Death before decaf, janvier 2024

Leur première rencontre avait été bien particulière. Dans cette sobre salle, réunissant des gens comme eux, qui tentent de se libérer de leurs démons par la parole. Lucas n’avait pas fait attention à lui, les premières fois. Toujours assis au fond de la salle, une casquette vissée sur son crâne et des lunettes posées sur son nez. Après tout, les réunions promettaient l’anonymat mais lui devait faire encore plus attention encore. Ce n’est que lorsqu’il avait appris par Mabel qu’elle entretenait une relation avec un certain Aiden que l’ancien pompier avait commencé à raccrocher les wagons. Le doute avait subsisté néanmoins pendant quelques réunions. Son amie n’avait pas mentionné que son petit-ami connaissait le même sort que lui - il ne pouvait l’en blâmer - et lui qui ne suivait guère la presse people ne pouvait pas assurer pour sûr qu’il s’agissait bien du même Aiden qui se rendait aux mêmes réunions que lui. Il avait hésité un long moment avant de lui adresser la parole ; le cadre y était si peu propice et il ne voulait pas que l’acteur pense qu’il était un mec qui saute sur l’occasion de reconnaître une personnalité publique pour demander un selfie. Mais il avait osé, un soir, alors qu’ils n'étaient plus que quelqu’uns dans la salle. Alors qu’Aiden se servait un café, il l’avait approché, discrètement. Il avait engagé la conversation l’air de rien, tentant de montrer patte blanche, face à la méfiance bien justifiée du jeune homme. Lucas s'était présenté sobrement, sa proximité de Mabel l’aidant à éliminer les doutes qu’aurait pu avoir Aiden sur ses intentions. Visiblement, il savait que l’actrice était proche d’un de ses amis d’enfance, qui portait le même nom et prénom que lui. L’identité de Lucas Allen n’ayant jamais été mentionnée dans les tabloïds, il apparaissait difficilement cohérent qu’un simple fan de la blonde ait pu remonter jusqu’ici, simplement pour parler à l’acteur. Ainsi, au fur et à mesure des réunions, le Turner et le Allen avaient pris pour habitude de se retrouver, autour d’un verre de jus d’orange, puis au café du coin, une fois celle-ci terminée. L’heure tardive et le quartier assez peu fréquenté rendaient leur petit débrief post-réunion tranquille, à l’abri des regards et des oreilles indiscrets. Ils partageaient leurs craintes et leurs difficultés dans le long chemin de la sobriété, pendant de longs moments. Ils n’étaient pas les plus bavards lors des prises de paroles et se retrouver ainsi, en comité bien plus réduits, formant une sorte d’anti-club, leur convenant bien davantage. Si Lucas appréciant grandement leurs échanges, il ressentait néanmoins un malaise grandir et prendre de plus en plus de place dans son coeur au fil des semaines. Il ressentait énormément d’empathie pour Aiden, il avait appris à le connaître au fur et à mesure des semaines, nouant un lien difficilement compréhensible pour d’autres. Mais il se sentait petit à petit, malgré lui, pris en otage. Lucas ne dévoilerait jamais la teneur de ses échanges avec l’acteur, bien sûr. Pour autant, il lui était extrêmement difficile de ne rien confier à Mabel, qui ne savait rien. Il avait l’impression de trahir une de ses plus vieilles amies en gardant pour lui une information si importante sur l’homme qui partageait sa vie. Et en même temps, elle qui avait si longtemps souffert de sa relation avec son ex-mari, ne méritait-elle pas un peu de bonheur et de tranquillité d’esprit ? Seul Aiden pouvait lui raconter ce qu’il traversait, seul Aiden pouvait être honnête avec Mabel, comme lui l'avait été avec elle, plusieurs mois en arrière. « T’en veux une ? » Lucas propose une cigarette à son comparse, qui vient de s’asseoir en face de lui, sur la terrasse du café où ils ont pris l’habitude de se retrouver après leurs réunions. L'ancien pompier allume la sienne, tandis qu’un serveur vient prendre leurs commandes. Une fois bien installés, il brise le silence. « Ça fait deux-trois réunions que je t’ai pas vu. », constate-t-il sur un ton qui se veut détaché, pour ne pas trahir son inquiétude. « T’as été trop pris par le boulot ? », demande-t-il. Il espère sincèrement que c’est son travail qui l'a tenu à distance de ces réunions, bien trop importantes dans leur sevrage. Lucas n'était en aucun cas responsable d'Aiden - il serait bien mal placé pour lui faire une leçon de morale sur l’assiduité. Mais étant son aîné de huit ans, le brun avait bien du mal à s’empêcher de veiller sur lui d’une certaine façon. Et son mensonge par omission à Mabel n’arrangeait pas les choses, loin de là.

@Aiden Turner

@Lucas Allen & Aiden Turner ⊹ If I get too close and I'm not how you hoped Forgive my northern attitude, oh, I was raised out in the cold. If the sun don't rise 'til the summertime Forgive my northern attitude, oh, I was raised on little light

C'était dur. De plus en plus d'ailleurs. Au levé du jour il y avait une fraction de seconde pendant laquelle le corps désarticulé du Turner ne pouvait se résoudre à se hisser hors du lit pour faire acte de présence dans la vie normale des gens normaux. Alors il restait là, la gueule dans l'oreiller, à compter les secondes le séparant du moment de torture où il n'aurait pas d'autres choix que de soulever son propre poids pour enfiler son costume d'être humain pour s'en aller faire des choses d'être humain. Le tournage du film Butcher avait pris fin il y a quelques semaines, laissant place au tour des plateaux de télévisions et aux interviews qu'il n'avait pas le choix que d'accepter, un beau sourire sur les lèvres. Aujourd'hui il avait le choix de ne pas faire ça, de rester la gueule dans l'oreiller à compter les secondes jusqu'à la tombée de la nuit, oubliant - l'espace d'une journée - les responsabilités et les demandes. La drogue lui manquait. Du moins, l'effet de la drogue sur son cerveau lui manquait. Et cet effet ne pouvait être remplacé que par la présence de Mabel, de Rosie, de Maisie, des trois ensembles ou séparément. Mais leurs mondes à elles ne pouvaient pas uniquement tourner autour de lui, qu'il le veuille ou non Aiden devait affronter des moments de solitude où l'envie de s'enfiler une boîte de benzo était plus forte que celle de rester sobre pour s'offrir une meilleure vie. Oh il tentait bien de se rendre aux réunions pour ne pas se sentir aussi seul, mais rien que l'idée de devoir tendre l'oreille pour écouter les lamentations d'autres personnes lui donnait des envies de sauter du trentième étage. Dans la longue listes des promesses qu'il s'était faites à lui-même pour entrer convenablement dans sa healthy era, Aiden avait placé tout en haut de la page d'être une meilleure personne et non plus un petit con de menteur dissimulant ses erreurs sous le tapis de son sourire et de ses bonnes intentions. Pourtant il n'avait toujours rien dit à Mabel. Elle partageait sa vie depuis plus d'un an maintenant et ignorait tout des démons intérieurs de son petit ami, de son passé de gobeur de pilules, des frasques que son agent avaient dissimulés à la presse en contre partie d'une bourse plus légère. Et l'acteur se refusait encore de lui avouer, laissant la peau le dévorer, tiraillant ses entrailles, mangeant les promesses.

Ce fût au prix d'un effort titanesque qu'il avait trouvé le chemin de la douche, laissant l'eau chaude brûler son corps pendant une bonne heure, incapable de sortir de la fumée dissimulant entre autre la marque de ses ongles dans la chaire de ses paumes. Si il ne pouvait pas assister à une réunion aujourd'hui il pouvait au moins se rendre devant la salle, faisant les cents pas avant de prendre la décision de rebrousser chemin pour retourner se foutre la tête dans l'oreiller en attendant que quelqu'un vienne le délivrer de tout ça. Aiden se victimisait, patientant au lieu d'agir, préférant être sauvé plutôt que de se sauver lui-même. Les mains tremblantes devant la porte d'entrée, une cigarette éteinte aux coins des lèvres, Aiden avait pesé le pour et le contre de cette réunion en faisant les cents pas, dévisageant tous les témoins de la scène qui osaient se retourner pour le regarder. La casquette et les lunettes servaient, un peu, dissimulant son visage aux regards indiscrets, mais au bout d'un moment le masque finirait par tomber, le couperet aussi, et tout le monde mettra la main sur la petite histoire macabre qu'il tentait de cacher. Le mégot écrasé sur le trottoir il avait pris la décision d'entrer pour faire face aux autres, persuadé qu'il prenait la meilleure décision, pour le moment du moins.

« T’en veux une ? » Il vient à peine de tirer la chaise pour prendre place mais se penche pour attraper la cigarette des mains de Lucas, le même Lucas qui avait causé tant de questions dans son cerveau, l'inconnu au chien qui avait fait remonter les incertitudes de l'acteur quand à la solidité de son couple. « Tu sais comment me parler toi. » Maintenant Lucas n'était plus l'inconnu au chien, mais la présence rassurante au milieu de la foule de drogués qui prenaient place tous les mardis soir dans une salle lugubre à boire du café dégueulasse. Le serveur prend leur commande avant de disparaître, le regard un peu hésitant devant Aiden dont la casquette couvre encore le visage alors qu'il ne fait pas tant de soleil que ça. « Ça fait deux-trois réunions que je t’ai pas vu. » La cibiche entre les lèvres, expirant la fumée salvatrice d'une drogue comme une autre, Aiden avait haussé un petit sourire sur ses lèvres. Lucas prenait son rôle à coeur, prouvant que les pompiers avaient définitivement la volonté de tout faire pour les autres. « T’as été trop pris par le boulot ? » Si seulement il pouvait mettre tout ça sur le dos de son emploi du temps chargé, profitant de l'occasion pour dissimuler les véritables raisons de son absence prolongée, mais Lucas avait toute sa tête et assez de bagage pour reconnaître un mensonge d'une vérité. « Tu me flic maintenant ? » L'arrogance avait repris le dessus sur la bienveillance, et si il continuait à la distiller à ses amis, Aiden finirait par tous les perdre et se perdre lui aussi. « Désolé… » Le regard sur les mains il avait remercié d'un mouvement de la tête le serveur qui déposait les boissons sur le table en trainant longuement son regard vers le Turner avant de faire demi tour. « Ces derniers temps j'ai eu du mal à trouver la force de venir jusqu'ici. » Alors il avait laissé passer deux ou trois réunions, quatre peut-être, sans se rendre compte que le Allen se poserait des questions, lui l'inéducable présence qui ne manquait pas un seul rendez-vous. « Le boulot ça va, on fait plus de presse en ce moment que de tournage, c'est simplement moi qui ai du mal en ce moment… avec pas mal de choses… » En finissant sa phrase par un moment d'attente Aiden prenait le risque de recevoir des questions quand à sa relation avec la blonde, quand à la vérité qu'il avait choisi de lui cacher mais Lucas ne pourrait taire trop longtemps, ami ou non.

just roll with the waves

But all of that is just a dream, shattered now, and everything's changed with one car and one night, It's driving through the prime of your life.  

Lucas n’a pas besoin de proposer deux fois - Aiden se saisit de la cigarette qu’il lui propose, sans broncher, ce qui arrache un petit sourire au pompier. Rapidement, des volutes de fumée les entourent, comme pour les protéger du monde extérieur et leur donner un environnement propice aux confidences. Le trentenaire prend les devants, abordant tout de suite un sujet qui peut fâcher, il le sait. Il est certainement le seul à avoir remarquer l’absence d’Aiden aux dernières réunions. Il craint que celle-ci ne soit pas bon signe, mais il préfère ne pas faire de suppositions qui l’inquiéteraient davantage et préfère directement poser la question, l’air de rien. Mais la réponse de l’acteur a l’effet inverse. De toute évidence, quelque chose le tend, et le brin d’agressivité qu’il ressent dans sa voix n’augure rien de bon. Pour autant, Lucas préfère répondre avec une pointe d’ironie, ne préférant pas rentrer dans ce jeu qui pourrait couper court à leur petite réunion à eux. « Non, moi, mon truc, c’était plutôt les entrepôts en feu, tu vois… », dit-il, en tirant sur sa cigarette, feignant un air détaché. Il aurait aimé l’être réellement, mais il n’en serait pas là où il en est, si c’était le cas. Comme Aiden, il se bat depuis plusieurs mois maintenant contre des démons qui ont commencé à l’habiter après le jour où il a pris trop de risque dans ce foutu entrepôt, trop grisé par l’adrénaline et la volonté de ne laisser personne derrière lui. Il accepte les excuses du Turner sans problème, pas rancunier pour un sou, sachant très bien les raisons qui ont pu l’amener à réagir comme il l’a fait quelques instants auparavant. « T’inquiète, ça arrive. », le pardonne-t-il, avec un léger sourire. Il tient à ce qu’Aiden comprenne que lors de leurs échanges, il ne serait pas jugé. Le climat de confiance qu’ils avaient instauré au fil du temps lui était bien trop précieux. Le bruit des verres posés sur la table où ils se sont installés brise le silence qui s’était installé l’espace d’un instant et le serveur repart aussi vite qu’il était arrivé. Lucas porte son café à ses lèvres, attendant patiemment que son comparse se décide à parler, ce qu’il fait finalement. À ses premiers mots, le pompier ne peut que ressentir de la compassion et de l’empathie. Lui-même, il connaissait encore trop souvent ces journées où la simple idée de mettre le nez dehors lui parait insupportable. « Je comprends. Y a des jours où j'arrive pas à me lever de mon lit. Si j’avais pas Jazz… », confie-t-il, en soufflant la fumée de sa cigarette dans l’air. Il ne dit rien de plus, laissant la place à Aiden de s’exprimer davantage. Sa phrase se termine en suspension. Lucas allait devoir l’aider. « J’avoue que ça fait un moment que j’ai pas vu Mabel, donc je me suis douté que vous aviez pas mal de taff. », commence-t-il par dire, comme une banalité pour encourager le jeune homme à en dire plus. Mais il sent bien que quelque chose ne va pas. Peut-être que si le pompier se confiait en premier, cela l’engagerait à lui confier quelque chose en retour. « Bon. Je te propose quelque chose. Je te dis un truc puis tu dis un truc. », propose-t-il, sans détour. C’est loin d’être un exercice facile pour lui mais il se sent capable d’ouvrir le bal. « Je me suis tapé une grosse crise de manque la semaine dernière. Genre, vraiment l’une des pires que j’ai pu vivre. », raconte Lucas. Le simple souvenir de cette nuit d’horreur, avec Olive à son chevet, lui donner des frissons. Il commence à mordiller le bout de son pouce, tic nerveux qu’il a depuis toujours. « Et j’ai appelé mon ex du lycée pour venir m’aider. J’étais vraiment une serpillère et elle est venue sans hésiter, en plein milieu de la nuit, alors qu’on s’était pas parlé depuis des mois. », continue-t-il, avec un rire un peu amer. « Et globalement, c’est un peu un comportement que j’ai avec elle, depuis qu’on se connaît. Je l’appelle à l’aide quand j’ai besoin, elle me sauve, puis on se zappe pendant quelques mois. », finit-il par avouer, un peu honteux. Sa clope a continue à se consumer pendant qu’il raconte son histoire, à tel point qu’il ne reste quasiment plus que le filtre entre ses doigts. Il soupire. « Ça me fait vraiment me sentir comme une merde. » Il n’attend pas spécialement de conseil de la part d’Aiden, ni de réconfort. Il a simplement eu le besoin d’exprimer cette culpabilité qu’il a du mal à sortir de sa tête, depuis qu’Olive est venue à son secours, encore une fois. Il a si peur de reproduire ses erreurs du passé, de la blesser à nouveau. De tout faire foirer, comme avec Greta. « À ton tour. », clôture-t-il, en écrasant son mégot dans le cendrier. « Dis-moi ce qui te tracasse. » Ce n’est pas tant un ordre mais plus une volonté de lui faire comprendre qu'il est disposé à l’écouter et qu’il ne bougera pas de sa chaise, tant que l’acteur n’aura pas parlé.

@Aiden Turner

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