Simon t’a embarqué la veille pour une soirée improvisée. Pas prévu au programme du tout. C’est sûrement pour ça que tu as si vite accepté. Tu as su t’occuper, sortir, naviguer dans les abords de Brisbane. Y’a même des soirs où tu n’es pas rentrée à la maison. Ca te fait toujours bizarre de te dire que tu as une maison à toi. Un pied à terre avec tes goûts, ta décoration, ton droit d’inviter ta sœur qui t’a tenu compagnie trois jours. Ca t’a fait un bien fou, ça aussi. Puis tu avais besoin de te défouler aussi, de combler la solitude. T’en es venue à la conclusion que cette maison était mieux avec Jordan dedans. Heureusement qu’il y a vos animaux pour moins sentir cette oppression de solitude qui finit toujours par te prendre. Voilà ce qui arrive quand on a toujours grandi et été entourée ; on vit mal d’être seule avec soi-même. Avec ses pensées, ses craintes, sa motivation. Heureusement que tu as des proches qui n’ont pas hésité à venir te voir ou ont accepté ta présence dans leurs pattes à l’improviste. Cela faisait si longtemps que Jordan n’était pas parti. Si longtemps que tu ne t’étais pas retrouvée en mode célibataire qui n’a pas de câlin le soir ni de baiser du matin. Enfin, si, c’est arrivé il n’y a pas longtemps, à vrai dire, mais tu ne préfères pas y penser car c’était exceptionnel - et dans le mauvais sens du terme.

Qui dit soirée avec Simon et la clique, dit soirée arrosée. Julia est automatiquement la Sam puisqu’enceinte, elle se montre raisonnable. Son ventre s’arrondit de plus en plus, ça te fait presque tourner de l'œil. Il bouge parfois ; si ça l’attendrit elle, toi, tu regardes ça avec une petite grimace. T’avais vu ça avec Zoya et vraiment… Ce n’est pas mignon. Heureusement qu’elle était là, ceci dit, car c’est elle qui t’a raccompagné, toi, pauvre petit déchet après avoir bien trop consommé au bar karaoké où Simon et toi avez fait un carton. T’es même certaine que le serveur te faisait du rentre dedans mais les souvenirs sont flous au réveil, tu ne t’en rappelles pas.

Ce dont tu ne te rappelles pas non plus est qu’aujourd’hui est le jour où ton fiancé rentre en mère patrie. Agenda mal renseigné, l’alarme ne sonne pas quand il aurait fallu. Alors t’es endormie sur le canapé transformé en lit depuis le départ de Jordan quand t’entends du bruit dans l’escalier. Tu n’entends pas la porte qui s’ouvre ni les pas qui suivent. Par contre, la voix te sort un peu de ton sommeil. « Je me suis demandé si tu étais toujours vivante pendant l’espace d’un bien trop long moment. » Dans les vapes, ensommeillée, en gueule de bois, tu ne réalises pas trop qu’il y a vraiment une autre présence. « Tu as pas ton téléphone à côté baby ? » Cependant, quand Jordan s’installe au bord du canapé lit, tu te dis qu’il fait très réel. Alors tu pouffes de rire en camouflant un peu mieux ton nez dans ton oreiller et ta peluche, son shirt serré dans ta main, prête à te rendormir. “Qu’est-ce ça peut faire ?” Parce que Jordan est pas là. Il revient demain. C’est écrit dans ledit téléphone justement. Vraiment, vilain esprit.

T’es prête à sombrer de nouveau dans le sommeil. Ta tête est lourde et t’es encore fatiguée. Que Jordan apparaisse te fait doucement rire. Il te manque et ton subconscient te le rappelle. Tu frottes ton oeil car t’es quand même bien fracassée. Faut dire que vous n’avez pas que bu la veille, tu sens que t’es encore dans les vapes. « Hey, are you alright ? Did you take any drugs ? » “Shhht, I’m trying to sleep.” Tu parles clairement à ton cerveau pour qu’il se calme. T’as réussi à te reposer jusque là. T’aimerai bien continuer. Tu vas larver sévère aujourd’hui.

Par contre, quand tu sens qu’on te touche la tête, tu réagis vivement. Comme si tu venais de te prendre une forte décharge au point que tu sursautes sévèrement en te redressant et en criant brièvement de ta voix cassée de terreur. « Hey, it’s me. It’s just me Bird, it’s Jordan. » Ton cœur bat tellement vite, t’en trembles de tous tes membres, serrant ta peluche contre toi. “Jor ?” Tu clignes des yeux plusieurs fois avant de tendre la main qui atterrit sur son épaule. Il est réel, putain ?? Une fois confirmé, tu te jettes sur lui. Même si tu comprends pas ce qu’il fout là. “Putain de merde, tu m’as faite flipper, qu’est-ce que tu fous là?!” Franchement, une douche froide aurait eu le même effet. Seulement, là, tu peux embrasser partout et c’est quand même plus doux. “Oh, oh… Okay, tout doux…” Tu te calmes un peu car tu sens que ta tête tangue. Tu te cales contre ses cuisses si tu peux. “T’es rentré plus tôt ?” C’est la seule raison de sa présence ici. Il l’a déjà fait une fois. Ca ne serait donc pas surprenant qu’il le refasse de nouveau.

« Oui c’est moi ! » Tu n’entends pas vraiment sa confirmation car rien que le sentir réellement te suffit pour te faire comprendre que oui, c’est bien lui. En chair et en os, à Brisbane, chez vous. Contre toi maintenant que tu peux l’encercler de tes bras - et plus si t’avais pu. Mais tu n’es pas en état de faire des folies, quand bien même t’es très heureuse de le revoir. Encore plus beau qu’avant, oui oui. T’avais oublié ses traits à force - oui, tu dramatises, mais c’est long, deux semaines, même si ça a fait du bien.

T’arrête de t’agiter et tu te calles contre lui, dans le creux de ses bras. C’est encore mieux que son shirt, que son studio, que son oreiller. Tu peux le humer pleinement comme une droguée en manque et lâcher un soupir d’aise. « Nope, c’est toi qui a pas vu le temps passer on dirait. » Jordan te caresse les cheveux et la nuque, tu vas te rendormir direct. T’essaie de mettre du sens à ses paroles. Non ? Il n’est pas rentré plus tôt? Mais… « T’as pris un cachet pour ta tête ? » Tu secoues la tête. “Nan. Je suis direct allée me coucher.” Tu ne te rappelles plus trop, à vrai dire, mais tu sais que t’as rien consommé dernièrement en tout cas. « T’as consommé quoi ? » Enfin en médicament en tout cas. “De l’alcool. Et du LSD. Ça faisait longtemps. Je l’ai senti passé.” Simon a sorti ça et putain qu’il était bon. “Mais comment ça j’ai pas vu le temps passé ?? C’était aujourd’hui que t’étais prévu ?? Et j’ai loupé ??” T’es choquée. Non, tu l’aurais pas oublié… Pas le retour de Jordan. “Mon tel… Y’avait l’alerte, je crois, non… Il est où, mon tel ?” Tu commences à t’agiter de nouveau, tu sors de l’étreinte de Jordan pour aller tâter le canapé lit. “Bordel, il est où… Je suis sûre que… J'ai pas pu oublier...” Tu commences à marmonner en passant les mains partout.

« Ouais c’était prévu. » Mais nan. “Tu me fais marcher…” Que tu continues à marmonner car t’es sûre et certaine que c’était prévu pour le lendemain. Ou le surlendemain, tu ne sais plus trop quel jour vous êtes, au final. Comment t’as pu louper ça ? “J’ai un truc à retenir et je… Et je le foire…” Tu râles contre toi même en commençant à taper sur le canapé, comme si c’était de sa faute, le pauvre. Alors que non, c’est de ta faute à toi seulement. Aussi bien d’avoir oublié qu’il revenait aujourd’hui que de ne pas savoir où est ton foutu téléphone. « C’est pas grave, l’important c’est que tu sois en sécurité à la maison. » Tu fronces des sourcils car ça commence à te contrarier. “Mais pas mon tel… Faudra le faire biper.” Tu ne parles pas fort, encore une fois surtout pour toi. Ta tête est fatiguée, ça t’a vraiment fracassé même si ça a fait du bien de se détendre et de ne penser à plus rien d'autre qu’aux éléphants roses et aux sables mouvants pendant quelques heures.

Jordan revient, avec Milady dans ses bras notamment, pour te tendre le verre et un cachet. « Prend ça et on se prend un bon bain tous les deux. On en a besoin. » Toute docile, tu prends ce qu’il te tend, les yeux dans le vague avant de les reposer sur Jordan. “On pue ensemble mais pas pour les mêmes raisons, je trouve ça beau.” T’as un petit sourire. “Le voyage s’est bien passé ? Je capte pas du tout comment j’ai pu te zapper. Je serai pas sortie hier si je m’en étais souvenue. J’en suis frustrée. Alors que tu m’as manqué de fou.” Tu fais la moue. T’es vraiment saoulée. T’aime bien aller l’accueillir à l’aéroport. Voir son visage s’éclairer quand il te voit. Et là, il revient pour te voir… Comme ça. “Je suis désolée en tout cas. J’ai vraiment foiré.” Tu passes une main sur ton visage avant de finir le verre d’eau entier d’une seule traite.

« Shhhh… C’est pas grave. » Tu fronces du nez en sautillant sur place, une seule fois car il ne faut pas trop secouer la carcasse. “Si c’est grave.” Que tu rouspètes car ça te contrarie. Plus qu’il ne le faudrait, peut-être bien, mais on ne parle pas d’un ami qui revient, ni même de ta soeur qui se barre et revient tous les trois jours mais de Jordan. Il y a une sensation à aller le chercher, un mood qu’il n’y a pas ailleurs. Combiné au portrait de ta personne en ce moment, toujours dans ses fringues de la veille, la gueule enfarinée, il va peut-être croire que tu fais des conneries derrière son dos. Ce qui est absurde car t’es majeure, vaccinée et tatouée, et que tu ne caches pas à ton fiancé quand tu sors t’amuser. Il n’aurait pas été à Brisbane que tu lui aurais dit aussi. Il n’y a qu’un sujet à ne pas aborder et c’est ce qui se passe dans ton vagin. Ou plutôt, ce que ton vagin peut produire. C’est le seul sujet tabou. Même les abstinences de Jordan ne semblent pas le déranger dans son envie de savoir ce que tu fous plutôt que de devoir lui mentir. Le connaissant, ton amoureux préfèrera toujours l’honnêteté au mensonge, même si elle peut être de bonne intention. T’essaie de l’être mais parfois, c’est compliqué. Ne serait-ce que pour son bien être à lui.

Il te caresse la cuisse et prend ton verre des mains avant de te prendre contre lui. Etreinte que tu acceptes volontiers car tu commençais à être presque jalouse de Milady. « C’est vraiment pas grave B. Je t’assure. » Tu gardes ta moue car Jordan a raison mais ce n’est pas comme ça que tu le ressens pour l’instant. « Now let me kiss you. » Qu’il dit après t’avoir embrassé la joue, ta tête tournant vers la sienne afin qu’il puisse aisément attraper tes lippes. Ses doigts sur ta joue sont doux, son baiser l’est tout autant et goddamnfuck qu’il t’a manqué. Tes mains s’agrippent à son shirt, sans aller dessous ou plus loin, juste pour profiter du moment. Quand vos lèvres se séparent, tu le regardes presque comme si c’était la première fois. “Tu m’as trop manqué.” Tu vas l’embrasser furtivement. “C’est vraiment bizarre d’avoir la maison toute seule. T’imagines que c’est la première fois que tu pars depuis qu’on l’a ?” T’as failli te retrouver seule à l’appartement aussi. Oh tu aurais fui, tu penses. Tu sais. “J’ai profité du soleil pour commencer à faire une sorte de cabane pour Milord pour dehors. T’as pas eu trop froid là-bas ?” Que tu dis en commençant à frotter sa peau à travers le tissu, comme pour le réchauffer de l’éventuelle fraîcheur d’Europe. C’est l’hiver là bas après tout.

« Tu dis ça comme si ça faisait des années qu’on avait la maison. » Tu hoches la tête. “Ca fait longtemps pour moi.” Comme votre relation. Tout ça est long pour toi. C’est très long même. C’est tellement inespéré, même si t’en avais songé en premier lieu. Ni d’être en couple, ni d’être propriétaire. De deux biens. C’est assez fou quand on te connait. Tu n’y vas pas sur le dos de la cuillère dans tes images. Ni dans tes propos car c’est ta réalité.

« J’ai eu froid ouais mais je me suis couvert de la tête aux pieds. On m’a même prêté un bonnet. » “Mooow.” Tu passes la main dans ses cheveux pour les ébouriffer encore plus car t’aime quand il a l’air sauvage, c’est pas nouveau. Ça fait tellement longtemps que tu ne l’as pas vu qu’il te donne l’impression d’être encore plus beau qu’avant. Peut-être la fraîcheur européenne. Ou le bonheur de son séjour passé. Un mixte des deux. Tu aimes le croire. « Je te montrerai des photos. » “Ouiiii. Je veux te voir avec un bonnet. Tu dois être si chou.” Jordan t’embrasse le nez, t’embrasse son menton. C’est de l’affection pure, ton coeur est si heureux de le retrouver, tu n’aurais pas pensé que c’étiat possible. Même si tu déplores les circonstances de ces retrouvailles.

« Je suis sûr que Milord va adorer la cabane. Tu me montreras ça. » Tu hoches doucement la tête pour éviter de voir de potentielles étoiles - et pas les mêmes que la veille. « On va prendre un bain et on va se rouler dans l’herbe ? » Tu as un large sourire. « Il reste des bombes de bain ? » Avant de glousser légèrement. “Oui. Moi. Je suis la bombe de bain.” Tu te sens si drôle et si fière de ta connerie. “Allez, j’ai besoin de mon peau contre peau, là.” Que tu dis avec hâte, déposant par la suite un bref baiser sur les lippes de ton fiancé avant de te lever de son étreinte pour sortir du canapé lit. “T’es pas fatigué, ça va ?” Tu demandes en lui tirant la main. Avec le décalage horaire et l’avion, tu n’aurais pas pensé qu’aller se rouler dans l’herbe aurait été en tête de la liste des choses à faire en revenant. Mais ça ne te dérange pas, au contraire. En plus, s’il prend son médicament, tu devrais l’avoir avec toi toute la nuit et ça, c’est un très beau plan pour ta petite tête blonde.

« Very true that. » Au moins, vous êtes d'accord tous les deux. Vos expressions montrent que vous êtes tous les deux amusés de ta répartie et de ton répondant spontanés. En même temps, c'était une perche toute tendue vers toi, tu n'as pas su résister. C'est ton côté beauf mais qui est mignon sur toi car t'as rien d'un vieux oncle qui gratte son ventre rempli de bières. C'est ce que t'aime croire en tout cas. Tant que c'est inoffensif, tu ne vois pas le souci. « Si mais je veux prendre un bain avec toi et m’allonger dans l’herbe. Avec toi. Aussi. » T'as un petit sourire alors que tu frottes un œil alors que vous foncez vers votre salle de bain. “We will. As long as we don’t fall asleep somewhere.” Parce qu'un bain et s'allonger dans l'herbe, ce sont deux activités très reposantes et tranquilles. Ça ne va pas aider - enfin lui en tout cas. Toi, tu t'en fiches.

Enfin, finalement, tu ne pourras pas t'endormir dans la baignoire. C'est déjà ça. C'est bien une des rares fois où t'as voulu être derrière car au moins, tu peux sentir son poids contre toi, un rappel qu'il est bien de retour. Mais ledit poids risque de ne pas rester supportable pendant des heures et ne pas pouvoir gigoter comme tu le voudrai peut aussi t'impatienter. Mais pour l'instant, l'eau est encore chaude, les couleurs sont présentes dans l'eau et t'as les bras autour de Jordan qui se prélasse contre toi. « T’as encore mal à la tête ? » Tu hausses une épaule. “Pas encore mais ça ira. Ça faisait longtemps que j'en avais pas pris. Ça se sent.” enfin en tout cas pour toi car t'es la mieux placée pour ça. T'as quand même bien fait attention que la musique crie pas dans tes pauvres oreilles et surtout ton crâne avant d'entrer dans l'eau. “Comment s'est passé ton trajet retour? T'as pris un truc pour dormir? Car tu m'as l'air quand même en forme pour quelqu'un qui a fait le globe entier en avion.” Que tu dis en plaquant ton visage contre son crâne. Tu le humes à pleines narines et pleins poumons, totalement. Jordan t'a manqué après tout.