Caroline & Joseph

Même si Joseph a terminé ses travaux communautaires depuis quelques semaines déjà, il ne se lasse pas de retourner à la bibliothèque pour enfouir sa tête dans les bouquins. Ce matin, il peut s’y rendre sans passer par la conciergerie où il récupérait jadis le chariot, les balais et les sacs à poubelle dont une odeur puérile s’échappe avant même qu’un déchet ne soit jeté dedans. Ce matin, il est un client comme un autre et personne ne le lorgne comme s’il portait un costume de clown. Il a l’impression d’être invisible, et c’est exactement ce qu’il recherche depuis toujours. Un citoyen parmi tant d’autres, un homme au passé mystérieux pour tout le monde. Il ne se trimbale plus avec le mot « criminel » écrit sur son front. Alors, c’est sans captiver l’attention de personne qu’il se dirige vers ses rangées préférées, celles qui contiennent les romans refermant les meilleures histoires : des bouquins de science-fiction desquels coulent des idées que même l’imagination d’un enfant ne peut inventer. Comme d’habitude, il s’arrête devant quelques titres, choisi celui qui l’intéresse davantage et lit les premières pages, adossé à la colonne qui sépare deux étagères. Sans qu’il ne s’en rende compte, son dos glisse progressivement contre cet appui improvisé et il se retrouve au sol, captivé par cette nouvelle lecture. Ses iris défilent sur les mots et les aiguilles de l’horloge tournent.

« Putain… Déjà 15h ? » Joseph cligne à plusieurs reprises des paupières pour réajuster sa vue. Il n’a pas vu le temps passer et il n’a plus aucune page à tourner : il a dévoré le livre en quelques heures seulement. En grimaçant, il se redresse, légèrement étourdi, tandis que ses jambes se font dévorer par une colonie de fourmis entière. Il est resté bien trop statique, ses muscles le lui rappellent. « Tu sais, Joseph, il y a des canapés à ta disposition à quelques mètres d’ici. » La dame âgée qu’il connait bien lui pointe l’espace de lecture déjà occupée par plusieurs clients, le regard malin. Sur un ton amusé, elle ajoute : « Tu dois bien t’en rappeler, tu as déjà nettoyé le vomi d’un enfant sur un des coussins. » En ricanant, le garçon s’approche de la réceptionniste profitant de son quart d’heure de pause et il la contourne, en posant sa main sur son épaule en guise de salutation. « Ouais, j’sais, mais cet endroit m’rappelle trop d’mauvais souvenirs, justement. » Il marque une pause en rangeant le livre là où il l’a trouvé. « Ça va, toi ? T’essayes encore d’gagner à la loterie pour quitter c’t’emploi d’merde ? » C’est un rire doux comme du caramel qui s’échappe de ses lèvres ridées. « Oh, Joseph, je ne compte plus sur ce miracle. Je suis trop vieille pour attendre ma chance. Je dois dire que… J’ai appris à voir le positif. » Les yeux joueurs, elle pivote la tête vers un vieil homme qui l’observe depuis plusieurs secondes, installé dans la salle de lecture. Son sourire timide trahit ses pensées. L’ex-taulard les observe un à un, voyant la complicité entre eux, et il lance, amusé : « Oh ! T’as d’autres projets alors. T’as visé juste ! Il est canon. En tout cas… Il devait l’être à mon âge. Les cannes c’est pas trop mon truc… Et les mecs non plus, alors j’te le laisse. Tu m’redonneras des nouvelles si ça ne me lève pas trop l’cœur d’imaginer deux vieux s’échanger leur dentier. » Aussitôt, la main de la dame s’étampe gentiment sur son épaule. « Tu es irréparable, Joseph. » Elle rit doucement, lui aussi, puis lui souhaite une bonne fin de journée avant de se diriger vers la sortie, sans oublier de faire un signe de la main au vieil homme qui n’a pas quitté des yeux la réceptionniste.

Il fait encore aussi chaud à l’extérieur, voire plus. Malheureusement pour Joseph, il doit supporter cette veste étouffante qui cache les marques sur son bras : depuis quelques temps, il s’empêche de laisser le monde remarquer sa dépendance aux aiguilles. Le soleil lui tape la rétine, il plisse les paupières en s’élançant vers les escaliers devant la bibliothèque, étrangement enjoué. Ses pensées sont claires, belles. Il a lu un bon bouquin et il mentirait s’il disait ne pas être content pour cette dame qui a enfin décidé de se laisser guider par le courant, elle qui grattait des tickets de loterie jour et nuit dans l’espoir de changer de vie. Quand son regard se pose sur un visage qu’il connait bien, il ne peut contenir un sourire. Il reconnait facilement Caroline : elle est belle, cette fille. Il faut dire que la famille Bauer n’a pas hérité de visages dégoûtants. Il ne lui faut que quelques secondes pour remarquer que quelque chose a changé, chez elle. Ce n’est ni sa coiffure, ni son style vestimentaire : c’est plutôt son moyen de transport qui s’est allégé. Elle s’est départie de sa chaise roulante pour la remplacer par une canne. Avant qu’il ne puisse la saluer de loin, un fantôme vient déchirer son sac, libérant une dizaine de bouquins épais qui s’étalent contre le béton. Sans y réfléchir, il se dirige vers elle et s’arrête devant le dégât, planté comme un piquet. Un sourire malin étire ses lèvres lorsque la jeune femme relève sa tête pour croiser son regard. Sa menace l’amuse, il ricane en haussant les épaules : « Y’avait plus de trucs à dire à propos de ton autre amie, la chaise roulante. C’est dommage que tu l’aies plus, j’ai longtemps fantasmé à l’idée que tu me roules dessus avec. » Seulement après avoir brisé la glace, il s’abaisse pour ramasser les quelques livres qui se sont échappés du sac et il les empile les uns par-dessus les autres en les coinçant contre lui. Lorsque sa main se referme autour de cette lecture érotique dont il lui avait glissé un mot quelques jours plus tôt, sans annoncer le contenu sexuel des pages, il glousse en se mordant la lèvre avant d’interroger Caroline du regard. « J’espère que tu l’as apprécié, celui-là. Il m’avait fait penser à toi. » Il lui tend le livre dont il fait référence, les lèvres pincées, s’empêchant de rigoler comme un gamin appréciant un peu trop les blagues de zizi.        

Caroline & Joseph

Il aimait bien la taquiner, cette Caroline. Elle ne semblait pas prendre ses moqueries personnellement et c’est quelque chose qui manque à beaucoup de gens, ces derniers temps. Même, elle arrivait toujours à lui renvoyer une insulte au visage et ce petit jeu s’éternisait depuis qu’ils s’étaient rencontrés. Évidemment, en voyant qu’elle ne traîne plus sa chaise roulante avec lui, il ne peut pas s’empêcher de lui passer la remarque sans pour autant oublier de l’aider à ramasser les livres qui se sont vautrés au sol, parce qu’il n’est pas réellement méchant. Il faut croire que cette manie qu’il a à tourner toutes les conversations à la plaisanterie lui sert de protection. En faisant des blagues, il n’affiche pas son vrai visage. En tendant le livre érotique en la direction de la jeune femme, afin qu’elle puisse en lire le titre, il esquisse un sourire moqueur mais sa réplique le cloue sur place. Les yeux écarquillés, il reste figé quelques secondes en la suivant du regard tandis qu’elle se dirige vers la bibliothèque. Ce n’est que lorsqu’elle franchit une première marche que ses jambes répondent à nouveau à l’appel. Il la rejoint en trottinant, les bras chargés de bouquins, et il la lorgne tandis qu’elle continue de plaindre sa situation actuelle. Six mois sans « contact » humain, alors… Évidemment, comme tout homme appréciant la beauté des femmes, il ne peut effacer ces images qui s’encrent au fond de son crâne et il se secoue les puces, légèrement ébranlé. Il faut dire qu’il n’avait pas l’habitude de parler si ouvertement de ce genre de chose depuis qu’il était sorti de prison. Quand la jeune femme se retourne vivement vers lui, il se stoppe net et l’écoute en arborant un léger sourire malin pour cacher sa surprise vis-à-vis de la situation. Parce que, oui, il est surpris. Devant ces révélations inattendues, il comprend qu’elle n’a officiellement pas vu le petit message qu’il lui avait envoyé. La laissant reprendre l’avance dans sa course, il s’élance en sa direction à la dernière seconde pour se glisser entre elle et la porte d’entrée, lui bloquant l’accès. Malhabilement, il arrive à ouvrir le livre érotique à la première page et il montre les chiffres inscrits dans le haut. « J’imagine que t’as pas vu mon numéro, alors. Parce que, si t’étais réellement en manque, tu m’aurais appelé. » Il marque une pause en se mordant la lèvre inférieure et il admet, ensuite, dans un souffle : « Mais j’ai pas mis mon numéro pour ça. T’as l’air sympa, j’m’étais dit qu’on pourrait s’échanger quelques sms. Et puis… » Les yeux pleins de malice, il conclue : « Une fille dans ton genre doit pas avoir beaucoup d’potes, j’voulais t’aider ! »  Évidemment, il ne peut pas s’empêcher de glisser une plaisanterie dans la conversation parce qu’elle semble trop sérieuse. Il est certain du contraire : cette Caroline devait faire tourner les yeux de tout le monde, hommes et femmes confondus. Jalousie, ou désir, dépendamment de l’orientation sexuelle de chacun.  

Caroline & Joseph

Malgré les secondes qui défilaient, Joseph se sentait toujours aussi surpris. Jamais il n’aurait imaginé que la sœur de Sid, le tatoueur au cœur brisé, puisse être si librement ouverte à ce genre de conversation. En tout franchise, l’ex-taulard s’était attendu à une fille timide, voire ennuyante, en approchant d’elle la première fois. Il l’avait tout de suit reconnue grâce à sa mémoire infaillible et l’avait abordée sans jamais révéler qu’il avait déjà vu son visage sur une photographie. Ça avait été une bonne surprise pour lui de voir que cette jeune femme, malgré son handicap éphémère, n’était pas du genre à se cacher derrière un masque, comme le font beaucoup trop de gens en ville. Il avait même rapidement compris qu’elle reconnaissait le sarcasme comme un langage à part entière et n’avait jamais hésité à l’utiliser en sa présence. C’est pourquoi, cet après-midi, il se moque d’elle, gentiment, pour une énième fois, prétendant qu’une fille dans son style ne doit pas attirer bien des gens. Évidemment qu’il plaisante : cette fille est très belle et de bonne compagnie, lorsqu’elle se lève du bon pied le matin. Lorsque Joseph se fait bousculer par Caroline qui souhaite le contourner rapidement, il comprend qu’elle n’est probablement pas dans son assiette, aujourd’hui. Ça ne l’empêche pas de la suivre à nouveau et puis, de toute façon, c’est lui qui porte ses bouquins. Il ne va pas les poser au sol et tourner les talons pour la laisser avec ses problèmes. « Si tu penses que j’ai besoin de toi comme ami, t’es vraiment à côté de la plaque.  Et peut-être que je l’ai vue ton numéro, mais que j’ai rien fait parce que tes pas mon genre… » Emboîtant son pas, il hausse les épaules, très peu dérangé par ses propos. Il n’a jamais été le genre d’homme qui laisse l’opinion des autres le mouler, le transformer. Il est comme il est et il ne changera pour personne. « Ça ne me dérangerait pas. Je sais que j’suis pas un bon ami alors, c’est rassurant, en quelques sortes. J’voudrais pas bousiller ta pureté ! » Il la suit jusqu’au comptoir, toujours aussi surpris par l’air climatisé qui fait contraste avec la chaleur étouffante australienne. Arrivé au comptoir à côté de Caroline, il pose la pile de romans sur le plaquée de marbre et offre un sourire à la réceptionniste avec laquelle il a discuté à peine un quart d’heure auparavant. Il écoute les deux femmes discuter, le regard légèrement lunatique – parce qu’il fixe cette fougère beaucoup trop verte sur le bureau de la dame – et il se secoue les puces lorsque le fameux livre érotique redevient le sujet de conversation. « J’espère que la lecture vous a été utile à tous les deux… » Dénué de gêne, contrairement à la sœur de Sid, Joseph lance, sur un ton enthousiaste : « Malheureusement, non ! Je ne suis pas son genre de mec. J’imagine que Caroline souhaitera emprunter la suite pour l’utiliser avec un homme qui lui plaît davantage ! » Il pose un coude sur le comptoir et analyse les lieux du regard. « Y’a quelqu’un dans cette bibliothèque qui correspond à tes critères ? Je connais la moitié des mecs, ici. La majorité est gay mais je peux te présenter ceux qui sont à la recherche d’une princesse boiteuse ou ceux qui ont envie de rompre avec leur copine mais qui n’ont pas le courage de faire le premier pas ! Tu pourrais les aider ? » Une lumière d’amusement traverse ses pupilles lorsqu’il interroge Caroline du regard, attendant sa réponse.

Caroline & Joseph

Caroline a commencé le petit jeu : Joseph n’arrêtera pas tant qu’il n’aura pas gagné. Il est comme ça : très compétitif lorsqu’il s’agit d’un duel de conneries. Rien ne peut l’arrêter tant qu’il n’a pas entendu le soupir défaitisme de son adversaire, celui qui l’averti que l’ex-taulard a franchi la limite et que son compétiteur n’a pas l’intention de le suivre aussi loin. Le doux souffle de la victoire. Alors, pour continuer dans sa course, il propose à la jeune femme de lui présenter les hommes qui ne sont pas attirés par le même sexe, dans la bibliothèque. La répartie de Caroline lui fait hausser un sourcil tandis qu’il tique quelques secondes sur le détail concernant les livres érotiques. C’est quelque chose que les femmes cherchent chez un mec ? Qu’ils aiment se glisser une main dans leur pantalon tandis que l’autre tourne les pages d’un bouquin érotique ? Il en apprend tous les jours. « Tu abandonnes le projet ? Ça veut dire que les mecs qui te plaisent sont des « projets », pour toi ? J’imagine que t’es du genre à coucher par ici et par là, du moins, quand tu n’as pas les jambes bousillées. » Ses pensées s’évadent un moment, il revoit la photographie de la sœur de Sid sur le bureau, puis les mots durs que le tatoueur a prononcés. Joseph ne s’attendait pas à rencontrer une femme aussi libertine en abordant cette Caroline. « J’dois dire que ça me surprend ! » Et il hausse les épaules en détournant le regard, pour l’informer qu’il a lui-même décidé de changer de sujet. Un sourire amusé redresse le coin de ses lèvres lorsque sa compagnie décide de louer le deuxième tome du livre qu’il n’a, finalement, pas réellement lu. Il a fait comme tous les gamins immatures : chercher les meilleures parties, lire un moment puis abandonner en constatant que l’histoire n’est pas intéressante, en dehors des parties de jambes en l’air. « Et toi Joseph, est-ce que y’a une meuf ici qui pourrait correspondre à tes critères? Je me dis que si t’es au courant que la moitié des mecs ici sont gay… C’est que ça expliquerait bien des choses à ton comportement. » S’il y a un homme à Brisbane qui ne s’offusque pas lorsque quelqu’un questionne son orientation sexuelle, c’est bien Joseph. Il a toujours considéré les gays comme des combattants de la liberté, des hommes et des femmes qui décident de se ficher du regard des autres et de la « normalité », comme le disent les hétéros. « Je me suis toujours demandé pourquoi tu ne m’as toujours pas invité à boire un verre… Maintenant je comprends tout. » Il hoche la tête, n’essayant pas de la contredire, parce que ça l’amuse. « La meuf qui correspond à mes critères ne fréquente pas la bibliothèque. » Il la défie du regard, lui faisant rapidement comprendre que ce n’est pas la gente masculine qui arrive à bouleverser ses tripes. « Mais si tu veux que j’t’invite, n’hésite pas à me demander ! J’sais que les filles aiment l’effet de surprise mais je peux toujours te surprendre en te laissant payer l’addition une fois qu’on a consommé pour quatre ! »

Caroline & Joseph

« Pour moi, ce ne serais pas une surprise de devoir payer pour toi tu sais... Passer son temps dans les librairies, je me doute bien que ça doit pas être très payant… » Malheureusement pour le concerné, Caroline a bien raison : mais il ne l’admettra pas à voix haute. Certes, il ne travaille plus à la bibliothèque, mais l’emploi instable qu’il s’est trouvé pour le moment ne lui permettrait pas de gâter une jeune femme désirant boire jusqu’à ne plus se souvenir de la veille, ou manger jusqu’à ce que son estomac lui supplie d’arrêter. Mais, cette bibliothèque, il l’aime bien malgré qu’il ait perdu mille heures entre ses murs, à nettoyer les déchets des autres. Il a reçu une carte de membre gratuite, peut-être parce que l’état s’était dit qu’en l’instruisant avec les mots entre les pages des livres, il ne serait plus le délinquant qu’il semble être. Le regard du garçon dévie vers la dame qui rapporte le second tome de la lecture érotique, et il glousse : il l’avait presque oublié, ce bouquin. « Ça me ferait donc grandement plaisir de pouvoir payer quelques verres au mec le plus tordu que je connaisse, histoire qu’il arrête de jouer au gros dur pour que je puisse enfin voir son vrai visage. » Ce qu’elle ne sait malheureusement pas, c’est qu’elle le voit, son vrai visage. Beaucoup pensent que Joseph se cache derrière une carapace, mais c’est bien le seul qui ne joue pas le rôle d’une tortue. Il dit à voix haute tout ce qu’il pense à voix basse, il ne se laisse pas influencer par la norme – même, il aime la contredire – et il ne se gêne pas pour annoncer à un étranger que sa chemise laisse à désirer (même s’il n’est absolument pas un bon exemple de mode à suivre, lui et ses t-shirts unis troués qui le sont parce qu'il s'est fait "attaquer par une meute de serpents", comme il aime dire). Bien qu'il ne pratique pas l'ophiolâtrie et qu'il ne porte pas d'intérêt particulier envers les serpents, il a toujours pensé que ces reptiles étaient particulièrement badass. « À moins que… » Il lorgne la jeune femme tandis qu’elle approche ses lèvres de son oreille et un frisson parcourt son échine, parce que son souffle le chatouille. « Tu ais peur d’avoir moins le contrôle sur ton petit jeu…» Il ne peut pas contenir un gloussement qui soulève sa poitrine. Il laisse un sourire malin étirer ses lèvres et il repose ses yeux sur la sœur de Sid tandis qu’elle se sépare de lui, ayant fait valoir son point. Il perçoit la lueur d’amusement dans ses yeux et c’est probablement cette lumière intrigante qui lui fait accepter sa prochaine offre. « J’espère que tu ne seras pas déçue de voir que je n’ai rien de bien croustillant à cacher derrière mon apparence de mec tordu. J’suis pas comme tout le monde que tu croises dans la rue, certes, mais ça ne veut pas dire que j’ai des histoires intéressantes à raconter. » Il croise les bras sur sa poitrine et penche la tête sur le côté en observant la jeune femme, toujours aussi curieux de comprendre l’origine de cette différence entre la sœur et le frère. Sid n’avait rien d’un homme joueur : il était plutôt réservé, noircit par les douleurs du temps. « J’accepte de te revoir derrière un verre de vodka. Et, c’n’est plus une surprise : prépare ton banquier parce que j’vais le vider ton compte en banque. » Il est d’un romantisme moderne, cet homme. Même s’il a compris qu’elle a compris qu’il n’est pas le plus fortuné en ville, il préfère lui avertir qu’il ne pourra pas couvrir les consommation, lui qui arrive de justesse à manger deux repas par jour.