Je soupçonnais avoir été un peu trop ambitieux en ce jour de festivités à base, pour l'Australie, de sucre et de personnages d'épouvante. J'avais passé la majorité de la journée au tribunal, les audiences se succédant, pour ensuite carburer sur un dossier important sur lequel il me fallait impérativement rendre un mémoire avant le début de soirée. Par la suite, nous avions prévu nous retrouver Noor et moi - une idée qui m'enthousiasmait et agissait telle une véritable récompense pour cette journée plus que chargée, mais il s'avérait que les promesses émises à ma mère rendaient la logistique quelque peu tendue. En effet, je m'étais engagé à aller récupérer les commandes de boissons et les entreposer en vue de cette soirée qui s'annonçait arrosée. Sur le coup, il m'avait paru judicieux de proposer à la Guerrero de me rejoindre directement au bar, néanmoins, cette décision possédait exponentiellement des traces d'erreur alors que je faisais le poireau en attendant que la voie se déblaie des bouchons.

Je rebroussais les manches de ma chemise blanche pour déposer les différentes caisses à l'arrière du bar. Focalisé sur l'empilement des caisses, je percevais péniblement les cris des enfants dans l'établissement. Lorsque je revenais dans le bar, je devinais la silhouette de Noor, entourée d'une sorcière, d'une squelette et de deux Mercredi Adams. « Elle va où ? » Je questionnais ma mère. « Faire la tournée avec les mioches. Elle a perdu un pari, » m'annonce ma mère, les bras croisés sur sa poitrine, satisfaite. « Et comment tu veux que je t'aide derrière le bar si t'envoies mon invitée vagabonder dans le quartier ? » Je lâchais, un sourire malicieux se dessinant sur mes lèvres en apercevant les doutes de ma mère se confirmer par son expression. Les nouveaux clients n'étaient pas chose coutumière, surtout de l'âge de Noor. « Vous revenez vite, » imposa la tenancière comme si nous étions des adolescents de treize ans et que je lui avais déjà obéi.

« Noor ! » J'appelais la jeune femme alors qu'elle passait le pas de la porte. Je ris doucement en observant son costume. « Il faut que je te présente à ma voisine. Elle va adorer ta tenue. » D'origine mexicaine, Maria m'avait élevé en même temps que sa famille, me nourrissant quand la mienne n'en avait pas le temps et m'offrant, entre autres, un foyer plus calme et attentif. C'était aussi une période où elle se recueillait sur le décès de sa fille et de mon amie d'enfance, Rosa, que je considérais comme une petite sœur. Je déboutonnais nonchalamment les premiers boutons de ma chemise, optant que je serai un cavalera à ma manière. « On m'a dit que t'as perdu un pari. C'était quoi ? Que ça ne se reproduise plus. » Je questionnais, curieux, déterminé et frustré contre ma mère. « Je suis désolé de t'avoir fait attendre. » Je m'excusais avant de saisir sa main pour y déposer un baiser, histoire de ne pas gâcher son maquillage.

Un sourire faussement amusé se dessina sur mes lippes face aux plaintes dissimulées de Noor vis-à-vis de son potentiel fiasco auprès de ma mère. « Elles sont différentes, même si elles peuvent toutes deux me servir d'excuse sur mon sale caractère, » je prévenais avec un certain plaisir de provoquer l'appréhension de la jeune femme. Je n'étais pas de ceux qui arboraient des gants de velours et sans doute l'architecte avait-elle compris désormais que je me plaisais à la pousser vers le qui-vive dès que l'occasion se présentait ; comme si je la défiais et la testais continuellement.

Je haussais les sourcils, peu impressionné, en apprenant que ma mère avait troqué une réussite sur son jeu de fléchettes contre un débarras du plancher des mômes du quartier. J'observais les mioches s'enthousiasmer allégrement des sucreries qu'ils emmagasinaient à mesure des maisons que nous parcourions et perspicace, le squelette formula la question qui me brûlait les lèvres sur la volonté réelle de Noor de remporter ce défi. « Elle vous préfère à ma mère, je peux pas la blâmer, » je rétorquais au garçon. « Va falloir que tu m'apprennes à jouer aux fléchettes » « En ai-je vraiment besoin ? » Je narguais en remarquant le petit glisser une barre chocolatée dans le costume de Noor. « Ou n'est-ce pas plutôt ta stratégie pour amadouer le quartier par les mômes ? » Je formulais, suspicieux. « Les futurs caïds du coin, » je provoquais alors que la Mercredi Addams s'indignait spontanément en me frappant le bras avant d'assurer qu'elle avait d'excellentes notes à l'école et qu'elle ne finirait pas racaille comme sa sœur. « Qu'est-ce que tu fais en Mercredi Addams plutôt qu'en Hermione Granger alors ? Tu me déçois, Raquel, » j'articulais avant qu'elle ne boude d'avoir son identité découverte. « Hermione ne fait pas Halloween et Mercredi est très intelligente aussi. » « Hermione est une sorcière. Ryan aurait pu faire Pattenrond. » Je lorgnais vers le squelette qui ne paraissait pas avoir cette référence. « Tournez à droite à la prochaine, » je lançais à la troupe de monstres avant de proposer à Noor pendant que le trio sonnait à une nouvelle maison : « Y'a un pote à moi qui a un foodtruck, j'suis sûr que t'aimeras. » D'origine mexicaine, Miguel ravissait la population latine du coin de ses mets d'origine.

Noor paraissait davantage dans son élément dans le cadre de cette tournée de maisons en quête de sucreries qu'au sein du bar sous l'oeil inquisiteur de ma mère. Je ne pouvais guère lui en vouloir, la scène arrachant un sourire narquois aux commissures de mes lèvres ; aussi, je favorisais taquiner les mômes du quartier plutôt que de débattre acerbement avec ma génitrice emplie de jugements critiques et de remarques désobligeantes à mon attention. Noor me démontrait l'appréciation qu'elle recevait des enfants sous forme chocolatée et je déduisais, joueur : « Je ne te savais pas posséder la dent sucrée. » Je plongeais mes mains dans mes poches alors que nous parlions caïds, Mexique et du meilleur personnage à incarner pour Halloween entre Hermione Granger et Mercredi Addams. J'annonçais un ravitaillement au foodtruck, confirmant : « Vu qu'ils sont nos petits monstres, il faut en effet bien les nourrir... J'espère que tu m'as prévue une contrepartie pour ta défaite aux fléchettes... » Je lançais, éloquent. Les enfants revinrent vers nous après leurs nouvelles acquisitions sucrées puis s'enthousiasmèrent vers le camion, motivés par Noor qui les avait incités à choisir ce que leur estomac désirait. La commande passée, je m'installais sur la table à pique-nique qui paraissait la moins bancale. Les mômes avaient bien vite investi une moitié du mobilier précaire, échangeant déjà des friandises et se ruant vers le camion lorsque des parties de la commande étaient prêtes. Bientôt, un buffet de nourriture mexicaine et de bonbons industrialisés couvrait la table au potentiel d'écharde élevé.

« T'as déjà cédé au trafic ? » Je questionnais, pendant que les enfants récupéraient des boissons au vendeur, curieusement, imaginant Noor graviter autour de ce fameux narcotrafic qu'elle avait évoqué plus tôt. Avait-elle déjà consommé dans sa vie ? Avait-elle déjà goûté à la marchandise illicite ? Je n'affichais aucun jugement, l'intérêt étant candide, ne pensant par ailleurs pas froisser la Guerrero par une telle interrogation. Après tout, je ne lui en tiendrais pas rigueur si elle me retournait la question, le quartier où j'avais grandi prospère en termes de délinquance.