Le pas pressé, enroulée dans une cape pour combattre la fraîcheur de la nuit, elle remonte la rue. Arrivée à l’intersection de Wickham Terrace et Bartley Street, elle prend à droite sans la moindre hésitation pour se perdre dans la foule de gens qui se pressent sur l’avenue. Oubliée, l’époque où les boutiques fermaient prestement à la tombée du soleil alors que les gens rentraient chez eux, pour retrouver leur petite vie proprette. Il n’y a plus, depuis le début de l’éclipse, la moindre distinction entre le jour et la nuit. Si bien que les commerçants et leurs employés se relaient maintenant sans relâche pour garantir que leurs portes seront toujours ouvertes à ceux qui désirent dépenser leur argent.

Elle ne prête attention à personne, garde à peine l’œil ouvert pour éviter de heurter les passants agglutinés autour d’elle. Mue par le besoin maladif de trouver des réponses à ses questions et la paranoïa qui l’empêche de dormir depuis des semaines, elle ne s’arrête finalement que lorsqu’elle se trouve devant sa destination. Comme toujours, la devanture est accueillante, même en cette nuit éternelle apportée par l’éclipse. La lampe à gaz qui surmonte la porte éclaire une enseigne où un artiste habile a tracé en lettres sinueuses le mot Apothicaire. On aurait pu croire, en jetant un coup d’œil par les fenêtres qui donnent à l’intérieur, que rien n’avait changé dans l’univers tant la petite boutique semble auréolée de la même ambiance paisible qu’elle a toujours eue. Un frisson traverse pourtant l’échine de Laoise lorsqu’elle tend la main vers la poignée de bronze. Gamine, elle avait déjà appris à ressentir l’énergie particulière qui émane des endroits où l’on pratique la magie. Hélas, pour la première fois depuis qu’elle a mis les pieds dans cette boutique, le bourdonnement qui traverse sa paume n’a rien de bienveillant.

Lentement, elle pousse la porte et entre dans la boutique au son d’une clochette stridente qui annonce son arrivée. Il n’y a pas un chat à l’intérieur, que des étagères couvertes de petits pots et de fioles, ça et là des bouquins poussiéreux et, au plafond, des bouquets d’herbes séchées suspendues. N’entendant que les battements sourds de son cœur, elle s’avance d’un pas prudent. Les épaules tendues, le regard qui balaie nerveusement la pièce comme si chaque ombre qu’elle aperçoit allait lui sauter dessus. Autrefois, c’est en souriant et le cœur léger qu’elle poussait la porte, heureuse de venir s’approvisionner en potions et onguents miracles et de retrouver son ami en même temps pour échanger quelques nouvelles. Or tout a changé depuis la mort de son mari; depuis, surtout, qu’elle a découvert les traces de magie noire sur son cadavre encore tiède. Il y avait si longtemps qu’elle n’avait pas songé au surnaturel; elle avait cru avoir mis cette vie derrière elle pour de bon. Seulement, quelqu’un en a visiblement décidé autrement et lui a arraché son amour et sa vie en même temps, la replongeant dans cet univers qu’elle avait cherché à fuir.

Elle sursaute lorsqu’un bruissement retentit dans l’arrière-boutique. Mais elle s’avance tout de même vers le comptoir, ses talons claquant bruyamment sur le sol ; elle n’essaie pas d’être discrète. Comme s’il n’avait attendu que ça pour se manifester, Jonah apparaît derrière le rideau sombre qui dissimule l’arrière-boutique. Le cœur au bord des lèvres, elle se penche vers lui, ses doigts recourbés comme des serres sur le bois du comptoir, le regard un peu fou. « Où est-ce que tu le caches ? » Un air confus se peint sur le visage de l’apothicaire, mais elle l’ignore ; maintenant qu’il est devant lui, les mots jaillissent d’eux-mêmes. Grimaçante, elle tressaille et s’agite, comme possédée. « Ha, tu croyais bien protéger ton secret, n’est-ce pas ? Le grimoire, avec tous tes sortilèges maléfiques ! Il me le faut ! » Nier ne servirait à rien, elle est certaine qu’il en possède un. Les sorciers en ont tous un ou plusieurs ; ils y trouvent le savoir de leurs ancêtres et y consignent soigneusement leurs découvertes pour en faire profiter les générations futures. Armée de ce puissant tome – et, peut-être, s’il accepte de l’aider et s’il n’est pas lui-même responsable de son malheur, des pouvoirs de Jonah – elle saura enfin trouver la réponse qu’il lui brûle de connaître.

@Jonah Fletcher

@Laoise McLoughlin

« Où est-ce que tu le caches ? » Jonah était en train de trier ses fioles dans l'arrière-boutique lorsqu'il avait entendu la clochette de la porte d'entrée retentir, signalant l'arrivée d'une cliente. Les visites nocturnes de la boutique s'étaient multipliées depuis le début de l'éclipse, et Jonah était devenu habitué à cette nouvelle routine. Cependant, quand il fit son apparition dans la partie principale de la boutique et découvrit Laoise, il sentit un frisson le parcourir face à l’expression qui tordait le visage de sa fidèle cliente et amie. Quelque chose n’était pas comme d’habitude. Ce fut d’autant plus clair lorsqu’elle ouvrit la bouche et lança une interrogation cryptique. L’incrédulité de l’apothicaire ne parut pas la convaincre qu’il ne comprenait pas ce qu’il se passait. « Ha, tu croyais bien protéger ton secret, n’est-ce pas ? Le grimoire, avec tous tes sortilèges maléfiques ! Il me le faut ! » Laoise était comme une tempête déchaînée. Ses paroles fusèrent avec une intensité surprenante, révélant une détresse profonde et un besoin ardent. Jonah, quant à lui, resta d'abord silencieux, le visage marqué par l'incompréhension. La douleur et la panique de son amie résonnaient dans ses mots, et il ne pouvait pas ignorer l'urgence de sa demande. Mais la question la plus brûlante était : comment avait-elle découvert sa réelle nature ? Les paumes du Fletcher devenaient moites alors qu'il observait Laoise avec inquiétude. Sa détermination, son désespoir, à obtenir ce grimoire qui, à ses yeux, était une source de réponses. Le problème était que Jonah avait effectivement un grimoire, un vieux volume que lui avait légué son mentor. Cependant, il ne contenait pas de sortilèges maléfiques. Jonah était un apothicaire, pas un sorcier malveillant. Il avait passé des années à l'étudier et à perfectionner son art pour aider les gens. L'idée que Laoise puisse le soupçonner d’intentions maléfiques après toutes ces années le troublait profondément.

Jonah fit un pas en direction du comptoir, laissant un espace entre eux pour ne pas lui donner l'impression d'être acculée, et posa ses mains dessus en signe de pacification. "Laoise, je ne sais pas comment tu as pu avoir cette idée, mais tu te trompes. Je ne suis pas ton ennemi." Il voulait lui faire comprendre que l'accusation portée contre lui était injuste, mais il pouvait sentir la colère de Laoise qui bouillonnait. Le désespoir qu'elle ressentait était tellement profond qu'il la sentait dans l'air, comme une brume opaque, palpable. Il ne savait pas ce qui avait pu la conduire à cette conclusion erronée, mais il devait l'aider à se calmer et à voir la vérité. Jonah observa Laoise droit dans les yeux. "S'il te plaît, crois-moi. Si tu cherches des réponses, je suis prêt à t'aider de toutes les manières possibles, mais pas de cette manière. Je ne peux pas te donner ce que je n'ai pas." Il pouvait sentir l'énergie négative qui émanait d'elle, une colère et une frustration qui menaçaient de dégénérer. "Si tu as besoin d'aide, parle-moi."

« Laoise, je ne sais pas comment tu as pu avoir cette idée, mais tu te trompes. Je ne suis pas ton ennemi. » La voix de Jonah est si apaisante que des larmes viennent lui picoter les yeux, inconvenantes et libératrices à la fois. Elle les essuie du revers d’une main rageuse, se force à ne pas oublier que le mal sait souvent se cacher derrière un paravent de lumière pour dissimuler sa véritable nature. Comment savoir s’il ment ? La tête lui tourne, un grondement désagréable souffle à son oreille comme vent de tempête. « S’il te plaît, crois-moi. Si tu cherches des réponses, je suis prêt à t’aider de toutes les manières possibles, mais pas de cette manière. Je ne peux pas te donner ce que je n’ai pas. » Elle tourne un regard un peu fou vers son ami, essaie de lire sa sincérité sur son visage. Il y a de la compassion sur ses traits, mais aussi une lueur nerveuse au fond de ses yeux qui la met sur ses gardes. S’il ne lui veut véritablement aucun mal, pourquoi serait-il inquiet ? Elle ne se rend même pas compte qu’elle vient de mettre en péril son secret. Encore moins qu’il y a quelque chose de déroutant dans la façon dont elle se comporte depuis son arrivée, comme si elle était soudainement devenue folle à lier. Aveuglée par son besoin de vengeance, étourdie par les substances malsaines qu’elle a consommées, elle ne sait plus distinguer le vrai du faux. « Si tu as besoin d’aide, parle-moi. » Elle incline la tête, plisse les yeux. « Le ciel s’est ouvert et le malheur s’est abattu sur ma famille. Tu sais quels maux me rongent. » Elle entrouvre la bouche, darde son regard dans tous les sens, regarde sans les voir les fioles sur les étagères, les bouquets d’herbes suspendus qui ressemblent à des petits balais. « L’enfer me guette, je sens son souffle sur moi. » C’est une obscurité qui la pourchasse, plus épaisse et suffocante que la noirceur qui s’est abattue sur la ville avec l’éclipse, une aura maléfique qui sape son énergie et la rend parano. Elle s’appuie sur le comptoir, essaie de conserver son équilibre. « Il faut appeler un chat un chat, et toi tu es un sorcier. » Le battement de son cœur résonne à ses tempes, sourd et erratique. Le visage de Jonah devient flou. Même en cillant, elle n’arrive pas à éclaircir sa vision. « Qui fait confiance au monde sera trahi, » souffle-t-elle avant de perdre l’équilibre et de s’échouer lourdement sur le sol, des taches sombres papillotant dans son champ de vision.

­@Jonah Fletcher (c'est pas mon meilleur rp à vie, pardon )

@Laoise McLoughlin

L’état d’esprit de Laoise se dégradait rapidement et l’inquiétude de l’apothicaire grandissait tout autant. « L’enfer me guette, je sens son souffle sur moi. » murmurait-elle, déséquilibrée. Jonah chercha son regard, essayant de capter son attention malgré son état troublé. “Il ne va rien t’arriver, Laoise, promis.” L’écoutait-elle seulement ? “Tu es déboussolée mais tu dois tenir bon.” Mais l’épuisement nerveux était en train de prendre le dessus sur la brune qui s’écroulait doucement sous son poids. « …et toi tu es un sorcier. » maintenait-elle. Le coeur et les tripes du jeune homme se serrèrent. Il balaya la boutique de regard, qu’il savait pourtant vide, puis la rue, comme si les mots de Laoise pouvaient traverser les murs afin de rencontrer la première paire d’oreilles passant là. « Qui fait confiance au monde sera trahi. » Souffle coupé, Jonah assista, impuissant depuis l’autre côté du comptoir, à la chute soudaine de Laoise sur le sol de l’apothicairerie. Ses paroles décousues, emplies de paranoïa et de méfiance, étaient profondément préoccupantes. Il se hâta de s'agenouiller près d'elle, vérifiant qu'elle n'était pas blessée en tombant. Là, elle était étendue, inconsciente, une expression troublée sur le visage. La veuve était visiblement en proie à une immense détresse, et Jonah était déterminé à l'aider, bien qu’il ne savait pas encore comment.

Avec douceur, il la souleva délicatement du sol et la transporta dans l'arrière-boutique. Il l'allongea sur un vieux canapé en cuir usé mais confortable. Puis il mit de l’eau à chauffer sur le gaz, en attendant, en prenant soin de plonger un mélange d’herbes de sa confection dans la bouilloire afin qu’elles infusent doucement. Pendant que la boisson chauffait, il réfléchit à la situation. Il ne savait pas ce qui poussait Laoise à agir de cette manière, mais il était clair que le décès de son mari était en grande partie lié à son comportement erratique. Lorsque le thé fut prêt, Jonah le servit dans une tasse en porcelaine, puis s'assit à côté de Laoise qui reprenait peu à peu ses esprits. “Bon retour chez les vivants, comment te sens-tu ?” Il lui donna un peu de temps pour se réveiller naturellement, ne voulant pas la brusquer. “Ne t’en fais pas, je ne te ferai pas de mal.” il lui assura, sans être convaincu que cela suffirait à regagner la confiance qu’il avait visiblement perdue malgré lui. Après l’avoir aidée à se redresser, il lui tendit le thé encore fumant, délicieusement parfumé. “Bois ça, tu verras, ça te fera un grand bien.” dit-il doucement, son expression empreinte de sollicitude. Il n’y avait rien mis qui ne soit pas pour apaiser sa peine, soulager ses nerfs, et balayer la brume dans son esprit. Puis Jonah se laissa tomber dans le dossier de sa chaise avec un soupir anxieux. Il observait Laoise, le regard débordant de questions. Mais pour le moment, une seule traversa ses lèvres ; “Depuis combien de temps sais-tu à mon sujet ?”

Elle ouvre lentement les yeux, papillonne des paupières pour tenter d’éclaircir sa vision. La surface sur laquelle elle est étendue est moelleuse. Ses souvenirs des dernières heures sont flous, mais elle se rappelle tout de même s’être écrasée sur le sol de l’apothicairerie. Elle suppose que Jonah a pris pitié d’elle et l’a transportée à un endroit plus confortable. C’est plus qu’elle ne méritait, si les bribes de conversations qui lui reviennent peu à peu sont véridiques. « Bon retour chez les vivants, comment te sens-tu ? » Elle sursaute légèrement en entendant la voix de son ami, tourne légèrement la tête dans sa direction pour le trouver assis dans un fauteuil à côté d’elle. Encore dans le cirage, elle ne s’était pas rendu compte qu’il était là. Se méprenant sans doute sur la raison de son sursaut, Jonah s’empresse de la rassurer : « Ne t’en fais pas, je ne te ferai pas de mal. » Au fond d’elle-même, elle le sait très bien. D’ailleurs, elle regrette déjà d’être débarquée dans sa boutique comme une folle et de s’être ainsi donnée en spectacle. Plein d’une prévenance qui ne fait qu’aggraver ses remords, il l’aide à se redresser. Elle grimace légèrement en sentant ses muscles protester contre le mouvement. De toute évidence, ils n’ont apprécié ni la chute, ni la cavale dans les rues de la ville qui l’a précédée. Il lui tend une tasse délicate de laquelle s’échappe un parfum doux et fruité, avec une note presque terreuse. Elle accepte la tisane avec l’ombre d’un sourire reconnaissant, hume les effluves réconfortantes et savoure la chaleur de la porcelaine contre ses paumes. « Bois ça, tu verras, ça te fera un grand bien. » Prudemment, pour ne pas se brûler, elle trempe ses lèvres dans la boisson, tente par ce geste silencieux de prouver qu’elle n’a pas complètement perdu la tête et qu’elle ne le craint pas vraiment. Si elle croyait vraiment qu’il pouvait lui faire du mal, elle n’aurait jamais accepté la tisane. « Depuis combien de temps sais-tu à mon sujet ? » Elle relève les yeux, surprise par la question. En voyant son teint un peu blême et son air nerveux, elle comprend qu’avec ses accusations aussi efficaces qu’un coup d’épée dans l’eau, elle a seulement réussi à l’inquiéter. Elle soupire, pose la tisane en équilibre sur ses cuisses, ses mains repliées autour de la tasse. « Honnêtement, je le sais depuis très longtemps. » Elle esquisse une moue un peu coupable, consciente tout à coup qu’elle n’aurait sûrement pas dû mentir ainsi par omission. « À cause de tes onguents et de tes remèdes, » explique-t-elle. « Ils sont trop puissants et tes potions aussi. » Dès qu’elle les avait testés, elle avait compris que ce n’était pas une simple recette secrète héritée de génération en génération comme il s’en vantait, mais quelque chose de plus robuste. De surnaturel, surtout. « Et puis tu as sauvé ma fille de la mort. » Quand les médecins les plus savants n’avaient plus eu que des mines d’enterrement à lui offrir, c’est vers cette boutique et Jonah qu’elle avait couru, tout en sachant fort bien que c’était sa magie qu’elle implorait, pas seulement ses connaissances en botanique. « Alors tous mes doutes ont été confirmés. »

@Jonah Fletcher

@Laoise McLoughlin

« Honnêtement, je le sais depuis très longtemps. » Jonah observa Laoise avec une expression mélangeant la surprise et la nervosité. Ainsi, elle  avait découvert ses dons bien avant cette maudite nuit qui n’en finissait pas. Il ne s'attendait pas à cette révélation. « À cause de tes onguents et de tes remèdes. Ils sont trop puissants et tes potions aussi. » La brune avait détecté la véritable nature de ses préparations, de ses onguents et de ses potions, et elle avait compris qu'il y avait quelque chose de surnaturel en eux. Cette révélation le laissa un peu sans voix, et il déglutit avec difficulté. Trop puissants. Comment quelque chose qui sauvait des vies pouvait être trop de quoi que ce soit. « Et puis tu as sauvé ma fille de la mort. Alors tous mes doutes ont été confirmés. » Si seulement il ne persistait pas à vouloir sauver tout le monde, à être le meilleur dans ce qu’il faisait, à être cette béquille indispensable dont la communauté ne saurait jamais se passer. Comme si cela pouvait changer les choses une fois que la vérité se saurait. La venue de Laoise en était la preuve. Les gens comme lui étaient toujours la cible lorsqu’il fallait pointer du doigt, qu’importe le bien qui avait été fait, toute la compassion pour ces humains démunis. Toute sa bonne volonté se retournait contre lui si c’était ce qui soulevait les doutes de ses clients. Peut-être qu’ils savaient tous, ou le suspectait fortement. Peut-être qu’il n’était plus réellement en sécurité dans sa double vie depuis bien plus longtemps qu’il ne le pensait.

"Je me souviens de cette nuit," déclara Jonah doucement. C'était un acte de compassion, de sa part. Il ne pouvait pas supporter de voir la souffrance d'un enfant quand il pouvait faire quelque chose pour l'atténuer. Il fit une pause, puis ajouta avec un petit rire aux ailes de son nez ; “On avait chanté des heures pour la rassurer. Qu’est-ce que c’était déjà ? Oh. “Jumpety-Bumpety-Hop-and-Go-One was lying asleep on his side in the sun, Jumpety-Bumpety-Hop”. Parfois je me demandais si c’était la potion ou le rire qui agissaient le mieux.” Il soupira, baissa la tête avec un petit sourire nostalgique, ironique. Impossible de regretter des bonnes actions pareilles, qu’importe à quel point son secret était mis en danger. Finalement, Jonah reprit son sérieux ; “Pourquoi vous cherchiez un grimoire de magie noire ? Et pourquoi vous pensiez qu’il serait en ma possession ?”

« Je me souviens de cette nuit. » Laoise aussi. Le souvenir de sa fille, si petite dans son grand lit, les cheveux trempés de sueur fiévreuse collés à son front, et de ses pleurs la hante encore même s’il y a déjà quelques années qu’elle s’est remise de sa maladie. « On avait chanté des heures pour la rassurer. Qu’est-ce que c’était déjà ? Oh. “Jumpety-Bumpety-Hop-and-Go-One was lying asleep on his side in the sun, Jumpety-Bumpety-Hop”. Parfois je me demandais si c’était la potion ou le rire qui agissaient le mieux. » Elle sent le picotement désagréable de larmes qui s’accumulent dans ses yeux. Elle se revoit, terrifiée, qui chantait en chœur avec Jonah, s’accrochait aux vers comme si c’était une prière qui pouvait guérir Hannah et pas une simple comptine pour enfant. Lorsque la fièvre était finalement tombée, au petit matin, et qu’Hannah s’était endormie, Laoise avait éclaté en sanglot en serrant convulsivement la main de Jonah, incapable de le remercier convenablement à travers les pleurs qui lui secouaient la poitrine. « Pourquoi vous cherchiez un grimoire de magie noire ? Et pourquoi vous pensiez qu’il serait en ma possession ? » Embarrassée, elle soupire et incline la tête pour éviter le regard de l’apothicaire. Ses mains serrées autour de sa tasse, elle observe les volutes de vapeur qui s’échappent de la tisane en cherchant à mettre de l’ordre dans ses idées. « Par un sorcier Anthony a été tué. Les signes les autorités n'ont pas su reconnaître, mais moi oui. » Elle prend une gorgée de tisane, trouve dans le goût apaisant le courage de relever les yeux. « Que ce sorcier tu n’es pas, je sais. La tête j’avais perdue et des excuses je te dois. » Elle voudrait lui assurer que son secret est en sécurité auprès d’elle, mais elle ignore comment le faire après l’avoir accusé aussi violemment. Pourquoi la croirait-elle ? « Pour trouver le meurtrier, d’un grimoire j’ai besoin. De mon dernier espoir il s’agit. » Dans sa folie, elle s’était précipitée chez le seul sorcier de son entourage qu’elle connaissait, même si elle savait fort bien, justement, qu’il n’était pas le genre à tremper dans la magie noire.

@Jonah Fletcher

@Laoise McLoughlin

La confession de Laoise dévoila une douleur ancienne, une blessure que le temps n'avait pas totalement refermée. Jonah l'écouta avec compassion, comprenant la profondeur de la souffrance qui la poussait à agir de manière aussi impulsive et accusatrice. Il ressentit une pointe de tristesse en repensant à ces souvenirs qui, bien que marqués par la détresse, semblaient lier Laoise et lui d'une manière particulière. Il percevait la peur qui habitait le cœur de la femme, une peur qui la poussait à chercher des réponses jusque dans les recoins sombres et dangereux de son monde. La chaleur de la tisane semblait former un rempart de réconfort dans l'atmosphère tendue de la pièce. La question sur le grimoire de magie noire le prit au dépourvu, mais il ne montra rien de son étonnement. Il laissa Laoise expliquer son besoin désespéré de trouver le meurtrier d'Anthony. Le nom résonna comme un écho douloureux dans l'atmosphère de la boutique. Jonah se souvenait de cet homme, même s'il ne le connaissait pas particulièrement bien. La mort tragique d'Anthony avait laissé des traces profondes, et Jonah comprenait le fardeau que Laoise portait. Il plongea son regard dans celui de la femme, captant la sincérité dans ses yeux lorsqu'elle s'excusa. Il ne ressentit pas de rancune à son égard. Au contraire, il comprenait la détresse qui l'avait poussée à agir de cette manière. Cependant, il savait qu'il devait rester vigilant et protéger son secret, non seulement pour lui-même mais aussi pour la sécurité des autres sorciers du couvent. "Je comprends la douleur que vous ressentez, Laoise. Perdre quelqu'un de cher est déchirant, et la quête de justice peut parfois nous conduire à des actions impulsives. Je ne vous en veux pas, et je suis prêt à vous aider dans la mesure de mes moyens," déclara-t-il d'une voix calme. Jonah se pencha en arrière, croisant les bras sur sa poitrine tout en réfléchissant à la situation. Il ne pouvait pas ignorer la demande de Laoise, mais il devait trouver un moyen de l'aider sans compromettre la sécurité des sorciers. Une idée germa dans son esprit. "Je ne possède pas de grimoire de magie noire, mais je peux peut-être vous aider d'une autre manière. Il existe des rituels de divination qui pourraient nous fournir des indices sur le meurtrier. Cependant, je ne peux rien garantir, et cela reste une pratique délicate." proposa-t-il, songeant que cette alternative pourrait satisfaire sa quête de justice sans révéler davantage la réalité de son univers magique. Jonah espérait que Laoise comprendrait que, bien qu'il puisse être un allié dans sa quête, elle devait rester vigilante face aux forces qu'elle cherchait à affronter. La vérité qu'elle recherchait pourrait être aussi dangereuse que révélatrice, et il était prêt à l'accompagner dans ce périple incertain.