
J’observe cette foule qui m’acclame sans répit depuis la scène, jouissant intérieurement de la reconnaissance professionnelle qui m’est offerte. Des efforts qui ont porté leur fruit par cet accueil particulièrement prenant. J’y suis arrivée, tout ce travail fourni m’aura permit de connaître ce moment de gloire et de le savourer au premier rang. Le sourire béant qui orne mes lèvres témoigne de cette immense fierté, cette reconnaissance, que je ressens au plus profond de moi, et dont je ne parviens pas à me défaire. Un moment où je suis coupée du monde, alors qu’une voix féminine s’élève jusqu’à moi après s’être discrètement approchée.
“Mademoiselle Williams… Il va falloir y aller maintenant.” J’entends, mais je ne comprends pas. Ce moment n’en est pourtant qu’à son commencement. Elle sourit, hochant brièvement de la tête pour appuyer ses propos, comme si tout était évident, comme si nous étions sur la même longueur d’ondes, alors mon sourire semble peu à peu se perdre face à cette incohérence
“Mais pourquoi?” parviens-je à demander, ayant l’impression d’entendre ce brouhaha général en arrière-plan, nous laissant l’intimité nécessaire pour échanger
“Parce qu’ils vous attendent.” Je fronce les sourcils, ne parvenant pas à comprendre à qui elle fait allusion. Quoiqu’il en soit, cette impression qu’elle veut gâcher ce moment s’amplifie sans en comprendre la raison. Elle le perçoit et me rappelle à l’ordre.
“Ca sonne” Une légère mélodie semble effectivement s’élever dans la grande salle de réception, me poussant à relever mes iris bleus vers le plafond pour en deviner la provenance.
“Vous devez encore vous changer.” Cette somptueuse robe blanche, conçue par un grand créateur, est pourtant la tenue parfaite pour l’occasion. Quelques éclats de rire se font entendre, je suis pointée du doigt, me poussant à baisser le regard sur mon corps, qui se trouve désormais vêtu de simples sous-vêtements. Toujours cette mélodie insidieuse, qui prend de plus en plus de place, qui braille toujours plus, et ces rires moqueurs… Mais qu’est ce que c’est que ce bordel?!
“Savannah...SAVANNAH!” me hurle t-elle, me faisant sursauter alors que mes paupières s’ouvrent subitement. Il me faut quelques secondes pour retrouver mes repères, et reconnaître cette chambre autour de moi, alors que mon corps lui, reste parfaitement immobile. Stupide sonnerie! Je me trouve dans mon lit, et ce son qui trouble ce silence n’est autre que mon téléphone qui me rappelle qu’il est l’heure de se lever.
L’école. Je lâche un juron, parvenant à étirer le bras pour attraper ce détestable petit objet technologique et arrêter ce massacre. Un long soupir, justifié par l’interruption de ce rêve, ô combien agréable, mais aussi par la dureté de la réalité, qui m’impose à devoir interrompre mon sommeil pour jouer mon rôle de mère accomplie. Hourra! Je me frotte le visage, trouvant le courage de relever les paupières pour observer les dernières notifications, subissant la lumière aveuglante de l’écran qui me brule les rétines. Aucune info qui indique que je me suis retrouvée en petite tenue en plein meeting, c’est déjà ça. Une alerte me rappelle pourtant la raison de ce réveil, qui est loin de concerner le petit bonhomme, qui après réflexion, ne dort pas à la maison pour les jours à venir.
Course avec Nephtys. C’est pire que tout. Je lâche le téléphone, tournant pour enfoncer mon visage dans l’oreiller.
Pourquoi? Parce que cette jolie blonde qui s’avère être l’un de mes piliers, a besoin de moi. J’aurais très bien pu trouver une fausse excuse, à laquelle elle n’aurait bien évidemment pas cru une seule seconde, mais mon égocentrisme n’a pas trouvé sa place. J’ai envie d’être là pour elle, particulièrement après les événements qu’elle a subi ces derniers mois. Un soutien qu’elle m’a tout autant apporté dans certaines périodes chaotiques de ma vie. C’est donc vêtue d’un legging noir et d’une paire de baskets que je remonte le chemin qui m’amène tout droit vers le lieu d’animation. L'euphorie de certains sonne comme une souffrance pour moi, qui ne pratique une activité physique que de façon très aléatoire. Ma chevelure blonde a été relevée dans un chignon négligé, alors que la mine que j’affiche, au-delà de l’absence de sourire, laisse largement entrevoir la fatigue écrasante. Les deux cafés pris depuis mon saut du lit n’auront pas suffit. Arrivée à destination, j’observe rapidement autour de moi, devinant rapidement quelques noyaux de personnes qui se sont formés pour l’occasion, alors que mon amie manque pour le moment à l’appel. J’ai l’air d’une parfaite intrus, comme si mon apparence laissait entrevoir tout le côté amateur de ma présence. Puis-je seulement leur en vouloir d’y penser? Pour sauver les apparences, je viens imiter les étirements d’une fille un peu plus loin, me baissant pour attraper le bout de ma basket, alors qu’une voix familière vient troubler ce moment.
« Hey !!! » Je me relève, ayant bien du mal à faire preuve d’autant d'enthousiasme. Elle a toujours eu le chic pour m’amener dans des situations rocambolesques.
« T’as une sale tête ! Mathis a été malade cette nuit ? On dirait que tu as super mal dormi ! » Je souffle sur la mèche blonde qui se la joue rebelle et qui est venue se glisser devant mes yeux.
“J’ai 4h de sommeil au compteur…Et une légère gueule de bois. J’suis sortie hier soir”. Elle acquiesce, mais j’ai l’impression d’entendre un “Encore” dans sa réaction, qui serait pourtant allègrement mérité. Il est vrai que je m’autorise bien plus souvent des sorties extérieures lorsque je n’ai pas Mathis ou que je ne croule sous le boulot, un besoin de me changer les idées qui se fait toujours plus fort.
“J’t’interdis d’le dire” Une remarque, qui provoque pourtant un sourire complice entre nous. Nous n’avions définitivement pas les mêmes moyens de se sortir de nos problèmes.
« Bon, t’es prête ? J’avais tellement hâte de faire cette course d’obstacle ! » Je fronce les sourcils, penchant légèrement le visage par-dessus mon épaule.
“Obstacle?” Ne s’agit-t-il pas seulement d’une stupide course relais?
« Va pas falloir avoir peur de se mouiller, sauter dans la boue ou à la corde par contre, et la concurrence va être rude. Angelina Jolie version wish, là-bas, » Je secoue la tête
“Sérieusement?! Attends, ca faisait pas parti du deal…” Je m’apprête à râler, mais son air tout à fait innocent me rappelle combien ça peut lui tenir à coeur.
“Super…Ca f’sait un bail que je m’étais pas faite un soin du visage “ironisais-je en lui adressant un sourire forcé venant contredire ma précédente réaction. Je suis son regard, devinant sans plus attendre la jeune femme qu’elle ne porte pas dans son coeur, et qui nous dévisage par la même occasion. En temps normal, j’aurais peut-être prit à coeur ce genre d’affront, mais la fatigue et le peu de sérieux que j’investis dans ce moment me pousse simplement à m’en amuser.
« elle a l’air coriace. Je suis sûre que c’est le genre de garce à te faire un croche-pied pour gagner alors méfies-toi d’elle. » Je lâche un rire.
“J’ai toujours été team Jennifer Anniston de toute façon! Allons lui faire manger la terre” Un humour qui se veut léger, je ne suis pas là pour jouer les acharnés mais passer un bon moment en compagnie de la jolie blonde, que je prends grand plaisir à retrouver.