Soirée chez Tee - Kai&Jor

Kai/Jor#2
(:: redcliffe :: logements)

C’est avec le plus grand plaisir que tu as enfin réussi à organiser une soirée avec Bea. Ta vie a été assez mouvementé en fin d’année dernière. Ca fait « seulement » quelques mois que tout va mieux dans ta tête, alors tu es ravi de pouvoir marquer ça d’une manière si symbolique que cette soirée avec Bea. Même si ça fait des mois que vous en aviez parlé, tu ne voulais pas juste mettre ça sous un tapis comme de la poussière et faire que tout le monde oubli ces envies de rencontre entre toi et Bea. Tu étais sincère dans tes propos quand tu avais proposé autour de la Pride, c’est juste que la vie n’a pas été simple. Tu as expliqué ça en grandes lignes à Bea car tu n’as pas honte de cette réalité. C’est ta vie. Surtout que ça va bien mieux à présent. C’est plus simple de l’expliquer qu’au milieu de la tempête. Birdie et toi faites des efforts considérables chacun de vos côtés pour ne plus que l’atmosphère redevienne hostile. La vie est belle en ce moment, tu en profites tant que c’est le cas, tu sais que l’humeur ça va et ça vient. Tu veux que ça dure le plus longtemps possible.

La soirée se passe chez Tee. Elle est le point centrale de toute cette soirée. Il y a aussi Cherry qui va se joindre à vous. Une amie très proche de Tee qui a fait le même chemin de transition qu’elle auparavant. Jeremy est également avec vous. Vous allez juste boire, grignoter et discuter. Tu te doutes que Bea risque d’être un peu plus porté sur Tee et tu as briefé ton amie également sur le sujet. Elle t’a dit qu’elle appréciait particulièrement faire des nouvelles rencontres maintenant. Ce qui est sous entendu par là c’est « des gens qui ne l’a connaissait pas sous son ancienne apparence ». Elle n’est cependant pas dérangé de parler de sa transition. C’est un sujet qui revient plutôt régulièrement vu les différentes hormones et changements que ça a demandé dans le quotidien de la femme transgenre. Tu es toujours très fier de Tee quand tu la vois sous ce visage là. Tu l’as connue depuis tellement longtemps. Elle était la première personne avec qui tu as eu des relations sexuelles quand tu étais un ado. Vous vous aimez profondément mais pas comme tu as aimé Rosa ou comme tu aimes Birdie. Tu sais pas pourquoi dans ta tête y’a plein de questionnements qui se font vis à vis de sa transition. Tu as toujours pensé que tu aimais les hommes pour leurs corps et les femmes pour leurs coeurs. Mais maintenant qu’il est évident que Tee a toujours été une femme au fond d’elle, est-ce que tu l’aimais comme tu as aimé les autres ? Tu ne sais pas. Dans tous les cas les choses étaient très claire entre vous et cela parce que Tee, à l’époque, refusait catégoriquement de se caser avec qui que ce soit. Tu sais très bien qu’elle faisait ça parce qu’elle ne se sentait pas mériter d’amour et il en était de même pour toi. C’est bien pour ça que ça avait si bien fonctionné tous les deux. Des moments tendre au milieu du chaos de vos vies.

Tu as donné l’adresse à Bea et tu es arrivé en avance de ton côté. Tu es déjà là quand c’est elle qui sonne à l’interphone. Tee lui ouvre depuis la maison. Elle est à Redcliffe, dans un grand appartement. Vous êtes installés dans le salon. Bea vient tout juste d’arriver. « Bienvenue… Pas chez moi. » Que tu dis avec humour. Une main est posée sur ta poitrine, qui est une technique qui fonctionne toujours très bien pour être poli à dire bonjour sans avoir à toucher la personne en face. « Chez elle. » Tu indiques Tee. « C’est Tee. » « Enchantée. » Qu’elle dit à l’adresse de Bea. « Et ça c’est Jeremy. Cherry va pas tarder à arriver. » « Bonsoir. » Qu’il répond tout poliment. « Tu veux boire quelque chose ? J’ai mis quelques bouteilles sur la table. » Qu’il dit en indiquant la dite table un peu plus loin avec boissons et amuse bouche. Jeremy est comme chez lui chez Tee. Toi aussi en réalité, vous passez pas mal de temps ici et vous êtes proches comme les doigts de la main tous les trois.

@Kai Luz

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Je souris béatement à mon portrait, mon esprit divague. Il est si loin, à des années lumière de la réalité - de celle que je m'autorise publiquement à vivre -, plongé dans les abysses de mes idylles, de mes utopies, de mes rêves les plus fous. Je cligne des yeux ; la bulle éclate ; le songe vacille. Je ne pense pas à Kai, je ne pense pas à quel point je me juge coupable d'agir - d'être - comme je le suis : je me l'interdis. Plutôt, je m'imagine une énième fois cette soirée à laquelle Jordan m'a invité, entouré de ses amis queers, comme si ce qualificatif était indispensable pour que je me sente heureux - heureuse. Je repousse l'appréhension et le stress, je rejette les scenarii gauches et malaisants, pour n'esquisser que les plus belles éventualités, telle une prière à la destinée pour que cette rencontre se déroule sous les meilleurs hospices. Je pouffe doucement, mordille mon index de mes dents blanches, tâche mon épiderme du rouge carmin avec lequel j'ai dessiné élégamment mes lèvres. Aujourd'hui, Bea n'est pas exubérante, elle n'est pas tape à l'œil. Elle est la femme que l'on pourrait croiser et qui se rend simplement en soirée, qui s'est apprêtée sans pour autant mettre le feu sur les planches. Il n'y a pas de paillette ni de stress, que du mat - de la beauté mate. J'aime la - me - penser élégante, raffinée et étonnement, brésilienne. Je me penche vers le miroir, toise mon regard en amande. Je me souviens si clairement de mes premiers coups de pinceaux et de ce cuisant et amer sentiment de déception que je ressentais en me désolant que je n'étais pas aussi jolie que je l'espérais. A l'époque, j'avais imaginé qu'il ne me suffisait que de m'autoriser à me maquiller pour enfin être celle que je recherchais, celle que je voulais démontrer. Mais c'était comme avoir une image en tête et s'appliquer à la dessiner sur papier ; forcément, on se loupe, on ne reproduit pas nos attentes à la perfection : c'est une signature vers la déception. A moins de travailler, à moins de se perfectionner, à moins d'adapter sa vision et ses gestes. J'avais ravalé mes larmes puis persévéré.

J'inspire profondément, noue à mon poignet le bracelet que j'avais montré à Jordan lors de la pride, celui qui possède le bon œil. Un nouveau rire, presque ironique, franchit la barrière de mes lèvres et malgré moi, mon coeur se serre. Bien entendu, je ne peux pas m'empêcher de penser à Noor, Jiyeon, Hugo et Dani. Si je suis en bons termes avec ces trois derniers, je reste en conflit avec la première. S'ils sont mes meilleurs amis, plus le temps passe, plus je me sens si loin d'eux. Peut-être cela avait été une erreur de venir en Australie, de les rejoindre ici. Peut-être que la proximité nuit à notre amitié parce que je dois être le Kai qu'ils connaissent tout en voulant - devant - être Bea. Le tout en étant interdit, par moi-même, de faire autrement. Un autre exemple d'espérances ratées à être surestimées. J'avais trop changé pour redevenir l'homme de dix-huit ans qu'ils avaient connu et apprécier. Aussi, je me sentais trop me métamorphoser pour les emmener avec moi sur cette voie-là. Ils étaient incompatibles avec Bea, pas parce que c'était dans leur nature, mais parce que je souhaitais qu'ils le soient. Puis secrètement, Bea avait besoin d'avancer seule, sans ces rappels de Kai.

Je me lève, je plisse la robe noire que j'ai enfilée, je déploie mes boucles brunes derrière mes épaules dénudées. Mon cou est ornée de deux colliers, des boucles d'oreille sont vissées sur mes lobes. Mon regard est souligné de blanc et de noir, la physionomie de mon visage corrigée en arrière-plan. Bea au naturel. Je boucle mes chaussures, attrape mon sac à main.

Mon pas est pressé dans le quartier et quand j'arrive à l'adresse renseignée par Jordan, je me presse de mettre en fonction la sonnette, vernis à ongle rouge luisant contre la brique. Une femme m'ouvre, que j'espère de tout coeur être Tee, priant si ardemment pour la rencontrer tout en appréhendant cet échange grandement, avant qu'elle ne se présente. Puis, Jordan intègre le décor. « Bienvenue… Pas chez moi. » Je ris doucement, porte ma main à mes lèvres comme pour m'excuser de mon amusement franc et aucunement moqueur, réprime difficilement l'envie de le prendre dans mes bras. Je sais que ça serait mal venu et je ne me permettrais pas une telle proximité, mais ma reconnaissance seule procure cette envie inassouvie en moi. « Chez elle. C'est Tee. » « Enchantée. » « Enchantée. C'est très beau chez toi. » Je fais en balayant les alentours du regard, m'enivrant silencieusement de chaque détail comme si j'y décelais des vecteurs d'identification. Comment Tee gagne-t-elle sa vie ? « Et ça c'est Jeremy. Cherry va pas tarder à arriver. » J'acquiesce et réponds armé d'un sourire sincère à la salutation de Jeremy. Est-ce que Jordan sait à quel point je m'étais empêchée de l'asséner de mille messages tant j'avais d'innombrables questions sur cette soirée - qu'est-ce que je devais porter, amener, discuter, éviter, offrir... « Tu veux boire quelque chose ? J’ai mis quelques bouteilles sur la table. » Mon regard chaleureux se pose sur Jeremy et je réplique : « Oui. Oui, avec plaisir. » Je démontre mon sac à main. « J'ai aussi apporté quelques trucs. » Je dispose les bouteilles et les petits encas sur la table avant de me prendre un coca. Boire n'était pas proscrit, j'en aurais besoin, mais je tenais à être encore totalement sobre les premiers temps - du moins, jusqu'à ce que je me sentirais moins gauche. Dieu, pourquoi me sentais-je si stressé ? Bea n'est jamais angoissée, elle s'affirme, elle est fière, elle rayonne.

Parce que cette fois-ci, Kai est là aussi.

« Ca fait longtemps que vous vous connaissez ? Que vous vivez ici ? » J'interroge les trois individus avec intérêt en prenant place à côté de Jordan. Un sourire naît de nouveau sur mes lèvres, gonflé de sincérité et de félicité, comme si je me trouvais au bon endroit - en oubliant l'odeur de chlore de la piscine qui me rappelle beaucoup trop de mauvais souvenirs.

Mais Dieu que Kai est heureux. Dieu que je suis heureuse.

A ma place. A celle que je rêve. Un rêve éveillé.

“It's not about changing who you are, it's about revealing who you are.”

Soirée chez Tee - Kai&Jor 335306globetrotter

Aussi belle et classe que lorsque tu l’as rencontré à la Pride, Bea est sur le pas de la porte. Ton sourire est doux, accueillant, bienveillant. Tu comprends toute la dualité intérieur qu’elle doit affronter quotidiennement. Tu as eu des périodes comme ça aussi. Encore plus depuis que tu t’es travesti à la Pride. Il y a clairement eu un avant et un après ce jour là dans ta vie. Tu t’en souviens comme si c’était hier de cette sensation que tu as eu en toi. Une très bonne sensation. « Enchantée. C'est très beau chez toi. » Bea, polie comme un coeur. Tu fais les présentations. Jeremy prend le relais naturellement en proposant à boire. « Oui. Oui, avec plaisir. » Vous n’êtes pas chez vous, Jeremy et toi mais vous êtes comme des poissons dans l’eau. Vous voulez juste aider Tee pour pas qu’elle ait la pression de recevoir. « J'ai aussi apporté quelques trucs. » « Cool, merci. » Effectivement elle n’est pas venue les mains libres. Tu aurais fait pareil à sa place. Là c’est vous trois qui avez été faire les courses un peu plus tôt aujourd’hui. Passer des moments simples entre amis, juste faire des courses pour une soirée ensemble c’est un bonheur. Ca fait du bien. Jeremy file dans la cuisine pour prendre des bols afin de mettre facilement les snacks qu’elle a apporté à disposition de tous les estomacs.

« Ca fait longtemps que vous vous connaissez ? Que vous vivez ici ? » Tu fais oui de la tête alors que tu t’installes sur le canapé et que tu lui indiques qu’elle peut s’installer où elle veut. Y’a un deuxième canapé et il y a des chaises aussi autour de la table basse remplie de vivres. « On se connait depuis qu’on a… 13, 14 ans. On s’est rencontré à des concerts à Brisbane et Gold Coast.. Le monde est petit quand on est de ceux qui font beaucoup de shows. On croise toujours les mêmes personnes et ils sont devenus mes meilleurs amis. » « C’est juste dommage que moi j’habitais super loin, on se voyait quand même régulièrement. » « Il est de Gold Coast. » « Et moi j’avais le permis avant tout le monde j’ai souvent fait le taxi. » Tu hoches la tête amusé. « C’était l’adulte au milieu de nous tous. » Tee ricane alors qu’elle entame à servir à boire à tout le monde. « Et j’habite ici depuis… Hmmm.. Dans cet appartement depuis trois ans à peu près, mais je suis à Brisbane depuis que j’ai trois ans. Ma famille était de Melbourne avant on a bougé ici ensuite. Je te sers quoi ? » Qu’elle demande à Bea. « Et toi t’es de Brisbane ? » Jeremy qui demande à son tour.

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