Étrangement, malgré le chaos qui règne sur la ville, le cimetière est paisible, comme si même les créatures qui se sont abattues sur la population avaient un peu de respect pour les morts. Laoise avance entre les tombes, un bouquet de fleurs d’amélanchier entre les mains qu’elle s’est procurée chez le fleuriste de son quartier, celui qui réussit à se procurer même des fleurs un peu exotiques. Elle s’arrête devant une sépulture seulement marquée d’une pierre toute simple. Elle venait à peine d’enterrer son mari lorsque l’éclipse s’est produite et les pompes funèbres, débordées tout à coup par le volume de morts inattendus, n’ont pu lui offrir que le minimum pour éviter à Anthony d’être enterré dans une tombe anonyme pendant quelques semaines, voir quelques mois. Elle observe les environs, les arbres dénudés qui se dressent comme des mains squelettiques contre la toile obscure du ciel. À son zénith, la lune est ronde et grosse dans le ciel, comme atteinte de météorisme. Elle s’agenouille pour déposer son bouquet au pied de la tombe, se relève en sentant l’humidité de la terre mouiller le tissu de sa robe. « J’espère que tu vas bien, » murmure-t-elle tout en sachant très bien que personne ne lui répondra. Elle a consulté tous ceux qui auraient pu l’aider à Brisbane, du plus petit nécromancien au thaumaturge le plus réputé. Rien ni personne n’a pu défaire ce qui s’est passé. Au moins, elle a cessé de s’enfoncer dans sa vésanie comme elle le faisait encore il y a quelques semaines. Depuis qu’elle ne se prend plus pour une dipsomane et qu’elle a cessé d’avaler tout l’alcool et le laudanum qui lui tombe sous la main, elle se sent mieux. Elle a les idées plus claires, surtout.

D’une main un peu nerveuse, elle repousse quelques mèches qui se sont échappées de son chignon et qui lui chatouillent la pommette. « Je n’ai pas encore réussi à trouver qui t’a tué. Mais je m’en approche. Je te jure que je m’en approche. » Sans même vraiment s’en rendre compte, elle se met à faire les cents pas. « Et quand je l’aurai sous la mains, je te promets qu’il va payer. » Elle s’arrête brusquement. Sur sa nuque, un frisson désagréable lui apprend qu’elle n’est plus seule. Quelqu’un la regarde, tapi dans l’ombre. Les dents serrées, elle évalue les options qui s’offrent à elle. D’abord, fuir. C’est la solution qui semble sans doute la plus logique, mais elle n’aime pas particulièrement l’idée de détaler comme un lapin sans savoir quel prédateur la pourchassera. Elle pourrait alors continuer à faire comme si de rien n’était et à s’entretenir avec la pierre tombale tout en essayant de déterminer si la personne – ou la chose – qui se trouve à quelques mètres d’elle essaie de se rapprocher. Enfin, elle peut se retourner et la confronter, lui montrer qu’elle ne la craint pas et, surtout, qu’elle est armée. C’est ce qu’elle choisit. Dégainant la dague en argent au manche serti d’une croix qu’elle porte dans un étui dissimulé dans la manche ample de sa robe, elle fait volte-face. Une silhouette se découpe sur le sentier, à une dizaine de pas d’elle, peut-être. Masculine, du moins en apparence. « Ne t’approche pas plus si tu tiens à ta vie, » clame-t-elle d’une voix ferme. Dans la lumière pâle de la lune, la lame de sa dague lui légèrement. « Qu’est-ce que tu me veux ? »

@Asher Buckley

Tu tentes de rester dérobé grâce à des feuilles qui ressemblent à celles d’un amélanchier se trouvant sur ton passage. La forme de la jeune femme et ton esprit qui tourne un peu trop vite en besogne te donne l’impression d’un thaumaturge dont on t’a parlé il y’a quelques jours sous tes yeux. Serai-ce la même personne ? Ca ferait bien ton affaire si tout ceci était du côté positif de la magie avec des répercussions autre que la mort pour quiconque. Avec un peu de chance elle pourrait soigner ta soeur. Mais tu sais bien que tu es dans tes pensées bien trop belles pour être vraies. Tu essaies de redescendre sur Terre car ce ne sont que des vésanies. Tu ne devrais pas faire monter si haut tes espoirs sans aucun fondement. Tu fais attention à ne pas faire un seul bruit. Tu bloques ta respiration tellement qu’on pourrait croire que tu es atteint de météorisme.

Tu entends qu’elle est en train de parler mais tu ne peux distinguer ce qu’elle dit. Elle tourne en rond, elle est agitée. Est-elle ivre ? Tu as déjà vu des personnes dipsomane qui avaient le même comportement. Tu ne sais pas ce qu’il en est d’elle, mais ce qui est sûr, c’est que cette personne n’est pas celle que tu pensais. Tu restes sur tes gardes et tu te demandes si tu ne devrais pas plutôt rebrousser chemin avant que ça ne tourne mal. Un fait un pas de trop, ton pied écrase une branche qui annonce ta proximité. Elle a une arme. Elle brille au claire de lune. « Ne t’approche pas plus si tu tiens à ta vie, » Merde. Elle est prête à frapper de manière fatale. Tu ne prends pas ça comme du bluff. Tu as rencontré tellement de personnes capable de beaucoup dans cette ville. « Qu’est-ce que tu me veux ? » Tu lèves les mains devant toi, sortant de ta pénombre car tu as bien compris que ça ne servait à rien de prétendre que tu n’étais pas là. « Je travaille ici, j’ai cru que vous étiez en danger je suis juste venu vérifier. Je ne vous veux aucun mal je vous le promets. » Tu te dis que si elle a une arme pour se défendre c’est qu’elle n’a pas la magie ou les dents qui font le boulot à la place. « Je ne suis qu’un fossoyeur. »

La silhouette bouge, mais le mouvement est lent. L’inconnu s’avance, émergeant de l’ombre, les mains levées pour montrer qu’il ne représente aucune menace. Laoise fronce légèrement les sourcils, raffermit sa prise sur sa dague. Elle ne perçoit rien d’inquiétant, aucune aura bizarre qui laisse présager de mauvaises intentions. Et, malgré la pénombre, elle aperçoit sur ses traits une émotion sincère. « Je travaille ici, j’ai cru que vous étiez en danger je suis juste venu vérifier. Je ne vous veux aucun mal je vous le promets. » Elle l’observe. Il tient à la main une pelle, un outil qui ne semble pas trop étrange pour un homme qui travaille dans un cimetière. « Je ne suis qu’un fossoyeur. » Oh… L’explication est plausible. Toujours méfiante, elle se redresse légèrement, hésite. Comme elle aimerait avoir le pouvoir de lire dans la tête et le cœur des gens! Savoir reconnaître d’un coup d’œil leurs pensées les plus profondes et la pureté de leurs intentions, lire en eux comme dans un livre pour découvrir les motivations qui se cachent derrière chacun de leur geste. Elle n’aurait plus, alors, à douter de la parole de qui que ce soit, saurant sans ambages qui sont ses alliés et sur ceux qui elle ne devrait pas compter. Même avant le chaos qu’a apporté l’éclipse, elle aurait certainement pu en tirer profit. Car la haute société dans laquelle elle s’est creusé une place en est une de faussetés et de mensonges. Les riches se cachent derrière leurs bonnes manières et leur politesse feinte pour faire passer à demi-mots leurs messages. Armée de son pouvoir, elle aurait su comment naviguer entre les diverses couches politiques, obtenir exactement ce qu’elle voulait en s’adressant aux bonnes personnes, sans avoir à deviner quel serait le résultat de ses manigances. Surtout, elle aurait pu sentir la présence malfaisante dans son entourage, découvrir quel crétin s’était senti assez floué pour décider d’investir, nul doute, une petite fortune dans les services d’un sorcier sans scrupules, prêt à vendre son âme en l’échange de quelques pièces. Et, depuis que les dangers courent les rues et se tapissent dans les moindres recoins obscurs de la ville, elle souhaiterait plus que jamais savoir reconnaître d’un simple coup d’œil l’allié de l’ennemi, le monstre prêt à la dévorer de l’ami qui voudra lui venir en aide. Car elle n’a dans la réalité que son instinct pour la guider. Un instinct qu’elle a certes savamment développé au fil des années et qui, souvent, ne l’a pas trompée, mais qui n’en est pour autant pas infaillible. Peut-elle faire confiance à l’inconnu ? Il attend toujours, plutôt patiemment considérant qu’elle tient toujours une arme pointée dans sa direction. Avec un soupir, elle range l’arme dans son étui. « Désolé, on doit se montrer prudent de nos jours. » Elle se sent quelque peu vulnérable tout à coup, croise les bras sur sa poitrine pour se protéger de la fraîcheur mordante de la nuit. « Fossoyeur, hein ? Ce n’est pas le travail qui manque depuis quelques temps. » Le pauvre, il doit passer sa vie à creuser des tombes. Cette idée en entraînant une autre, elle jette un coup d’œil à la sépulture d’Anthony. «Je venais rendre visite à mon mari. Je me suis un peu laissée emporter.» Décidant, pour une fois, de faire confiance à autrui, elle ajoute : « Je m’appelle Laoise. »

@Asher Buckley

Le temps est suspendu. Tu ne sais pas si elle est douée pour viser mais si c’est le cas elle pourrait te tuer d’un simple lancé de l’arme qu’elle a dans ses mains. Un coup direct vers ta jugulaire et le tour serait joué. Vous êtes tous les deux à vous observer, tenter de jauger l’autre. Qu’elle ne se précipite pas te rassure de plus en plus. Au final elle n’a pas l’air si agité que juste avant. Elle pèse sûrement le pour et le contre, en tout cas, c’est ce que tu es en train de faire toi alors bien évidemment que tu fais l’effet miroir. Tu n’es pas le centre du monde mais il est toujours plus simple de se dire que les autres pensent comme nous alors que c’est souvent bien loin d’être le cas. « Désolé, on doit se montrer prudent de nos jours. » Tu confirmes d’un hochement de tête. « Vous ne faites pas si bien dire… » Car c’est bien ça. Etre sur ses gardes à tous les moments. Au fil des jours qui passent tu apprécies de plus en plus la solitude du cimetière car ça en fait un endroit plus sécurisé que le reste de la ville. Les morts sont inoffensifs. « Fossoyeur, hein ? Ce n’est pas le travail qui manque depuis quelques temps. » Tu confirmes d’un nouvel hochement de tête. Tu te relaxes de plus en plus au fur et à mesure des paroles de la jeune femme. Sa voix a l’air sincère. Tu veux y croire qu’elle est une bonne personne. On t’a dit que quand on pense fort aux choses elles se manifestent alors c’est ce que tu fais la plupart du temps.

«Je venais rendre visite à mon mari. Je me suis un peu laissée emporter.» « Oh. » Tu comprends. Tu hoches la tête. Tu ne sais pas trop quoi répondre. Elle devait se penser seule mais ce n’était pas le cas. « Je m’appelle Laoise. » Tu hoches la tête, appréciant qu’elle se présente même si tu le sais très bien, elle pourrait donner n’importe quel nom vu que c’est un truc que tu fais souvent. « Asher. » Mais tu dis la vérité cette fois ci. « Vous voulez que je vous laisse tranquille ? Y’a pas souvent de monde dans le cimetière, c’est un endroit plutôt sûr ces derniers jours. Je crois qu’ils pensent tous qu’il y a une malédiction avec les caveaux qui y sont un peu plus loin. Quelqu’un m’a parlé de ça. » Tu hausses une épaule. « Mais moi j’ai pas vu de différence. » Les gens ont juste peur de ce qui est raconté.

« Asher. » Elle se sent étrangement mieux maintenant qu’elle connaît son prénom. Bien sûr, il aurait pu lui mentir, mais sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi, il lui inspire confiance, maintenant que la frayeur est passée. « Vous voulez que je vous laisse tranquille ? » Elle se surprend à secouer la tête. Elle n’a pas envie de rester seule maintenant qu’il y a quelqu’un pour lui tenir compagnie. « Y’a pas souvent de monde dans le cimetière, c’est un endroit plutôt sûr ces derniers jours. Je crois qu’ils pensent tous qu’il y a une malédiction avec les caveaux qui y sont un peu plus loin. Quelqu’un m’a parlé de ça. » Normal, les cimetières sont déjà loin d’être le lieu préféré de la majorité des gens lorsqu’il n’y a aucun événement surnaturel en ville, elle peut comprendre que personne n’ait forcément envie de se précipiter entre les tombes. « Mais moi j’ai pas vu de différence. » C’est rassurant, d’une certaine façon. Non pas qu’elle ait véritablement cru que les caveaux puissent être hantés ou ensorcelés, mais il y a tout de même quelque chose de réconfortant dans le fait qu’un type qui passe de longues heures au cimetière n’ait rien vu de particulier. « C’est possible, je crois que tout le monde est en train de devenir un peu fou. » Elle hoche distraitement la tête, jette un coup d’œil circonspect à la tombe d’Anthony. Parfois elle se dit qu’il a eu un peu de chance, tout de même, d’avoir évité le carnage. « Moi-même j’ai parfois l’impression que mon esprit est en train de chavirer. Juste cette nuit, je me suis réveillée en sueur. J’ai fait un rêve terrible. J’errais dans une forêt sombre et terrifiante. Les arbres étaient dénudés de leurs feuilles. J’étais perdue. J’étais si soulagée quand j’ai vu au loin une clairière dans laquelle se dressait une maisonnette. Il y avait des fleurs suspendues aux fenêtres. J’aurais dû me douter qu’il se passait quelque chose d’étrange comme partout ailleurs la nature était en dormance, mais je me suis quand même approchée de la maison. Et puis j’ai entendu des bruits bizarres, des éclats de voix. Je me suis penchée pour pouvoir regarder par la fenêtre. À l’intérieur, il y avait des gens attroupés autour d’une énorme marmite bouillonnante. Une vieille femme mélangeait la potion en récitant des incantations. Elle était magnifique et terrifiante en même temps avec ses cheveux gris et ses longs ongles pointus. Elle a brusquement relevé la tête et m’a regardée droit dans les yeux à travers la fenêtre. Elle m’a fait signe d’entrer et je n’ai pas pu m’empêcher de lui obéir. Elle m’a forcée à m’approcher d’elle jusqu’à ce que je me tienne devant la marmite. Elle m’a tendu une louche de sa potion. Je ne voulais pas la boire, mais je sentais que je n’avais pas le choix. J’ai ressenti une douleur incroyable et puis je me suis réveillée en sursaut. » Elle pince les lèvres, brusquement consciente d’avoir déballé beaucoup trop de détails inutiles à un parfait inconnu. Elle esquisse un pauvre sourire d’excuses. « Pardon, je me suis un peu laissée entraîner. » Un frisson désagréable la traverse. Machinalement, elle se frotte le bras d’une main pour essayer de créer un peu de friction et de chaleur. Prise d’une soudaine envie de savoir, elle demande timidement : « C’est sans doute une question étrange, mais… vous vous souvenez si vous avez creusé cette tombe-ci ? » De l’index, elle pointe la tombe d’Anthony.

@AJ Buckley

Elle répond par la négative quand tu proposes de la laisser. Elle aussi aurait besoin de compagnie un peu plus vivante que celle qu’elle est venue voir dans ce cimetière ? Tu n’as pas beaucoup de visite même si tu connais quelques personnes à présent dans le coin. Pas beaucoup n’ont envie de venir passer du temps au cimetière. Ils savent que tu iras en ville à un moment ou un autre. C’est sans aucune craintes que tu lui parles de la malédiction dont tu as entendu beaucoup parler. Elle t’écoute avec attention. Tu espères que tu ne vas pas lui faire peur en réalité. Ce ne sont que des faits que tu rapportes. Des mots. « C’est possible, je crois que tout le monde est en train de devenir un peu fou. » Tu fais oui de la tête, bien d’accord avec son choix de mot. Ca te laisse pensif. Est-ce qu’il y avait réellement une malédiction ou bien tout le monde s’en persuadait et trouvait ensuite des explications logiques à des choses qui ne le sont pas ? Continuant à rester dans cette spirale infernale qui n’a peut être pas lieux d’être. Oui mais dans ce cas là, comment expliquer l’éclipse qui n’en fini jamais ?

« Moi-même j’ai parfois l’impression que mon esprit est en train de chavirer. Juste cette nuit, je me suis réveillée en sueur. J’ai fait un rêve terrible. (…)  » Et tu l’écoutes raconter son rêve. Tu as l’impression qu’on te raconte une histoire, juste pour le fun, comme quand on est enfant juste avant de s’endormir. Avec un petit twist spécial Halloween dans son histoire. C’était plutôt un cauchemar qu’un rêve à très bien y penser. Ca montre bien qu’elle est perturbée elle aussi pour que ça la travaille autant jusque dans ses songes nocturnes. « Pardon, je me suis un peu laissée entraîner. » Tu fais non de la tête. « Y’a pas de mal. » Elle a l’air d’être seul et de chercher à avoir une conversation avec quelqu’un d’autre pour une fois.

« C’est sans doute une question étrange, mais… vous vous souvenez si vous avez creusé cette tombe-ci ? » Effectivement on ne t’avait jamais posé ce genre de question. Tu fais lentement oui de la tête. « Oui je l’ai creusé celle ci. Une des premières que j’ai creusé. » Tu ajoutes au cas où ce détail soit important pour elle. « Est-ce que je peux vous demander… Comment il est mort ? » Tu hésites mais c’est aussi une vraie question. « Je passe tellement de temps autour des tombes je les observe et je me demande toujours c’est quoi leurs histoires. » Tu te justifies car tu as la sensation qu’il le faut. C’est aussi une question très étrange que tu lui as posé là.

Elle observe Asher sans trop savoir à quoi s’attendre ni ce qu’elle espère. Il répond à sa question d’un hochement de tête affirmatif qui lui fait comme un coup au cœur. « Oui je l’ai creusé celle-ci. Une des premières que j’ai creusé. » Elle pince les lèvres, submergée d’émotion sans même vraiment savoir pourquoi. Étrangement, ça lui fait du bien de savoir que c’est une personne gentille qui a creusé la tombe, comme si ça pouvait rendre ce simple trou dans la terre un peu moins inhospitalier. « Est-ce que je peux vous demander… Comment il est mort ? » Ça lui semble équitable, cet échange de questions bizarres. « Je passe tellement de temps autour des tombes je les observe et je me demande toujours c’est quoi leurs histoires. » Elle le comprend : elle a toujours aimé se balader dans les cimetières, observer les noms gravés sur les pierres et essayer d’imaginer l’histoire qui se cache derrière, comme un effort minuscule pour se rappeler de gens qui ont peut-être été oubliés depuis longtemps. « Il est mort dans son sommeil. Le coroner a dit que c’était sans doute le cœur qui a flanché. Mais… » Elle hésite à confier ses véritables doutes à Asher. Non pas qu’il risque de la prendre pour une folle, pas depuis le début de l’éclipse qui a changé bien des choses; seulement, elle essaie normalement d’exercer une certaine prudence en partageant ses soupçons, par crainte de tomber sans le savoir sur la mauvaise personne. Tant pis, son instinct lui souffle toujours qu’elle peut faire confiance à Asher et, du reste, elle ne perçoit rien de particulier sur sa personne. « En réalité, c’est un sortilège qui l’a tué. Il y avait des signes, pourtant. Pendant plusieurs jours, il avait des maux de tête foudroyants et puis il s’est mis à faire des cauchemars terrifiants. À la fin, il ne dormait plus, ne mangeait plus et moi je n’ai rien vu avant qu’il soit trop tard. Quand j’ai vu le sang noir qui s’écoulait de partout, une fois que la vie l’a quitté. » La culpabilité la ronge depuis ce jour fatidique. Chasseuse née, elle aurait dû reconnaître les signes avant qu’il ne meure, aurait dû tracer des cercles de protection autour de lui à la première occasion. « J’aurais dû le sauver. » Voilà bien le cœur du problème, la raison derrière sa soif de vengeance : l’envie désespérée de le sauver à retardement même si elle sait que c’est impossible.

@AJ Buckley

Tu ne loupes pas l’émotion qui traverse l’expression de son visage quand tu confirmes que tu t’es occupé de la dernière demeure de son être cher. Tu te mets à sa place et même si tu as déjà perdu des proches, tu n’as pas été à leur enterrement car vous vous êtes enfuis avec Juliet. Ils ne comptaient pas. Seul ta soeur compte à tes yeux et quand tu imagines être devant sa tombe à elle, ça te tourne l’estomac. Bien pour ça que tu mets toutes tes forces pour la sauver, pour vous sauver, ensemble, tous les deux. Tu te tentes à une question très indiscrète. Tu ne l’as pas posé à grand nombre de personnes. « Il est mort dans son sommeil. Le coroner a dit que c’était sans doute le cœur qui a flanché. Mais… » Une mort si douce, tu te dis. Mais ça te parait étrange à la fois. Ca ne colle pas avec tout ce qu’il se passe dans cette ville. Visiblement il est mort en plein pendant cette fournée de décès. Tu as l’impression qu’il lui a été dit des mensonges.« En réalité, c’est un sortilège qui l’a tué. Il y avait des signes, pourtant. (…)  » Tes yeux s’illuminent à ses mots, aussi triste soient-ils. Tu apprécies de voir qu’elle y voit claire dans leurs jeux à ces gens là qui lui ont dit des sottises.

« Je me disais aussi que ça sonnait comme des billevesées. » Son histoire te serre le coeur. « J’aurais dû le sauver. » Tu t’approches un peu plus d’elle sans pour autant oser la toucher. « Ma soeur est toujours vivante mais elle est atteinte d’une terrible condition… Je ne sais pas ce qui est le meilleur… Attendre de la voir mourir et faire du mal autour d’elle ou qu’elle soit en paix enfin… » Ca te tord les tripes d’avouer ça. Tu ne l’as dit à personne. « Elle est tout ce qui me reste… Je fais de mon mieux pour la sauver mais… Parfois je doute que ce soit la meilleure chose à faire… Elle… » Tu déglutis. « Elle est devenue… » Tu hésites. « Un lycan… » Tu te rassures te disant que la femme en face de toi ne sait pas grand chose à ton propos à part ton prénom. Elle ne pourra rien faire pour te nuire. « On est parti de notre ville natale parce qu’elle a… Décimé le reste de notre famille lors d’une pleine lune et… » Tu fais non de la tête, te disant que tu en as bien trop dit. « Désolé… Je n’aurai pas du dire tout ça… » Mais au moins une chose est sûre, c’est pas forcément mieux si on arrive à sauver la personne qu’on aime.

Elle sent le mouvement discret du jeune homme qui se rapproche d’elle. Même si aucun contact physique ne les relie, il y a quelque chose de réconfortant dans sa présence. « Ma soeur est toujours vivante mais elle est atteinte d’une terrible condition… » Curieuse, Laoise tourne le regard vers lui, l’observe attentivement en fronçant légèrement les sourcils. « Je ne sais pas ce qui est le meilleur… Attendre de la voir mourir et faire du mal autour d’elle ou qu’elle soit en paix enfin… » C’est un dilemme impossible, le genre qu’elle ne lui envie pas. Le genre que sa famille n’aurait jamais connu non plus. Son père lui rappelait souvent que, s’il lui arrivait malheur lors d’une chasse, il l’achèverait lui-même avant qu’elle ne puisse semer la mort autour d’elle. C’était le premier principe inhumain qui l’avait rebutée au point d’éveiller sa flamme rebelle, qui l’avait éventuellement poussée à renier tout ce qu’elle avait appris et à se construire une vie différente. « Elle est tout ce qui me reste… Je fais de mon mieux pour la sauver mais… Parfois je doute que ce soit la meilleure chose à faire… Elle… » Son cœur se serre pour lui. Il a l’air si jeune, bien trop jeune pour avoir à porter un tel poids sur ses épaules. Elle espère sincèrement pour lui que le jour où il devra plonger une arme dans le cœur de sa sœur ne viendra jamais. « Elle est devenue… » Il hésite à révéler son secret. Laoise attend patiemment, le visage ouvert, prête à recueillir ses confidences s’il le désire. « Un lycan. » Son sang se glace d’un coup dans ses veines. La situation est plus grave qu’elle ne l’imaginait. S’ils ne prennent pas les précautions nécessaires, elle risque fort de créer un carnage autour d’elle. La part scientifique de son esprit ne peut cependant s’empêcher de se demander avec une certaine curiosité quel effet l’éclipse peut avoir sur une lycan nouvellement transformée. « Désolé… Je n’aurais pas dû dire tout ça… » C’est à son tour de secouer la tête. « Je comprends que tu aies besoin d’en parler, ne t’en fais pas. » Elle hésite à peine une seconde avant d’ajouter : « Je connais pas mal de choses sur les lycans. » Mieux vaut éviter de lui expliquer comment, question de l’empêcher de s’enfuir en courant en apprenant qu’il s’est confié à une ancienne chasseuse. « Peut-être que je pourrais aider ? » À défaut d’avoir sauvé Anthony, peut-être saura-t-elle donner une chance à la sœur d’Asher ?

@AJ Buckley

Tu évites de regarder la jeune femme alors que tu lui contes ton malheur. On pourrait croire que tu es en train de faire une sorte de compétition. Qui est le plus malchanceux des deux ? Tu ne sais pas en réalité. Vos deux situations sont vraiment merdiques. Y’a rien qui va dans cette ville, ce pays, cette éclipse et toutes ces créatures qui vont entourent. Tu essaies petit à petit de te dire que la mort de ta soeur vous libérerez tous les deux. Ta mort aussi. Ca ne t’intéresse pas de vivre dans un monde où elle n’est pas là. Tu ouvres les vannes de la vérité en avouant bien des choses que tu gardais pour toi. Elle réagit Laoise mais tu es résigné maintenant. « Je comprends que tu aies besoin d’en parler, ne t’en fais pas. » Une personne bienveillante comme tu le ressentais. Même si ce ne sont que des illusions et qu’elle joue bien un rôle, ça te fait du bien à ce moment précis et tu ne regrettes pas tant que ça d’avoir parler autant. « Je connais pas mal de choses sur les lycans. » Surtout pas quand elle ajoute cette phrase ci. Ton visage se relève vers elle, le regard interrogateur. « Peut-être que je pourrais aider ? » Tu ne sais pas du tout à quoi elle fait allusion ni ce quels sont ses motivations. « Réellement ? Tu peux faire quelque chose ? »  Y’a ton coeur qui part bien vite là, l’espoir qui te prend au corps. Tu ne comprends pas trop comment ce miracle peut se produire là. « Tu peux la soigner ? Tu… Tu as des pouvoirs magiques ? » Tu demandes car tu ne sais pas comment elle peut faire sinon. Tu as la tête tellement retourné par toutes ces créatures qui vous entour dans cette ville que tu n’imagines pas qu’en tant que simple humaine - comme toi - elle puisse véritablement faire quoi que ce soit pour soulager les maux de ta soeur et les tiens au passage.

Il y a comme un mélange de méfiance et d’espoir timide qui se peint sur les traits d’Asher. Ça lui sert un peu le cœur, surtout qu’elle n’est pas certaine de pouvoir véritablement faire quoi que ce soit. Mais elle a envie d’essayer. « Réellement ? Tu peux faire quelque chose ? Tu peux la soigner ? Tu… Tu as des pouvoirs magiques ? » Un sourire un peu triste s’étire sur les lèvres de Laoise. Elle croise les bras en ramenant les pans de sa cape autour d’elle pour se protéger de la brise. « Je ne suis qu’humaine, malheureusement. » Elle sait bien lancer quelques sortilèges simples, de ceux qui utilisent le pouvoir d’artefacts magiques ou d’ingrédients spéciaux pour canaliser l’énergie nécessaire, mais aucun d’entre eux ne sera suffisamment puissant pour soigner sa sœur. Elle hésite, se mord nerveusement la lèvre inférieure en soupesant quel pourcentage de la vérité lui révéler. Avec un soupir, elle conclut qu’elle n’a pas le choix de tout lui révéler, à la fois pour établir sa crédibilité – après tout, en cette époque trouble, les charlatans courent les rues – que parce qu’elle s’en voudrait de lui avoir menti. Il doit connaître le danger auquel il exposerait sa sœur s’il acceptait son aide. « Mais j’ai grandi dans une famille de chasseurs. J’ai appris très jeune comment me défendre, quelles herbes pouvaient paralyser un lycan, comment tendre des pièges les soirs de pleine lune… » Comment les tuer le plus efficacement possible, aussi, mais elle s’abstient de le préciser. « À ma connaissance, il n’existe aucun remède définitif contre la lycanthropie, mais je crois qu’il serait possible de créer une potion qui neutralise le plus gros des effets néfastes de la transformation. » Encouragée par le fait qu’Asher n’a pas encore pris ses jambes à son cou, elle ajoute : « Je te promets que je ne veux aucun mal à ta sœur. Je n’ai pas chassé depuis des années. J’ai quitté ma famille parce que je refusais de tuer sans discernement et de croire que toutes les créatures surnaturelles étaient intrinsèquement mauvaises. » Même si la voix de mes parents résonne encore dans ma tête, m’enjoignant à planter mon arme dans tout ce qui ressemble de près ou de loin à un monstre, pour protéger les humains, je refuse de croire qu’une gamine puisse mériter la mort en raison d’un pied de nez du sort. « Je n’ai pas grand-chose d’autre que ma parole à t’offrir et je comprendrais si tu ne veux pas me faire confiance. Mais je suis prête à jurer sur la tête de ma fille que je veux sincèrement t’aider. Rien d’autre. »

@AJ Buckley