the lucky ones
@Micah Tomlinson ☆ crédit/ssoveia

"Je sais que t’as pas besoin de l’entendre, mais Jo ? T’es sublime." Un chuchotis au creux de son oreille prononcé par son styliste, excité comme une puce à ses côtés, et Jo fronça le haut de son nez en ne le contredisant pas, son reflet dans le miroir parlant pour elle. Elle remerciait quiconque l’avait amenée à Paris il y a trois mois pour faire son choix dans le catalogue de la Fashion Week, et elle remerciait surtout son goût impeccable pour lui avoir soufflé de mettre une option sur la robe Schiaparelli qu’elle portait ce soir. Elle n’était pas humble Jo, elle savait pourtant reconnaître les moments où elle était encore plus belle que d’ordinaire, et ce soir, elle laisserait un souvenir impérissable à quiconque poserait son regard sur elle, les appareils-photos capturant le moment pour en faire l’icône qu’elle rêvait d’être. C’était le prolongement du succès qu’elle connaissait depuis des mois désormais, entre haut des Charts et nominations prestigieuses, et ce même si son propre album n’était pas encore sorti. Maintenant, on la sollicitait pour faire partie des invités de choix des cérémonies de ce genre, invitée à monter sur scène pour introduire ceux qui méritaient d’être récompensés. Ce soir, ce serait Micah, tête de liste de la cérémonie des Men of The Year du célèbre magazine GQ qui avait fait les choses en grand cette année, implantant sa légendaire cérémonie aux abords de Bondi Beach, là où Jo était attendue pour déclamer compliments et anecdotes sur le jeune homme qui ne déméritait pas sa récompense. Ça ferait jaser dans les médias qui, depuis plusieurs semaines maintenant, se félicitaient d’avoir autant spéculé sur sa relation avec Midas pour qu’elle se confirme enfin pour de bon. Seulement, elle n’avait pas eu envie de refuser sous aucun prétexte, pas même celui de rassurer Midas à ce sujet. Elle l’avait prévenu, l’acteur resterait son ami — outre leur relation passée, il était quelqu’un dont elle avait suivi le parcours au long des dix dernières années, aussi lui remettre un prix, c’était l’aboutissement de quelque chose qu'ils avaient vécu tous les deux de façon séparée, mais qui faisait sens, et qui la rendait un peu émotive, c’était vrai. Elle était fière de son parcours, elle était fière de faire partie de son cercle proche, et son discours réservait des pépites d’humour corrosif qui, elle en était certaine, ferait grand succès auprès de l’assemblée qui serait éblouie par son charisme. Dans sa robe qui plus est, les regards ne pourraient se détourner d’elle, et elle s’en félicitait, replaçant le fermoir de sa boucle d’oreille qu’elle tourna dans la bonne direction avant de replacer ses longs cheveux noirs et ondulés le long de l’oval de son visage parfait par le maquillage qui se tourna vers son styliste une fois qu’elle eut terminé de s’admirer. Avec un sourire en biais remontant ses pommettes redessinnées par le blush, elle était lumineuse et sûre de l’effet qu’elle ferait lors de cette soirée, au point qu’elle lui fit sans délai "Dis-moi quelque chose que je ne sais pas, chéri."

"N’oublie pas ta pochette." Un merci plus tard, et Jo sortit du nuage de parfum qu’on lui appliqua par bouffée pour se diriger vers le grand escalier de l’hôtel qu’elle quitta, escortée par son attaché de presse et la sécurité qui, Dieu merci, n’était pas son père durant tout son séjour à Bondi Beach "Dans quelle voiture je dois monter ?" demanda-t-elle en attirant déjà tous les regards, traversant le corridor de l’hôtel avec la démarche assurée, ses jambes allongées par une hauteur de talon qui flattait sa silhouette menue, moulée dans une robe aux accents dorés, qui reflétaient chaque rayon de lumière qu’elle rencontrait sur son chemin ; le décolleté de sa robe n’était certainement pas étranger aux regards qu’on lui lançait, l’ocre de sa peau soutenant le jais de ses cheveux qui semblaient être payés pour aussi bien réagir à sa démarche chaloupée. À l’entrée de l’hôtel, une orde de curieux s’étaient pressés, et tandis qu’un salut à l’assemblée lui échappa comme une extension naturelle de son attitude de diva, elle se fit conduire jusqu’à une limousine dans laquelle elle s’engouffra sans demander son reste, et s’assit en opposition à l’autre rangée de sièges qui étaient déjà occupée par la star de la soirée. Jo cacha sa surprise uniquement parce que ça faisait mauvais genre de réagir comme une biche prise dans les phares d’une voiture, et fit à Micah sur qui elle posa tout de suite son regard, la tête inclinée sur le côté, sa pochette posée sur ses genoux sagement joints "Tiens, t’étais si pressé de me voir ?" lui demanda-t-elle en s’installant, un sourcil arqué pour lui laisser le temps de se rendre compte qu’elle allait ajouter une note d’humour à ses paroles "Ou t’es là pour me soutirer l’exclusivité du discours que je vais prononcer en ton honneur ce soir ?" Bizarre comme, soudainement, ce qui lui aurait paru comme naturel d’ordinaire, étant tous les deux du genre à continuellement déverser l’un sur l’autre des rivières de sarcasmes et de sous-entendus plus ou moins graveleux, lui donnait le sentiment de sonner faux.

Bondi Beach n'était pas loin du premier appartement que Joel avait offert à son fils au cœur de Sydney, et auquel Micah était bien incapable de renoncer désormais, moins par commodité que parce qu'il revêtait une valeur sentimentale. Pour autant, il n'avait pas été question de passer la nuit là-bas, mais plutôt attroupé avec toute son équipe sur le lit de sa chambre d'hôtel, leurs yeux fébriles rivés sur la télévision, dans l'attente des nominations pour la prochaine cérémonie des AACTA. Il y avait Gary, son assistant, Donna, son agente, et Hugo, le styliste qui le suivait depuis sa couverture pour le magazine DSCENE. Cette jolie bande était devenue sa seule famille ces dernières semaines, alors que Micah était de nouveau emporté dans la spirale du succès. Depuis la sortie de son dernier film, succès quasi unanime auprès de la critique, le jeune acteur était bringuebalé d'un avion à l'autre sans se soucier le moins du monde des sacrifices que son train de vie imposait à ceux qui, contrairement à lui, pensaient à la postérité. Il enchainait les plateaux : télé, photo, radio, à un rythme effréné qui lui faisait perdre de vue l'objectif qu'il s'était fixé de se retirer du cinéma pour se concentrer sur sa Fondation. Si cette dernière était laissée entre des mains expertes en son absence, Micah ne rechignait jamais à répondre au téléphone lorsqu'on le sollicitait, ou qu'on lui proposait des rendez-vous formels entre deux late shows décontractés. La catégorie « meilleur acteur » fut enfin annoncée. Le temps s'était alors suspendu quelques secondes, tandis que tous penchaient leurs têtes en direction de l'écran, jusqu'à l'explosion d'un cri de joie simultané. Tout juste éligible aux récompenses de l'année 2024, le film sorti une semaine plus tôt lui valait déjà sa première nomination. Micah ne fut pas le dernier à sauter sur le lit, bientôt rejoint par Donna, qui avait joué des pieds et des mains pour lui valoir ce rôle. Après avoir englouti une coupe de champagne, chacun avait sagement rejoint sa chambre pour profiter d'un sommeil réparateur, en vue de la cérémonie du lendemain, et de tous les préparatifs qu'elle impliquait.

Hugo lui avait dégoté un ensemble Saint Laurent particulièrement aguicheur. Une chemise noire transparente, échancrée jusqu'à l'abdomen, et un pantalon évasé et cintré à la taille, qui n'était pas sans rappeler les années 70 desquelles on l'avait accusé de débarquer tout le mois de novembre où il avait fièrement arboré une moustache. Le clin d'œil lui avait plu, et surtout la tenue pour le moins audacieuse promettait d'être commentée sur les réseaux. Il l'avait agrémentée de deux bagues Cartier en or, aussi discrètes que précieuses. Après une vidéo enregistrée dans les couloirs de l'hôtel pour sa story Instagram, il s'engouffra dans l'ascenseur pour rejoindre la limousine qui l'attendait juste devant le lobby. A l'entrée de l'hôtel, les badauds se massaient derrière des barrières de sécurité, hurlant toujours plus fort pour se faire remarquer. Dans ces moments, Micah avait développé le talent de fixer partout et nulle part à la fois pour donner l'illusion d'un sourire privilégié. Il concéda un geste de la main rapide pour saluer la foule avant de se baisser pour investir la banquette. Le voyant surpris de ne pas partir aussitôt, le chauffeur lui signifia qu'on lui avait ordonné d'attendre quelqu'un d'autre. Vu le nombre de célébrités qui avaient résidé dans cet hôtel cette nuit, il avait l'embarras du choix. Dans l'habitacle, Micah n'entendait plus qu'une clameur étouffée, mais elle lui sembla gonfler l'espace d'un instant, juste avant que la porte ne s'ouvre, et que Jo ne s'installe incrédule face à lui. Machinalement, son regard s'était aventuré dans son décolleté généreux. « Franchement, j'y avais même pas pensé, mais c'est une super idée. » dit-il avec un sourire fier et tendre, relevant enfin les yeux. « Cette robe est renversante Jo. » Comme toi, aurait-il pu ajouter dans un autre contexte. Intérieurement, il se réjouissait de constater qu'on complotait toujours autour d'eux, et ce malgré la relation qu'elle avait officialisée avec Midas, et dont il avait une opinion subjectivement médiocre. Qu'elle récite ce discours pour lui, et qu'on les fasse conduire ensemble, dans des tenues aussi suggestives, n'avait rien d'une coïncidence, et Micah espérait au moins que ce petit manège totalement indépendant de sa volonté aurait de quoi éveiller quelques jalousies. « J'aimerais dire que je suis désolé de faire de l'ombre à ton succès, mais ce serait un peu mentir. Toi nommée aux Grammys, pour me remettre un prix d'acteur de l'année. Quand je repense à notre rencontre, j'ai envie de dire que c'est pas trop tôt putain. »

@Jo Carter

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@Micah Tomlinson ☆ crédit/ssoveia

"Regarde devant toi, Micah." Surprenant les yeux de l’acteur plongés dans son décolleté, le conseil de Jo fût prononcé sur le ton sarcastique des grands jours. Il ne fallait pas être naïf pour évoluer dans ce business, aussi passée la surprise de trouver son acolyte de toujours dans la même voiture qu’elle, Jo sentit un frisson lui parcourir l’échine et lui faire réaliser qu’elle n’aimait pas ce qui était en train de se profiler. Ce n’était pas tant la présence de Micah qui l’indisposait, puisque même si ces derniers temps, il y avait de l’eau dans le gaz entre eux, accusant tous les deux leur toute première dispute en dix ans de méfaits accomplis, elle restait fidèle à son ami qui représentait à ses yeux une sécurité certaine tandis qu’elle aussi faisait désormais partie de la cour des grands. Non, c’était tout le reste qui l’irritait. L’idée que l’obliger à monter dans la même voiture que le jeune homme, c’était aussi l’obliger à en descendre avec lui sous les flashs aveuglants des photographes. La conséquence de ça serait inévitable, et les spéculations reprendraient pour les mettre au centre de quelque chose qui, là encore, ferait jaser. Elle comprenait l’idée, elle aurait jugé ça plutôt malin si elle n’avait pas été au coeur de cette nouvelle magouille, certes qui faisait pâle figure face à celle à laquelle elle évitait de penser ces derniers temps, qui n’était pas moins redoutable pour sa vie de couple. Elle avait été claire avec Midas, mais l’inclinaison des hommes à la jalousie, elle était aussi néfaste que celle des femmes, et elle ne voulait pas alimenter un nouveau quiproquo à propos de Micah. Elle était là pour lui, c’était une évidence que le discours qu’elle avait  soigneusement rédigé ne pourrait démentir, mais elle n’était pas là avec lui et de ça, elle s’en défendrait avec la détermination qui s’imposerait si on venait lui reprocher de s’être montrée en sa compagnie.

Était-il au courant de tout ça ? Jo le toisa de son côté de la limousine, suspicieuse, avec la tête penchée pour examiner chaque menu détail de la tenue qu’il portait sur le dos "T’es pas mal non plus." se contenta-t-elle de dire, ne prenant guère le temps d’apprécier son compliment parce que bien sûr qu’elle était renversante, il prenait soin de ne pas le lui dire en flattant sa robe, seulement son regard en disait long, et Jo n’était pas taillée pour l’humilité. Elle pinça les lèvres un instant, estompant la nuance nude qui avantageait l’ourlet redessinné de sa bouche charnue, et parut une seconde ou deux faire le point sur la manière dont le jeune homme avait accueilli son arrivée. Comme pour être bien sûre de son ignorance à ce sujet, elle finit par lui demander "Tu savais pas qu’on allait partager la même voiture ?" Son incrédulité se manifesta sous la forme d’un sourcil qui s’arqua dans la foulée "J’ai cru que ça pouvait faire partie d’une tactique de ton équipe pour faire davantage faire parler de toi après cette soirée." La sienne sachant très bien que désormais, elle préférait rester sous le radar des rumeurs de romances en tout genre qu’on serait tenté de lui prêter à droite et à gauche simplement parce qu’elle aurait le malheur de respirer trop près d’un homme. Doucement, elle plissa les paupières, et puis elle décida de lui laisser le bénéfice du doute — tout comme la politesse d’entamer pour de bon la discussion. Jo eut un très léger rire "Ce que j’aime le plus avec toi, c’est que t’es le seul à ne pas me reprocher d’en faire trop quand il s’agit de ma carrière. Certains membres de mon entourage sont déjà fatigués de m’entendre rappeler à tout bout de champ que je suis nommée deux fois aux Grammys." Mais pas Micah. Micah, il savait à quel point ça comptait pour elle, il savait à quel point elle en avait rêvé et à quel point elle était affamée quand il s’agissait de prouver de quoi elle était capable. Du bout de ses doigts rallongés par une manucure discrète, elle repoussa une longue mèche de cheveux qui s'échoua sur son épaule dénudé, sa tête se retournant vers Micah en même temps "J’ai mis le temps, mais ça y est. Je suis enfin dans la course, comme toi, et ouais putain, c’est pas trop tôt." Là, elle rit pour de bon, le cristal de sa voix se répercutant doucement dans l’habitacle, son regard accrochant celui du jeune homme à qui elle ne voulait pas imposer son émotion, pas du genre à vouloir saper le travail de ses maquilleurs, ou même à montrer à quel point ça voulait tout dire pour elle d’en être arrivée là "T’es venu seul ?" finit-elle par lui demander dans un très léger sursaut de surprise, renâclant à se laisser emporter par la fierté immense qu’elle ressentait à ce moment-là. Elle doutait que Lena ne tienne dans la poche de Micah, mais c’était encore la seule perche qu’elle jugea bon de lui tendre à ce moment précis, un peu empruntée de se trouver en sa présence dans ces circonstances.

Il n'existait pas de manuel pour entrer dans les bonnes grâces de Jo. La passion et l'ambition étaient néanmoins des qualités qui résonnaient avec elle. La brune aimait les gens fougueux et déterminés, des traits de caractère dont Micah n'était pas dépourvu. Mais sa confiance, telle un château de carte, était bien plus facile à défaire qu'à construire, parfois en un coup de vent. Une parole prononcée au mauvais moment, un geste résolument anodin qu'elle décidait d'intepréter comme un affront. Jo avait ce pouvoir sur les gens. Le pouvoir de l'autorité, de renverser les situations pour se décharger d'une part de culpabilité. Micah ignorait encore ce qui avait pu justifier le traitement qu'elle lui avait réservé des semaines durant. Comme un enfant, elle l'avait puni d'avoir été trop loin, sans lui laisser l'opportunité de se défendre, ou de s'excuser platement. La bouche en cœur, elle était réapparue après un silence accablant, prétendant que rien n'était arrivé. Bon prince, Micah avait tendance à oublier et à lui pardonner beaucoup plus d'offenses que celles qu'elle tolérait en retour. Cela faisait de lui quelqu'un de faible, mais surtout un ami loyal qui la tenait en estime. Il n'avait pas envie d'en parler, car tout avait été dit dans les messages qu'ils s'étaient échangés, et dans lesquels elle s'était fendue de quelques excuses. Quelle emprise elle avait sur lui. A la place, Micah préféra se précipiter dans leurs bonnes vieilles habitudes ponctuées de familiarités. « Quoi, je te regarde dans les yeux. » s'était-il défendu, se délectant encore un quart de seconde de cette vision que Jo avait délibérément provoquée. Royale, elle se contenta de lui donner quelques miettes d'un compliment, le toisant le menton relevé, les yeux plissés et affutés. « Juste pas mal. Je serais déçu si je te savais pas si exigeante. » avait-il rétorqué, satisfait d'être au moins au goût intraitable de Jo. Depuis qu'elle en avait les moyens, la jeune femme était devenue presque tyrannique sur les questions de mode. Elle ne s'entourait pas de n'importe qui, et ne portait surtout pas n'importe quoi. Une rigueur que Micah partageait avec elle depuis toujours.

La question fut posée sans transition. Si Micah n'était pas le dernier à fomenter des coups médiatiques – Lena pouvait en attester – il était cette fois-ci blanc comme neige. « J'en savais rien du tout, j'imagine que c'est pour réduire notre impact carbone. » avait-il ironisé en hochant les épaules avec nonchalance. Il ne put toutefois contenir un rire lorsque Jo accusa son équipe de manigancer dans son dos. A ce rythme, elle ne pourrait bientôt plus passer les portes. « Ton équipe aurait très bien pu avoir la même idée. » avait-il réfuté, blessé dans sa fierté. Il n'avait besoin de personne pour faire parler de lui. « Est-ce que ça te met mal à l'aise ? Parce que je peux encore descendre, mais ça risque de faire jaser tout autant. » proposa-t-il en faisant mine de se lever. Il ne restait certainement plus qu'une poignée de secondes avant que la limousine ne démarre. Choqué d'entendre à quel point l'entourage de Jo manquait de la soutenir, il fit de gros yeux ronds, repoussant la tête jusqu'à heurter le dossier de son siège. « Il sont bien au courant du prestige que ça représente un Grammy ? Le jour où tu seras blasée d'être récompensée, là je commencerai à m'inquiéter. » avait-il demandé, incrédule. Il ne doutait pas que Jo comptait des gens qui l'encourageaient, mais beaucoup le faisaient par devoir. Parce que sa notoriété rayonneraient sur eux, et souvent sur leurs propres revenus. Comme Micah avant elle, Jo devrait apprendre à faire la part des choses, et se contenter parfois du bonheur intéressé de certains. « Ton album est même pas sorti Jo, cette nomination c'est un coup de projecteur énorme. C'est abusé que ton entourage puisse se lasser de t'en entendre parler. Moi je sais à quel point ça compte pour toi. » avait-il insisté, gardant toujours en tête ce qu'elle lui avait partagé lorsque tout ça n'était encore qu'un rêve. Il espérait au moins que Midas savait se montrer aussi enthousiaste qu'elle. En parlant de lui, Micah ne s'était pas attendu à ce qu'on lui demande s'il était accompagné. La distance qu'ils avaient mis entre eux avec Lena n'avait pas échappé aux médias, qui avaient fini par se désintéresser de leur idylle. Tout le monde ignorait d'ailleurs qu'elle avait participé au gala d'ouverture de la Fondation, qui s'était déroulé loin des objectifs et des regards curieux. « Avec qui j'aurais pu venir ? Par contre toi, ça m'étonne que tu sois venue seule. »

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"Il faut que t’arrêtes ça." Et par le ça, elle désigna ses yeux, puis son décolleté, alternance gracile dont elle interrompue la danse sans préciser ce que ça voulait dire exactement. Mais Micah n’était pas idiot. On lui reprochait de ne pas être claire Jo, de ne pas savoir poser des limites et de jouer avec sans en donner l’air, grouillant du besoin intense d’être désirée pas uniquement parce qu’elle était talentueuse, mais parce qu’elle était belle à crever, et qu’à défaut d’être son unique qualité, elle était celle qui lui permettait d’attirer l’attention, son charisme servant l’or qu’elle avait dans la voix. Elle avait souvent son compte d’attention avec Micah, elle n’ignorait pas un seul instant qu’il puisse toujours la trouver à son goût après des années à ne pouvoir faire que ça, la regarder, et c’était surement ce qui semait les graines de la rumeur autour d’eux. Les regards ne trompaient pas, le sien restant à bonne distance de tout ce qui pouvait donner une mauvaise interprétation à ses pensées. Elle n’avait plus envie qu’on fasse parler ses yeux pour elle, comme elle n’avait plus envie qu’on interprète de la mauvaise façon l’amitié décomplexée qu’elle ressentait pour le jeune homme alors en effet, le plus vite il arrêterait ça, le plus vite sa conscience dormirait sur ses deux oreilles parce qu’elle, elle ne voulait plus donner l’occasion à qui que ce soit de lui reprocher de se complaire dans la confusion des sentiments tandis que maintenant, elle n’était officiellement plus disponible.

"Micah, joue pas la fausse innocence avec moi, tu fais offense à ton talent d’acteur." Il était mauvais, à tenter de lui faire croire qu’il ignorait ce qui aurait pu pousser son équipe à les faire prendre la même voiture. Epoussetant une poussière invisible de sa somptueuse robe, elle continua "Non, mon équipe a appris avec le temps que jouer avec ma patience en me faisant des faux plans, c’était une très mauvaise idée. J’ai viré mon assistante en moins d’une seconde il y a quelques temps, crois-moi qu’ils sont vaccinés contre ce genre de conneries." tenait-elle à ce qu’il sache, ne voulant pas qu’il se fasse une mauvaise idée de ceux qu’elle avait dans son sillage, et vers qui sa confiance allait par défaut, ayant bien du mal à la leur accorder même si à de maintes reprises, elle avait entendu de leur bouche qu’ils étaient là pour prendre soin de ses intérêts. Qui savait, ce monde était un monde de requins, elle continuerait donc à se méfier. Nul doute cependant qu’au terme de cette soirée, Jo mettrait la main sur la personne qui avait eu le toupet de juger cette mascarade utile à la bonne tenue de l’événement auquel ils se rendaient tous les deux, donc, puisqu’elle était courroucée par l’intention sous-jacente de les faire prendre la même voiture certes, elle ne l’était pourtant pas au point de faire un scandale qui pousserait le star de la soirée à changer de voiture. Elle secoua la tête, laissant sa main balayer le grotesque de sa proposition tout en lui disant, sa voix rauque devenant doucereuse quand elle feignit la nonchalance "Reste, ça va. On en connaîtra d’autres des tentatives de ce genre." Et si Micah prenait le temps de s’arrêter sur ses mots, il se rendrait compte qu’elle avait soigneusement éviter de lui répondre si oui ou non, elle était mal à l’aise.

Elle l’était, parce qu’elle anticipait les quelques minutes suivants leur arrivée à Bondi Beach, et les gros titres qui souligneraient l’étonnement général de la voir arriver avec Micah et pas avec Midas. Que c’était d’un autre temps, de faire ce genre de choses, et que ça l’emmerdait au plus haut point de devoir déjà préparer sa défense quand on lui demanderait pourquoi elle s’investissait autant dans la célébration de quelqu’un qui lui était proche, qui n’était pour autant plus assez intime avec elle pour qu’elle démontre autant d’enthousiasme à lui faire honneur. Intérieurement, elle soupira, et puis par réflexe inconscient, elle ouvrit son clutch griffé par le même couturier qui avait désigné sa robe, et pêcha son téléphone portable, caressant l’idée de là aussi, anticiper et de prévenir Midas de ce qui était en train de se passer. Mais quel genre de signal ça renvoyait ? Elle n’eut pas vraiment le temps de se poser la question, étant donné que lancé dans la discussion, Micah redirigea l’attention de Jo sur lui et surtout sur la manière dont il vantait le mérite dont elle savait être — en partie du moins, sa fausse victoire se rappelant à son arrogance bien trop souvent à son goût — digne pour en être arrivée là aujourd’hui "Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? J’ai toujours été un trop gros morceau, je le suis sans doute encore plus aujourd’hui." Elle était un trop gros morceau dans tous les sens du terme, ceux lui reprochant d’avoir la grosse tête ne se doutant pas un seul instant à quel point elle avait trimé dans sa jeunesse pour récolter les paillettes d’une gloire qui lui avait filé entre les doigts bien plus souvent qu’à son tour, même si elle ne l’avouerait pas de cette manière non plus, beaucoup trop orgueilleuse. Micah savait, ça le rendait spécial, et c’était là tout ce qu’il fallait savoir pour comprendre pourquoi elle tenait tant à lui "T’es pas en reste non plus. Man of the year, huh ?" qu’elle lui fit en contrepartie, sa bouche se fendant d’un sourire en coin. Elle délaissa son téléphone portable qu’elle posa sur ses genoux dans l’attente de prendre une décision sans avoir l’air d’être la copine qui rend des comptes quand elle n’avait rien à se reprocher ; effectivement elle n’avait rien à se reprocher, alors elle le rangea son foutu téléphone, et haussa les épaules dans un léger rire à la suite des mots du jeune homme "J’en sais rien, tu peux toutes les avoir, non ?" Toutes, sauf une, de toute évidence "J’arrive plus très bien à suivre ce qui se passe entre toi et, tu sais…" Lena, dont elle ne prononça pas le nom par provocation, faisant peser le sarcasme dans l’espace qui les séparait pendant que lui, s’étonnait également de son voyage solo à Sydney. Ça l’amusa évidemment, au point qu’un clin d’oeil lui échappa quand, déterminée à jouer un peu tout de même, elle lui demanda dans un murmure insolent "Pourquoi, t’aurais aimé le mettre en garde et jouer à l’ami protecteur qui veille au grain ?"

D'ordinaire, Jo n'était jamais la dernière à entretenir l'ambiguité. Elle était de ces femmes dont les yeux ou les manières faussement affectées contredisaient les mots. Alors lorsqu'elle insista pour mettre fin aux regards lubriques de Micah, ce dernier comprit tout de suite qu'elle ne plaisantait pas, et surtout que le malaise entre eux n'était pas qu'une élucubration de son esprit. « Ok j'arrête. » s'était-il contenté de répondre, détournant la tête en direction de la vitre, où résonnait toujours une clameur étouffée. Jo avait raison de poser des limites, mais l'acteur soupçonnait les autres, et une personne en particulier, de lui avoir soufflé le comportement qu'il était approprié d'adopter en sa compagnie. La surprise de la voir s'asseoir à ses côtés se transforma rapidement en frustration. Il était un enfant tout excité auquel on interdisait de toucher à son tout nouveau jouet. Se retournant vers elle, il employa un ton plus sérieux à son tour, espérant lui faire comprendre qu'il était sincère quand il maintenait avoir lui aussi été pris au dépourvu dans cette histoire. « Je t'assure que j'en savais rien. Et franchement, ça ressemble ni à Gary, ni à Donna de faire ce genre de complots. » avait-il soutenu, sachant pertinemment que son assistant, comme son agent, étaient incapables de se montrer aussi manipulateurs que lui. « Puis de toute façon on m'en aurait parlé. Entre nous je vois pas le mal à monter dans une voiture avec toi. » avait-il conclu dans un dernier élan d'orgueil. Jo était mieux placée que lui pour expliquer ce qu'elle trouvait si fourbe ou gênant à l'idée de partager ce trajet ensemble. Elle ne lui ferait pas dire qu'il regrettait la manœuvre, même s'il était prêt à l'abandonner avec ses principes, si vraiment la perspective de fouler le tapis rouge sur ses talons l'inquiétait à ce point. Magnanime, ou peut-être juste lucide, elle l'autorisa finalement à rester. Loin de se considérer victorieux, Micah était néanmoins satisfait de ne pas avoir à faire demi-tour la queue entre les jambes. Il se cala au fond de son siège, les genoux serrés par l'inconfort communicatif de Jo.

Piochant dans sa pochette, Jo en sortit son téléphone, suggérant ainsi qu'elle était prête à passer le reste du trajet dans un silence gênant, si cela pouvait leur éviter d'avoir des échanges trop complices au goût de son entourage. Micah trouvait la perspective aussi désagréable qu'inutile, car leurs conversations privées intéressaient bien moins que la narration des photos qu'on prendrait d'eux lors qu'ils descendraient de la voiture, et toutes les spéculations qui en découleraient. A quoi bon gâcher un moment dont le dénouement était déjà écrit ? Fort heureusement, elle était toujours assez fidèle à elle-même pour se réjouir qu'on la brosse dans le sens du poil. Parler d'elle et de ses récents accomplissements sembla lui faire oublier le reste, comme en témoignait le regard prétentieux qu'elle releva vers lui. Il se contenta de sourire, heureux de constater qu'une partie d'elle demeurait intacte. Elle le complimenta à son tour, se fendant du même sourire irrepréssible. « C'est assez inespéré à vrai dire. Je suis content crois-moi, mais j'avais pas du tout anticipé les retentissements du film. Les nominations des AACTA sont tombées hier, et tu tiens devant toi le potentiel meilleur acteur. » A vrai dire, ce que Micah n'avait pas anticipé, c'étaient les coups durs de la vie. Ce film, il avait énormément misé dessus. Ces nominations, il les avait ouvertement espérées. Elles tombaient seulement à un moment de sa vie où il n'était pas disposé à s'en réjouir autant qu'il le devrait, si bien qu'il se sentait presque coupable. « On attend dans deux semaines les nominations pour les Golden Globes. J'ai de bonnes chances d'y croire. » Ce prestige, Micah en avait rêvé. Son père aussi. Peut-être même plus que lui. Et c'était ce qui le rendait le plus triste. De savoir qu'ils ne pourraient pas célébrer cet honneur ensemble, à sa hauteur.

Micah avait beau masquer sa tristesse derrière un discours présomptueux, Jo savait lire entre les lignes. Ce fut d'ailleurs pour cette raison qu'il le tourna à nouveau vers la vitre, où défilait désormais le paysage urbain. Il haussa les épaules, ne pouvant même réprimer l'envie de rouler des yeux. « Moi non plus j'arrive pas à suivre. Elle souffle le chaud et le froid. Faut croire que j'ai vraiment un genre. » dit-il, sachant que Jo saurait en faire l'interprétation. Il avait le chic pour s'enticher des femmes un peu perdues, torturées, ou tout simplement pas assez amoureuses pour se battre pour leur couple. A sa grande surprise, elle lui rétorqua sans  hostilité à propos de son propre manque de compagnie. « Pas forcément, mais je suis prêt à le faire s'il le faut. Tant mieux si ça se passe bien entre vous, je serais un ami de merde de te souhaiter le contraire. Et je ferai aucun commentaire public sur ça, si ça doit prendre des proportions démesurées. » répondit-il de bonne foi, agitant une main en cercle devant lui pour qualifier le tabou dont il était question. Pas de post Instagram, ni le moindre commentaire sur le tapis rouge. Il pouvait bien tenir sa langue sur ce non-événement. « Je trouve juste ça dommage que ça t'inquiète de te retrouver en tête-à-tête avec moi. » avait-il néanmoins ajouté, laissant une autre chance à Jo de lui assurer qu'elle était la seule initiatrice de ce changement de dynamique entre eux.

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@Micah Tomlinson ☆ crédit/ssoveia

Jo était enfin prête à accorder à Micah le bénéfice du doute à propos de toute cette histoire de voiture partagée. La tête penchée, elle le regarda se débattre avec la possibilité désagréable qu’elle l’accusait de quelque chose dont il n’était pas l’initiateur. Elle le savait assez orgueilleux pour ne pas revendiquer ses décisions, même les plus mauvaises, ils étaient pareils sur ce point-là, aussi c’est ce qui lui fit dire, ne tenant pas à le rendre davantage coupable de tout ça "D’accord, je te crois." Et c’est de l’autre côté, celui opposé à Micah, que son visage se tourna à elle aussi, ses lèvres roulant l’une sur l’autre pour estomper le gloss qu’elle avait sur les lèvres. Elle ne préférait pas s’attarder sur le reste de ce qu’il laissa échapper, sur le mal qu’il ne voyait pas à partager une voiture avec elle. Elle adorait Micah, il était l’ami auquel elle tenait le plus, mais son entêtement à rester qui il était, ça le poussait aussi à s’enfermer dans des comportements qui ne servaient pas sa vie personnelle — et elle n’était pas mieux dans le genre, il fallait la pousser pour qu’elle se donne les moyens d’évoluer sur le plan émotionnel en tout cas. Là, elle ne lui voulait pas être forcée de lui dire qu’être en couple, c’était faire des concessions, parce qu’elle savait parfaitement ce qu’il lui répondrait en contrepartie et qu’elle n’était pas prête à soulever la certitude qu’elle avait qu’il se mettrait à accuser Midas de contrôler ses actions et ses réactions. Ce n’était pas le cas. Si elle prenait le temps d’explorer ses mauvais comportements et de les mettre en perspective pour les corriger, c’était uniquement parce qu’elle tenait à lui, et que goûter à la vie de couple à ses côtés, ça lui avait fait réaliser que c’était ce qu’elle avait toujours crevé d’envie, et ce pour de bon.

Alors effectivement, elle se tut à ce sujet, n’ayant de compte à rendre à qui que ce soit si ce n’était à Midas, et reprit juste au moment où, congratulée, elle lui rendit la pareille pour se rendre compte dans la foulée qu’il paraissait un peu éteint malgré les bonnes nouvelles qu’il lui annonçait "Je suis fière de toi. Tu le mérites." lui dit-elle, comme elle le faisait à chaque fois parce qu’elle n’avait pas besoin d’être pudique avec Micah lorsque ça concernait ce genre de choses. Ils s’étaient connus jeunes, ils avaient partagé des aspirations et des fantasmes de carrière exponentielles. Quand il réussissait quelque chose, une part de Jo cochait mentalement la liste des accomplissements qu’il atteignait, et elle était à peu près sûre qu’il faisait la même chose de son côté. La tête légèrement basculée en arrière pour mieux le regarder encore une fois, elle scanna ses traits un instant pour lui demander, un léger rire soufflé par le nez lui échappant en même temps, peut-être un peu effarée par l’impression de tristesse qu’elle voyait se refléter dans ses grands yeux bleus "Pourquoi t’as l’air si dépité ? C’est tout ce que t’as toujours voulu, non ? Qu’on te prenne au sérieux ?" Et quoi de mieux que des nominations dans ce genre de palmarès pour ça ? Les AACTA étaient une chose, contentant le chauvinisme qui dormait chez tous les artistes dignes de ce nom, mais les Golden Globes ? Abandonnant son clutch sur la banquette pour poser sa main sur son bras qu’elle le pressa avec ses doigts dans un élan d’enthousiasme, et le secoua juste un peu en lui disant presque sur le ton de la confidence "Les putains de Golden Globes, Micah. Tu sais ce que ça veut dire ?" Que ça lui ouvrirait plus de portes encore. Elle en était tellement sûre qu’elle lui dit, lâchant son bras pour balayer  avec ses doigts une longue mèche de cheveux de son visage sans en déranger son ondulation, la faisant simplement reposer contre l’angle parfait de mâchoire du côté droit en regardant droit devant elle " Et puis tu sais ce qu’on dit : quand t’en obtiens un, tu les obtiens tous." Une théorie qui se vérifiait la plupart du temps.

La moue que Jo emprunta, elle était teintée de mauvaise foi, mais ça la rendait presque adorable "Je fais pas ce genre de choses." s’amusa-t-elle, le sujet dérivant sur un pan plus personnel, et la rendant, elle, coupable de quelque chose qu’en vérité si, elle maîtrisait aussi bien que celle qui semblait torturer Micah. A nouveau, elle lui adressa un regard, sentant que le malaise était toujours présent, et la forçant à envisager de tourner un peu les choses à la dérision sans pour autant pencher vers ce qu’ils faisaient d’ordinaire. Elle était déterminée à ce que les choses soient claires "Ce sera pas utile, c’est quelqu’un de bien contrairement à ce que tu penses." Elle n’avait pas besoin d’interroger Micah pour savoir qu'il n’était pas aussi amoureux de Midas qu’elle, elle l’était. Pourtant, elle osa lui demander sans même prendre le temps de tourner autour du pot, n’étant pas de ce genre "Pourquoi tu le détestes autant ?" Le sentiment était réciproque par ailleurs. Mais elle connaissait les raisons de Midas qui n’étaient finalement pas si illogiques compte tenu de sa relation avec Jo — celles de Micah en revanche, elles restaient nébuleuses ; autant que cette manière qu'il avait de lui, tourner autour du pot pour sous-entendre quelque chose qui ne plaisait pas à Jo "Ça m’inquiète pas de me retrouver en tête-à-tête avec toi." Peut-être un peu quand même, seulement l’orgueil de Jo était suffisant pour la faire mentir rien qu’un peu, par convenance "Par contre, ça m’emmerde qu’on fasse de toi un sujet à aborder chaque fois qu’un micro se tend devant moi." Davantage depuis que sa relation avec Midas était officielle, ce qu’elle expliqua en ajoutant, sa tête se tournant vers la vitre de son côté  pour voir le paysage défiler "Je veux pas qu’on soit les nouveaux Justin et Selena ; qu’alors qu’on fait nos vies chacun de notre côté, tout le monde se sente obligé de nous poser des questions sur l’un et sur l’autre en se désolant que l’histoire se soit arrêtée là." D’autant que l’histoire n’en était pas une vraie, mais personne ne semblait prompt à l’entendre, et ça la gonflait au point qu’elle en soupira en même temps qu’elle reprenait "C’est pénible pour toi et moi, ça l’est encore plus pour ceux avec qui on choisira de faire notre vie. Et je sais pas toi, mais moi j’ai déjà choisi." affirma-t-elle sans en rougir, son visage se retournant vers lui. Et que Micah l’aime ou pas, ça ne changerait rien pour Jo.

En lui concédant sa confiance, Jo dissipa le malaise d'un silence dans lequel ils se plongèrent tous les deux. Imperturbable, la ville défilait sous leurs yeux habilement tournés vers les vitres, safari de lumières artificielles et de joie insignifiante que Micah trouvait de plus en plus attirante. Tous ces inconnus qui se baladaient avec insouciance profiteraient de leur soirée dans l'anonymat, sans avoir à masquer leurs émotions par crainte qu'on en fasse une analyse dans un magazine. Pour une fois, Micah aurait aimé être lui-même en dehors des murs confinés de son domicile. Jo le rappela d'ailleurs à l'ordre. Etant donné le contexte, il était censé faire preuve d'une fierté ostentatoire. Revêtir son bonheur pour apparaître en public, sans afficher le moindre sentiment négatif, témoignage d'ingratitude. En sa présence, il s'autorisait facilement à flancher. « T'as raison, je devrais montrer plus d'enthousiasme que ça. Je le suis, franchement. » dit-il, même si une partie de ses aveux sonnait faux. Il y avait bien quelque chose qui le chagrinait, et il préférait extraire ce sentiment de sa poitrine avant de devoir sourire aux caméras jusqu'à s'en décrocher la mâchoire. « C'est juste que... » entama-t-il, s'arrêtant en cours de route comme si les mots flottaient dans l'air et qu'il devait les attraper. « C'était son rêve aussi. Et il pourra même pas en profiter. » Il y avait bien des moments où son père était lucide, mais Micah n'était pas assez présent pour assister à ces phénomènes exceptionnels. On lui racontait plus tard comme le récit d'un voyage mémorable à l'autre bout du monde. La décharge de Jo sur son bras éveilla néanmoins le triomphe qui dormait sous ses regrets. « Y'a quand même une sacrée concurrence. Mais ça a créé tout un émoi à l'agence autour de moi, je dois avouer que c'est pas désagréable. » Micah adorait toujours qu'on parle de lui, surtout lorsque cela faisait de l'ombre aux autres. Il se faisait rarement des amis dans le milieu, chaque individu représentant un concurrent potentiel. Il avait cependant appris que certains savaient se réjouir du succès des autres comme s'il était le leur. Cette fierté naïve que son père ne lui avait jamais inculquée était ce qui se rapprochait le plus de soutien familial. Sa rédemption était peut-être là. Dans cette ouverture d'esprit. « Où en est ton album ? J'imagine que le label te fout la pression maintenant pour profiter de la dynamique des Grammys. » demanda-t-il finalement pour ne pas tirer toute la couverture sur lui. Jo aurait suffisamment d'occasions de l'encenser ce soir.

Il rit de bon cœur lorsqu'elle se défendit avec une mauvaise foi à peine déguisée. En vérité, en plus de souffler le chaud et le froid, Jo avait en commun avec Lena de ne pas l'avoir choisi lui. « Bien-sûr que non, tu es à peine impulsive. » rétorqua-t-il avec autant d'ironie. Elle changea de ton au moment de laver l'honneur de Midas. Ce que Micah trouvait drôle, c'était qu'ils n'avaient même pas eu besoin de prononcer son prénom pour qu'il se mette à infester la conversation. « Je le déteste pas. J'ai mes réserves, c'est tout. » avait-il rétabli sans y croire tout à fait. La haine était un sentiment bien trop fort pour qualifier leur relation inexistante. Tout au plus il le méprisait avec indifférence. « Depuis le temps, j'ai appris à me méfier des gens qui ont une image irréprochable. C'est souvent des tyrans dans le travail et dans la vie. » Cette quête d'un vice caché, Micah en avait fait une affaire personnelle. L'influence pernicieuse de Midas, qu'il distillait comme un poison, montrait déjà ses premiers effets. Il n'avait pas envie de lui faire la joie de renoncer à une amitié qui lui tenait à cœur juste pour ménager sa jalousie évidente. S'il devait être tout à fait honnête, Micah n'était pas non plus épargné par quelques élans possessifs. « Et j'ai pas envie qu'il se serve de tout ça pour nous éloigner l'un de l'autre. » Jo était la victime d'une véritable croisade. Dans un scénario comme dans l'autre, l'un des deux hommes devrait céder du terrain. « Moi ça me dérange pas. Faudra t'y habituer Jo, 80 % des questions en interviews sont sur ta vie perso, et t'es pas à l'abri des remarques sexistes non plus. Faut apprendre à naviguer, et je doute pas de ta répartie pour en faire une technique de com. » Micah ne faisait partie d'aucune minorité discriminée pour vouloir chambouler le statu quo. A ses yeux, il suffisait de composer avec ce qu'on leur offrait, parce que c'était ce qu'on lui avait appris à faire. A quoi bon vouloir réinventer la roue d'une industrie qui fonctionnait ? « Toi t'as Midas pour faire diversion, moi je passe pour le pauvre mec abandonné sur le côté de la route. Pourquoi tu crois que je préfère avoir une réputation de coureur de jupons ? C'est quand même plus flatteur pour mon image que la réalité. » admit-il enfin en roulant des yeux. Le rôle de rebound n'était pas franchement valorisant pour sa réputation. « C'est chiant pour toi, mais laisse-moi au moins cette gloire. »

the lucky ones
@Micah Tomlinson ☆ crédit/ssoveia

Elle oubliait parfois que ce qui la faisait tant tenir à Micah, c’était aussi le soulagement d’être entièrement comprise quand elle parlait de la maladie de sa grand-mère, le père de Micah souffrant de la même, et s’invitant dans la conversation sans qu’il ne se sente obligé de le nommer vraiment. Jo avait saisi qu’il parlait de lui "Je sais. Mais tu veux connaître ma théorie ?" Celle avec laquelle elle se berçait lorsqu’il s’agissait de rendre moins insupportable la menace perpétuelle qu’était la maladie de sa grand-mère, et qui soulageait au moins son coeur durant les instants où elle ne se souvenait plus de sa petite-fille "C’est que si on faisait pas au moins un peu les choses pour les rendre fiers, on en serait pas où on en est aujourd’hui. C’est pas important qu’ils se rendent pas compte de ce qu’on a accompli, ce qui l’est c’est de pouvoir compter sur les promesses qu’on leur a faites, et qu’on les fasse vivre à leur place en les tenant sans jamais lâcher." Elle affirma ses paroles d’un mouvement de tête déterminé, ses sourcils bien dessinés se fronçant doucement quand elle ajouta, ses doigts se serrant plus fort, mais plus tendrement aussi, le bras de Micah "Il sentira ta réussite. Il a pas besoin de sa mémoire pour ça." Son coeur allait bien, c’était à ça qu’il fallait se raccrocher pour rationaliser l’idée que dans tous les cas, il serait fier de lui autant que Jo l’était à ce moment-là. Elle laissa son regard sonder le sien pendant une poignée de secondes seulement avant de lui lâcher le bras et de reprendre sur le ton malicieux qui était le sien quand elle parlait victoires et trophées "Mais c’est excitant d’avoir de la bonne concurrence. C’est moins drôle d’avoir des minables en face de nous, quand t’es en compétition avec quelqu’un à ta hauteur, ça rend le moment plus intense et la victoire meilleure." Elle savait de quoi elle parlait, même si les deux conjonctures où elle s’était retrouvée face à un adversaire à sa taille avait été trafiquées, une fois contre elle, et l’autre elle ne voulait même pas en parler. Elle préféra ne pas s’y attarder d’ailleurs, profitant de la curiosité de Micah pour remiser ses pensées à ce sujet aussi loin que possible, la mélancolie, mais la culpabilité aussi, ayant tendance à la ronger quand elle songeait à la vérité hideuse derrière son succès de ces derniers mois "Presque terminé, il l’était déjà à moitié quand nos nominations ont été annoncées." Elle eut un sourire sincère, preuve de la fierté qu’elle ressentait d’avoir eu assez de marge pour imposer sa vision des choses tout en composant avec celle de son label. Elle annonça à Micah "La date de sortie de mon premier titre a été avancé. Pour le reste, c’est toujours en pourparler, mais y a des chances pour que ça sorte en début d’année." Et l’excitation était évidente chez Jo, autant que son envie profonde de démontrer qu’elle n’avait pas volé sa victoire, et qu’elle méritait absolument tout ce qui lui arrivait.

"J’essaye de m’améliorer, tu devrais essayer." rétorqua-t-elle à Micah quand il se moqua de la mauvaise foi volontaire dont elle avait usé pour se défendre de le mener par le bout du nez. L’ombre de Midas planait au-dessus d’eux sans que ça ne dérange Jo au contraire de Micah qui prenait un malin plaisir à le dépeindre comme quelqu’un de dangereux. Un tyran selon ses dires, ce qui poussa Jo à laisser un rire cristallin lui échapper, ses mains se tendant devant elle pour retenir l’énorme connerie que son ami de toujours été en train d’avancer "Est-ce que tu l’as déjà rencontré ne serait-ce qu’une fois ? Si c’était le cas, tu te rendrais compte tout seul que ce que t’es en train de dire est d’un ridicule. Midas, un tyran ?" Têtu sans qu’elle ne juge ça comme un défaut, l’étant beaucoup trop pour ne pas attendre que son partenaire lui rende la pareille, soupe au lait quand il l’avait décidé, vindicatif selon les limites de la tendresse qu’il éprouvait à son égard, protecteur sans l’ombre d’un doute, acquis à sa cause autant qu’elle l’était, mais un tyran ? La bouche entrouverte du rire qu’elle ne réussissait pas à contenir, elle tourna la tête dans la direction de Micah pour affronter ses yeux et vérifier s'il était sérieux. Et il l’était ce petit enfoiré, ça lui coupa brusquement l’envie de rire, aussi son expression redevint sérieuse et ses yeux aussi noirs que la couleur de ses longs cheveux alors qu’elle ajoutait "Tu sais, ça tient qu’à toi d’avoir une image irréprochable, Micah. Projette pas ta frustration sur lui parce que tout ce que t’as jamais réussi à faire, c’est récolter la merde que tu remues quand t’as décidé que c’est has-been d’être un mec bien." Elle commençait à s’agacer, c’était à parier qu’elle finirait par le faire, le nom de Midas n’ayant même pas besoin d’être prononcé pour qu’elle veuille à tout prix le préserver "Se tenir éloigné du scandale, c’est pas gage de vices cachés." De secrets en revanche, ça l’était, sauf qu’elle ne lui offrirait jamais la satisfaction d’avoir au moins un peu raison en lui avouant que Midas restait sous le radar pas parce qu’il n’était pas l’homme bien que tout le monde savait qu'il était, elle en premier, mais parce que c’était plus simple pour lui de maîtriser les secrets qu’il dissimulait pour protéger sa famille et sa carrière. Elle secoua la tête, ses yeux se plissant à la suite des mots de Micah qu’elle lui renvoya à la figure sans aucune hésitation "C’est pas ce qu’il fait. A t’entendre t’es en train de dire qu’il m’interdit d’être ton amie. C’est faux, arrête ta parano." Il lui avait fallu du temps pour comprendre que Midas ne regrettait pas qu’elle soit amie avec Micah, mais que l’ambiguïté de la manière dont ils communiquaient laissait planer un doute sur ce qu’ils étaient depuis plusieurs années, et que c’était injuste pour lui qui dans le même temps puisqu’il n’attendait qu’une chose, et c’était de pouvoir revendiquer sa place à ses côtés "Faut que t’acceptes que les choses seront plus comme avant. C’est avec lui que je suis." Avec lui, l’emphase avait été faite sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte "Ça fait peut-être pas sens pour toi que je m’efforce à faire les choses proprement, mais dans ce cas-là, c’est à toi de te remettre en question. Après tout, t’as jamais réussi à garder une meuf, non ?" Ses yeux se plantèrent dans les siens sans qu’aucune intention de rompre le contact visuel ne vienne ne serait-ce que la faire battre des cils. Stoïque, Jo resta de son côté de la banquette tout en libérant son aura colérique droit sur Micah "Moi ça me dérange." fit-elle simplement quand il se lança dans un discours où le mansplaining suintait de chacun de ses mots, à croire qu’il choisissait d’ignorer qu’elle savait déjà comme tout ça fonctionnait. Ses mâchoires se serrèrent tandis qu’elle trouvait ce qu’il lui disait on ne peut plus pathétique, autant sur le fond que sur la forme "Je te croyais tellement plus ambitieux que ça, putain." Elle sentait la voiture ralentir, puis finalement s’arrêter, mais elle, elle continua en le regardant toujours sans ciller, ses lèvres se retroussant juste assez pour libérer un sourire sardonique "C’est sur ça que tu veux baser ta réputation dans les médias ? Sur l’idée de rester la troisième roue du carrosse parce que t’as la trouille de t’engager alors que si tu faisais un peu d’effort pour adapter ta façon de penser, tu pourrais te trouver une fille bien avec qui finir ta vie ?" Quelqu’un n’allait pas tarder à leur ouvrir la portière, et Jo sortirait en premier, mais pas avant de lui faire une mise en garde qu’elle prononça sans aucune ironie, le ton aussi ferme que l’était sa détermination à bien se faire comprendre. Brusquement, elle attrapa son menton entre ses doigts pour qu’il ne soit pas tenté de détourner la tête du regard sans équivoque dont elle l’allouait, le bout de ses ongles s’enfonçant dans le creux de ses mâchoires affutées "Te sers pas de nous pour faire parler de toi, parce que je te jure que tu le regretteras."

Pour une fois, Micah aurait aimé ne pas être rattrapé par la réalité. Celle qui, petit à petit, l'avait arraché à la mémoire de son père. Combien de temps allait-il devoir composer avec elle, y compris dans les moments supposés être heureux ? Etait-il condamné à se souvenir pour deux que cette joie autrefois partagée n'appartenait désormais plus qu'à lui ? A l'évidence leur expérience commune faisait de Jo une interlocutrice privilégiée lors de ces épisodes de mélancolie fugace. Par respect, ou simplement par orgueil, Micah s'efforçait de soutenir son regard. Il se débattait toujours à l'idée d'avoir l'air faible et vulnérable alors qu'il n'avait jamais joué de rôle avec Jo. Cet homme à la fois arrogant et complexé, elle l'avait rencontré au bout de quelques heures seulement, avant même que la perspective de se revoir ne puisse affecter ses manières. C'était d'ailleurs toute la contradiction de son visage à ce moment précis : un sourire timide et attendri censé détourner de ses yeux accablés. « Merci Jo. » avait-il dit alors que ses lèvres s'étiraient en un sourire plus affirmé. « C'est tellement important d'avoir des gens qui nous comprennent, et tu sais à quel point ça compte pour moi que tu fasses partie de ces gens. » Les autres rares personnes capables de compatir, Micah les rencontrait à la Fondation, mais n'avait encore pu se résoudre à en faire des amis. Jo était tout ça à la fois. « Certaines personnes me traitent d'opportuniste. T'imagines le degré de cynisme. Je me serais bien passé d'avoir un père malade pour faire parler de moi. » renchérit-il en haussant les sourcils. Ce n'était ni la première ni la dernière fois qu'on lui prêterait des intentions, mais contrairement au reste, ce qui concernait de près ou de loin la maladie de son père avait le don de l'atteindre. Comme lui, Jo n'aimait pas trop s'appesantir sur les sujets douloureux, du moins pas dans un contexte où ils n'étaient pas censés s'inviter. Cette soirée appartenait à ses succès. « Quand j'aurai plus personne à dépasser, c'est que je serai arrivé à la fin de la partie. J'ai au moins toujours cette ambition d'être meilleur que les autres. » Même si l'ambition de faire la fierté de son père n'était plus qu'une fiction, Micah pouvait toujours se reposer sur son esprit de compétition. Et l'avenir de Jo, dans l'immédiat, se montrait suffisamment radieux pour ne pas l'exposer au pessimisme des autres. « Tout va aller tellement vite. Les Grammys, l'album, la promo. Une tournée dans l'année peut-être. C'est la vie que tu mérites. » conclut-il, alors que son sourire se figeait définitivement pour éclipser ses peines.

Le rire de Jo n'avait quant à lui plus rien de complice. C'était un rire jaune de ceux qu'on exagérait pour souligner l'absurdité des autres. Micah demeura incroyablement impassible. « Non je l'ai pas rencontré. C'est à se demander si c'est pas intentionnel. » supposa-t-il, conscient que le monde du show business était bien trop petit pour que le hasard ne soit jamais en leur faveur. Du moins pas en la faveur d'une rencontre inopinée. Micah ne s'en portait pas plus mal, mais il discernait presque un aveu dans les efforts qu'ils déployaient pour ne jamais se croiser. Celui que Jo, elle, s'obstinait à nier. « Personne est parfait Jo, surtout pas moi. T'as l'air amoureuse, tant mieux pour toi, mais ça te rend totalement partiale dans cette histoire. J'espère juste que tu sauras écouter tes amis si toi t'es pas capable de voir les red flags. » C'était bien le problème. Jo était trop fière pour admettre un jour qu'elle avait eu tort, et que les autres avaient raison. Elle s'enfermerait dans cette relation à corps et à cri plutôt que d'accepter une main tendue. Piquée à vif, elle céda à la tentation facile de critiquer des habitudes qui ne l'avaient jamais dérangées jusque là. Micah n'insinuait rien, il n'avait pas peur d'affirmer que Midas voyait d'un œil noir leur amitié. Il restait un homme. « Sois pas naïve Jo, personne croit à l'amitié entre hommes et femmes, et pas même saint Midas. Peut-être qu'il a confiance en toi, mais clairement pas en moi. J'y crois pas une seule seconde à ton histoire. » Ce qui l'agaçait le plus, c'était cette façon qu'elle avait de le dépeindre sans la moindre intention mauvaise. S'il était si parfait qu'elle le décrivait, il devait être profondément ennuyeux. Peut-être que Micah avait tendu le baton en évoquant sa propre vie sentimentale, mais il ne s'était pas attendu à ce que Jo en fasse toute une théorie sur son manque d'amour propre. « C'est vraiment bas. Ça y est, t'es une meuf en couple alors tu vas me donner des leçons de vie ? » demanda-t-il en secouant la tête, dégouté de constater que Jo était finalement comme toutes ces autres personnes qui fusionnaient lorsqu'elles étaient en couple. Elle n'était plus que la moitié d'elle-même. « C'est ça que tu veux ? Que je trouve une fille bien pour qu'on fasse des double dates en critiquant notre pauvre vie d'avant ? » Il y avait certainement un peu de mauvaise foi dans le mépris avec lequel Micah décrivait cette perspective. Lui-même avait confié plusieurs fois à Jo en avoir marre d'être le mec avec qui on couchait plutôt que celui avec lequel on se mariait. Et il était même pas sûr d'en vouloir, d'un foutu mariage. Le van s'immobilisa. Dans quelques minutes, cette conversation serait derrière eux, et ils s'appliqueraient à sourire aux objectifs comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Jo attrapa son menton, menaçante. Il la reconnaissait dans ce geste, pourtant il n'avait jamais imaginé en être la victime un jour. Alors que la portière s'ouvrait, il chassa sa main d'un revers de la sienne. « J'en ai rien à foutre de vous. Y'a pas de vous à mes yeux, y'a que toi. »