Chloé n’a pas beaucoup dormi cette nuit, toi non plus par conséquent. C’était pas le plan, c’était pas le plan du tout. Surtout sachant que tu travailles ce soir et que tu vas très certainement regretter la nuit presque blanche que la gamine vient de te faire passer. Mais elle gazouille dans son berceau avant même que le soleil ne soit levé et tu ne peux t’empêcher de la trouver irrésistiblement belle, avec son petit nez retroussé et ses grands yeux bleus. Elle ressemble à Zoya, Chloé. Tu vois les traits de ta meilleure amie partout sur le visage de l’enfant âgée d’à peine six mois et comme chaque fois que tu t’attardes à la regarder aussi longuement, tu te demandes ou est son père, mais qui est son père surtout. C’est une conversation que Zoya refuse toujours d’avoir, malgré tes nombreuses tentatives de lui arracher les vers du nez. Elle est têtue, la brunette. Ce n’est rien de nouveau, ça fait déjà plus de vingt ans que tu supportes son caractère et toutes ses variantes et jamais qu’il ne te viendrait à l’idée de changer ça pour quoique ce soit. Parce qu’elle est une partie de toi la Lewis, depuis bien longtemps et pour toujours, c’est une conviction que tu possèdes et que rien ne pourrait changer. Mais ce matin, à regarder Chloé gazouiller, tu ne peux pas t’empêcher de lui en vouloir un peu, à Zoya. Parce que quand elle t’avait demandé pour venir garder sa fille, c’était censé être seulement pour la soirée, non pas pour la nuit. C’était pour la dépanner à la dernière minute et voilà que c’est elle qui ne donnait plus signe de vie depuis de nombreuses heures. Tu ne refusais jamais rien à tes proches Trent et parfois, ça voulait dire qu’on abusait de ta générosité. Zoya, elle te connaît, mieux que quiconque. Elle le sait combien ça t’agace parfois, de passer pour le trop bon gars, celui qui sait pas dire non, celui qui tente de sauver tout et tout le monde peu importe la situation et voilà qu’elle décide d’en abuser, elle aussi. Et si normalement tu ne dis jamais rien, si normalement tu fermes ta gueule et tu encaisses parce que t’es comme ça, à jamais vouloir déplaire, tu sais que tu ne peux pas continuer de rester silencieux avec elle. Parce que tu l’as connais trop bien et tu sais que quelque chose cloche. Et tu sais que si tu ne dis rien, tu vas vraiment finir par lui en vouloir et c’est la dernière chose que tu veux réellement.

Chloé ne semble pas le moindrement intéressée par le petit pot de fruits que tu tentes de lui offrir depuis une vingtaine de minutes déjà. Chaque cuillère de la purée semble finir sur ses joues plutôt qu’entre ses lèvres et chaque fois que sa langue entre en contact avec la texture de couleur douteuse, elle fait une grimace qui t’arrache un rire à tout coup. Tu finis par abandonner la bataille, te doutant qu’elle préfère encore les bouteilles de lait aux purées et c’est avec excitation qu’elle boit la bouteille que tu lui prépares ensuite. T’es installé sur le canapé avec la gamine dans les bras, qui somnole doucement après son boire alors que la porte d’entrée s’ouvre enfin sur une Zoya qui aurait dû rentrer il y a déjà sept heures. « Bon matin. » que tu murmures, sans jamais lever le regard vers elle. T’es agacé, mais t’as pas non plus envie de te disputer alors qu’elle vient à peine de mettre les pieds chez elle. T’as aucune idée de ce qu’elle a fait, d’où elle était, si elle a dormi cette nuit ou non et la vérité, c’est que tu t’inquiètes pour elle. « Je t’ai envoyé plusieurs messages. T’étais où? » que tu demandes, toujours sur un ton aussi neutre que possible. Tu veux pas jouer à l’ami chiant, celui qui pose trop de questions, celui qui met son nez dans les affaires des autres, mais t’as l’impression qu’elle ne te donne pas d’autres choix que d’être l’ami emmerdeur ce matin. « J’avais dit oui pour m’occuper de Chloé hier soir, Zo. » Et l’emphase sur le hier soir ne laisse aucun doute possible sur ce que tu penses du fait que non seulement, tu as dû t’occuper d’elle toute la nuit mais qu’en plus, elle n’a pas eu la décence de te le demander ni même de t’avertir que ses plans avaient changé en cours de route.

Tu restes concentré sur les traits de Chloé pour ne pas laisser l’agacement monté trop vite d’un seul coup. Tu veux rester ouvert d’esprit, peut-être que Zoya a réellement eu un empêchement quelconque qui fait que pendant les sept dernières heures, elle ne pouvait absolument pas prendre tes appels ou répondre à tes messages textes pour te rassurer et te faire savoir qu’elle allait bien rentrer. C’est sans doute un brin naïf de ta part de vouloir lui donner toutes les excuses du monde, mais c’est ce que tu sais faire de mieux Trent. Excusez tout et tout le monde. Mais ce matin, ce n’est pas aussi simple. Tu es fatigué, tu as passé les dernières heures inquiet et tu t’en fais de plus en plus pour Zoya qui ne semble pas s’adapter comme elle le devrait à son nouveau rôle de mère. « Bonjour. » Tu lèves finalement les yeux sur elle et son sourire crispé t’agace plus que de raison alors que tu attends une quelconque explication de sa part qu’elle ne semble pas décidée à te donner. Tu ne veux pas avoir à lui poser des questions, pas envie d’être l’ami chiant qui doit la remettre à sa place, mais si tu ne le fais pas, qui le fera? « Je sais… la soirée s’est terminée plus tard que prévu. » Tu continues de la regarder. Tu t’attends à plus, tu t’attends à mieux et elle le sait la Lewis, bien qu’elle ne semble pas avoir envie de s’attarder sur des détails que tu demandes pourtant. « T’as pas répondu à ma question Zo. » Ta voix est de plus en plus sèche, elle joue déjà avec ta patience la brune et tu as déjà tout donné à sa fille. « Je croyais que c’était un truc de photo, t’as dormi où? » Elle pense qu’elle peut se contenter du strict minimum et que tu vas laisser passer la situation, comme tu en laisses un peu trop passé depuis quelques mois, mais pas ce matin.

Tu lui rappelles donc que ton offre de gardiennage était bonne pour une soirée, non pas une soirée et une nuit et tu la suis du regard alors qu’elle vient s’asseoir à côté de toi. Chloé continue de téter sa bouteille avec entrain, mais ses yeux suivent désormais les mouvements de sa mère dont elle a évidemment remarqué la présence. « Je n’ai pas vu le temps passé, désolé Trent. » Tu lâches un long soupir en écho à celui de la brune, attendant qu’elle daigne te donner une meilleure réponse que ça sans que tu n’aies besoin d’insister. « Mais tu t’en es très bien sorti à ce que je vois. On devrait faire ça plus souvent. » Là c’est clair, elle se moque clairement de toi. Ton regard se fait plus sévère et tu fronces les sourcils. « Non Zoya, on ne devrait pas faire ça plus souvent. » Ta voix tranche avec la légèreté que ton amie tente de préserver, et c’est sans doute une bonne chose que tu aies toujours Chloé dans les bras pour t’empêcher de réellement t’emporter. « C’est une chose que tu rentres plus tard que prévu, mais c’est complètement irresponsable que tu ne prennes même pas la peine de me répondre. C’est plus seulement toi désormais Zo, faut que tu penses à ta fille. » Est-ce qu’elle y avait seulement pensé pendant cette nuit à faire tu-ne-sais-quoi avec tu-ne-sais-qui? « Et j’avais rien prévu pour les jumeaux moi ce matin, t’es chanceuse que je prévois toujours plus que pas assez. » Tes jumeaux qui étaient encore endormis dans le lit de Zoya à l’heure actuelle, un véritable miracle quand chez toi, ils avaient pris l’habitude de se lever avant le soleil. « Tu ne m’en veux pas j’espère. » Tu échappes un autre soupir tout en secouant négativement la tête. La vérité c’est que tu ne lui en veux pas non. T’es inquiet. T’es fatigué. Tu ne sais plus quoi dire ou quoi faire pour secouer la Lewis sur la réalité qu’est désormais sa vie. Chloé termine sa bouteille et tu l’assois sur tes genoux et tout de suite, ses bras se tendent dans la direction de sa mère. « Je pense que quelqu’un s’est ennuyée de sa maman. » que tu souffles, un peu plus doux et tu transfères la gamine dans les bras de Zoya. « Tu peux pas continuer comme ça. » que tu t’oses finalement à lui dire et tu pinces les lèvres dès que les mots filent et remplissent la pièce. Tu ne veux pas lui faire la morale, tu ne veux pas non plus lui dire comment elle devrait agir, comment elle devrait se sentir, mais tu ne sais plus quoi faire de la situation. Ce n’est pas la première fois que ton amie se faufile de ses responsabilités parentales en prétextant des raisons qui ne font jamais beaucoup de sens et tu crains de voir la situation s’empirer. Ce sont les petits pas d’Aaron qui se font entendre alors qu’il s’émerveille de voir celle qu’il considère comme tata Zozo de si bon matin. « Tataaaa! » qu’il s’écrit en courant vers elle, les bras dans les airs à la demande d’un câlin. « Sissy réveillée. » qu’il dit de sa petite voix, annonçant que Siobhan attend sans doute d’être sortie du lit, puisqu’elle peine à descendre d’un lit double comparativement à Aaron qui est pro escaladeur. « Tu peux aller la chercher s’il-te-plaît? » que tu demandes à Zoya sur une voix plate, Chloé toujours dans tes bras. Tenté d’avoir une discussion avec trois petites têtes qui demandent beaucoup d’attention sera sans doute compliqué, mais tu ne peux pas laisser la situation continuer ainsi.

Tu la connais, ta réputation. Celle du mec trop bon trop con, celui qui ne refuse jamais rien à personne, celui qui est facile à manipuler et à utiliser pour parvenir à ses fins, quelles qu’elles soient. Tu le sais et malgré tout, c’est plus fort que toi, tu es tout simplement incapable de ne pas aider, de ne pas venir au secours des autres, particulièrement de ceux qui te sont proches et elle le sait Zoya, depuis longtemps. Et pourtant, ça pince d’une manière différente de réaliser qu’elle en joue, la brune. Comme si elle pouvait se déresponsabiliser parce que toi, tu vas assurer derrière elle. Parce qu’elle sait qu’il n’y a rien que tu ne ferais pas pour elle ou pour sa fille. Que tu comprends trop bien comment ça chamboule une vie, l’arrivée d’un enfant qui n’était prévu et qu’un peu de support n’est jamais de refus. Mais là, ça dépasse le support et tu ne sais pas vraiment comment gérer avec la situation parce que tu es bien plus le genre à éviter les conflits qu’à les provoquer. Mais entre Chloé et les jumeaux, tu es fatigué et la gueule de bois évidente que se traîne ta meilleure amie n’aide en rien au ressentiment que tu ressens actuellement. « Trop de coupes de champagne, on a fini chez un des artistes, je me suis assoupie sur le canapé. » Tu secoues la tête, pas complètement convaincu par son excuse bien que tu n’aies pas le courage de l’interroger plus longuement sur le sujet. Ce n’est pas tant ce qu’elle faisait qui te dérange, mais bien plus le fait qu’elle l’ait fait sans jamais te donner le moindre signe de vie alors qu’elle devait bien se douter qu’elle ne rentrerait pas à l’heure qu’elle t’avait donné. « Je le sais Trent! » « Ça paraît pas. » Tu réponds sans doute trop vite, trop agacé. « Ne dramatises pas non plus, je ferai plus attention la prochaine fois, je suis désolée. » Tu secoues la tête. Tu as envie de lui dire qu’il n’y aura pas de prochaine fois, que tu ne vas pas te mettre à jouer au père de substitution pour Chloé seulement parce qu’elle te voit endosser ton rôle de père auprès des jumeaux, mais tu ne dis rien parce que la vérité réside dans le fait que tu ferais n’importe quoi pour la gamine, et pour sa mère aussi, même quand elle te rend complètement dingue comme en ce moment. « Tu vois que tu es parfait? » Tu roules des yeux, mais il y a bien un sourire qui vient se loger au coin de tes lèvres. « Que ferais-je sans toi? » Elle pousse Zoya, elle sait trop bien se jouer de la situation et ce serait facile de s’en tirer d’affaire, si tu n’avais pas la gamine dans tes bras pour te rappeler que l’enjeu est plus grand jamais désormais. « T’es pas possible. » que tu souffles tout de même sur le ton de l’humour alors que Chloé demande à voir sa maman.

Alors que mère et fille se retrouvent finalement, tu ne peux pas retenir tes inquiétudes plus longtemps ce qui te vaut automatiquement un regard sombre de la part de la Lewis. « Qu’est-ce que tu sous-entends là, Trent? » Tu pinces les lèvres légèrement. « Tu sais très bien ce que je sous-entends, Zo’. » Tu n’as pas envie d’avoir à lui faire la morale, pas envie de devoir t’étendre en long et en large sur ces choses qui doivent changer dans son quotidien selon toi. Parce que ce n’est pas ton rôle de le faire. Tu n’es pas son père, tu n’es pas son petit ami non plus. Et pourtant, tu as cette impression que si tu ne le fais pas, personne n’osera le faire. Parce que tu la connais trop bien, Zoya. Tu sais comment elle est douée pour se sauver des discussions qu’elle n’a pas envie d’avoir, pour se pousser un peu plus profond dans son déni, surtout lorsqu’il s’agit de sa fille. « Tu peux pas continuer d’agir comme si ta vie avait pas changé depuis la naissance de Chloé. » Elle ne veut pas l’entendre, tu le sais. Mais c’est la réalité : la naissance d’un enfant, ça chamboule tout. « J’te dis pas que tu peux pas avoir tes soirées pour toi, mais tu peux pas découcher comme ça et juste assumer qu’il va y avoir quelqu’un derrière pour s’occuper de ta fille. »Tu échappes un long soupir. Tu voudrais en dire bien plus, mais tu es interrompu par un Aaron qui accoure dans le salon, excité de réaliser que tata Zozo est là. Le petit bonhomme t’indique que sa sœur est réveillée et Chloé se trouvant de nouveau dans tes bras, tu demandes à ton amie d’aller chercher ta fille. « Je peux, puisque, visiblement, je te suis redevable, c’est le moins que je puisse faire. » Le comportement enfantin de ta meilleure amie t’arrache un nouveau soupir, mais tu ne dis rien de plus, te concentre plutôt sur ton fils qui est déjà plein d’énergie, à chercher l’attention de Chloé qui gazouille dans tes bras. Zoya revient avec Siobhan qui s’approche de toi avec un grand sourire et Zoya reprend sa fille sans réellement t’adresser un regard. « Je ne retiens pas plus longtemps, tu peux rentrer chez toi maintenant. » « T’es sérieuse là? » que tu souffles, incrédule alors qu’elle te tourne déjà le dos, Chloé qui s’agite déjà dans ses bras. « Chut, calme-toi. Come on, pourquoi tu t’agites autant? » « Parce qu’elle sent que t’es énervée. » que tu dis d’une voix plate alors que tu te lèves du canapé et te rapproche du duo de Lewis. « Elle commence sans doute à fatiguer un peu aussi, ça fait déjà deux heures qu’elle est réveillée. » que tu précises ensuite alors qu’Aaron se place entre tes jambes, tirant sur ton jean. « Céréales papa? » Tu hoches la tête doucement. « Est-ce que c’est trop te demander que je fasse déjeuner les jumeaux ici ou si t’es vraiment déterminée à n’en faire qu’à ta tête alors que je t’ai dépanné toute la nuit? » Tu n’es pas là pour te chicaner, pas là non plus pour lui pourrir la vie et elle devrait le savoir Zoya qu’au bout du compte, tu n’as jamais que ses meilleurs intérêts à cœur.

Ce n’est pas le bon moment pour commencer une quelconque discussion avec Zoya et pourtant, tu ne peux retenir les commentaires plus longtemps. Parce que tu t’inquiètes pour elle, même si ce matin, ça ressemble plus à des reproches qu’à de l’inquiétude. Tu es fatigué d’avoir passé la soirée et la nuit à gérer trois enfants, dont une qui ne fait clairement pas ses nuits encore alors que tes jumeaux eux, ont enfin trouver un rythme de sommeil qui te permet de survivre à tes journées souvent bien trop remplies. Le fait qu’elle se braque aussitôt te confirme que tu as raison de t’inquiéter toutefois, si ce n’était rien, si elle ne réalisait pas, elle ne s’énerverait pas de la sorte, la Lewis. « Non, éclaires ma lanterne, je t’en prie. » Tu roules des yeux. Le ton de la conversation est donné et la dernière chose dont tu as envie, c’est de continuer sur cette lancée. Ça ne peut que mal-virer et tu n’as pas la patience pour gérer avec une Zoya entêtée qui te fait la gueule. Ça ne durera pas, tu le sais trop bien, vous les avez enchainés depuis l’école primaire, les disputes qui durent trente secondes pour finalement être régler par le premier qui réussi à faire rire l’autre. Ça n’a jamais été compliqué entre vous deux et tu ne veux pas que ça le devienne non plus, mais comme toujours, tu te sens responsable. Responsable d’elle et en quelque sorte, responsable de cette gamine qui n’est pas tienne, mais que tu aimes aussi fort que si elle était ta chair et ton sang. Il n’y a pas vraiment de différence pour toi après tout, Zoya, elle est comme ta sœur et tu ferais n’importe quoi pour elle. Même la remettre à sa place de bon matin. « Parce que tu serais partie? Tu n’aurais pas laissé Chloé toute seule et c’est pour ça que je ne me suis pas inquiétée, parce que je te fais suffisamment confiance pour savoir que je peux compter sur toi suite à un imprévu. » « T’appelles le fait de trop boire et de finir je-ne-sais-ou avec je-ne-sais-qui un imprévu? Non, moi j’appelle ça être irresponsable. » Il est dur le mot, mais elle a besoin de l’entendre. Elle a besoin qu’on la secoue une bonne fois pour toute parce que non, tu ne seras pas toujours là pour ramasser les morceaux derrière elle. « Évidemment que je n’aurais pas laissé Chloé toute seule, mais tu réalises la situation dans laquelle tu m’as mise? T’aurais fait quoi si j’avais eu une urgence au boulot? » Toi, tu te serais débrouillé pour t’assurer que les trois enfants sont en sécurité. Puisque tu n’as pas trois sièges pour bébé, tu aurais sans doute demandé à Delilah de venir s’occuper du trio chez Zoya, mais la vérité c’est que tu ne devrais pas avoir eu à penser à cette possibilité. Ou plutôt, Zoya aussi, devrait se mettre à penser de la sorte et ne pas seulement s’occuper de ses propres envies, de ses propres volontés.

Sans grande surprise, tout dégénère rapidement alors qu’elle prend tes commentaires comme des attaques alors que tu ne souhaites qu’une chose : qu’elle prenne ses responsabilités à cœur parce qu’il ne s’agit plus seulement d’elle mais bien de la vie d’une petite fille qui dépend entièrement d’elle. Elle t’intime de partir chez toi, alors que les jumeaux se réveillent à peine et qu’ils sont encore vêtus de ses pyjamas que tu traînes partout avec toi, en cas d’urgence. Tu es un prévoyant Trent, et ça te sauve souvent dans toute sorte de situations et elle le sait, Zoya. Chloé s’agite dans les bras de sa mère qui se retrouve rapidement prise au dépourvue par la tournure que prend ce moment et ton commentaire/conseil ne fait que mettre l’huile sur le feu apparemment. « Je n’ai pas besoin de ton avis! » « C’est bien la première chose que tu n’as pas besoin de ma part! » Oh que tu es piqué là Trent, oh que tu aurais dû le retenir, ce commentaire-là. Il n’aide en rien à la discussion et c’est surtout de l’égo mal-placé. Tu lui communiques toutefois que Chloé doit commencer à être fatiguée vu son réveil très matinal. « Je vais aller la coucher. » Mais avant même qu’elle n’ait le temps de quitter le salon, ton fils demande à déjeuner, ce qui attire l’attention de ton amie. « Pour les jumeaux, ça ne me dérange pas. » Elle change ses plans complètement quand elle te redonne Chloé et décide plutôt de se concentrer sur la demande des jumeaux qui consiste en des bols de céréales. Chloé se met à pleurer un peu plus fort dans tes bras, mais plutôt que de la rendre à sa mère, tu te diriges vers la chambre de cette dernière et tu commences à la bercer tout doucement pendant quelques minutes, ce qui fonctionne comme un charme puisque la gamine s’endort rapidement dans tes bras. Tu réussis à la déposer dans son berceau et quand tu rejoins la cuisine, les jumeaux sont tous les deux en train de manger alors que Zoya s’active dans la cuisine. « Tu veux quelque chose? » Elle ne se retourne pas vers toi, et tu ne réponds pas sur le moment. Elle sort tout de même deux tasses et des pochettes de thé et se met ensuite à la confection de ce que tu devines être ses fameux pancakes. Tu viens t’asseoir entre les jumeaux alors que la Lewis continue sa préparation et après quelques minutes, elle dépose une assiette devant toi. « Évite de t’étouffer avec. » Elle retient un rire, mais tu le vois, ce sourire qui vient habiter ses lèvres. « J’te promets rien. » que tu répliques à ton tour sur le même ton amusé. « T’as passé une belle soirée au moins? » La photo étant un intérêt que vous avez en commun, elle te connaît assez pour savoir que tu es sincèrement intéressé par l’aspect photographie de sa soirée, peu importe ce qui a bien pu se passer ensuite. « Tu fais vraiment les meilleurs pancakes. » que tu lui annonces sans doute pour la centième fois, la bouche encore pleine. Et ça, c’est tout ce que ça prend pour trouver un terrain de réconciliation.

« Fuck you! »

La réaction de Zoya est instantanée et elle ne fait que t’arracher un rire sarcastique. Elle n’apprécie pas que tu lui dises les choses telles qu’elles sont. Ça l’énerve, parce qu’elle sait trop bien que tu as raison dans ce que tu avances. Tu détestes devoir agir de la sorte, mais tu ne sais pas faire autrement parce que tu t’inquiètes pour elle et puis tu t’inquiètes pour Chloe aussi. Tu sais à quel point l’ajustement peut être brutal, et puis tu les connais, les points faibles de la Lewis. Tu sais à quel point elle a besoin de sa liberté et de son indépendance, mais malheureusement, devenir parents signifie de devoir mettre ses besoins derrière de ses enfants et tu n’as pas l’impression qu’elle l’a pleinement réalisé, Zoya. Ce n’est sûrement pas le bon moment, ni même le bon endroit. Chloé fatigue et les jumeaux vous rejoindront trop rapidement et ce sera alors pratiquement impossible pour vous de vous parler comme vous devriez le faire, mais tu devais absolument aborder le sujet. Ne serait-ce que pour planter l’idée dans sa tête, pour qu’elle puisse y réfléchir, peut-être même le comprendre par elle-même sans que tu ne sois constamment obligée de jouer au père avec elle. C’est tout ce que tu voulais au fond, mais elle semblait décidée à l’entendre d’une autre façon ce matin. « Ça n’a pas été le cas, n’est-ce pas? Alors la question ne se pose pas. » Elle pense qu’elle est brillante, avec ses esquives et ses commentaires sarcastiques, mais elle ne semble pas réalisée que ce n’est pas parce que ce n’est pas arrivé cette nuit que ça ne se produira pas la prochaine fois. Parce que tu le sais trop bien toi, qu’il y aura une prochaine fois, à la manière qu’elle a agi et qu’elle réagi ce matin. Mais tu ne pourras pas constamment être celui qui assure derrière elle, ça ne serait pas lui rendre service à long terme, tu le sais trop bien. « Je peux pas être ton baby-sitter attitré Zoya. Pas avec les jumeaux et mon boulot, c’est trop. » Et ça, c’était difficile pour toi de l’admettre. De devoir lui faire comprendre que tu ne pouvais pas tout faire et être partout à la fois, même si c’est bien tout ce que tu aimerais par moments. Tu ne veux jamais déplaire, tu veux toujours faire plaisir et elles comptent plus que tout à tes yeux, Zoya et Chloé. Mais il te faut savoir mettre tes limites, que cela lui plaise ou non.

La tension continue d’augmenter jusqu’à finalement trouver un point d’accalmie et c’est lorsque tu reviens dans la cuisine, une fois Chloé endormie, qu’elle redescend enfin. L’odeur des pancakes y joue pour beaucoup et tu sais que la confection de ces derniers est en quelque sorte un peace offering que ta meilleure amie t’offre, pour acheter la paix et mettre de côté ce différent qui reprendra sans doute plus tard, mais pas aujourd’hui. Pas alors que les jumeaux se goinfrent déjà entre céréales et pancakes, à rigoler dans leur langage secret et que tu te délectes de la simplicité de cette scène. Tu t’intéresses tout de même à la soirée de ton amie parce que c’est le genre de personne que tu es, éternellement curieux sur les choses qui rendent ceux qui te tiennent à cœur heureux. « Oui. Le projet est inspirant. Les clichés de ce photographe sont juste la perfection, je n’ai jamais rien vu de tel. Il a une manière particulière de mettre en lumière le moindre petit détail, celui auquel tu ne fais pas attention à l’œil nu et qui pourtant, est bien présent. Ses derniers clichés étaient ceux de fond marin. Le genre de projet qui me botterait, et je suis certain qu’à toi aussi. » La passion dans ses yeux te fait sourire, tu as vraiment envie d’en savoir plus sur ce photographe et de voir les fameux clichés qu’elle décrit avec autant d’enthousiasme. « Et ce projet qui se profile m’intéresse vraiment… Mais je lui ai dit qu’actuellement, ma situation ne me permettait pas de m’absenter sur plusieurs jours. Il a quand même gardé mon contact et m’a promis de me recontacter pour son prochain projet, parce qu’il aime beaucoup ce que je fais. » Tu viens poser une main compatissante sur celle de ton amie. Tu sais à quel point ça peut être difficile de se mettre de côté pendant ces premiers mois, ces premières années même qui sont complètement transformantes et difficiles auprès de jeunes enfants. « Je suis désolé que tu puisses pas l’aider sur son projet actuel. Ça m’a l’air vraiment incroyable tout ça. » que reconnais d’une douce voix. Ce n’est pas parce qu’elle ne pouvait pas le faire qu’elle n’avait pas le droit d’être déçue. Tu ne doutais pas un seul instant toutefois qu’elle aurait une chance à nouveau, dans un timing plus approprié pour tout le monde. « C’est génial qu’il ait pris ton numéro toutefois! Je suis certain que tu auras ta chance plus vite que tu penses. » Tu lui offres un sourire sincère avant de prendre une nouvelle bouchée des pancakes merveilleusement préparés par ton amie. « Je sais. » qu’elle répond sans aucune gêne à ton compliment ce qui te fait rire. Ça fait du bien que la conversation ait retrouvé un ton de voix régulier. Tu détestes la chicane, surtout avec elle. « Je suis désolée, Trent… Sincèrement. » Tu hoches doucement la tête. Tu sais qu’elle l’est. Tu sais que c’est encore tout nouveau pour elle et que d’avoir la charge d’un bébé est quelque chose qui chamboule absolument tout. Tu n’allais pas la laisser tomber, jamais. Mais tu ne pouvais pas le faire à sa place non plus. « Cette soirée m’a fait du bien, je me suis laissée porter, sans réfléchir et je sais que je n’aurai pas dû. » « Ça va, ça arrive. » Ton discours change un peu, mais c’est surtout parce que tu considères qu’elle n’a pas besoin de se faire constamment taper sur la tête, surtout qu’elle semble prête à reconnaître son erreur. « Et merci. J’ai de la chance de t’avoir, love. » Tu lui souris doucement avant de t’approcher d’elle et de venir poser tes lèvres sur sa joue. « C’est pas parce que t’es grossière avec moi que tu vas me faire peur Zozo. » que tu lui dis avec un rire, faisant référence à ce fuck you expédié avec hargne quelques minutes plus tôt. « Tu sais que tu peux toujours compter sur moi, pas vrai? » Beau temps, mauvais temps, tu répondrais toujours présent. « Même pour te faire la morale. » Que ça lui plaise ou non. Parce qu’elle comptait trop à tes yeux pour que tu la regardes faire sans jamais rien dire.

Ce n’est pas la première fois et ce ne sera certainement pas la dernière fois que tu as un désaccord avec Zoya. Pas la première fois que le ton monte entre vous, pas la dernière fois que les insultes s’échangent sans le moindre fond de vérité alors que tout ce que tu cherchais à faire, c’est lui offrir les yeux sur ses nouvelles responsabilités, comprenant parfaitement qu’elles pouvaient être bien difficiles à accepter sur le coup, surtout pour une fille comme Zoya qui a toujours prôné son indépendance et sa liberté. Ça ne fait pas d’elle une moins bonne mère, tu le sais bien ça. Tu sais à quel point la Lewis affectionne sa fille et qu’à la fin de la journée, elle serait prête à toute pour cette dernière. L’ajustement prend du temps, plus de temps que tu n’aurais pu te l’imaginer, mais ça va aller. Pas vrai? Les tensions laissent rapidement place à une ambiance bien plus naturelle entre vous deux alors que Zoya se fait pardonner à coup de pancakes, de la triche qui fonctionne à tous les coups puisqu’elle connaît parfaitement tous tes points faibles, la brune. Elle a des étoiles dans les yeux alors qu’elle te parle de ce projet qu’elle a dû refuser dans l’immédiat, et tu sais que ça n’a pas pu être une décision facile pour elle, mais tu sais que ce n’est pas sa dernière chance. Chloé ne sera pas toujours si petite, si dépendante d’elle. Et le talent de ta meilleure amie aura la chance d’être reconnue bien assez vite. « J’y compte bien. » Tu esquisses un sourire devant la rapidité de sa réponse, elle n’a jamais manqué d’assurance, la Lewis. « Tu me connais, dès le moment où je pourrais me relancer dans un gros projet de la sorte, je serai sur le pas de sa porte en train de le supplier de me prendre avec lui. » « T’auras pas besoin de supplier trop fort j’ai l’impression. » que tu renchéris avec un sourire sincère. Tu sais que ce photographe, peu importe qui il est et ce qu’il fait, aurait une chance immense d’avoir une assistante comme Zoya à ses côtés pour ses futurs projets.

« Tu me connais, je ne le pensais pas. » Tu hausses les épaules tout en hochant de la tête. Évidemment que tu le savais. Tout comme tu savais que tu pouvais être un peu trop protecteur et un peu trop moralisateur par moments, même si cela partait toujours d’une bonne intention. Tu ne voulais rien d’autre que ce qu’il y a de mieux pour Zoya autant que pour Chloé, et malheureusement, cela voulait parfois dire qu’en tant que parents, des sacrifices et des concessions doivent être faites. « Je le sais, peut-être un peu trop tu ne penses pas? » Tu fais mine d’y réfléchir pendant quelques secondes avant de secouer la tête à la négative. « Non, je pense que tu le sais juste assez. » que tu plaisantes avec un large sourire. « Et tu sais que tu peux compter sur moi en retour, Trent. Et si tu veux que je te gardes les jumeaux un soir parce que, toi aussi, je pense que tu as besoin de faire une pause de temps en temps, tu sais que je suis là. » « T’en fais pas, Delilah garde les jumeaux souvent. » Quand tu travailles, ce qui n’est certainement pas la pause à laquelle Zoya faisait référence mais bon. La vérité, c’est que tu savais à quel point ça pouvait vite devenir beaucoup de s’occuper des jumeaux en plus de Chloé alors même si tu avais une confiance totale en ta meilleure amie, elle n’était pas vraiment ton premier choix lorsqu’il s’agissait de gardiennage. « D’ailleurs, comment tu vas, toi en ce moment? » Zoya se veut plus sérieuse et certainement curieuse, mais la vérité c’est que tu n’as pas grand-chose à lui raconter. Ta vie se résume un peu trop à s’occuper des jumeaux et à travailler. Alors tu évites la question, comme tu sais si bien le faire. « Tu me redemanderas quand j’aurais plus que trois heures de sommeil dans le corps. » Tu lui souris doucement, avant de te tourner vers les jumeaux qui ont presque terminé de manger leurs céréales. « On ne va pas tarder nous, Charlie vient les voir tout à l’heure. » La visite quotidienne de leur mère était l’un des moments préférés des jumeaux, et il était difficile de ne pas te sentir coupable quant à fait qu’elle les voyait encore si peu. « Tu vas être correcte? » que tu lui demandes, toujours conscient qu’elle souffre de ce qui semble être une bonne gueule de bois. « Tu devrais aller t’étendre un peu pendant que Chloé dort, je m’occupe de ramasser la cuisine avant de partir. » Trent, trop bon trop con, à votre service.