Y’a quelques jours, je rentrais chez moi plus tôt que prévu et je suis tombé sur mon frère qui squattait mon appart’. Si ça s’arrêtait là ça irait encore. Mais non. Il était avec quelqu’un. Avec peu de fringues sur eux. On a pas eu le temps de discuter de ce qu’il s’est passé parce qu’il est parti avec son ami en quatrième vitesse. Oui. Ami. Sans e à la fin. Ca m’a pas mal surpris. Je ne pensais pas qu’il était intéressé par les mecs. C’est vrai qu’il a déjà fait des allusions mais je pensais que c’était pour plaisanter. Dans tous les cas, ça ne me dérange pas. Juste, j’aurai aimé qu’il m’en parle. On est assez proche tous les deux. Même très proche. Enfin, pas autant que je le pensais visiblement vu qu’il ne m’a jamais parlé de ce côté là de sa vie. Ou pas clairement et j’ai manqué le wagon. Maintenant ce n’est plus un secret et j’ai envie d’en parler avec lui. Surtout envie de parler du fait qu’il a apparemment un jeu de mes clés pour en faire un lieu pour ses plans culs.

C’est pourquoi me voilà chez nos parents un soir de semaine, vers 19h. Je dis rapidement bonjour à ma mère. Mon père n’est pas encore rentré du travail. Je file dans la chambre de Austin. Je frappe un coup à la porte et j’ouvre.

« Je t’emmène bouffer dehors. »

Je lui laisse pas trop le choix. On s’est pas parlé depuis l’autre jour fatidique. Il n’allait pas penser que j’allais laisser glisser ça comme ça quand même. Je suis gentil mais faut pas abuser. On allait avoir une conversation tous les deux.

Après s’être mis d’accord dans la voiture sur le lieu de notre repas du soir, nous voilà installé dans le Kebab le plus proche de la maison. Généralement on prenait à emporter mais là on va rester sur place. Les quelques clients qui sont là restent devant le comptoir attendant d’être servi et partir avec leur bouffe. On est donc tous les deux tranquille. Notre commande est passé, nous voilà assis à une table, à attendre que nos plats arrivent.

« T’attends que j’en parle le premier c’est ça ? »

Parce qu’on a parlé sur le chemin, mais on a évité soigneusement le sujet important.

« Okay alors je vais commencer. D’où t’as un double de mes clés ? Et depuis quand tu utilises mon appart’ comme baisodrome ? »

Si je veux savoir ça ? Quelle question ! Je ne mets pas longtemps à lui répondre du tac o tac.

« Bien sûr que je veux savoir ! »

Je ne sais pas s’il parle des clés ou du baisodrome mais dans tous les cas je veux être mis au courant pour tout ces détails aujourd’hui même. Je ne le laisserai pas filer sans réponse. Ou du moins je vais essayer. Je peux toujours mettre la pression « j’en parle aux parents » si jamais il ne coopère pas. Mais je sens, j’espère que je n’aurai pas besoin d’aller jusque là. Il s’explique un petit peu par rapport à mon appart’ et tout ça. Il comptait donc pas me mettre au courant. Jamais. Quand je pense que j’ai pas soupçonné une seule fois que ce genre de truc pouvait avoir lieu dans mon appartement. Il sait bien cacher ses traces. Je roule les yeux pour toutes réponses. C’est pas vraiment ce que je voulais entendre. Austin reprend la parole et tente de mettre un terme à cette conversation en proposant de me rendre le double des clés.

« Ca va je te crois. »

J’ai pas envie de changer mes serrures. Ca coûte cher de faire ce genre de manip. Notre bouffe arrive déjà et je remercie le type qui nous a servit. Je ne touche pas tout de suite à mon repas. J’ai pas encore terminé avec Austin et discuter avec la bouche pleine, ça fait tout de suite moins crédible. Je soupire en le regardant.

« Tu peux garder le double des clés. Tant que tu continues de rien laisser trainer derrière toi. Je voudrais juste que tu m’achètes une paire ou deux de draps supplémentaires parce que… Je sais pas où tu fais ça mais si c’est dans mon lit, je veux que tu changes les draps derrière toi. »

Parce que c’est plus propre. Oui, je suis assez sympa avec mon frère. Si j’avais pu avoir une planque pareil à son âge j’aurai été bien triste de m’en défaire. Quand on habite encore chez nos parents c’est pas évident de trouver des endroits tranquille pour des parties de jambes en l’air.

Seulement maintenant je prends ma fourchette en plastique et je commence à piocher dans mon doner lamb kebab avec frites. J’attends un instant avant de reprendre la parole, cherchant surtout comment formuler ça de manière subtile.

« C’était ton boyfriend ? »

Je parle bien évidemment du mec avec qui je l’ai surpris la dernière fois.

Il s’attendait sûrement à ce que je lui passe un savon mais c’est pas vraiment mon rôle. Je suis pas son père. Je me mets juste à sa place. Il ne dit rien à propos de mes conditions, c’est qu’il doit être d’accord. Je prends ça comme ça. Il me remercie et je le vois sourire. On vient de sceller un accord silencieux, ou presque, tous les deux. Il a intérêt à laisser mon appart’ parfaitement clean.

On se met à manger et on pourrait croire que la conversation est terminée, mais non. Y’a encore un sujet qui me tracasse. Enfin, non ce n’est pas le mot, ça ne me dérange pas, juste j’aimerai des éclaircissements. Je ne savais pas qu’il était intéressé par les mecs et je me demande qui c’était ce mec avec lui. Alors je lui pose la question et visiblement il prend ça à la rigolade. Tant mieux. J’avais pas envie de le froisser ou quoi. On sait jamais. Peut être qu’il avait pas envie que ça se sache vu qu’il m’en a jamais parlé avant. Ce n’était donc pas son boyfriend. Je cherche quoi dire pour en savoir un peu plus sur la question. Je cherche mes mots et je mange en même temps parce que ça va finir par refroidir. Austin reprend la parole de lui même en s’expliquant. Il n’est donc pas gay. Okay. Il est juste ouvert on va dire. J’hoche la tête.

« Okay je vois. »

Je sais pas vraiment quoi dire de plus sur le sujet. J’ai compris qu’il couche avec des filles et des mecs. Je n’ai pas besoin qu’il me donne plus de détails, même si je ne serai pas dérangé. Il n’a jamais vraiment parlé de sa vie sexuelle et donc je ne pense pas que ça va commencer aujourd’hui. J’hausse les sourcils quand il me demande de ne pas en parler à nos parents.

« Okay. Je dirai rien. »

L’important c’est qu’il soit bien dans ses baskets et il a l’air de l’être. Il en parle assez facilement on dirait. Je ne le sens pas nerveux. Je mange quelques frites et je le regarde, assez sérieux.

« Juste… Avec des mecs ou avec des filles, faut penser à se protéger hein. »

Même si avec les mecs y’a pas beaucoup de chance qu’ils fassent un gosse par mégarde. Il reste quand même pas mal de maladies qui peuvent se choper. Et quelque chose me dit qu’il a peut être eu une brève conversation là dessus avec papa mais je préfère en remettre une couche parce qu’il a l’air bien actif sexuellement le petit. J’avais eu droit à la conversation gênante à l’époque et je me souviens avoir écouté que d’une oreille tellement j’étais mal à l’aise.

« Promis je t’embêterai pas plus avec ça. Mais c’est important. »

Je reprends de manger mon kebab en le regardant. Je me dis qu’à son âge j’aurai bien aimé avoir un grand frère. Heureusement j’avais des amis proche qui faisait office.

« Et si jamais t’as besoin de parler… Ou n’importe quoi. Tu sais que je suis là hein. »

J’aimerai bien qu’il se confie un peu plus à moi. Peut être qu’il le fera après cette nouvelle étape d’intimité entre nous deux. Après c’est vrai qu’il a peut être des amis qui l’aide à ce niveau. Mais ouais, j’aimerai bien en savoir un peu plus sur sa vie. Pas seulement par hasard.

Bien évidemment, il aime pas que j’aborde le sujet de la protection. C’est vrai je m’y prends peut être trop tard. Il a quand même 21 ans. Mais il ne m’a jamais parlé de ces trucs là ! Ca n’était jamais tombé sur le tapis. Alors je préfère prévenir que guérir. On sait jamais s’il pense que y’a pas besoin de ce genre de précaution avec les mecs. Il est pas con, je sais, mais je suis prévoyant. Au moins je sais qu’on l’aura mis en garde au moins une fois à ce propos. Il me rassure. Apparemment ça fait longtemps qu’il gère. Bon, c’est déjà ça.

Il m’avoue qu’il a eu en quelques sortes peur de m’en parler. Pensant que ça serait trop bizarre qu’il voit des mecs. Pourtant je ne suis pas fermé d’esprit. C’est vrai que je suis qu’un hétéro, mais je connais des gens de la communauté LGBT dans mon entourage et je les accepte comme tout le monde. Il ne le sait peut être pas. Je ne lui balance pas l’orientation sexuelles de mon entourage.

« Que tu sois avec des mecs ou des filles je m’en fou. Du moment que tu le vis bien. »

Je sais que pour certains c’est un problème. Je suis content de voir que c’est pas son cas. Enfin, apparemment, parce que je n’ai jamais décelé quelque chose chez lui. Je l’aurais senti s’il était pas bien non ? J’aime bien croire que oui. Mais c’est vrai qu’on ne vit plus sous le même toit depuis longtemps et que c’est donc moins évident de s’en rendre compte. C’est pas au travers d’un SMS et d’un statut facebook qu’on peut réaliser ce genre de chose. Je reste quand même persuadé que ma mère aurait pu remarquer et me demander de faire enquête de mon côté. C’est déjà arrivé ce genre de situation.

Le sujet change et je vais le laisser aller par là. J’ai pas envie de le saouler avec mes questions et mes inquiétudes visiblement non fondées.

« Les filles… On va dire, la fille déjà. Et ça a l’air d’aller bien oui. »

Je mange une frite et je reprends la parole après l’avoir avalé.

« Je t’avais parlé d’une fille avec qui j’allais en date souvent. Nina. C’est terminé avec elle… Elle m’a largué sans raison. J’ai toujours pas compris mais bon… »

Je soupire légèrement.

« C’est pas trop grave parce que j’ai repris contact avec Wendy entre temps et vu tous les SMS qu’on s’envoie depuis des semaines, je sens que c’est sur la bonne voie et… »

J’ai un sourire trop chou sur mes lèvres, je regarde mes frites l’air rêveur.

« Et du coup ça va. Ca va même très bien. »

J’en reviens pas que ma rupture soit arrivé pile au moment où j’ai renoué avec Wendy. Comme si le destin avait tout prévu pour que je sois libre d’être avec la blonde. D’être enfin avec une fille pour qui mon coeur bat très vite. Je ne parle pas de mon booty call avec Lene que j'ai eu y'a quelques jours. Ce n'était rien de sérieux, du coup je ne compte pas trop parler de toutes mes histoires avec les filles non plus à mon frère. S'il commence à le faire de son côté, peut être que je me confierai un peu plus aussi.

« Tu te souviens de Wendy ? Je l’ai rencontré à un festival y’a 8 ans. »

J’en avais parlé pas mal à l’époque. Je n’avais qu’elle à la bouche pendant des mois. Jusqu’à ce que ça s’essouffle entre nous. Les relations longues distances c’est pas le top, surtout quand on a pas été en couple du tout avant. Trop bancale.

Il se souvient bien évidemment de Wendy. C’était sûr. J’en suis quand même bien content. Après ça prouve que j’ai été sacrément lourd sur le sujet à l’époque. J’étais vraiment trop à fond. Je dois dire que j’en mène pas plus large aujourd’hui. J’ai l’impression d’avoir de nouveau 20 ans. Wendy était arrivé direct après une rupture la dernière fois aussi. A croire qu’elle est ma rebound girl. Je préfère penser qu’elle est mon âme soeur et qu’on fait que de se louper depuis tout ce temps, mais que cette fois c’est la bonne. Je le sens. Je l’espère.

J’hoche donc la tête pour lui confirmer que oui, c’est bien LA Wendy comme il dit. Le sourire sur mes lèvres se défait pas. Je suis beaucoup trop heureux de la compter dans mon entourage. On vit dans la même ville maintenant. Il aura fallut de longues années mais au moins, maintenant on peut réellement construire quelque chose.

Je roule un peu des yeux quand Austin suppose qu’elle a pu changer énormément depuis la dernière fois.

« Oui je l’ai vu. Et oui beaucoup de SMS. »

Il me connait le petit. Après tout on n’a juste repris notre relation où elle était à l’époque. Juste des messages. Faut dire qu’elle est pas mal occupé avec son boulot et sa mère. Du coup je prends ce qu’elle me donne pour l’instant. J’espère beaucoup plus de choses. On verra. J’essaie de ne pas trop me faire de film mais j’y arrive pas. J’ai trop d’espoirs là. Toutes les conditions sont réunis pour que tout se passe bien entre nous si on le veut réellement. Ok elle m’a fait un petit faux bond de sept mois, mais maintenant c’est réparé. J’ai jamais été aussi heureux d’envoyer un SMS. J’hésitais, mais pour le concert de Paramore je pouvais pas imaginer un tel show à Brisbane sans elle alors qu’elle était dans le coin.

« T’inquiètes pas tu seras rapidement informé si ça se concrétise elle et moi. »

Parce que je me connais, je vais n’avoir qu’elle à la bouche. Elle sera mon sujet de conversation exclusif pendant quelques semaines le temps que tout mon entourage soit au courant que j’ai trouvé l’amour de ma vie. Enfin. J’espère qu’il me dirait lui aussi s’il était en couple. J’hésite à lui poser la question mais à la place je vais continuer de manger mes frites. Mon plat étant bien entamé à présent.

« Bon et sinon ? J’ai pas été stalker tes playlist Spotify ces derniers temps… »

Oui c’est un truc que je fais. Je suis curieux de la musique que mon frère écoute. On parle souvent musique tous les deux. C’est un peu le coeur de la famille Williamson. Y’a peut être que notre mère qui n’est pas autant à fond que nous, mais elle aime nous entendre être passionné tous autant qu’on est, alors c’est cool.