Couleur étrange, tantôt belle tantôt dégueulasse, douce, peut-être médicinale, légèrement militaire parfois. Plus jolie en assiette que sur les murs, peut-être ceux-ci sont trop défraîchis pour rendre honneur à cette teinte. Amère, verdâtre et grise à la fois, un peu terreuse : en adéquation avec la brune donc. Le laptop est ouvert et attend, postuler à quoi ? Pour quoi faire ? Amasser un peu plus de thunes, se rembourser le change foireux de ses restes de voyages. Ai-je bien fait de lui demander ? Vivre avec Jamie, non, crécher chez Jamie, c’est pas tout à fait pareil. Les amis servent à ça, s’entraider, n’est-ce pas ? Quand River a-t-elle été une bonne amie pour la dernière fois ? L’a-t-elle jamais été ? Ses yeux azurs glissent sur l’écran qu’elle referme presque trop violemment pour qu’aucun dégât ne soit constaté plus tard. Adieu papier peint étrange, orbit green ? Plus joli en soie que sur du béton. Il y a une aura presque jolie dans le pittoresque de cette chambre qu’elle a déjà louée trop longtemps à son goût, non pas par délicatesse, seulement, quatre murs pour lui vomir au visage tous les matins l’aigreur de sa situation c’est peut-être un peu trop.
Un jean noir, des converses noires, un pull noir, les cheveux noués sévèrement, comme à son habitude, des lunettes de soleil peut-être un peu inutiles à l’instant T, la journaliste soit-disant déchue remballe ses affaires, claque la porte, se rend à la réception. Merci pour tout, qu’elle murmure presque, délicatement, avec ses mimiques d’introvertie presque gênée d’être là avant de sortir les clefs de sa voiture de location de son sac. Sa maison ne lui manque pas vraiment, le confort non plus, seuls quelques petits endroits qui finalement avaient comme un avant-goût de son séjour au motel : le coin “secret” de la terrasse de la chambre où elle avait le droit à sa clope quotidienne. S’imaginer avoir accepté ce genre de règles lui semblait désuet aujourd’hui. Qu’est-ce qui la décevait le plus ? S’être engagée dans une vie tranquille et monotone qui l’avait rassurée à l’époque et de n’avoir pas assumé cet engagement à part entière ou bien d’avoir pris cet engagement en premier lieu ? Elle aurait dû savoir, depuis longtemps, que la normalité n’était pas pour elle. Qu’une personne aussi pure que ce que Luke semblait être n’aurait jamais réussi à l’émoustiller assez longtemps. Ca lui rappelait le chien qu’ils avaient adopté tôt, Klimt, première erreur. Elle l’avait aimé, il lui avait manqué, mais la laisse qu’ils lui avaient achetés était peut-être déjà à l’époque la métaphore de celle que River verrouillait volontairement autour de sa gorge en se voilant la face, sans écouter le fond de son cœur. Car ce dernier lui a toujours joué des tours, jamais investi avec les bonnes personnes, jamais à sa place, toujours l’herbe du voisin mais jamais la sienne. Moisie de l'intérieur, c’est l’impression que lui renvoie ce papier peint.
Elle en a arraché un bout en partant.
Son prénom résonne sur le parking, la brunette hésite à s’arrêter, mais la voix, ne serait-ce que la phrase suivante, la stoppe involontairement. La jeune femme qui lui fait face prend la peine de se présenter une fois de plus, polie, gracieuse, une machoire unique qui force le charisme de son visage, des yeux bruns presque trop purs pour être Strange. Je me souviens. répond calmement River. Croisées ? Ca n’avait peut-être pas été volontaire, mais cela faisait deux fois que la trentenaire avait l’impression de subir un traquenard. Mais si Gabrielle Strange voulait mettre leur précédente rencontre sur le dos du hasard, River accepterait cette possibilité, pour l’heure. Oui, vous semblez avoir vraiment envie de me parler. Difficile de ravaler ses pensées visiblement, peut-être qu’en mettant la jeune Strange suffisamment mal à l’aise celle-ci finirait par changer d’avis, rebrousser chemin, rentrer bredouille ? Cette idée força un léger sourire en coin sur le visage de la mère démissionnaire, si le gène Strange était aussi féroce que le Shears, la belle devait être au moins aussi têtue que son frère. Montez, mais je crains que la conversation ne soit décevante pour vous. , sur ces mots, River ouvrit les portières de la voiture et s’installa côté passager.

Il y a quelque chose d'affirmé et d'à la fois mesuré qui se dégage de Gabrielle Strange. Elle a presque le regard d'une biche prise dans les phares, mais cette impression d'affolement semble étrangement traduire quelque chose de l'ordre de la détermination plus que de la stupeur. Pourtant, cette image de biche est bien présente, et l'odeur de la crainte ne peut venir que de deux scénarios : soit Gabrielle a peur de découvrir quelque chose sur son frère, cousin, oncle ? Soit elle sait déjà quelque chose mais dans ce cas de figure là River ne comprend pas bien pourquoi elle se retrouve mêlée à tout ça. L'article insipide et insignifiant rédigé pour satisfaire son boss et endormir Mitchell mis à part évidemment. Je pense que mon nom de famille ne vous est pas étranger… Et que je n’ai pas besoin de préciser mon lien de parenté avec A… Mitchell.  A-Mitchell ? Reprend volontairement la journaliste, presque railleuse, avant de pousser un long soupir en secouant doucement la tête. Elle a envie de s'engouffrer dans la brèche, lui dire que si au contraire elle a clairement besoin de préciser son lien de parenté avec "A-Mitchell", juste au cas où ce soit une épouse énervée. Probabilité étrange, glauque, mais pas déconnante vu l'acharnement dont elle fait preuve pour tenter d'établir un contact avec River. Vous l'aurez compris, cette dernière ne croit toujours pas vraiment au hasard de leur première rencontre. J’ai lu votre article à propos de mon frère. La sœur donc. La sœur de Mitchell Strange. Cette idée rend River perplexe, qui, préalablement confortablement installée côté passager, a presque un léger mouvement de recul vers la portière quand elle a une idée plus précise de qui est Gabrielle. Le lien n'a pourtant pas été tenu secret la première fois, mais savoir est toujours un peu différent que d'imaginer. Avec ses propos, la Strange semble presque se mettre en scène. Ce constat fait presque sourire River qui reconnaît l'air de famille dans cette démarche. L'admirer ? Là c'est le pompon, la journaliste ne peut pas s'empêcher de pouffer en repensant à tout le dédain qu'elle portait à ce torchon. Mais si le tout venant pouvait y lire de l'admiration, c'est que finalement elle avait bien fait son job. Peut-être un peu trop bien même. L'article n'avait rien d'un vrai travail de journaliste, The Australian voulait mettre en avant un accompli de Brisbane, une histoire qui faisait rêver, s'en avait été presque à se demander si c'était pas Mitchell qui avait payé le journal pour son auto-promotion. Et que vous aviez une relation particulière avec Mitch… Vous pouvez démarrer s'il vous plaît ? Interrompt presque River en faisant un signe de tête vers le volant, presque excédée, avant d'insérer les clefs et d'établir le contact elle-même, puis de fixer Gabrielle droit dans les yeux à sa dernière phrase, récupérant l'article par la même occasion pour le déposer instantanément sur le tableau de bord sans y jeter un regard.  J'ai pas de relation particulière avec Mitchell, il a son jardin secret, comme chacun d'entre nous, et cet article c'est le B.A-BA du travail de journaliste de bas étage. Je comprends pas bien ce que vous cherchez à insinuer, mais je vous encourage à faire ça de manière claire et sans langue de bois, on gagnera tous du temps, vous ne croyez pas ? Aussi sèche que puisse être la formule, le ton est quelque part relativement doux, ou du moins posé, bien qu'aucune tendresse particulière n'en émane pour autant.  Ecoutez, je ne sais pas ce que vous êtes en train de chercher, ou qui vous croyez que je suis pour votre frère, mais c'est juste un article, je suis juste journaliste, et votre frère... c'est votre frère. Vos problèmes de famille ne me concernent pas, ne me regardent pas et ne m'intéressent pas.

River se réinstalle confortablement sur son siège quand Miss Strange adhère à sa "suggestion" de démarrer la voiture. Une jambe pliée avec un pied sur le siège, vautrée comme un petit singe ou posture d'adolescente récalcitrante, au choix. Cependant même si la sœur de Mitchell semble coopérer en conduisant, ses mots sont loin d'aller dans ce sens puisqu'elle commence rapidement à jouer sur les mots. Ou plutôt, rebondir sur ceux de River "vous pouvez vous exprimer mais tout pourra et sera retourné contre vous" un bail comme ça. L'enfer. Qui a parlé de problème de famille ? Je sais pas, je doute que vous me courriez après pour me raconter combien vous vous aimez et vivez en harmonie, si c'est le cas je vais considérer que vous êtes sociopathe sur les bords... River se détourne de la jolie brune pour voir passer le paysage à travers la fenêtre, apaisée qu'aucune des deux ne semble se soucier de la route à prendre ou de la direction vers laquelle aller, une réminiscence étrange de son dernier trajet en présence d'un Strange.  Puisque vous voulez que nous parlions de manière claire et sans langue de bois, expliquez-moi pourquoi vous avez réagi de la sorte lors de notre première rencontre ? Vous avez adopté cet air frêle dès l’instant où j’ai prononcé mon nom, alors que, je le répète, je suis venue sans une quelconque mauvaise intention, aucune, à votre rencontre cette fois-là.  La journaliste aurait bien répondu, bien que n'appréciant guère d'avoir à se justifier, mais son temps à la barre ne semble pas être prévu de si tôt. Et vous avez d’ailleurs adopté cette même attitude tout à l’heure quand je vous ai dit que Mitchell était mon frère. Elle sait pas qui est son frère celle-là, c'est ce que se dit à tort River en encaissant tout les points sur lesquels Gabrielle attend une réponse. La journaliste imagine que si Gabrielle savait, la raison de son évitement serait alors évident et la question ne se poserait même pas. Non ? Dois-je souligner aussi que vous n’avez définitivement pas la conscience tranquille ? Oui, pourquoi pas, mais il s'agit plus d'une conscience d'épouse et de mère indigne qu'autre chose, River ne peut pas lui en vouloir de ne pas savoir, seulement l'encourager à éviter de penser que Mitchell et elle-même constituent le centre du monde car Shears a bien d'autres pains sur sa planche.  Vous éveillez ma curiosité, voilà tout. Alors pourquoi ? Pourquoi vous me donnez la sensation de fuir quelque chose ? Vous avez peur que mon frère vous retrouve parce que vous avez fait une faute d’orthographe dans cet article qui sonne faux sur toute la ligne ? La fugitive ne répond pas sur l'instant, elle finit par se redresser et reporter son attention sur la conductrice. Ah ? Ca y est c'est à moi de parler ? Lâche-t-elle faussement surprise avant d'ouvrir une fenêtre pour entreprendre de fumer une clope qu'elle juge plus que mérité après un tel réquisitoire. Si vous voyez qu'il sonne faux c'est déjà pas mal, pourquoi me demander si j'admire Mitchell alors ? Ah bah on est tous humains, les incohérences vont dans les deux sens. C'est la pique de River pour rendre chaque pièce de la monnaie de Gabrielle, pique sortie plus rapidement qu'elle ne l'aurait formulé dans son esprit, abhorrant par dessus tout être sur le siège passager dans ce genre de situations. Ironique. J'ai plus envie d'être mêlé à Mitchell Strange. Je pensais pas avoir à l'expliquer, le comportement que j'ai eu et que vous prenez plaisir à me décrire me semble être assez simple à traduire en ce sens. Elle sourit amèrement. Quant à ma conscience, elle n'a rien à voir avec votre frère, j'ai mes propres préoccupations. Comme celle de se demander à ce moment là comment elle a fait pour fouiller autant dans la vie de Mitchell sans jamais n'avoir trouvé l'existence de Gabrielle ? Voilà que River est partie pour s'enfoncer le moral toute seule à se rappeler dans quelles mesures elle aura foiré cette enquête de bout en bout. Je ne crois pas avoir à craindre que Mitchell me retrouve. Ca c'est ce qu'elle dit aujourd'hui, sûre sur ses appuis, moins ce qu'elle ressentira quand il passera le pas de sa porte quelques semaines plus tard, mais River ne le sait pas encore. Ecoutez. On tourne en rond, vous êtes venue me chercher, j'imagine que c'est pas pour rien : vous avez une ou plusieurs questions. Alors posez les maintenant, j'vais pas sauter de la voiture. Mais cet interrogatoire sur mes ressentis vis-à-vis de votre frère ou mon comportement que personne ne semble avoir envie de comprendre (et une balle perdue illégitime contre sa famille et tout les autres) me semble injustifié en l'état. Si je savais pourquoi vous me posez ces questions peut-être que je serais plus encline à y répondre. Là comme ça je comprends pas bien où on est censées aller. Au sens figuré, au littéral tant qu'elle quitte un peu le paysage du motel tout lui va. Je n'ai pas de relation particulière avec Mitchell, je l'ai côtoyé quelques temps dans le cadre de mon article, ni plus ni moins. Elle a promit au frère de Gabrielle de ne jamais révéler ce qu'elle avait apprit le jour où elle s'est ramenée chez lui avec ses preuves en monnaie d'échange, ils n'ont pas précisé à qui elle ne devait rien dire, elle devait juste fermer sa bouche, c'était le deal. De ce fait : Si vous avez des questions à poser à Mitchell, posez lui directement, c'est tout ce que je vous demande.

Les deux brunes ayant menée leur plaidoirie jusqu'au bout, un temps de pause s'installe lorsque le rythme des réparties s'amenuise et s'apaise. Finalement, une voie se dégage, s'éclaire, la route devient plus évidente une fois le carrefour dépassé. La route de leur rencontre, pas celle qu'elles prennent en voiture, celle-ci peut bien filer droit jusqu'à un patelin de campagne aux abords de Brisbane que ça ne dérangerait pas River. La première réponse que Gabrielle fournit enfin à River, la vraie réponse, la fait tiquer un instant, considérer plus longtemps le visage de la jeune femme comme pour y déceler un soupçon de bluff ou un élément qui trahirait ses sentiments à l'égard de ce qu'elle vient d'avouer. Finalement la journaliste a un léger sourire en coin, satisfaite d'avoir l'impression d'enfin savoir ce qui l'attend. Satisfaite aussi de n'avoir pas à cacher outre-mesure des faits qui ne sont pas les siens tout en étant prise à parti comme si c'était le cas. La lucidité de la cadette de Mitchell joue sans doute dans ce qui fait sourire River. Elle est au courant, dans certaines grandes lignes de toute évidence. D'une façon ou d'une autre ? La détermination de Gabrielle lui décroche un sourire de plus. Et vous ? vous le craignez ? Interrompt-elle brièvement avant de poser sa tête contre la portière tout en restant attentive à la suite, qu'importe l'air désabusée qu'elle arbore. "Est-ce qu’ils vous a contraint à dépeindre ce tableau de lui ?" Non., se contente de répondre River, pour ne pas plus couper son interlocutrice. Je suis persuadée qu’au départ, ce n’est pas cet article que vous aviez envie de publier à propos de Mitchell, je me trompe ? Vous souhaitiez plutôt découvrir qui il était vraiment, et peut-être même aller plus loin en révélant tout ce monde souterrain inconnu aux yeux de tous et dont il en tire profit. Si, au départ c'était l'article que je devais écrire et je l'ai fait. River fait sa tête de mule, comme si c'était plus fort qu'elle, peut-être par pur esprit de contradiction. Elle dit pourtant la vérité, mais pas encore tout. Si je suis venue vous trouver aujourd’hui, River, ce n’est pas pour défendre mon frère ou venir vous faire des menaces si vous décidez un jour de tout révéler au grand jour. Je cherche simplement à comprendre davantage qui il est… C’est tout. Là, Gabrielle semble être sur une corde sensible, et River l'imite inconsciemment, fronçant les sourcils à son tour et se redressant sans la quitter des yeux. Auprès de...moi ? L'idée qu'elle puisse être considérée comme la personne détenant la clef de compréhension de l'Américain la déroute, haussement de sourcil et léger rire, tout ça ne lui semble n'être plus qu'un gros quiproquo. Et peut-être que je pourrais faire en sorte qu’il vous laisse tranquille. Mitchell ne m'a rien fait. Dit-elle du tac-au-tac, presque comme pour le défendre, mais c'est bien l'incompréhension qui parle. Je ne l'ai pas revu depuis un an au moins, et je ne pense pas le recroiser de si tôt, vraiment, je ne pense pas que vous ayez à vous donner un quelconque mal vis-à-vis de Mitchell à mon égard. Ha.Ha.Ha. J'avais effectivement un autre article en tête... Un peu d'honnêteté peut-être ?...En préparation. Mais je l'ai abandonné. Je ne suis pas 100% à l'aise avec cette décision parce que je ne sais pas plus que vous qui est Mitchell. Raclement de gorge. J'ai appris des choses qui donneraient envie de ne jamais avoir à croiser sa route, d'autres qui me mettent en colère quand je sais qu'il n'est pas à sa place. C'est-à-dire en prison.D'autres... Qui me font penser que c'est un homme brisé. Il peut-être drôle, attentionné, frimeur aussi voire orgueilleux, il a tendance à aimer s'écouter parler... sauf peut-être quand c'est pour parler de choses importantes. Quoiqu'il a un faible pour les femmes alors les confidences sur l'oreiller peuvent-être un bon moyen de lui soutirer des infos j'imagine. Soupir. Je divague. Je suis désolée Gabrielle, mais je ne pense pas pouvoir vous apprendre plus de choses sur votre frère que ce que vous ne savez déjà, je n'en sais pas plus. Si vous cherchez des faits en revanche, là encore, vous ne les aurez pas de moi. Je lui ai promis de ne jamais rien dire et puisque vous avez une idée des activités de votre frère je pense que vous êtes en droit de chercher vos réponses auprès de lui directement. Pourquoi lui avoir promis ? Ca, ça la regarde. Elle ne sait pas comment traduire la perplexité devant laquelle elle se trouve quand le sujet Mitchell lui vient en tête. Il incarne le genre de monstre qu'elle rêve de révéler, et derrière elle a découvert autre chose. Pas de quoi lui pardonner, pas de quoi avoir envie de le fréquenter, pourtant il s'est avéré parfois bien plus décent que des hommes tout à fait communs. River a apprit tôt que tout n'était pas blanc et noir, et les tourments que cette découverte avait provoquée en elle des années auparavant l'avaient peut-être poussée à foncer sur son cheval blanc pour tout repeindre en noir et blanc et faire comme si le gris n'existait pas bien que ce soit dans ces nuances-ci qu'elle gratte le papier depuis des années. Tout n'est quelque part qu'une question de parti-pris. C'est la même chose avec Jaime, il est gris. Comme Solas l'était. Comme Mitchell l'est. Comme elle l'est à sa manière, dans une bien moindre mesure. Phasant mentalement sur ces constats pourtant évidents, River semble soudainement percutée, piquée par une mauvaise mouche. Gabrille, vous avez vu Mitchell récemment ? Voyant enfin l'éléphant au milieu de la salle. Il a quitté Brisbane il y plus d'un an, non ?

Non, bien sûr que non ! Cette réponse et la ferveur avec laquelle elle était sortie apaisa un peu plus River. Bien qu'elle ne se sente pas particulièrement en danger concernant Mitchell, la persévérance de sa sœur cadette et les pincettes prise par celle-ci l'avait inquiété. Finalement, les motivations de Gabrielle semblaient bien plus personnelles que ce que River avait imaginé, c'est pourquoi elle s'ouvrit enfin veillant à ne pas rompre sa parole pour autant. Alors vous étiez proches lui et vous, n’est-ce pas ? C’est donc pour ça que vous lui avez fait cette promesse. Je me trompe ? River allait lui exprimer qu'elle se trompait, car cette promesse était surtout une monnaie d'échange, rien de plus. Mais avant même qu'elle ne pût chercher un moyen de formuler cette subtilité la brunette reprit de plus belle : Ne me prenez pas pour une imbécile, pour que vous ayez compris qu’il s’agissait d’un homme brisé et que vous lui trouviez des qualités, il n’y a que parce que vous tenez ou vous avez pu tenir à lui à un moment de votre vie et tout ça, parce que vous avez été proches de Mitchell. Ce constat la laissa sans voix. Gabrielle lui tendait une glace que River n'avait plus voulu regarder depuis qu'elle avait dit au revoir à Mitchell à Prague. Jamais River n'avait réfléchit à sa promiscuité avec l'Américain. Tout pour elle n'était qu'un concours de circonstances et de choix hasardeux. Ce qu'elle avait décelé chez lui n'avait été que des informations récoltées grâce à son sens inouïe de l'observation. C'est ce qu'elle avait pensé jusqu'à présent. Gabrielle ne semblait pas tenir rancœur à River pour s'être rapprochée de Mitchell par intérêt, elle y voyait autre chose, sans même être au courant de leur escapade commune c'était comme si elle savait la solitude qu'ils avaient partagés ensemble et les émotions qui en avait résulté, le respect qu'il avait gagné auprès de la journaliste lors de cette fuite à deux. Je n'ai jamais eu l'intention de vous prendre pour une imbécile, vous ne m'en avez pas laissé l'occasion. Finit-elle par dire calmement, avec un léger sourire et une estime intensifiée à son égard. Il est revenu sur Brisbane il y a quelques mois déjà… Il semblerait qu’il ait trouvé un moyen de se sortir d’affaires voilà le genre d'informations à côté desquelles on passe quand on à la tête emmurée dans son propre nombril. Pourquoi ? Et pourquoi j’ai l’impression que cela vous inquiète ? Vous avez peur qu’il vous retrouve ? Voilà qu'ils étaient deux à être revenu au point de départ mais avec un nouveau jeu en carte pour l'un tandis qu'elle ne semblait en avoir plus aucune. Quand j'ai promis à Mitchell de ne rien divulguer de ce que je savais, il a gagné mon respect en m'aidant personnellement. Ou plutôt en ne profitant pas de sa faiblesse... Cependant, j'espérais que ce deal passé entre nous appartienne définitivement au passé. Je ne me sens pas en danger et je crois que l'égard que je lui porte est mutuel, mais je ne sais pas si en sachant que je suis revenue et en me connaissant... je ne sais pas si il n'aurait pas envie de changer d'avis me concernant. Vous, vous me le ferez savoir si vous veniez à le savoir ? Profitant d'un feu rouge pour proposer à Gabrielle d'échanger leurs places, River prit le volant en lui proposant de la déposer où elle voudrait. Elle n'était pas certaine que Gabrielle accepterait de la prévenir si Mitchell changeait d'avis, d'autant plus que ses convictions concernant leur relation semblaient bien plus fortes que celles de River qui n'en n'avait juste pas. Chose rare. Mais si vous avez raison concernant ma relation avec Mitchell, je ne devrais pas avoir à m'inquiéter alors. Cette phrase était presque plus pour elle que pour Gabrielle. Comme pour s'aider à traiter les conclusions de la Strange. Une fois arrivées à bon port, River conclut : Si tu as des questions auxquelles je peux répondre, n'hésite pas à me retrouver. Sans attendre de réponse particulière elle redémarra la voiture.