Retrouvailles autour d’un café

@Leto Sinclair & Nephtys

Leto avait été surprise de recevoir un message de la part de Nephtys, après des mois sans nouvelles. La psychologue avait comme disparu, arrêtant de venir au travail sans prévenir et ne répondant plus au téléphone. Leur patron était même allé au domicile de la jeune femme mais avait trouvé porte close, comme si la blonde s'était volatilisée au milieu de l'hiver. Leto avait continué à envoyer des messages de temps au temps, puis avait arrêté en voyant qu'elle n'avait pas de réponses.

La période avait été compliquée, puisqu'elle s'était attachée à Nephtys, à sa générosité débordante et à son amitié. Depuis le premier jour de la psychologue au sein des services sociaux, leurs caractères avaient tout de suite matché, au point qu'elles se rapprochent aussi à l'extérieur. Et puis, le dynamisme de la jeune femme lui avait manqué sur le terrain, toute son expérience au niveau des groupes de travail qu'elles co-animaient... Leto s'était retrouvée un peu seule et avait réussi à continuer le projet, mais elle avait eu l'impression de se noyer, peinant à tout faire toute seule.

Aussi avait-elle rapidement accepté quand Nephtys l'avait convié à un café. Elle voulait s'assurer que son amie allait bien, et elle espérait avoir quelques explications sur son absence si soudaine. Et si les réponses ne la satisfaisaient pas... Au moins elle aurait pu dire un dernier au revoir à celle qu'elle voulait encore considérer comme une amie. Et en même temps, elle pouvait en profiter pour rendre à Nephtys le carton contenant les affaires qu'elle avait laissé au service social, dans son petit bureau qui avait vite été récupéré pour un autre employé.

Elle s'engouffra dans le café, cherchant des yeux son ancienne collègue. Nephtys fut plus rapide à l'apercevoir, lui faisant signe. Leto la rejoignit en deux enjambées, déposant son carton entre elles sous la table avant de saluer dignement son amie.

« Je vais bien, et toi ? »

Une pointe d'inquiétude dans la voix, parce que ça faisait quand même des mois qu'elles ne s'étaient pas vues. Même si Nephtys avait l'air d'aller bien physiquement - c'était rassurant dans un sens, elle n'avait pas eu un accident ou une maladie.

« Je veux bien un caffé latte au lait d'amande, s'il vous plaît. Avec une part de brownies vegan » demanda-t-elle au serveur qui s'approchait pour prendre sa commande.

Elle avait jeté un œil aux vitrines en entrant, et les pâtisseries lui avaient paru très appétissantes. Elle avait donc hâte de pouvoir les goûter, et elle espérait qu'elles étaient aussi bonnes que belles - mais elle était souvent déçue avec les pâtisseries vegan, trouvant que ça manquait du moelleux de leurs équivalents non vegan... C'était parfois compliqué de remplacer le beurre ou les œufs.

« Tu veux parler de ce qui t'es arrivé ? » demanda-t-elle doucement, alors que le serveur amenait sa commande.

Elle le remercia, avant de reporter son attention sur Nephtys, espérant qu'il ne lui soit rien arrivé de mal ces derniers mois. Mais elle restait curieuse, et elle aimerait avoir des réponses à ses questions.

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@Leto Sinclair & Nephtys

Leto écouta Nephtys partager ses problèmes des derniers mois, les yeux écarquillés et horrifiés. C'était beaucoup de malheurs pour une seule personne, et ce n'était pas étonnant qu'elle ait coupé tout contact, probablement trop occupée à gérer tout ce qui lui était tombé dessus. Le travail n'avait dû devenir qu'une pensée secondaire et peu importante, ce qui était tout à fait compréhensible vu les circonstances.

« Je suis désolée que tu aies dû traversé tout ça » souffla-t-elle, posant sa main sur celle de Nephtys. « Tu as pu être entourée de votre famille ? »

Voir son père mourir tout en accompagnant sa mère sur une récidive de cancer... Leto espérait fortement que les Sharp avaient d'autre famille, des oncles et tantes ou des cousins, qui pourraient soutenir Nephtys et l'aider à garder la tête hors de l'eau. Ou au moins lui changer les idées de temps en temps.

« J'ai continué les groupes de parole » répondit-elle ensuite, acceptant que Nephtys ne veuille pas trop s'étendre sur ses problèmes familiaux. « C'était un peu bizarre sans toi, mais les gens les demandaient. Ils disaient que ça les aidait, alors j'ai repris toute seule. Et certains m'ont aidé à trouver des thèmes, selon ce qu'ils avaient envie de discuter. »

Ce qui l'avait poussé à faire des recherches en dehors de ses horaires de travail, pour être sûre de bien maîtriser les différents sujets. Elle avait donc temporairement mis en pause ses travaux de recherche, le temps de réussir à trouver une certaine routine pour les groupes de discussion, et le temps aussi de bien maîtriser tout ce qui pouvait être amené dans le débat.

« Mais ça doit être intéressant aussi le planning familial ! Surtout avec de tels thèmes ! Tu vas être amenée à intervenir aussi dans les collèges ou lycées ? »

Quoi qu'il n'y avait peut-être pas de cours d'éducation sexuelle, en Australie ? Leto n'en savait rien, n'ayant étudié qu'à l'université. Avant, elle était en constant déplacement et était scolarisée sur les lieux de fouilles où travaillaient ses parents, loin de camarades de son âge. Quoi que ses parents n'aient jamais hésité à lui parler de ce sujet-là - elle se souvenait encore des discussions gênantes, mais utiles, qu'elle avait pu avoir avec eux.

« Les gens qui y vont auront de la chance de tomber sur toi » reprit-elle, sincère. « La première fois que j'y suis allée, j'étais toute intimidée et je suis tombée sur une secrétaire qui ressemblait plus à un dragon... »

De quoi bien mettre en confiance une jeune fille à peine majeure, et qui cherchait juste à être responsable sans trop savoir par quoi commencer. Heureusement que le médecin qu'elle avait vu après avait été plus accueillante et accessible !

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Leto trouvait Nephtys et sa mère courageuses d'affronter ça en étant juste toutes les deux. Surtout que les catastrophes s'étaient enchaînées sans trop leur laisser le temps de respirer ou de rebondir, ce qui aurait pu leur mettre un coup au moral. Elle comprenait d'ailleurs mieux que la jolie bonde ait laissé tomber son travail, trop préoccupée par tout ce qui lui arrivait dans la vie personnelle. Elle était juste un peu triste pour les deux femmes, qui devaient parfois se sentir quand même un peu seules, surtout si toute leur famille était à l'étranger et qu'elles avaient peu de contact avec eux.

Surtout que le sujet semblait toujours compliqué à aborder. Nephtys devait être fatiguée et angoissée avec tout ça à gérer, ce qui était assez peu étonnant. Entre son nouveau travail et la santé de sa mère, ça faisait beaucoup de choses qui pouvaient la fatiguer ou la mettre à fleur de peau...

« Je suis encore en train de chercher un équilibre, entre le travail aux services sociaux et mes sujets de recherche. Je veux pas laisser tomber ça, même si c'est épuisant de rechercher des financements, et des gens pour monter les expériences. Mais si ça peut avoir un impact un jour pour qu'on allège nos suivis de violence ou qu'on prenne mieux les gens en charge... »

Elle n'était pas dupe, Leto. Elle savait que ses résultats de recherche mettraient sans doute des années, voire des décennies, à être utilisé par les pouvoirs publiques. Les violences intra-familiales, c'était un sujet tabou, et les politiques ne voulaient pas vraiment se pencher dessus, trouvant toujours autre chose à financer ou à mettre en avant. Mais elle trouvait quand même important de continuer à chercher, pour qu'il y ait au moins une base que laquelle travailler quand les politiques accepteraient de s'y mettre.

« Les gens étaient partant pour une fois par mois. C'est assez régulier pour qu'ils puissent prévoir la garde des enfants ou un changement d'horaire au travail. Plus souvent, et ils auraient du mal à se dégager du temps. »

Leto n'avait pas encore d'enfants à prendre en compte, mais déjà, entre l'université et la mairie, plus son bénévolat dans le refuge animalier, elle voyait ses journées s'étirer, et avait du mal à tout faire rentrer tout en respectant ses heures de sommeil et ses moments de temps libre.

Nephtys débordait elle aussi de projets, et Leto avait bien envie de continuer à garder un œil dessus. Même si elle n'était pour le moment pas vraiment concernée, elle trouvait intéressant que la psychologue veuille animer des ateliers en lycée ou collège et pouvoir évoquer la sexualité avec des adolescents.

« C'était à Brisbane oui, un de ceux qui est proche de la fac. C'était le plus simple pour moi, vu que je pouvais y aller en sortant des cours, et sans que ce soit trop proche de la maison. Je sais que la secrétaire est partie en retraite, pour en avoir parlé avec d'autres filles. Mais clairement, elle, elle était pas très ouverte à l'idée de faire l'amour avant le mariage, ou de vouloir une contraception quand t'étais pas mariée » reprit-elle, levant les yeux au ciel. « Je voulais juste faire le point sur ce qu'il fallait faire ou non avant d'arrêter le préservatif avec mon copain, un truc pas très grave, mais ça m'a quand même stoppée net. »

Il lui avait fallu quelques mois de plus, et la remplaçante de son médecin traitant, plus jeune et mieux informée, pour qu'elle ose sauter le pas et fasse les examens nécessaires. Ou se décide sur sa contraception, histoire d'éviter d'avoir un bébé à un moment qui n'aurait pas été le bon pour elle ou son couple.

« J'espère juste que tout le personnel est mieux formé à l'accueil des ados ou jeunes adultes. Ou même des adultes tout simplement. J'imagine qu'on se sent toujours vulnérable quand on doit se rendre au planning familial ? »

La plupart des adultes avaient déjà leurs médecins et professionnels de santé attitrés, chez qui ils faisaient un suivi régulier. Devoir aller consulter au planning signifiait donc devoir se présenter devant un inconnu pour parler d'un sujet intime et compliqué...

« Je suis désolée que tu aies vécu tout ça. Mais j'imagine que ça doit nourrir ton envie de faire mieux pour tout ceux que tu accueilleras ? »

Elle n'osait imaginer la difficulté que c'était de devoir voyager d'un état à l'autre pour pouvoir avorter, de se retrouver peut-être seule à affronter tout ça, dans un endroit inconnu... Un bon carburant pour avoir envie de faire mieux pour informer les femmes et les couples de leurs droits et de leurs possibilités.

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« Oh, j'ai passé ma thèse cet été et je l'ai eue » expliqua Leto, les joues un peu plus rouges. « Mais vivre de la recherche c'est compliqué... »

Elle le savait en choisissant cette voie, et pour avoir eu des parents chercheurs, elle avait toujours su combien ce serait difficile. A concilier ses recherches et ses demandes de financement avec son poste au sein des services sociaux, elle était juste contente de ne pas avoir d'enfants, auxquels elle n'aurait pas eu beaucoup de temps à consacrer ces derniers mois. Au moins, Milo ne demandait rien d'autre que des câlins, lovés ensemble sur le lit ou l'un des fauteuils de l'appartement. Et de la pâtée à peu près à la même heure tous les soirs.

Et puis, avec en plus les groupes de discussion à organiser, elle ne voyait pas le temps passer. Centraliser les demandes, voir quels sujets revenaient le plus et faire ses recherches pour être sûre d'y aller armer avec les réponses aux questions qu'elle pouvait deviner lui rappelait ses premières années d'université, et le professeur de biologie qui aimait les évaluer par le biais d'exposés sur des sujets qu'il leur faisait tirer au sort.

« C'est fou les thèmes qu'ils peuvent vouloir aborder. Et chaque fois j'ai quelques connaissances, mais juste de quoi survoler quoi. S'ils me demandent des trucs sur la sexualité ou comment parler de ce sujet avec leurs enfants, je ferai appel à toi ! »

Avec son poste au planning familial, Nephtys était tout à fait indiquée pour aborder ce genre de sujets, plus facilement que Leto puisqu'elle avait l'expérience du terrain. Et certains des usagers seraient sans doute ravis de revoir la psychologue après ces mois d'absence.

Peut-être qu'ils avaient eu eux aussi des soucis en se présentant à un planning familial, comme Leto. Faire intervenir des professionnels de ce service, que ce soit Nephtys ou un de ses collègues, pourrait donc être une bonne idée de toute façon. Histoire de casser les idées reçues et de donner un peu plus d'informations sur leur champ de compétences, hors de l'aspect contraception et avortement qui était plutôt connu.

« J'espère que tous les corps médicaux se forment un peu plus sur l'accueil et la communication... C'est particulièrement compliqué au planning familial parce qu'on se sent déjà vulnérable quand on y va, et que souvent, en tout cas pour les gens que je connais, c'était en situation d'urgence... »

Un doute sur un début de grossesse, ou sur une potentielle infection sexuellement transmissible, surtout sur des jeunes gens vivant encore à la maison mais n'osant pas aborder ces sujets avec leurs parents. Se faire repousser pour ça pouvait compliquer la suite de la prise en charge...

Mais se faire accueillir avec froideur et jugement, même chez le dentiste ou un quelconque spécialiste, n'aidait pas non plus à exposer et faire soigner ses problèmes de santé. Surtout pour les usagers fragilisés, ou avec des difficultés financières, et pour lesquels un tel rendez-vous était un sacrifice.

« Mais je suis contente de savoir que tu travailles là-bas. Tu vas pouvoir faire bouger les choses ! Surtout que t'as l'air d'avoir plein d'idées pour commencer ! »

Leto n'avait pas les compétences pour le faire, mais elle trouvait intéressant de pouvoir intervenir dans les lycées et expliquer aux adolescents ce qui se passait dans leur corps, ou de leur parler de consentement et de protection. Des sujets qu'elle avait elle découvert sur internet, en suivant des comptes instagram dédiés ou au hasard de forums...

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« J'ai tellement de projets de recherche que j'aimerais mener, notamment grâce, ou à cause, des dossiers que j'ai suivi avec les services sociaux. Des trucs pour comprendre ce qui peut modifier leur développement physique et psychique, ou comment les soigner après. C'est frustrant de ne pas pouvoir m'y mettre tout de suite. »

Leto voyait tous les jours la violence ou les souffrances, tout en sachant qu'elle avait les capacités de travailler avec un autre angle sur tout ça. Il lui manquait juste de l'argent pour tout mettre en place et pouvoir mener ses recherches... Le plus dur à trouver, finalement.

En attendant, elle s'efforçait de s'investir au sein des services sociaux, pour essayer de changer les choses à son petit niveau. Heureusement que pour ça, elle avait la confiance de sa hiérarchie et pas mal d'idées. Malgré le départ précipité de Nephtys, elle avait pu continuer le projet qu'elles avaient monté ensemble, et voir réapparaître la psychologue dans un autre service lui donnait encore plus d'idées.

« Ah oui, il doit y avoir un service qui gère ça » marmonna-t-elle devant la réponse plus que sensée de la blonde. « C'est terrible le nombre d'intermédiaires qu'il peut y avoir chaque fois qu'on essaye de faire quelque chose de nouveau ! »

Leto avait beau savoir que c'était la logique administrative, des fois, elle avait pourtant du mal à trouver logique que chacun de ses messages passent par une dizaine de personnes avant que sa suggestion puisse être discutée. A ce train-là, elle aurait sa collaboration avec Nephtys quand elle quitterait la mairie pour se consacrer à la recherche et à l'enseignement à l'université !

« Je suis contente que tu aies trouvé un service qui te passionne et qui te donne plein d'opportunités en tout cas. Et personnellement, je suis contente que vous ayez travaillé sur l'accueil des gens, et sur la formation du personnel. J'aurai peut-être moins de mal à vous conseiller, quand les gens en auront besoin. »

Sa mauvaise expérience personnelle l'avait bien refroidie, et elle était toujours un peu inquiète quand elle devait y envoyer des adolescents, ou des jeunes adultes, plus vulnérables et moins habitués à faire entendre leurs avis ou se défendre face à un personnel de santé qui avait décidé de les embêter. Si Nephtys servait de caution ou même qu'elles se retrouvaient à collaborer pour des groupes de parole, même Leto allait pouvoir mettre de côté ses a priori !

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