À chaque visite, elle réalise à quel point ses parents abusent lorsqu'ils s'improvisent jardiniers du dimanche. Chaque pièce est bien plus verte que la précédente, les plantes ont pris le complet et absolu contrôle dans la demeure, et rien ni personne ne serait à l'abri d'une attaque si elles décidaient toutes de se métamorphoser en fleurs carnivores. C'est armée de sa patience légendaire qu'elle sillonne chacune des chambres Cohen, à tenter de suivre à la lettre de la façon la plus procédurale possible les étapes listées sur les différentes feuilles de papier gribouillées à l'encre que ses parents lui ont laissées. Au passage, elle ne manque absolument aucune occasion de jeter un coup d'oeil à Ailis et à Cían, chacun dans son monde, chacun prenant ses aises dans une maison qu'ils n'ont jamais vue et encore moins connue, mais dans laquelle ils semblent si bien s'y faire. Il avait besoin de partir et elle aussi, ce n'est qu'un échange de bons procédés qui rend la chose beaucoup plus viable, beaucoup plus facile à cacher aussi. Elle n'est pas chez ses parents parce que l'air de Brisbane la fait suffoquer et elle ne s'est pas réfugiée entre des murs qu'elle maîtrise par coeur parce que sa vie actuelle lui donne l'impression de lui filer entre les doigts à trop la brusquer d'inconnu. Non, elle est ici pour sauver son ami et strictement ça. Si seulement.

« On est bien ici. » qu'il laisse aller dans un soupir qui a tout de calme, de rassuré. Elle arrive avec des fruits tranchés de toutes les couleurs, de la limonade - bien trop sucrée - qu'Ailis adore plus que tout, et deux bières qu'elle pose sur la table basse du jardin hors de la portée de la gamine. « J'ai rappelé mon boulot, pour repousser la date de mon retour. » sa mention lui rappelle qu'elle devra aussi faire de même, elle qui a posé son sans solde sans jamais penser à une seconde validation. Elle est épuisée et elle perd pied mais elle gère, elle se jure qu'elle y arrive. N'est pas ingrate au point de lui en parler de toute façon, derechef elle balaie donc le tout du revers, une gorgée de houblon plus tard. « Elle vit sa meilleure vie. » la blondinette aux bras tendus et Chloe qui dépose un baiser volage sur son front, ne s'éternisant qu'une seconde de plus rien que pour entendre l'enfant éclater de rire au passage. « Ça serait encore plus le cas si vous profitiez de la piscine un peu. » qu'elle souffle, l'australienne, se calant dans un des transats sur lesquels le soleil de fin d'après-midi tape doucement contre leur peau encore brouillée des éternelles siestes qui ont ponctuées leur journée.

La gamine a été difficile à approcher à prime abord et c'est totalement normal ; elle ne connaissait pas du tout Chloe et ignorait encore plus l'endroit où elle allait passer les quelques jours à venir. Pourtant il n'a suffit que de quelques concours de grimaces et de tout autant de verres de limonade pour qu'elle finisse par baisser sa garde une bonne fois pour toute. Ne reste qu'à convaincre son père poule d'arrêter de faire sa flipette et de la laisser au moins tremper ses orteils dans l'eau chaude de la piscine creusée familiale. « Il y a encore toutes les ceintures de sécurité de mes soeurs et la mienne dans la remise. Le maillot de bain de mon père est sur la table et j'ai enfilé le mien y'a mille ans déjà. » tout dans ses mots n'a qu'une seule et unique suite possible : « T'attends quoi? »

Ici, tout est calme. Le lieu semble comme suspendu dans le temps, indépendant des événements extérieurs. Un véritable havre de paix forgé au fil des années pour y accueillir mille souvenirs et éclats de rire. Elle a déjà laissé échapper quelques bribes de son enfance passée à courir entre les fleurs avant de sauter dans la piscine. La journée s'écoule de manière si tranquille que je pourrais presque m'habituer à un tel rythme, moi qui n'es jamais réellement su me poser dans ma vie. Notre départ fut précipité, mais tout n'est que quiétude depuis notre arrivée. Chloe avait compris que la pause était nécessaire, qu'il fallait du temps et cet endroit si cher à son cœur ne restera dans mon esprit que comme l'image d'un cocon sécuritaire où Ailis s'épanouit à son aise. Elle nous aura fait une belle surprise en se relevant sur ses jambes à l'aide de la table basse pour la première fois. Le père que je suis en aurait presque lâché quelques larmes quand il y a quelques années encore, j'étais le premier à taquiner mon meilleur ami face à ses émotions de papa. Ici, la vie poursuit son court sans jamais partir dans la précipitation. Dans ce jardin, je me sens bien et pour la première fois depuis le départ d'Eavan, je respire un peu mieux.

« Ça serait encore plus le cas si vous profitiez de la piscine un peu. » Elle taquine Chloe quand hier encore, j'ai refusé que la petite s'approche d'un peu trop près de la piscine. Elle ne connaît pas, je ne l'y ai jamais emmené, pourtant, elle semble sans cesse attirer par l'étendue d'eau. Je me surprends à imaginer lui avoir refilé cet amour de l'eau quand en réalité cela semble impossible. Secouant la tête pour me sortir l'idée même que je ne suis pas son père de l'esprit, mon regard se pose sur mon amie qui semble d'humeur taquine. « Il y a encore toutes les ceintures de sécurité de mes sœurs et la mienne dans la remise. Le maillot de bain de mon père est sur la table et j'ai enfilé le mien y'a mille ans déjà. » « Mille ans vraiment ? » que je renchéris sur le ton de la plaisanterie, fronçant le nez en souriant. « T'attends quoi? » Le déluge ? Un soupire m'échappe alors que j'observe Ailis qui semble fasciner par ses pieds. Elle est si petite, mais en même temps, on est là tous les deux pour rester avec elle. « Fait voir tes bouées. » La phrase fut à peine prononcé que Chloe partait déjà en quête des objets.

Me suis laisser convaincre en deux mots et quelques sourires. On a changé Ailis pour qu'elle soit à l'aise et alors que je pars me changer, je l'entends babiller comme jamais. Profiter de l'instant présent, c'est ce qu'on s'était fixé comme objectif. Alors, j'arrête de me prendre la tête, enfile le maillot préparer par la brune et sors en courant comme un gamin. « BOMBE! » Et la seconde d'après, c'est d'un bruit sourd que j'atterris dans la piscine. Lorsque je sors la tête de l'eau, je me retrouve nez à nez avec deux filles qui m'observent avec des yeux ronds. Un éclat de rire vient remplir le silence alors que je me hisse hors de l'eau. « T'as dit qu'il fallait que je me lâche! » que je justifie d'une voix enfantine avant de lui faire signer de s'approcher avec Ailis.

Il fait le difficile, mais elle arrive à le convaincre bien plus vite qu'il ne l'avait laissé entrevoir. C'est qu'il n'a pas besoin de tant de poussée que ça, Cían. Il a simplement oublié par quelle direction avancer - l'intention de le faire reste la même. Elle n'a jamais douté de sa décision lorsqu'il lui a affirmé que la gamine lui revenait et qu'il se donnerait coeur et âme pour elle. Elle n'a pas non plus douté quand elle l'a pressé à quitter Brisbane pour multiplier les heures de route et venir se planquer dans la maison familiale où ils reprennent drôlement leurs marques chacun à leur rythme.

Le frigo est rempli, les lits sont faits, les plantes sont arrosées et Ailis a l'air d'une petite sirène potelée dans son maillot de bain et ses bouées assorties. La date limite de leur séjour s'est envolée au même moment où le portable d'Atwood a fait un vol plané vers le trottoir au pied de l'immeuble où Cohen habite, et désormais, c'est ici qu'ils ont prévu passer l'après-midi et la soirée et la nuit et la semaine et toute la vie, peut-être bien. Stupidement, Chloe adore l'impression d'être nomade, de fuir à la moindre impulsion. D'ici elle se lasserait si elle restait trop longtemps d'ailleurs ; elle le sait aussi bien qu'elle l'ignore volontairement.

Sa bombe éclate jusqu'aux pieds nus de la blonde, Ailis venant planquer son petit nez froid contre la nuque de l'actrice dès lors qu'elle esquisse quelques pas vers l'arrière. « T'as dit qu'il fallait que je me lâche! » quand Cían remonte à la surface et tend les bras pour qu'elles approchent, c'est en plissant les yeux et en fronçant les sourcils que Chloe s'exécute, faussement méfiante. « Je dis beaucoup de choses dans une journée, tu prends juste ce qui t'arrange. »

Elle pouffe, pas le moindrement froissée, ses mèches humides collées de parts et d'autres de son visage orné du plus solaire des sourires. « Papa poule est prêt pour la grande entrée? » elle lui tire la langue avant de se pencher à sa hauteur, commençant par doucement s'installer au bord de la piscine, jambes balantes dans l'eau. Ailis tape sur les flots de ses petits pieds qui tantôt la fascinaient bien trop pour que ce ne soit pas adorable, papa poule pourra s'approcher dès qu'il le veut pour aider la gamine à faire ses premières tentatives dans la piscine. Lorsqu'elle est persuadée que Cían a bel et bien trouvé sécurité entre les bras et contre le torse de son (nouveau) père, Chloe file tête première sous l'eau le temps d'en profiter elle aussi.

Elle est devenue mon moteur dans ces moments de doutes. Jamais elle n'hésite Chloe, elle a une idée en tête et ne lâchera pas l'affaire. Depuis quelques heures, déjà, elle ne cessait de pointer la piscine du doigt. Attiré par l'eau, j'ai été le premier à vouloir plonger dedans, mais l'instinct du père peu sûr de lui a bien trop vite repris le dessus. Et si elle n'aimait pas l'eau ? Et si cela la faisait pleurer de manière bien trop incontrôlable comme il arrive parfois ? Tant de questions qui resteront à jamais sans réponse si j'avais continué à m'entêter. Sans être trop pressante, elle a insisté comme il fallait mon amie. Et c'est comme ça que je me retrouve à l'eau, l'esprit un peu plus léger.

« Je dis beaucoup de choses dans une journée, tu prends juste ce qui t'arrange. »
« Juste pour t'embêter. »

Tel un enfant, je lui tire la langue, alors que lentement, elle s'approche de l'eau, bébé dans les bras. Ailis semble fasciner et un brin apeuré par l'étendue bleutée de la piscine. « C’est okay. » que je viens murmurer alors que je récupère la petite demoiselle dans mes bras. Il lui faudra juste un peu de temps avant de se pencher pour toucher l’eau du bout des doigts. Sourire aux lèvres elle observe Chloe glisser au loin. On prend le temps, on souffle. Une nouvelle étape dans sa petite vie, quelque chose de nouveau, un lien supplémentaire qui se noue, juste là dans la piscine familiale des Cohen. Remercier l’actrice ne serait que la répétition de ses dernières heures. Un énième sourire suffira alors que je laisse ma fille toucher l’eau, agiter ses petites jambes et apprécier l’expérience. Tout semble parfait.

« Avoues, tu jouais à la petite sirène dans cette piscine. » que je viens taquiner mon amie qui nous observait de son coin. Je la vois déjà, la petite Chloe, qui nageait en battant des jambes pour imiter son héroïne. Cet endroit respire les souvenirs de famille, c’est rassurant, on a envie de s’y attarder que bien plus. Ailis éclate de rire, éclaboussant tout autour d’elle. C’est finalement un vrai sourire qui viens tatouer mes lèvres enfin détendues et prêt à a trouver le chemin vers le prochain chapitre. « Tu dois avoir des millions de souvenirs dans cette maison. » que j’ose demander relevant mon regard vers la blondinette.

Il se pose trop de questions et elle, elle lui donne toutes les réponses. Elle ne sera pas aussi douce et éternellement compréhensive Chloe. Lorsqu’elle jugera du haut de sa capacité à connaître Cían presque par cœur qu’il s’est assez apitoyé sur son sort et que désormais il doit reprendre du nerf de la bête, elle ne se gênera pas pour le lui dire de but en blanc. Pour l’heure, ils sont en zone blanche, en sécurité. Ailis est belle à voir, avec ses flotteurs et ses mèches qui volent au vent et Atwwod arrive presque à la faire sourire tant il a l’air d’un gamin dans le corps d’un adulte à la ride du lion un peu trop suspicieuse pour qu’elle ne se doute pas de son niveau élevé de stress.

« C’est okay. » « Bien sûr que ça l’est. » qu’elle insiste, assurée, passant la gamine de ses bras à elle à ceux de son ami sans jamais lâcher des yeux quoi que ce soit qui puisse bien se tramer. Ensuite, elle les laissera faire. Restant relativement ambiante, c’est sous l’eau qu’elle finit par se retrouver. Chloe a pratiqué ici son souffle retenu des dizaines de milliers de fois. Parfois par force, Andie ne lâchant jamais le morceau tant elle était la bully des quatre sœurs. Leslie ramenait ses conquêtes sur le bord de la piscine, Anna s’assurait que chacune des filles ne finissent pas rouge cramoisi en multipliant les tours de garde à la station crème solaire. Quand elle remonte à la surface, ses mèches se collent de parts et d’autres de son visage et Ailis semble être à sa place. Dans l’eau mais surtout dans les bras de celui qui désormais est son père. Cían a tout de l’étoffe pour remplir ce rôle à merveille.

C’est lui qui brise le silence, alors qu’elle est allongée sur l’un des matelas gonflable flottant sur les flots et se laissant lézarder au ralenti au soleil. « Avoues, tu jouais à la petite sirène dans cette piscine. » du bout des orteils, elle lui renvoie de l’eau au visage. Lui-même se défend et la fillette avec, la guerre est de courte durée mais les sourires restent. Ils ne se sont jamais vraiment envolés. « Tu dois avoir des millions de souvenirs dans cette maison. » une infinité, oui.

« C’est là où j’ai surpris Leslie quand elle a eu son premier baiser. » elle pointe de l’index, son aînée, sa mentor et sa modèle, qu’elle avait vue embrasser un garçon sous les grands saules.
« Et là où j’ai été malade après trop de vodka à la grenadine. »  moins glorieux comme souvenir, qu’elle désigne du menton derrière l’un des bosquets longeant le garage arrière.
« À Noël, on faisait toujours un barbecue au jardin. Et on dormait à la belle étoile  n famille. »  ils s’apparentent à une vie entière et lointaine, ses souvenirs. Pourtant aujourd’hui, elle en crée de nouveaux, et eux avec. Assez pour penser revenir en arrière, peut-être un peu. « J’ai envie d'habiter ici de nouveau, parfois. » surtout.

« Bien sûr que ça l’est. » Dans une discrétion qui ne ressemble qu’à elle, Chloe me fait comprendre que je dois vraiment me tendre. Tel un gamin, je me contente de lui tirer la langue, mon regard constamment vrillé sur Ailis qui semble s’émerveiller de l’eau qui nous entoure. En quelques minutes, seulement, elle se transforme en véritable petit poisson qui aimerait bien aller voguer au-delà de mes bras. Le moindre mouvement de la part de mon amie devient alors l’exploit le plus extraordinaire aux yeux de ma fille qui ne cesse de sourire et d’éclabousser. Alors forcément qu’elle éclate de rire lorsque Chloe fait de même à ma remarque. Forcément, que je finis par souffler pour me détendre enfin. Il n’y a rien de terrifiant, elle va bien, elle s’amuse et il serait temps que je fasse de même. J’installe Ailis sur ce qui ressemble à un petit fauteuil gonflable flottant sur l’eau et elle devient le petit pacha le plus heureux du monde.

À chaque anecdote énoncée par Chloe, je tente d’imaginer à quoi ressemblait cette maison emplie d’enfants. Tout dans ce jardin semble lui évoquer des souvenirs heureux. En rien, je ne manque ce sourire qui se dépeint lentement sur ses lèvres à mesure que la liste s’agrandis. Ca semblait chouette d’avoir grandi ici, dans un lieu si chaleureux. « J’ai envie d'habiter ici de nouveau, parfois. » Et ça semble lui manquer. Je ne l’avais pas trop venu venir, cette remarque dissimulée. Je n’ai pas le temps de l’assimiler qu’elle embraye déjà sur autre chose, que le temps file et que l’on finisse par sortir de l’eau en se chamaillant sur la couleur des méduses dans l’Océan.

***

Le petit monstre est endormi dans le lit parapluie, fesse en l’air, doudou coller au visage. Elle est partie pour une bonne nuit de sommeil. Petit détour par la cuisine pour attraper la seconde bière de la soirée, j’enfile un pull et rejoins Chloe qui n’a pas quitter la terrasse. Je la trouve plonger dans ses pensées. Elle a eu quelques absences tout au long du dîner et il faut croire que je n’étais clairement pas le seul à avoir besoin de cette escapade. Lentement, je pose la bouteille devant elle pour ne pas la faire sursauter. Un baiser sur son front et je reprends ma place juste en face d’elle. Un brin chiant, je viens caler mon pied sous son coussin avant que mon regard se colle au sien. « Qu’est-ce qui t’en empêche ? » que je questionne alors. « De revenir vivre par ici. » Ou ici, même, dans cette maison. À trop m’apitoyer sur mon sort, je ne sais pas su prendre l’ampleur de ce qui semblait se tramer sous son crâne. Je n’insiste guère plus, lui laissant toutes les occasions du monde de faire dériver le sujet sur mes choix douteux en matière de fringues.

Ils ont passé la journée dans son entièreté dans la piscine, ou presque. Elle en sent les restes Chloe, le soleil qui a coloré ses épaules et ses joues. Son teint hâlé des derniers jours suggère qu’elle est enfin un brin sortie de sa tanière et c’est vraiment ce qui aurait facilement pu passer comme une preuve qu’elle va bien ; et pourtant. On dit que dans la vie soit on a tout, soit on a rien. Force est d’admettre que lorsqu’elle voit Cían quitter la pièce Ailis au creux de ses bras, le sourire béat de celui qui redécouvre un nouvel aspect de lui-même qu’il n’aurait jamais soupçonné, elle, elle n’a rien. La pièce est dramatique, silencieuse et vide. Pas le moindre écho de ce qui peut bien se passer à l’étage, on n’entend que les expirations de la blonde qui sont de plus en plus soutenues, de moins en moins soulagée.

« Qu’est-ce qui t’en empêche ? » il la fait sursauter par deux fois, de la nouvelle bière posée devant ses yeux au baiser qui noie son front d’une chaleur inopinée alors que la peau de l’australienne est glacée. « De revenir vivre par ici. » elle veut revenir ici une seconde, elle rêve de quitter le pays la suivante. Chloe est une véritable girouette d'aussi loin qu'elle puisse se souvenir. Elle qui n’a aucun port d’attache et qui se retrouve à simplement vivoter sans arriver à poser pied à quelque part, sans ressentir l’envie de fuir une seconde plus tard. « Ça voudrait dire que je reviendrais en arrière. » sa voix la surprend, elle qui finit par attraper les prunelles d’Atwood entre temps. « Je peux pas te pousser vers l’avant si moi je fais que reculer. » alors elle diminue et dédramatise, elle enfouie le problème sous le sable en battant un peu plus vite des paupières et en affichant un sourire sur ses lèvres à travers lequel son ami verra sans le moindre doute. « Faudrait que je sacrifie toute mon autorité, tu t’en rends compte?! »

Mais non, ça ne passe pas Chloe. Essaie encore, essaie plus fort. « C’est juste une mauvaise passe. » dit-elle, dans sa voix la plus assurée possible. Petite menteuse qui se complaît à travers les problèmes des autres à trouver mille et unes solutions quand les siens de problèmes, sont bien mieux lorsqu’elle les nie le plus volontairement du monde. « Ça fait de tort à personne de vouloir prendre l’air. » autant à lui qu’à elle, dirons-nous.

Sa peau mordue par le soleil jure quelque peu avec la pointe de tristesse qui nargue dans un coin de ses prunelles. Si elle a su me taquiner toute la sainte de journée sur les raisons diverses et variées des problèmes qui semble agrémenter ma vie ces derniers temps, c'est désormais de venir gratter les informations. Armé d'une nouvelle bière chacun, on y passera le temps qu'il faudra, qu'importe. « Ça voudrait dire que je reviendrais en arrière. » Ma réponse se contient dans un haussement d'épaule alors que je comprends qu'il va me falloir écailler le vernis de la surface pour mieux comprendre ce qui se trame dans cette tête blonde. « Je peux pas te pousser vers l’avant si moi, je fais que reculer. » Encore une fois, je ne comprends où se situe la problématique. Chacun se doit d'avancer à son rythme. « Parfois, il faut savoir reculer pour mieux sauter. » Prendre quelques pas en arrière pour avoir une meilleure vision de l'ensemble, un meilleur jugement de la situation. En rien, je ne vois cela comme un échec, alors que cela semble être tellement le cas pour elle. « Faudrait que je sacrifie toute mon autorité, tu t’en rends compte?! » Je voudrais rester sérieux, mais suis bien incapable de retenir cet éclat de rire franc qui viens résonner sur les murs de la maison. « Je ne sais pas si jeter mon portable du toit compte réellement comme once d'autorité. » que je la taquine alors qu'en réalité, c'est bien souvent son caractère direct qui a su me guider à nouveau sur les rails. « Tu manques encore un peu d'entraînement, soldat Cohen. »

La distraction par l'humour - aussi douteux soit-il - ne semble fonctionner que le temps d'un instant. Elle se perd dans ses pensées, elle s'embourbe dans cette image qu'elle veut tant refléter quand avec moi, elle n'a jamais eu besoin de faire semblant. Je me fiche bien des paillettes et de la vie de rêve, on a toujours été loin de tout ça. « C’est juste une mauvaise passe. » Une qui dure déjà un peu trop. « Ça fait de tort à personne de vouloir prendre l’air. » « Jamais. » que je lui assure alors que distraitement mon pied nu vient narguer sa cheville. Si prendre l'air se résume à des journées autour de la piscine, à se laisser porter par le temps qui s'écoule paisiblement, alors définitivement prendre l'air ne nous aura jamais fait de tort. « Ça fait de tort à personne de vouloir prendre l'air pour une durée indéterminée. » que je souligne malgré tout comme pour valider ce qu'elle semble sous-entendre depuis notre départ.  

À nouveau le calme des environs nous enveloppe dans un cocon qu'en rien on ne voudrait quitter. Tout semble plus calme et serein. Chacun pense de son côté et c'est ma connerie qui finit par venir briser le silence. « Je devrais m'inscrire à un site de rencontre. » La seconde d'après j'éclate de rire à nouveau. « Quoi tu m'as dit d'aller de l'avant. » que je bredouille d'un air presque innocent. Tout pour lui changer les idées si c'est ce qu'elle désir.

« Je ne sais pas si jeter mon portable du toit compte réellement comme once d'autorité. » docile, elle apporte sa bière à ses lèvres non sans l’entendre tinter sur ses dents tant elle sourit. « Tu manques encore un peu d'entraînement, soldat Cohen. » « Oh arrête, me fais pas pleurer, j’ai vu la panique dans ton regard. » qu’elle nargue et qu’elle se moque, Chloe particulièrement satisfaite de pouvoir souffler le temps d’un rire et d’un autre. Il sait, quand elle ne va pas. Autant elle peut jouer à la femme forte sans peur ni reproches, Cían est parfaitement conscient lorsqu’elle lui ment en plein visage et c’est bien pour cela qu’elle cède enfin. Avec lui, elle n’a pas besoin de se cacher. Il a vu le pire d’elle comme elle a vu le pire de lui.

Parfois, elle aurait même aimé qu’il la secoue au point où elle ne lui cache pas l’histoire avec Byers. Mais il n’a jamais demandé le pourquoi du comment, Atwood, il l’a toujours prise comme elle venait et comme elle était sans jamais juger, questionnant là où elle voulait aller. Sans lui et sans la distance qu’il lui a permise de prendre, Cohen ignore où elle serait aujourd’hui. « Ça fait de tort à personne de vouloir prendre l'air pour une durée indéterminée. » à personne, et certainement pas à lui ni même à elle. Elle reconnaît ses propres mots dans sa bouche à lui, hochant de la tête de la positive comme si elle venait d déclarer forfait alors qu’elle n’a que l’impression de gagner, aujourd’hui. « À la seconde où tu vas dormir je cache horloges et calendriers. » alors ils vont rester. Alors ils vont se donner le temps de ralentir, de souffler.

Il sort de nulle part Cían, avec sa nouvelle requête qui lui aurait fait cracher sa bière à Chloe si elel venait de prendre une gorgée. « Je devrais m'inscrire à un site de rencontre. » pour la peine son sourcil se hausse, elle qui ne croit pas (plus) à l’amour et elle qui se serait imaginée se moquer de ce genre de choses avec lui bien plus que de se retrouver à lui improviser un shooting photo demain matin au petit soleil pour illustrer son profil. « Quoi tu m'as dit d'aller de l'avant. » et il lui fout le tort dans sa cour, en plus. Aux grands maux les grands remèdes et même si elle rigole de plus belle, la voilà l’australienne qui prend la main de son ami pour l’entraîner vers la chambre de son aînée, à l’étage. Là où le seul ordinateur potable de la maison reste encore en marche. « C’est celui d’Anna. Elle hurlerait de joie qu’on s’en serve pour que tu trouves l’aMoUr. » c’est sa faute à elle et c’est maintenant elle aussi, qui se pose sur la chaise, allumant le PC et filant sur le premier site de rencontres qu’elle trouve parmi les plus populaires que Google lui suggère. « Tu cherches quoi? La vraie réponse. » Chloe est aussi prête à rédiger qu’à narguer, Cían n’en verra pas le bout d’ici la fin de la nuit s’il ne coopère pas le moindrement. Mine de rien, elle n’avait pas rien comme ça depuis très longtemps.

« À la seconde où tu vas dormir, je cache horloges et calendriers. » Le deal est lancé. À la minute où cette journée prendra officiellement fin, on arrêtera alors de se soucier du temps qui passe. Les jours seront mesurés aux nombres de plongeons dans la piscine, aux probable multiples sugar rush qu’aura Ailis à force de siroter la limonade de Chloe, aux éclats de rire et surtout aux longs souffles que l’on lâchera petit à petit pour se défaire de cette pression qui nous colle à la peau. On ne se donnera l’autorisation de quitter cet endroit que lorsque l’on se sentira réellement prêt. Qu’importe le temps que cela prendra. « On se presse en rien. » C’est la seule promesse que l’on doit s’accorder, l’un comme l’autre. Tout ira bien tant que l’on s’en donne la pleine autorisation de laisser les barrières tomber. Elle n’a pas besoin de parler beaucoup Chloe pour que je comprenne que quelque chose cloche. Je pourrais forcer, gratter la surface en insistant, mais ce n’est jamais comme cela qu’on a fonctionné. Tout se fera en douceur, à notre rythme et les confessions viendront ou non, qu’importe. L’important est de profiter du moment.

C’est fier comme un coq que je balance ma connerie. J’aurais pu dire vouloir me teindre les cheveux en bleu, je préfère jouer sur la soudaine de trouver l’amour (faux). Je m’attendais à ce qu’elle éclate d’un rire franc, à ce qu’elle passe une heure entière à me traiter d’idiot et de débile, mais ce n’est en rien le cas. Elle hausse un sourcil, mais semble me prendre au sérieux à la seconde où elle m’entraîne dans la maison. « C’est celui d’Anna. Elle hurlerait de joie qu’on s’en serve pour que tu trouves l’aMoUr. » J’allais l’arrêter dans son élan, tenter de la contredire, mais il ne faudrait pas vexer Anna et encore moins faire disparaître cet air espiègle qui vient de naître dans les yeux de mon amie. Déjà, elle navigue sur différents sites, ses doigts tapant à la vitesse de la lumière sur le clavier. « Tu cherches quoi? La vraie réponse. » Bien incapable de retenir un grognement, je me laisse tomber sur le lit de la chambre en soufflant. « J’aurais mieux fait de me taire. » que je marmonne dans mon coin, réfléchissant tout de même ce que je pourrais chercher dans une personne. L’image d’Eavan vient s’imprimer derrière mes paupières me faisant soupirer bien plus encore. « J’ai envie de quelque chose de sérieux. » que j’avoue à demi-mots sans oser relever le regard vers mon amie. Ce n’est pas quelque chose que je vise dans l’immédiat, il va falloir encore un peu de temps pour se relever, mais c’est l’idée. Je n’ai plus envie de faire le con et ça m’effraye un peu. Alors je préfère tourner le tout à la dérision la plus totale. « Trouve-moi une cougar. » Et cette fois, je me relève pour observer l’écran avec elle. « Riche si possible, avec une grande maison et des domestiques. » que j’ajoute en retenant un rire. « Quitte à me faire entretenir j’aimerais autant ne pas avoir a lever le petit doigt. »

Des enfants, postés devant un écran qui leur donne toutes les possibilités du monde ; qu’elles soient brunes, rousses, blondes, teintes. Chloe s’installe savamment, jambes croisées en tailleur et nouvelle bière à la main. Si ses mèches sont remontées en un chignon qui n’en a que le nom, ce n’est que pour ajouter un peu plus de sérieux à une scène dont elle se moquera éperdument dans quelques minutes si ce n’est secondes. « J’aurais mieux fait de me taire. » « Yep. » le couperet tombe, et son regard à elle remonte lorsqu’elle vient planter ses prunelles étincelantes de malice dans celles de son ami. Et que le spectacle commence.

« J’ai envie de quelque chose de sérieux. » Atwood s’ouvre bien plus facilement qu’elle ne l’aurait cru. C’est peut-être pour l’effort de ce qu’elle a rédigé avec une honnêteté teintée d’un brin d’humour pour sa bio qui aide. C’est peut-être aussi parce qu’il en a marre de se retrouver dans des histoires compliquées qui lui arrachent le cœur et en éparpillent les morceaux aux quatres coins du globe. Jamais elle ne s’en étonnerait ; elle l’a toujours dit. Cían mérite le meilleur. « Trouve-moi une cougar. » là par contre, elle éclate de rire, se décalant sur la chaise pour lui faire une place à ses côtés. C’est qu’il y prend goût le gars qui ne voulait pas jouer mais qui finalement s’est laissé prendre entièrement et volontairement par le jeu. Il est beau Cían quand il aspire à être heureux. « Riche si possible, avec une grande maison et des domestiques. » elle hoche de la tête avec un faux sérieux, écume les résultats, clique par ci, fronce des sourcils par là. Rien ne lui plaît, elle qui se magasine une nouvelle amie au passage persuadée que si ça clique avec Cían elle doit aussi avoir quelques points en commun avec la demoiselle pour faire les choses bien. « Quitte à me faire entretenir j’aimerais autant ne pas avoir a lever le petit doigt. » « Sérieux, mais avec une date de péremption ; je note. » Chloe marmonne, à travers ses sourires en coin.

« Ouh, c'est un yacht ça. » et la voilà qui pointe, qui désigne une dame au double de leur âge ou presque, les dents scintillantes et la fortune étalée sur ses doigts couverts d’or. Elle pose sur le pont de son bateau de riche bourgeoise. Chloe rigole, boit à nouveau, ignore pour mieux prévenir des risques que le jeu dérive à elle ensuite. « J’t’avertis, quand on a terminé avec toi, je prends pas le relais. » puis la voilà qui ralentit son curseur, qui finit par tomber sur une trentenaire au teint basané, au sourire solaire. « Elle a l’air cool, elle. Pauvre mais cool. » elle a voyagé à travers le monde, ses cheveux brun chocolat sont dorés au soleil. Elle aime les choses simples, les gens avec des histoires. Elle a l’air douce mais brillante, simple mais intéressante. Assez pour que Cohen lui envoie un message à la place d’Atwood mais sous ses yeux, sans la moindre hésitation suffisante pour qu’il l’en empêche.

« Sérieux, mais avec une date de péremption ; je note. »
« A échéance courte, c’est préférable. »

Elle se prend bien trop au sérieux dans son rôle de match maker. Lui manquerait un stylo planté dans le chignon et des lunettes pour parfaire le look de la geek qui dégaine le click plus vite que son ombre. Les profils s’enchaînent sans jamais trop attirer son attention. J’ai abandonné l’idée de donner mon avis, tant elle semble éprise pour la cause. « Ouh, c'est un yacht ça. » Un œil sur la photo, l’autre sur mon amie et au milieu de tout ça, des éclats de rires. « Faudrait se forcer. » que je plaisante alors que la seconde qui suit, elle est déjà partie sur un autre profil. Tout s’enchaîne. De la nénette visiblement trop timide pour être présente sur ce genre de site, a celle qui pue le sexe à des kilomètres. Rien de bien intéressant, rien de fracassant. « J’t’avertis, quand on a terminé avec toi, je prends pas le relais. » « Ouais alors ça, on verra ! » Parce que si je dois me coltiner un date pour avoir dit une connerie, elle devra rentrer dans le jeu, pas le choix. « Chacun y donne du sien. » que je souligne avant de piquer sa bière ayant abandonné la mienne, je ne sais où encore.

« Elle a l’air cool, elle. Pauvre mais cool. » Elle s’exclame si fort que j’en sursaute. La photo sur l’écran laisse entrevoir une jeune femme aux cheveux lâchés chatouillant ses épaules mordues par le soleil. Un sourire solaire et des anecdotes de tour du monde qui donne envie d’en découvrir un peu plus. « Pourquoi pas. » Ne pas se montrer trop intéresser. Chloe a déjà pris le niveau supérieur lorsqu’elle envoie un message à mon nom. « Visiblement, c’était un okay. » J’éclate à nouveau de rire, la pousse de devant l’écran pour faire défiler les profils à mon tour. On commente tout, s’esclaffe pour un rien et on passe le reste de la nuit à trouver les pires descriptions qui soient. Si je me retrouve inscrit à la fin avec des photos suggestives personne ne nous en tiendra rigueur. Tant que l’on s’amuse. Tant les émotions semblent bien moins lourdes a porter.

Et la semaine complète – plus trois jours, mais qui a compter – on est resté.