Ambiancé, le p’tit gars monte à son tour sur sa chaise, pose une converse conquérante sur table et remet brusquement sa mèche en arrière au niveau de mon visage, me déstabilisant assez pour que je doive faire quelques moulinets avec les bras pour garder l’équilibre. « A la rage de la jeunesse… de purs produits de la rue nés dans un monde qui refuse d’écouter leurs voix. » il narre, assez peu troublé à l’idée d’avoir failli me faire tomber les quatre fers en l’air. Mais je suis magnanime. « Ah ouai, stylé ça… ça va pas trop m’aider à les identifier là comme ça, mais - » « Quoi que parfois ils ressemblent davantage à des chiens qu’auraient dormi trop longtemps par terre après avoir crié dans l’ombre… tu vois le genre ? »  Je vois pas du tout. Suspicieuse, je regarde l’elder emo avec les yeux plissés. « T’es defoncé mon reuf ? » Reuf qui laisse alors échapper un soupir de lassitude et daigne donner une estimation un peu plus précise de l’apparence de ses potes perdus : « Un grand brun avec un t-shirt rose flanqué de deux blonds à la coupe de viking, mais pointes bleues pour l’un et rouges pour l’autre. »  Ah oui pour le coup c’est très précis. Pas dans la demi-mesure le boug.  Et pourquoi il fait le mec blasé maintenant alors que je propose gentiment de l’aider ? Je n’l’aime pas du tout. Outrée, je le fixe avec les yeux plissés et la bouche ouverte prête à la congédier dans les formes de l’art quand d’un coup on me tire sur la manche. Ah ? « Robiiiin… »  couine Aisling, puis elle agite son indexe, fait coucou vers les bas avec deux doigts, puis montre l’énergumène d’un mouvement de tête exorbité. J’opine. T’inquiète mon lapin, j’ai tout compris. Je fais la vague avec la main gauche, enroule mes pouces l’un dans l’autre puis agite furieusement mes doigts sur le côté en signe d’envol du canard laqué. « C’est Kellin Quinn ! »  elle piaille maintenant presque en colère. Kellin Quinn… Kellin Quinn… Ouiii je m’souviens… Mèche de côté, voix haut perchée ! … Pas vu depuis six mois.  « Oh, dis tu veux pas lui proposer de boire un verre avec nous en attendant que ses potes viennent le retrouver ? » « Pas question ! Il est infecte ! » Mais ma longue amie m’implore avec les mains jointes et des yeux de chiot battu et je laisse échapper un soupir vaincu, comme lorsque Biscuit et Cerbère me tire du lit après une longue journée pour une seconde promenade nocturne. « Ma bonté me perdra » Je me tourne alors vers le boug « … ils sont les ombres qui crient, qui préfèrent mourir plutôt que de vivre rouillé sur le sol »  a-t-il continué de parler tout seul pendant ce temps ? Il a l’air d’avoir beaucoup d’amour et de respect pour ses potes en tout cas. « T’inquiète, ils te retrouveront. Et puis tu sais, parfois il faut se perdre un peu pour se retrouver vraiment »  il tourne vers moi un regard songeur puis il scoff en se frottant le sourcil comme s’il venait de comprendre quelque chose à la vie. « Ça te dit un alien jizz ? » son regard devient perplexe alors je secoue mon cocktail vert fluo visqueux. Il laisse échapper un rire silencieux avec les yeux écarquillés « Fun… j’en suis ! »  il se lance avec un courage tout américain. J’hoche la tête et lui fait signe de me suivre. On se fraie alors un chemin jusqu’au bar et je commande donc un alien jizz, un virgin Bloody Martian et Milky Way Milkshake pour Aisling. Quand on revient, il dégaine son téléphone et je tire mon amie par la main pour l’incruster sur la selfie qu’il s’apprête à poster, très amusé maintenant. Ensuite il range son telephone et nous regarde, l’air ébahi. « Wow ! C’est incroyable non ? »  j’hoche la tête. « Sinon ma copine te trouve super mignon » Et, me trouvant très smooth, j'aspire la paille métallique de Bloody Martian. Opération envol du canard laqué is on !

codage par amatis et birdiesnow

« Robin ?! » s’étouffe ma longue amie et je lui fais un petit sourire d’apparence perfide mais en réalité bienveillant, avec les yeux en croissant de lune pour lui assurer que j’ai tout compris tout prévu et la situation bien en mains.  « Ah ouai ? Et elle a un p’tit nom ta copine ? »  roucoule le bellâtre en se la jouant surpris mais pas mécontent de l’information, jetant sa mèche en arrière d’un mouvement de tête mou et nerveux à la fois et envoyant clins d’œil et smirks affriolants à tout va. It’s so easy. Too easy. Ennuyant, presque. Où est le challenge ? Le gout du risque ? M’enfin, avec un minois comme celui d’Aisling, faut dire, t’as pas beaucoup de travail de wingwoman a effectué. « Aisling... mon nom c’est Aisling. »  « Eh bien Aisling, en toute honnêteté, si je pouvais te chanter une chanson, je ne crois pas que mes mots pourraient exprimer ta beauté. »  Je ricane en sirotant mon alien jizz parce que oh oui, tout me réussissait. Aisling balbutie un remerciement et le casanova des bacs à sable s’enflamme aussitôt : « Restes avec moi ce soir si tu le souhaites, je pourrais te laisser entrevoir mes rêves. »  j’ai comme l’impression que sa voix déraille sous la passion, monte de trois ou sept octaves, et ni une ni deux le voilà qui bondit sur la main de mon amie pour s’en emparer.  Hm. Je glisse un regard vers mon lapereau qui aime pas trop les contacts - surtout pas avec des étrangers, surtout pas avec des hommes – et je l’observe pour voir si il trouve grâce à ses yeux ou s’il faut que j’abatte l’intrus sur le champs. « Alors déjà euh merci, mais euh c’est qu’mon amie et moi on a une tente dans le campement et puis- » Mais en face le boug s’affole, ne répond plus de rien : « J’tomberai amoureux, tu tomberas amoureuse ; et on se dira que tant qu’on reste ensemble, tout ira bien. »  « Robin-il-me-veut-koa-au-s’cour ? » « J’sais pas il est chelou frère » je contre glisse avec la bouche en coin tandis que l’autre continue de s’écouter parler : « Ils disent que l’amour est éternel, mais les seuls promesses qu’on tient sont celles qu’on ne fait pas ! »  Cette fois c’en est trop. Je veux bien croire au coup de foudre, l’amour au premier regard et tout ça, mais lui, il m’attendri pas, j’le sens pas et mon flaire ne me trompe ja-mais ! (Enfin c’est rare quoi… enfin… mais bref ! Nonobstant je l’écoute toujours aveuglément) Agacée, je pointe mon indexe vers le vieil emo : « Écoute-moi bien l’asticot- » « Oh !! Oh attends attends ! »  Sa main s’accroche à mon bras et me secoue vivement « Ah ? » « If I'm James Dean, You're Audrey Hepburn, pas vrai ? »  Keske. Il smirk plus encore, frappe dans ses mains, je comprends plus rien. « Alors comme ça vous êtes des fans, hein ? »  « Peut-être pas non plus - » « Ça alors, quel hasard. Wow, incroyable vraiment. » Il ricane, content de lui sans qu’on sache trop pourquoi. « Ecoutez les filles, c'est plus trop dans mes habitudes de traîner avec des fans par les temps qui courent mais… vous me semblez valoir le coup de vivre dangereusement. » Fans ? Vivre dangereusement ? S’agirait de doser non ? « Et toi ma jolie, qu’est-ce que tu vois, quand tu me regardes dans le fond des yeux ? » je cligne des yeux, gonfle les joues, pas inspirée. « Alors là comme ça… » « Kellin ! » Il tourne vivement la tête et ses gros yeux bleus s’emplissent d’étoiles avant de se voiler « Wow, les gars ! Vous m’avez retrouvé, je ne suis plus perdu ! C’est incroyable… »  Et tu sais pas trop s’il est ravi ou dégouté. D’un coup, il dégaine une nouvelle fois son téléphone dans le but de prendre une nouvelle selfie de groupe, agrippant cette fois fermement Aisling par les épaules. Bon… je me tourne vers mon amie et très sérieusement je lui dis : « Envol du canard laqué ? » Un mot, un silent hand gesture, et salut la compagnie, on prend la poudre d’escampette pour disparaître dans un nuage de fumée verte.

codage par amatis et birdiesnow