Le rythme des dernières journées s'était voulu intensif et inavouablement, je venais à convoiter des jours de congé que je savais pertinemment ne pouvoir obtenir. D'une part, plusieurs de mes affaires rencontraient une étape déterminante simultanément ce qui m'imposait un labeur rigoureux et conséquent. D'autre part, je m'évertuais à me prouver indispensable dans les rangs du PSI que j'avais intégré malgré moi, mon égo et ma conscience professionnelle orientés vers ce traditionnel désir irrévocable d'exceller dans ce que j'entreprenais. En addition, il y avait cet appartement que j'aménageais de peine et de misère, ayant à la fois de la difficulté à me l'approprier tout en manquant de temps pour m'y atteler - ou plutôt, favorisant consacrer ces minutes disponibles à d'autres occupations. En quittant mon logement ce matin, je m'étais promis de faire un effort à mon retour après avoir ruminé sur un des points de l'appartement que je n'appréciais guère mais que je pouvais entièrement adapter à mon goût.

C'est accompagné d'une migraine lancinante et enveloppé d'un état de fatigue avancé que j'enfonçais ma clef dans la porte de mon appartement, pour être surpris de constater que celui-ci n'était pas verrouillé. Ce n'était assurément pas dans mes habitudes de quitter l'immeuble en laissant mon logement ouvert, cependant, vu mes multiples préoccupations de ces derniers jours, il était fort probable - et regrettable, je m'en maudissais sans vergogne - que j'eus été assez distrait. Je poussais la porte en grognant contre ma propre personne et me stoppais derechef en remarquant Noor dans le salon, comprenant par la même occasion que les bons goûts musicaux étaient à lui attribuer plutôt qu'à la voisine lorsque j'avais entendu Miley Cyrus sur le palier.

« Je ne m'attendais pas à une telle vue dès mon retour à domicile, » je saluais avec un sourire moqueur, mon regard balayant rapidement le séjour. Indubitablement, Noor avait fait le ménage. Je ne vivais dans une porcherie - je détestais le désordre et la saleté - mais je m'étais montré plus négligent et paresseux ces derniers jours, rendant flagrant son passage en qualité de fée du logis. J'étais incapable de trancher si j'étais davantage reconnaissant envers la trentenaire pour le ménage qu'elle avait réalisé chez moi ou si j'étais honteux qu'elle eût à le faire. En aucun cas je ne considérais Noor comme ma boniche, même si je ne lui avais aussi rien demandé. Je l'observais entreprendre de repasser une de mes chemises et je passais une main sur la tête de Patronus avant de me glisser dans le dos de l'architecte. « Rassure-moi, la porte n'était pas ouverte ? » Je glissais à son oreille, faussement menaçant, avant de placer mes mains sur ses hanches et de l'attirer prudemment contre moi pour baiser son cou.

Si ma migraine lancinante et les états d'âme liés aux contrariétés des journées précédentes obscurcissaient considérablement mon retour à domicile, la vision de Noor pour expliciter la porte déverrouillée démontrait un certain pouvoir à chasser mon mal-être. Un sourire entendu aux lèvres, je me glissais pernicieusement dans le dos de la jeune femme, me voulant faussement menaçant contre son oreille tandis que j'aspirais à élucider la logistique derrière sa présence dans mon appartement. Certes, la zone trahissait elle-même que l'architecte était restée dans mon logement un temps assez long pour y réaliser le ménage et s'attaquer à ma pile de vêtements en jachère. Son comportement détonait un peu de l'effet d'être pris la main dans le sac dans mes manquements de base, ou du moins, ces règles strictes de ménage et d'ordre que m'avait inculqué ma mère dès mon plus jeune âge. Si mon éducation avait toujours laissé à désirer selon les maîtres d'école et si ma garde-robe avait été constituée d'habits de seconde main toute ma jeunesse, jamais la tenancière de bar n'avait toléré le moindre écart en termes d'apparence soignée.

Je riais doucement dans son cou lorsque Noor avouait son méfait, la condamnant à quelques baisers chauds que je disséminais sur son épiderme. Je l'entendais valoriser les quelques atouts pratiques qu'elle pouvait m'apporter et rétorquais tandis que ses mains se posaient sur les miennes, baladeuses sur ses hanches. « Je ne suis pas certain de vouloir des serrures plus sécurisées. » En revanche, j'étais assez satisfait d'apprendre que Noor était en capacité de crocheter une serrure. Avoir su, je n'aurais pas joué à laisser ma porte d'entrée ouverte ces dernières fois, même si le danger en valait largement la récompense. « J'aime beaucoup découvrir tes talents cachés. » A n'en point douter, la trentenaire s'était montrée habile de ses mains. J'invitais la jeune femme à se retourner de manière à me faire face et je glissais un doigt sous son menton, l'obligeant à lever légèrement la tête pour déposer un baiser sur ses lèvres. « Tu sais, j'apprécie, mais t'es pas ma bonne. » Je rappelais en désignant largement l'ouvrage de Noor. « Je saurais te remercier, » je promettais, confiant. « Qu'est-ce qui t'a, à mon certain plaisir, chassé de chez toi ? » Je m'enquérais, intéressé.

Mes lèvres glissaient sensuellement dans le cou de Noor tandis que mes mains se pressaient sur ses hanches, la tenant prisonnière de mon étreinte. La jeune femme m'avait assurément surpris en me dévoilant s'être infiltrée à mon domicile par infraction, le tout pour y faire du ménage et, manifestement, se vider la tête via ce processus. « Tu peux continuer à t'introduire chez moi, à tes risques et périls, » je menaçais malicieusement avant d'inviter la trentenaire à me faire face et prendre tendrement possession de ses lèvres. Je la toisais quelques instants, défiant, puis je la réprimandais sans scrupule sur ces tâches ménagères qu'elle avait effectuées sans qu'elles ne lui incombent. Honnêtement, une pointe de honte et de culpabilité me tiraillait, moi qui détestais donner l'impression de vivre dans le désordre ou la saleté. J'avais beau avoir grandi dans un bar qui empestait l'alcool, ma mère avait toujours mis un point d'honneur à ce que nous soyons impeccables. Une rare règle que j'avais reçue et à laquelle j'avais adhérée.

« Je t'offre de nombreuses thérapies. » Je déduisais fièrement lorsque Noor m'expliquait avoir eu besoin de se défouler en prodiguant l'effet d'une tornade de fée du logis dans mon logement. Même Patronus semblait quelque peu décontenancé, blotti au sommet de son arbre à chat. Je promettais récompenser les actes de l'architecte avant de m'enquérir sur ses tracas qui l'avaient guidée à entrer illégalement chez moi.

Je me retenais de me féliciter d'avoir peu d'amis quand j'apprenais que les relations de Noor la mettaient de nouveau à mal. Je pinçais les lèvres et quittais la chaleur de son corps pour me rendre vers la cafetière. Tout en préparant du café frais, je commentais : « Prends le problème dans l'autre sens. Ne pense pas à Kai, pense à ce que toi tu veux faire. Est-ce que tu assumeras de ne pas lui avoir fêté son anniversaire ? Est-ce que tu seras contente de ne pas l'avoir fait en te disant que c'est bien fait pour lui ou autre ? Qu'est-ce qui te donne meilleure conscience ? » Car au final, les intransigeants comptes sont ceux que l'on doit à soi-même. Je revenais vers Noor avec deux tasses fumantes. « Débranche ton arme fatale et viens prendre une pause avec moi, » je prononçais en désignant le fer à repasser.

Je pouffais doucement contre le cou de Noor tandis qu'elle taquinait sur l'autorisation qu'elle venait d'obtenir de son avocat de véhiculer dans ce logement sans permission officielle. « Ton avocat ne ferait pas de toi une délinquante qui entre fréquemment par effraction chez les gens... » Je plaisantais en déposant quelques baisers dans le cou de Noor pendant que mes mains se posaient sur sa taille pour l'enlacer doucement contre moi. Je me satisfaisais d'entendre les multiples thérapies que je prodiguais à l'architecte, quand bien même mon ego était cuisamment touché qu'elle ait endossé le rôle de fée du logis durant mon absence. Vivre dans le désordre n'était pas dans mes habitudes : là figurait un des rares concepts de l'éducation inculquée par ma mère. La propreté et l'ordre étaient royaux chez les Novak, à défaut de la morale et de l'argent. « Tu me fais beaucoup de bien aussi, » je glissais, amusé par les joues fraîchement teintées de Noor.

Je me distançais de la jeune femme pour mettre en route la cafetière, mon organisme réclamant cruellement une dose de fuel bouillant. J'en profitais pour relâcher les premiers boutons de ma chemise, me détendant enfin après cette journée de travail qui faisait suite à une semaine plus que corsée et comblée. Je m'intéressais néanmoins aux états d'âme de Noor et écoutais attentivement son dilemme quant à l'anniversaire imminent de son meilleur ami, Kai. Je lui proposais d'agir selon son instinct et ses valeurs, plutôt que de penser à la réaction du jeune homme avec qui le froid perdurait pour des raisons que je ne saisissais pas entièrement. Je grimaçais doucement en entendant mon interlocutrice avouer craindre la réaction du trentenaire à la réception de ses bons vœux et je haussais les épaules, terre-à-terre : « Fais-le pour toi et l'affection que tu as pour lui. Fais-le parce que tu en as envie. Tu ne peux pas contrôler sa réaction, mais tu peux contrôler ce que toi tu fais. »

Je portais une tasse fumante à Noor qui déballait émotivement le malaise qu'elle ressentait quant à la distance de ses meilleurs amis qui préféraient franchir manifestement des épreuves seuls plutôt qu'avec son soutien sincère. « Je ne leur donne pas raison mais parfois, il y a des choses qu'on doit traverser seul. Parfois, on a besoin de faire des conneries et de se détruire pour mieux se reconstruire. C'est peut-être ce qui se passe avec eux. » Je soumettais. Noor agissait comme une mère pour eux et voulait les protéger de tous les maux, néanmoins, les enfants avaient aussi besoin de se brûler les doigts pour apprendre et se découvrir. J'invitais la jeune femme à débrancher le fer à repasser et me rejoindre sur le canapé. Je la devinais essuyer ses yeux humides avant de saisir la tasse que je lui avais servie. « Toi, tu sais comment me parler » « Plusieurs thérapies, tu te souviens ? » J'annonçais fièrement. « Fais confiance au destin, fais confiance au temps, » je conseillais Noor. « Ils savent que tu es là pour eux. » Je rappelais. « Ils reviendront vers toi ou te parleront quand ce sera leur temps, ou peut-être qu'ils ne le feront jamais. Si tel est le cas, tu ne peux malheureusement rien y faire, tu ne peux pas les forcer. Profite de ce que tu as et de ce que tu peux faire. » J'offrais un sourire qui se voulait encourageant avant de citer, en l'adaptant, Albus Dumbledore : « It does not do to dwell on the past and forget to live. »