Pet pet pet pet pet - BIP BIP « TON CARROSSE EST ARRIVÉ PRINCESSE ! » mon cri lancé à la cantonade sous la fenêtre d’Aisling tandis que je coupe le moteur et que mes pieds en tongs peinent à trouver le sol de chaque côté de la mobylette. Je tangue un instant, fait le hulahoop, puis trouve enfin mon équilibre et laisse un petit ricanement satisfait s’échapper de mes lèvres. L’air est doux aujourd’hui, le soleil rougeoyant et les feuilles des arbres se parant d’une dorure féerique volant en tout sens dans une petite danse. Je prends une grande inspiration apaisée avant de sursauter violemment « MA GRATITUDE! » remontant mes lunettes de soleil en forme d’étoiles sur mon petit bob, je m’empare de mon téléphone et fonce dans mes notes où je commence à tapoter rapidement « Cher journal ! » (ça fait classe de commencer comme ça, ça fait encore plus classe d’avoir un vrai journal pour commencer un journal de gratitude, mais j’ai essayé de me trimballer avec et c’est peine perdu, je l’oublie tout le temps. Le téléphone aussi, mais un peu moins) « Il fait orange aujourd’hui, ma couleur préférée ! et ça tombe bigrement bien, parce que j’emmène Aisling à une foire peace and love des années 70s, ce qui est aussi un de mes trucs préférés ! J’ai essayé de sucrer sa moto à Phoenix pour faire encore plus Easy Rider les pattes en avant cheveux au vent mais il m’a pas laissé, ce rat ! Pas grave, Mystérieux Photographe m’a prêté sa mobylette vintage, lui, et franchement, j’ai un look d’enfer ! Aisling arrive, on va bien s’amuser, Robin out !  » Et je glisse mon téléphone dans ma petite sacoche et je tourne un immense sourire radieux à mon amie qui sort de son immeuble. « Salut poulette. Ça gaz ? » (les années kitsch obligent, je m’adapte au jargon local) Je lui tends un petit casque bleu de livreur de pizza tel la gentlewoman bikeuse que je suis et je glisse une sucette dans mon bec en guise de cigarette, ensuite je remet mes lunettes de soleil en place sur le bout de mon nez et mes mains sur le guidon. « Elle claque hein, ma bécane ? Allez, accroche toi tiny dancer, les Bee Gees nous attendent ! »

codage par amatis et birdiesnow

« YOLO ! » hulule ma longue amie en sautant derrière moi et mon cri de victoire se joint au sien alors que nous arrachons le bitume dans un sursaut fougueux et aléatoirement maitrisé. Mais c’est l’aventure ! Le vent agite mes bouclettes de chaque côté de mon petit casque, on fend la bise à toute allure, j’en suis certaine. D’ailleurs j’ai du capter un truc car la mobylette ne tangue plus quand on s’arrête aux feux rouges : les jambes bien écartés, les pieds bien droits, je gère l’équilibre avec panache et une aisance qui gonfle mon buste de fierté. Bientôt, on s’éloigne assez de notre époque moderne pour être accueillie par des grandes banderoles bariolées, des notes de synthé kitsch et succulentes qui flottent dans l’air, des chemises bohèmes et des cheveux fleuris autour de grands sourires radieux. Je peux presque sentir la weed me chatouiller les narines quand je me gare en ricanant. « Tu crois qu’j’aurais dû mettre un foulard dans les miens ? » couine Aisling en tortillant ses petites mèches d’ébène et je cligne tendrement des yeux en la regardant. « Tu es belle comme une boule de disco éclairée par un arc en ciel mon haricot ! » c’est qu’avec ses paupières bleu électrique et ses lèvres orange (ma couleur préférée), elle resplendit de milles feux et me rappelle presque une Twiggy des ténèbres.

D’un coup, une voix s’élève dans mon dos, et j’aperçois (au ralenti) une longue créature aux boucles blondes et dreads décorés de bijoux dorés nous inviter à rejoindre une séance de yoga entre filles pour chanter des mantras. Je la fixe tel un lapin prit dans les phares d’un camion. « Wow, j’adore ton look, me dit-elle, tes fringues font tellement authentiques ! » « Oh cette guenille ? roucoulé-je, flattée et faussement modeste, merci beaucoup, une p’tite friperie au tournant de Russel Street, trois fois rien, j’adore sa façon de virevolter » et ce disant, je virevolte. (J’achète souvent mes vêtements en friperie (j’aime laisser planer le doute quant au fait que je sois ou non une voyageuse du temps (moi je dis que oui) cependant à ma façon de débiter tout ça à la vitesse de l’éclair n’est pas forcément dans mes habitudes). La yoggi cligne des yeux, je cligne des yeux, elle sourit puis « On se voit là-bas ? » « Sauf si on te voit avant ! » et je fais les singer guns. Mince, j’étais profondément uncool. En plus j’ai jamais compris cette phrase toute faite (j'ai paniqué). Je laisse échapper un petit soupir puis hausse les épaules. L’aventure continue ! Je tends d’ailleurs les doigts pour attraper un raisin vert sur un stand de bouffe quand Aisling se penche vers moi, inquiète.  « C’est quoi du kawaii-kiwi yoga ? » « C’est du yoga mignon où on mange des kiwis. C’est Japonais. » répondis-je en poussant le petit fruit dans mon bec. Mais alors ses yeux s’agrandissent et elle piaille « OH !! C’est l’truc avec les bébés chèvres tu crois ? Peut-être que c’est à elles qu’on donne des kiwis ! » Je me frotte le menton « Hmm, j’avoue que bouffer des kiwis la tête en bas pourrait donner la gerbe, tu marques un point » lui accordé-je. Ensuite je me tape dans les mains et je les frotte vivement comme un criquet. « ALORS ALORS ! Par quoi souhaites-tu commencer douce amie ? (je me mets mon pouce par dessus mon épaule) Le stand de kiwi biquette d’Aphrodite là, le mur de l’amour, le- OH MON DIEU Y A DES BARBES A PAPA ARC EN CIEL! » et ainsi je la chope par la main et, la tirant en drapeau, je cours vers notre destinée.

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