cauchemars en cuisine / (queen street mall)

Ce matin là, Gaïa s’était réveillée seule, la place de l’autre côté du lit déjà froide, celui qui l’avait occupé pendant la nuit probablement évaporé depuis un moment déjà. La déception lui enserrant le cœur un instant, la jeune femme avait néanmoins été rapidement apaisée, quand en descendant au rez-de-chaussée de la maison, elle avait trouvé sur la table un papier accompagné d’une tasse de café qui n’attendait plus qu’un coup de chaud. Ce papier, ce n’était pas grand chose, que quelques mots griffonnés à la va-vite par Vittorio, pourtant, ça lui avait fait un bien fou. Elle l’avait gardé en main un moment, jusqu’à ce qu’il ne reste plus une goutte de ce café qu’elle s’était empressée de faire réchauffer. Même si les choses demeuraient un peu tendues entre son compagnon et elle, un peu bizarres depuis leur dispute la plus récente, leur couple tenait bon. C’était pas grand chose, ce papier, vraiment pas. Mais c’était le genre de détail qui ramenait lentement Gaïa vers la certitude que cet italien qui partageait sa vie depuis des années restait le bon, malgré tout.

Ensuite, elle s’était souvenue de quel jour on était, et ses épaules s’étaient nouées. L’italienne avait reçu en cadeau d’une de ses amies un bon pour un cours de cuisine avec un chef reconnu. La journaliste ne savait pas comment cette dernière avait dégoté cette opportunité, en revanche, elle avait bien retenu le « t’en as plus besoin que moi » qu’on lui avait lancé à la figure. Et comme ce n’était pas faux, au final, elle s’était laissée convaincre. Ce qu’elle regrettait, maintenant. L’italienne redoutait cette journée, plus que de raison, d’ailleurs. La cuisine n’avait jamais fait partie de ses compétences, peu importe combien elle l’avait voulu, alors au bout d’un moment, elle avait simplement mis ça de côté, après avoir failli faire cramer son appart pour la troisième fois. Elle aurait bien annulé ce fameux cours, mais s’était déjà engagée auprès des organisateurs, et puisque décidément pas du genre à revenir sur sa parole, il ne lui restait plus qu’à se préparer pour y aller.

Maigre consolation, même si ça restait mieux que rien, Gaïa avait appris lors de la présentation qu’avait fait le chef à tous ses élèves du jour qu’elle ne serait pas seule avec elle-même aujourd’hui. Ils seraient en binôme, les duos ayant été formés en amont par les organisateurs, au hasard. Intérieurement, l’italienne espérait qu’elle se retrouverait avec quelqu’un qui maîtrisait au minimum les bases, sinon ils se retrouveraient dans de beaux draps. Croisant presque les doigts, la jeune femme s’était dirigée avec l’îlot qu’on lui avait indiqué, son visage s’éclairant quand elle avait reconnu la jeune femme blonde qui s’y trouvait déjà. « Oh, ça c’est une belle surprise! » Et Lyla paraissait aussi ravie qu’elle l’était. « Gaïa! » Quelle chance d’être tombée sur quelqu’un qu’elle connaissait déjà! D’autant que de ce qu’elle savait, la blonde savait au moins comment faire cuire des pâtes, ce qui restait toujours plus impressionnant que ce qu’elle-même savait faire. « Qu'est-ce que tu fais ici ? T'es là pour le cours de cuisine, toi ?! » La journaliste avait grimacé en entendant la remarque de son homologue blonde. « Surprenant, pas vrai? C’est pas comme si j’avais eu le choix… Mais au final c’est peut être pas une mauvaise chose. » Avec une binôme comme Lyla, elle échapperait peut-être à une catastrophe culinaire… « Mais du coup, le fait que toi, tu sois là, me confirme que ce n’est absolument pas un cours pour les débutants. » Reportant un instant son regard sur le chef, qui donnait des consignes à un autre groupe quelques îlots plus loin, Gaïa avait exhalé un soupir. « Je donnerais tout pour être ailleurs, là maintenant. » Dans un café par exemple, avec son ordinateur portable, pour essayer d’avancer sur cet article qui lui donnait tant de fil à retordre.