou deux au compteur. C’est bien ce pourquoi je ne le fais pas, pourquoi je prends l’un des pinceaux qui traîne plutôt. Une toile est vide d’une participante qui a décidé de ne pas peindre aujourd’hui, de simplement admirer les oeuvres des autres. C’est sur son canevas blanc à elle que je commence à improviser, à gratter les fonds de pastilles sèches, à jouer avec les eaux troubles de toutes les couleurs. La toile sera composée des restes de tout le monde. Elle aura des morceaux de toutes celles qui l’entourent. Elle sera rapiécée mais jolie, fascinante, petite créature de Frankenstein à sa façon.

J’ignore combien de temps j’ai joué à la chirurgienne, à m’acharner sur une palette par ci, à éponger un bloc dilué de rouge par là. Mais lorsque je sens un regard brûler ma nuque, la toile est presque terminée. Elle pourrait bien l’être que je dirais “presque” quand même. Je suis incapable de véritablement les voir finies, terminées, parfaites. On peut toujours y ajouter un élément, on peut toujours faire mieux, on doit toujours - « Je peux laisser le matériel là, si tu as envie… » j’ai entrouvert la porte, entre-temps. Un peu pour m’empêcher de trop penser, surtout pour faire de l’air. Dans cette salle vide où je me sentais vide pour l’une des premières fois depuis là-bas, il peut très bien y avoir de la place pour quelqu’un d’autre. Si elle a envie de peindre en silence, comme moi.

@Sienna Middleton

Elle eut l’impression d’être prise en flagrant délit, la blonde, lorsque la voix de l’étrangère vint à s’élever. Obnubilée de voir l’artiste à l’œuvre, et bercée par le silence qui régnait entre ces murs, elle était restée là, interdite, muette, le regard rivé sur cette femme qui semblait absorbée par ce qu’elle semblait peindre. Elle guetta le moindre de ses mouvements, tandis qu’elle alternait d’un outil à l’autre, reposant son attention sur la toile pendant un instant, comme si elle tentait de jauger ce qui manquait pour que l’œuvre soit terminée. Si elle était comme elle, éternelle perfectionniste, éternelle insatisfaite, elle aurait sans doute pu y passer des heures. Et Sienna, de son côté, aurait pu passer des heures à l’observer, à s’émerveiller de voir l’artiste à l’œuvre. Elle n’avait pas la moindre fibre artistique – les photographies qu’elle prenait avec son vieux polaroid ne comptaient pas, selon elle, il ne s’agissait là que de capturer des souvenirs, les images parfois floues et plus ou moins réussies ne rendant la chose que plus attachante, sans pour autant être artistique – et restait toujours en admiration devant quiconque possédait un quelconque talent dans le domaine. Elle qui crue être discrète, il faut croire qu’elle ne l’avait pas été assez, ou que le temps s’était écoulé sans qu’elle ne s’en rende compte et, qu’au final, ce qui n’aurait dû être que quelques minutes s’étaient transformées en un moment beaucoup plus long.

« Je suis désolée. Je ne voulais pas vous déranger. » Qu’elle s’excusa immédiatement lorsque le regard se posa sur elle. Elle n’avait aucune affaire à jouer la voyeuse de cette façon, de s’incruster dans ce qui semblait être son intimité. Parce qu’il lui avait semblé à avoir quelque chose de sacré dans ce moment, quelque chose qui lui rappelait là son métier. Une méticulosité, un souci du détail impossible à reléguer au second plan. Une attention et une précision presque chirurgicale. L’un comme l’autre était art, à leur façon, et si elle se débrouillait avec ses pâtes et palettes et l’application de produits sur l’épiderme – que ce soit le sien ou celui de ses patients, elle doutait que le talent se transpose sur un autre médium. C’est sans doute pourquoi elle secoua la tête en guise de réponse immédiate à la suggestion que vint à lui proposer la brune. Elle parvint tout de même à réprimer un léger rire qui lui aurait échappé dans d’autres circonstances sans doute. « Ça ira, je n’ai jamais été très douée pour les arts… » Qu’elle déclara, prête à partir et laisser la femme en paix, retourner à sa toile sans doute. On avait abandonné l’idée de lui faire comprendre que l’art n’avait pas besoin d’être beau pour exister, qu’il pouvait simplement s’agir d’un moyen d’expression, ou d’une forme de divertissement avec pour ultime but de passer le temps. Pourtant, Sienna, perfectionniste qu’elle était, n’était jamais parvenue à voir la chose de cette façon. « Et puis, je ne voudrais pas vous déranger plus longtemps. Vous sembliez très concentrée. » Sa voix traina, comme si la phrase n’était pas terminée, comme si la pensée n’avait pas été complétée. Peut-être que quelqu’un de plus audacieux qu’elle aurait lancé un commentaire, déclaré que c’était fascinant de la regarder à l’œuvre, que la curiosité de voir le résultat de son travail s’était emparé d’elle, aurait demandé si une telle chose était possible, mais Sienna n’en aurait jamais été capable. Si elle n’avait pas déjà pris ses jambes à son cou à l’instant où son regard avait croisé celui de l’inconnue, c’était déjà un miracle – surtout plutôt par politesse que par envie, pour être bien honnête – alors l’importuner un peu plus longtemps? Impossible.

@ginny williams bonjour, voici, un mois plus tard, votre miracle du nouvel an mademoiselle

« Je suis désolée. Je ne voulais pas vous déranger. » il y a dans sa voix quelque chose qui ressemble énormément à la mienne. Ressemblait. C’est encore tellement flou, la Ginny d’avant, la Ginny maintenant. Les contours ont des airs de dentelle, des aléas qui ne sont jamais véritablement égaux, vraiment droits et scindés. Sans la regarder plus longtemps qu’il ne le faut, je l’imagine prête à se dérober. À s’excuser à nouveau, à jeter son dévolu sur la porte, à regretter d’avoir été prise en défaut. Personne n’a besoin de justifier quoi que ce soit, j’aurais envie de lui dire. Ce qui est tout de même plutôt ridicule, sachant à quel point je passe mes journées entières à le faire, depuis mon retour. On m’a appris, on m’a scandé pendant des mois de suivre mon intuition, de ne pas me poser plus de questions qu’il n’en faut. De laisser la vie faire son oeuvre, d’être en proie à ce que le flot des choses choisissait pour moi. Puis, il y a eu Ezra et Auden, il y a eu la multitude d’accusations, il y a eu les reproches et les demandes d’explications écoutées à demi-ton. « Ça ira, je n’ai jamais été très douée pour les arts… » elle se dérobe, donc. Ses pas sont effacés, presqu’autant que sa voix, et assister comme témoin à une scène que j’ai jouée des milliers de fois auparavant ne me fait pas aussi mal que je l’aurais cru. Ne me rend pas particulièrement fière de mon progrès non plus. Tout est tellement relatif. « Et puis, je ne voudrais pas vous déranger plus longtemps. Vous sembliez très concentrée. » et les excuses en amont, celles voilées qui n’en ont pas l’air mais qui le sont tout de même. Sans être distraite mais en ayant l’air, je laisse mes doigts remonter les quelques mèches qui ont décidé de quitter mon chignon en cours de route. L’effort est vain puisqu’elles retombent le long de mes joues lorsque je finis par attraper son regard du mien une nouvelle fois.

Un sourire finit par venir se dessiner sur mes lèvres, creusant une fossette au passage. « C’est moi, qui dérange. » c’est moi, au final, qui l’ait abordée alors qu’elle avait très bien en main le planning de sa journée. Elle souhaitait regarder, elle trouvait dans ce que je pouvais bien faire ce dont elle avait besoin. C’est moi qui ai cru que c’était une bonne idée de lui parler, de la déranger dans ses propres envies et pensées - c’est moi, qui devrais s’excuser. Mais pour des tonnes de raisons que je n’ai ni l’envie ni la patience d’énumérer c’est à elle que je m’adresse de nouveau plutôt qu’à tout ce qui flotte dans ma tête. « J’ai aucun cours de prévu d’ici la fin de la journée. » ce qui signifie qu’elle peut prendre ses aises, dans ce canapé qu’ils ont laissé traîner au coin de la pièce, celui qui n’est pas aussi confortable qu’il en a l’air mais qui fait le boulot lorsqu’on veut se créer un minimum de cocon de confort. Ce qui veut aussi dire qu’elle peut très bien rester et observer, rester et profiter du silence entrecoupé de coups de pinceau, de crayons qui grattent le papier. Je n’ai pas partagé une pièce silencieuse avec des gens depuis là-bas, mais ces après-midis, ces journées et ces nuits entières qu’on pouvait bien dédier à ne pas dire un seul mot et à seulement ressentir les choses me manquent cruellement. Avant de me taire, il reste tout de même quelques priorités à délivrer. « Le café est bon. » si elle se cherche une excuse de rester à travers toutes celles que je ne lui liste pas mais que j’envisage sans m’en cacher, ce pourrait simplement être ça. « Correct. » la voix de mon frère résonne dans ma tête, lorsque je précise que le café n’est pas si bon que cela, que ses attentes devraient tout de même être un poil plus basses. « Potable. » un poil plus basses, j’ai dit.

« Quel plaisir de savoir que ça n’a pas changé. » elle termine sa phrase rapidement, dans un souffle, comme si c’était une erreur, un secret qu’elle venait d’avouer comme ça sans y penser. Je ne montre pas que j’ai entendu au-delà de ses mots, que je sais exactement où elle se situe dans sa retenue, dans son impulsion, dans tout ce qui se trouve au milieu. C’est un sentiment que je connais très bien et de peu en peu, aussi. À force, il s’émiette, il n’est plus aussi clair et concret qu’avant, il devient flou. Avant, je m’excusais de tout, je m’excusais même d’exister. Et chaque tentative de parler venait avec son lot de doutes, de questionnements, de malaises. Et si j’avais parlé trop fort ou trop vite, et si j’en avais dit trop ou pas assez? Et si j’étais celle qui prenait toute la place et si j’étais celle qui n’en prenait pas du tout? Et si tout le monde attendait quelque chose de moi que j’ignorais, et que de toute façon je serais incapable de leur livrer? Elle me donne envie de soupirer et de lui dire qu’elle peut bien prendre le temps de scruter la pièce de fond en comble, que ça lui appartient, de la tapisserie aux murs jusqu’aux pentures des fenêtres. Je ne dis rien, plutôt, laissant mes doigts composer avec les pinceaux et les couleurs, reprendre distraitement ma toile et toutes ces idées qui rebondissent pour les dix prochaines à venir. « C’est joli. » je détourne les yeux pour trouver les siens, elle les baisse aussi vite. « Désolé. Promis, je ne vous dérangerai plus. » « J’ai connu pire. »

Il y a dans ma voix quelque chose que je ne reconnais pas. Ce n’est pas mauvais, ce n’est pas négatif, simplement nouveau. Prenant le temps de chercher à quoi je fais référence, je laisse à l’inconnue un instant pour se replacer dans ce canapé que j’ai fait mettre ici pour tous ces moments-là. Ceux avant et après la peinture, ceux desquels naissent les plus belles conversations selon moi. Même dans leurs silences, les gens qui s’y posent ont toujours quelque chose de si intéressant à partager. « Je suis Ginny. » sans la regarder, sans oser lui ouvrir une porte pour qu’elle la referme avec empressement et culpabilité, je poursuis ce qui ressemble de moins en moins à ce que j’avais en tête au départ mais qui prend forme sur le canevas à joli rythme. « Et j’aimerais énormément que tu peignes toi aussi. » de corail, je passe à un pêche plus chaud, quelque chose de doux, de désaturé. J’y joue pour les ombrages, je retravaille les angles, j’y vais au ralenti, plus le geste est lent plus il me plaît. Plus il réchauffe le reste. Qu’elle soit douée ou non, qu’elle soit déjà venue à un atelier ou non. Qu’elle n’ait pas d’inspiration ni de technique, qu’elle doute de son talent, qu’elle se trouve des défaites, tout ça ne me passe même pas à l’esprit. Il y a dans sa voix quelque chose que je reconnais très bien. Que je maîtrise - maîtrisais. Et même si elle refuse, même si elle s’esquive, même si elle vise la porte, déjà je contrecarre ses plans. Elle aura une palette et des tubes entre les doigts la prochaine fois qu’elle parlera. Elle aura l’essentiel de la peintre en herbe prête à faire son prochain chef-d’oeuvre de là où elle se trouve, au beau milieu des coussins et des couvertures. « Comme ça tu ne dérangeras pas l’artiste. Tu en seras une, avec elle. » l’argument est sifflé entre un sourire et une fossette, en espérant qu’elle ne cherchait pas à partir encore une fois. Il y a des limites à me briser le coeur, et même si je retourne calmement à ma toile, que j’insiste à peine, n’en reste que je resterai silencieuse seulement si j’entends les poils des pinceaux que je lui ai donnés gratter le papier.