Je m'emmerde royalement et mon accompagnateur n'aide en rien. Je ne sais pas d'où ce type sort, mais après cette soirée cauchemardesque, Charlie m'en devra une. Et je jure solennellement que ce sera la dernière fois que j'accepterai une blind date! Plus jamais je ne sortirai sans avoir préalablement vu ou parlé a l'autre personne. Je ne referai pas la même erreur deux fois. De moins en moins subtile, je sors mon portable pour afficher l'heure. Ça ne fait que vingt minutes. Presque une demi-heure et jusqu'ici, il n'a fait aucun effort pour apprendre a me connaître. Il ne parle que de lui, sans arrêt. Il est avocat, il est riche, ses parents sont riches. J'ai compris et je ne suis pas le genre de fille a perdre ses culottes pour quelques billets. Je finis donc par l'arrêter. Il était au milieu d'une anecdote sur une voiture quelconque, une marque supposément luxueuse que je ne connais même pas de toute façon. Je déteste tout ce qui possède un moteur. " Je suis désolée, mais je dois y aller. " Je lâche en rangeant rapidement mon portable comme pour prétexter une urgence. Mais visiblement, le type n'y croit pas. Faut croire que malgré toutes mes répétitions, je ne suis pas encore une assez bonne actrice. Je me lève, prends appui sur la table du revers de la main pour mieux planter mon regard dans le sien. " T'as raison, c'est qu'une excuse pour éviter une minute de plus en ta compagnie. " Je pousse un long soupire et j'attrape mon cocktail que je bois d'une traite. " T'auras pas de misère à payer ça de ce que j'ai compris. " Un sourire sarcastique se dessine sur mon visage alors que je m'éloigne. Dans ma hâte, je manque de percuter un homme qui vient tout juste d'arriver. " Je suis désolée, je voulais pas. Je te souhaite de passer un meilleur moment que moi. " Je lâche d'un ton expéditif avant de m'éloigner définitivement du restaurant et de l'idiot que je viens de planter.

Aujourd'hui, Romy avait ressenti le besoin de sortir. Cela ne lui arrivait pas souvent ; généralement la jeune femme était plutôt casanière. Sitôt rentrée du travail, elle se glissait dans un état d'esprit netflix & chill, abandonnant les petits tracas du quotidiens pour un pyjama confortable et un verre de vin ; ce soir c'était différent. Une journée entière à gérer des problèmes à la prison, entre la récidiviste qui promettait de se repentir -mais qui se faisait prendre à chaque sortie- et Joyce, la secrétaire de son père, qui enchaînait les mauvaises nouvelles en lui passant des appels de partenaires sociaux qui se rétractaient, la jeune femme avait été à pas grand chose de craquer. Aux environs de treize heures elle avait laissé tomber l'idée de sauver ce raz de marée qui la submergeait de négativité. Une pause déjeuner prise sur le pouce, puis elle avait pris quelques secondes pour appeler Clara et l'informer du massacre ambiant. Il n'en avait pas fallu plus à la blondinette pour fixer un rendez vous. Vingt et une heure au Sixteen Antlers. Et c'était tant mieux. Le restant de la journée s'était égrainé à une lenteur insoutenable, si tant est que des cernes énormes avaient fini par lui naître sous les yeux, cernes qu'elle avait peiné à maquiller en rentrant chez elle. Renonçant à l'idée de ressembler à quelque chose, la conseillère Ashby-au-bout-de-sa-vie avait passé une robe, puis délaissé son petit appartement de Fortitude Valley quelques minutes plus tard pour se rendre dans le quartier chic de Spring Hill. Sitôt arrivée, ses yeux accrochaient une silhouette familière qu'elle repérait devant le bar. "Cal.." Romy descendait de sa voiture en se rendant compte que son cousin était situé bien trop loin pour qu'elle puisse se faire entendre sans se faire remarquer par la moitié de la rue. Quand bien même, il avait l'air d'être avec un ami. Tant pis. La jeune femme haussait les épaules, tentant de se rappeler qu'il faudrait absolument qu'elle envoie un message au brun dès le lendemain matin pour l'informer qu'elle l'avait vu. "T'es en retard" Clara et son tact légendaire étaient venus se planter devant elle, et Romy abandonnait alors son téléphone au fin fond de son sac à main, prête à laisser de côté les tracas accumulés au cours de cette journée désastreuse.     
     

Si d’ordinaire Stephen n’était pas de ceux pour qui l’avis des autres était une nécessité absolue, aujourd’hui il était tellement paumé qu’avoir un ami pour tenter d’éclaircir la situation dramatique dans laquelle il était plongé lui apparaissait comme étant vital à la sauvegarde de ses pauvres nerfs. Il avait à peine fermé l’œil depuis que la dispute avec Leah avait éclaté dans l’allée de la maison de leurs rêves qu’ils venaient de visiter ; visite qui s’était terminée d’une façon bien trop irréelle pour qu’il ne puisse l’assimiler comme étant vraie. Entre sa reconversion surprise et cette grossesse arrivant comme un cheveu sur la soupe, la dernière des Baumann ne l'avait pas épargné, et cet état d'impuissance faisait souffrir le brun bien plus qu'il ne l'avouerait. Cette maison aurait dû être un renouveau pour leur couple, au lieu de quoi le kiné se trouvait désormais dans une situation qu’il peinait à intégrer. Leah était enceinte. Elle attendait un enfant, leur enfant qu’il ne désirait pas, et qu’elle ne désirait sans doute pas elle non plus à en juger par sa façon d’avoir géré son début de grossesse. Quelle future maman ayant pour volonté de mettre son bébé au monde vivant et en un seul morceau s’inscrivait dans une caserne pour devenir pompier quelques jours à peine après s’être rendue compte de son état ? Continuait d’aller à la boxe comme si tout était normal ? Stephen avait eu le temps de cogiter depuis leur dispute, et l’évidence n’avait de cesse de le frapper : Leah ne voulait pas de ce bébé. Elle le rejetait, et quelque part, il le rejetait aussi ; sans doute pour ne pas se faire à l’idée que devenir père était une option. Rapidement Stephen en était venu à une conclusion qu’il jugeait évidente : c’était trop tôt ; pour lui, pour eux, pour sa fille, pour le monde entier, et rigoureusement incompatible avec la carrière que la brune désirait mener. Il fallait qu’il se le rentre dans le crâne, qu’il l’imprime, et quelque part, en parler était sans doute la meilleure façon de le faire.
Après une journée à se débrouiller en solo avec cette information, le brun s’était finalement décidé à contacter Caleb pour convenir de quelques heures autour d’un verre ; un seul étant certainement optimiste. Son choix lui semblait être une évidence ; son ami aussi avait vécu plus ou moins le même drame, et ils se comprenaient souvent. Stephen espérait dans tous les cas qu'il puisse l'éclairer un peu, lui amener un avis extérieur dont il manquait cruellement tant la rancœur obstruait son bon sens. Le rendez-vous était fixé à vingt et une heure dans un bar qu’ils connaissaient bien tous les deux, et si Stephen se sentait soulagé à l’idée de pouvoir en parler, il se sentait aussi terrifié. Jusqu’à présent il  n’avait encore jamais osé prononcer ces trois mots à voix haute : Leah est enceinte. Pourtant, ce furent les premiers qui sortirent d’entre ses lèvres lorsque le regard absent de Caleb croisa le sien alors qu’il l’attendait sur la devanture du Sixteen Antlers, ses doigts triturant ses clés de voiture pour se donner contenance.  « Merde, désolé j’étais complètement perdu dans mes pensées. » Anderson avait fait son apparition dans un petit rire, face à un type au regard paniqué qui lâchait cette bombe sans préavis. «  Elle attend un bébé. » Vu son attitude, il ne faisait pas l’ombre d’un doute que Stephen ne sautait pas de joie quant à cette nouvelle. La mâchoire crispée, il jetait un coup d’œil au brun sans trop savoir quoi dire si ce n’est : « Je suis à peu près sûr qu’elle n’en veut pas. Et que j’en veux pas non plus. »  ah puis aussi : « et j’ai besoin d’un verre, voire plusieurs. » sûrement même.

Stephen aurait aimé avoir autre chose à dire en premier à Caleb ; un bonjour par exemple, mais visiblement, c'était hors de son champ de compétences ce soir. L'annonce de cette grossesse surprise tournait dans son esprit. Encore et encore. Leah était enceinte, Leah portait leur bébé, un océan de layette et de doudous aurait du les envelopper  ... mais il rejetait l'idée en bloc. Le brun ne savait pas exactement si ce ressenti naissait du fait qu'il soit évidement bien trop tôt pour qu'ils puissent envisager devenir parents ensemble, ou s'il ne le voulait tout simplement pas. Les choses étaient trop floues, trop douloureuses en l'instant, car du moment même où la jeune femme avait entamé son petit laïus lorsqu'ils avaient visité la maison il l'avait su ; leur couple ne tiendrait plus. « Leah est enceinte ? C’est pas un peu tôt ? »  Si. Evidemment que si, et vu la tête dépitée que tirait Stephen cela pouvait se voir à des kilomètres. "Ouais, elle l'est." Et mine de rien, c'était déjà beaucoup pour lui de le dire. Ne se formalisant pas sur ce début de conversation un chouïa inhabituel, Caleb avait fini par les entraîner à l'intérieur, prononçant une phrase qui ravissait le cerveau du brun : « La première tournée est pour moi. » Ses méninges ne risquaient pas de fonctionner à plein tube s'il était détendu, du moins il l'espérait. Réfléchir sur le cataclysme qu'était devenu sa vie en ayant le cerveau au ralenti lui semblait être une lente agonie ; il espérait que la léthargie passe le prendre. Stephen avait à peine remarqué le départ de Caleb, se contentant de regarder autour de lui avant de voir un verre d'il ne savait trop quoi apparaître sous ses yeux comme par magie après quelques minutes qui lui semblaient avoir durées un battement de cils. Du wkisky à en juger par l'odeur. Se souvenant rapidement qu'il ne buvait pas d'alcool plus fort que de la bière sans finir ivre rapidement, le brun n'avait pourtant pas tergiversé. Son verre il l'avait vidé d'une traite dans une grimace, avant de prendre conscience des paroles de son ami. « Elle te l’a annoncé quand ? » Au pire moment. "Tu te souviens que je t'avais dit que je voulais déménager de son quartier ?" Car depuis qu'il avait eu la garde partagée d'Anabel, l'idée de racheter une maison et de prendre un nouveau départ ne l'avait pas vraiment quitté, et ce départ ne pouvait pas se faire dans le ridicule petit appartement de Leah. "On a visité une maison. La maison. Elle était parfaite. On s'y est vus tout de suite ... et j'en sais rien ça a vrillé à ce moment là." qu'il soufflait en se passant une main sur le visage, énumérant et classant mentalement les éléments de ce cataclysme pour permettre à Caleb d'y voir clair. "Ma cousine m'avait demandé de lui proposer un job. Elle cherche quelqu'un pour la remplacer pendant son congé maternité, et même si je sais que Leah n'est pas pour se reconvertir dans l'administratif je m'étais dit que ça pouvait le faire en attendant." Belle ironie. Un rire nerveux le secouait alors, puis à nouveau ses doigts s'échouaient contre ses traits comme pour se redonner contenance ; en vain. "Elle me dit qu'elle s'est inscrite chez les pompiers. Pas qu'elle allait le faire. Qu'elle l'avait fait déjà. Qu'elle attendait d'être appelée pour des tests. En gros qu'elle s'en foutait de mon avis." Stephen dirigeait mal le fait d'avoir été mis à l'écart des choix de vie de Leah ; lui qui partageait tout avec elle, qui lui avait fait confiance pour lui raconter son passé et écrire avec elle un bout de sa reconstruction comprenait mal sa décision. Elle ne passait pas, mais ce n'était rien en comparaison à ce qui suivait. Faisant tourner son verre entre ses doigts, Stephen oscillait entre l'envie de l'envoyer dans le mur pour passer ses nerfs et celle de se morfondre et d'en commander une dizaine d'autres. La seconde option lui correspondait davantage. " ... ça m'a gonflé. Et là elle me dit que c'est pas tout. Qu'elle est enceinte. Et qu'elle savait qu'elle était enceinte avant de partir s'inscrire." Outch. Ces mots avaient été durs à dire. Le brun comprenait mal comment sa moitié avait pu le laisser à l'écart d'autant de choses. Comment elle avait pu vivre avec cette grossesse sur la conscience tout en sachant qu'elle lui briserait le cœur en laissant les choses empirer ainsi. Il aurait pu comprendre bien des choses, mais pour lui cette façon d'agir qu'avait eu Leah lui était impardonnable.  « Et tu sais ce qu’elle compte faire ? » Stephen secouait la tête négativement. La brune avait beau lui avoir dit qu'elle était paumée à ses yeux tout était clair. "Elle dit que non. Mais je suis sûr que si. Sauf si elle compte passer ses tests enceinte jusqu'au cou et élever notre enfant entre deux feux de voiture." Dans le meilleur des cas. Un ricanement nerveux le secouait, puis finalement sa paume venait heurter son front dans un soupir. "Putain pourquoi faut que ça m'arrive maintenant." qu'il soufflait, partagé entre l'envie de rire de sa triste vie et celle de se tirer une balle.  

Stephen avait expliqué la situation dans les grandes lignes, ne s'épanchant pas vraiment sur les détails. Avaient il grande importance de toute manière ? Ils avaient visité la maison de leurs rêves, et Leah avait piétiné le tout en lui avouant deux choses qui suffiraient à bouleverser leur équilibre, et elle le faisait trois mois plus tard. Il n'avait pas son mot à dire, sur quoique ce soit. Le message était clair ainsi exposé. « Elle te l’a annoncé en plein milieu de votre visite ? » commentait Caleb une fois son petit discours terminé. "Ouais. Fallait me prévenir que mon bureau aurait potentiellement du se transformer en chambre d'enfant ... " qu'il marmonnait en retour, encore piqué au vif, tandis que sa main s'échouait à nouveau contre son crâne dans un soupir agrémenté d'un "et c'est pas le pire." qu'il gardait pour lui, s'attelant ensuite à la poursuite de son récit.  « Elle s’est inscrite chez les pompiers sans t’en parler avant ? » Un signe de confiance, non ? Non. Au moins ils étaient d'accord là dessus. « J’aurais vraiment, vraiment pas apprécie non plus. » Les mots de son ami le rassuraient un peu, d'autant plus qu'il était le seul à qui il avait voulu en parler jusque là. Leah l'avait renvoyé à un statut inférieur à celui qu'il lui conférait. Il lui parlait de tout, lui racontait absolument tout ou presque, en étant même venu à lui présenter l’entourage le plus proche de Rachel. Et elle ? Elle se lançait dans une carrière de pompier alors qu'elle attendait leur enfant. Le tout sans rien lui dire. Qu'avait elle espéré ? Qu'il ne fasse pas de raccourcis ? Du moment même ou elle lui avait confié s'être inscrite en sachant qu'elle était enceinte il avait su. Et ça lui avait brisé le cœur. « Mais de toute façon vu qu’elle est enceinte je suppose qu’elle va remettre ça à plus tard. » Stephen relevait le menton, secouant la tête d'un air grave en lui livrant ensuite qu'elle n'avait clairement pas l'air d'avoir l'intention de remettre ça à plus tard étant donné sa façon d'avoir procédé.. « Déjà que j’avais du mal à comprendre qu’elle se soit inscrite sans t’en parler, mais savoir qu’elle l’a fait tout en étant consciente qu’elle attendait votre enfant c’est encore pire… je peux comprendre. » est ce que par "je peux comprendre" Caleb songeait à "je pense à la même chose que toi" ? Avant de poursuivre, Stephen avait besoin d'un autre remontant. Relevant le bras pour attirer l'attention d'une serveuse qui passait par là, il commandait les deux mêmes consommations sans s'encombrer des banalités d'usage ; son air en disait long. Mieux valait garder la bouteille non loin d'eux. « Mais si on oublie cette histoire de pompier, en soit, pourquoi t’en veux pas de cet enfant ? Vous êtes heureux, amoureux… Ça pourrait potentiellement être la suite logique de votre relation. » Bonne question. Jusqu'à maintenant le brun ne se l'était pas posée. Il avait tout de suite compris que Leah n'en voulait pas. Malgré ses crises de larmes, malgré cette main qu'elle avait glissé contre son ventre quand il avait cédé à un excès de colère, si la brune s'était inscrite chez les pompiers alors qu'elle savait pertinemment qu'elle attendait leur enfant c'était que son instinct maternel n'avait pas du se développer plus que ça. Ou alors qu'il comptait moins qu'eux. " ... J'en veux pas dans ces conditions. Je sais pas ce que je suis censé lui dire. D'arrêter la boxe, d'arrêter de passer ses entretiens alors qu'elle a commencé tout ça dans mon dos ? Si elle a attendu le dernier moment pour me le dire c'est pas parce qu'elle avait peur de moi. Elle en veut pas. Elle a pas l'air d'en vouloir du moins." soufflait il dans un rire sans joie, et comme arrivée à point nommé, la serveuse déposait devant eux leurs deux verres ... dont l'un ne fit pas long feu. A nouveau le brun le vidait d'une traite, la même grimace toujours accrochée aux traits.    

Plusieurs sentiments se bousculaient chez Stephen, et pas forcément les bons. Rancœur, colère, tristesse … pas une ombre de joie n'était venue agrémenter l'annonce de cette grossesse, puisqu'il s'était tout de suite mis en tête que Leah ne voulait pas de ce bébé. Et jusqu'à présent la brune n'avait pas non plus émis l'hypothèse qu'ils puissent envisager de le garder. D'en parler à Caleb lui faisait du bien, et même s'il n'était sans doute pas d'une très bonne compagnie il appréciait que son ami y mette du sien pour essayer de le comprendre. « J’pense que si elle a attendu si longtemps pour t’en parler c’est juste parce qu’elle avait peur de ta réaction. Elle savait pas si tu voulais de ce gosse ou pas et elle avait peur de te perdre. » Il avait vidé d'une traite son second verre, là où d'ordinaire sa faible résistance à l'alcool l'aurait freiné dès le premier. Ce n'était pas dans son genre de boire plus que de raison, mais alors que le sol se dérobait sous ses pieds et que sa vie entière s'éfilochait doucement plus rien n'avait vraiment d'importance. La décence, c'était sa seule frontière. Il ne dirait rien qu'il ne pensait pas, il ne ferait rien qu'il regretterait. Parce que cet enfant n'avait rien demandé il tâcherait de garder la tête sur les épaules, mais en ce qui concernait l'état de ses sentiments, Leah ne compterait plus. Pas après tout ça, et même si Caleb lui laissait sous entendre qu'elle puisse avoir réagi dans la précipitation son instinct premier lui hurlait que la réaction de la jeune femme en disait déjà long. Un soupir lui échappait, alors que de sa main il venait dérider ses traits, sans grand succès. "Ouais j'en sais rien.. je sais pas on était deux. Ok j'aurais pété un câble, mais c'est pas pour autant que je me serais mis à lui hurler dessus ou à la faire culpabiliser." qu'il concédait, laissant une pointe de colère noircir ses mots. La façon qu'avait eu Leah de procéder lui était apparue comme incompréhensible, mais ne laissait pas vraiment de place à l'interprétation. Pour lui elle n'en voulait pas, et convenir d'un avortement l'avait vidé, mais aux yeux de Stephen cela restait la meilleure chose à faire. « Et s’il était arrivé dans d’autres circonstances t’en aurais voulu de ce bébé ? » Caleb demandait en croisant son regard. Bonne question. Il eut besoin de quelques secondes pour répondre, quelques secondes pendant lesquelles les traits de son visage passaient par plusieurs expressions. Étonnement, angoisse, appréhension … et finalement, c'est dans un souffle qu'il répondait "Ouais … je pense que oui." sans trop savoir si ce qu'il pouvait dire était vrai ou non. Avoir des enfants avait toujours été un but dans sa vie. Avec Rachel il en avait voulu, de quoi composer une équipe de foot, mais la vie s'était bien chargée de lui rappeler que rien n'était juste … et finalement si trouver Leah avait représenté une grande source de bonheur à ses yeux, aujourd'hui se confronter à cette réalité était bien trop compliqué. « Réfléchis bien avant de prendre une décision définitive. Parlez-en. Dis-lui ce que t’as sur le cœur même si c’est pas toujours facile et même si ce que t’as à lui dire risque de lui faire mal. Et juste après ça prenez une décision définitive pour le bébé. Gâchez pas tout. » Ne pas tout gâcher. Stephen bloquait sur ces mots, se disait que Caleb avait sans doute raison tout en ayant envie de se morfondre et de laisser sa colère poindre. Pour le moment ils n'avaient pas encore décidé, pas encore parlé de ce petit pois qui arrivait comme un cheveu sur la soupe. Ce n'était pas le bon moment pour une grossesse. Ni pour lui, ni pour elle, alors même si c'était compliqué, la décision se prenait d'elle même. "J'en sais rien. Je vais y réfléchir." qu'il soufflait pour finir, avant de demander en désignant son verre du menton : "T'en veux un autre ? Je crois qu'on en aura besoin. Que j'en aurais besoin." Puisque ce dialogue risquait de tourner rapidement en rond, et que finalement Stephen avait sans doute demandé à Caleb de l'accompagner ce soir plus pour s'insuffler du courage que pour avoir son avis. Sa décision avait déjà été prise.

-sujet terminé-