Tout semble incroyablement compliqué depuis la naissance des jumeaux. Cela ne fait qu’une semaine, mais j’ai la sensation que cela fait des mois que l’on galère entre les pleurs, les couches et les biberons. Jill semble de plus en plus distante et je ne sais plus vraiment comment m’y prendre avec elle. Je voudrais simplement que notre départ dans la vie de famille se passe le mieux possible. Elle a ses doutes, ses traumatismes et pour le moment, je me rassure en me disant que seul le temps pourra réellement l’aider à trouver sa place auprès des petits. En attendant, je fais de mon mieux pour que tout se passe au mieux à la maison. Je compte mes heures de sommeil sur les doigts d’une main, je n’ai pas mangé un vrai repas depuis des jours et je carbure un peu trop à la caféine. Je ne sais pas vraiment qui complote pour nous aider, mais l’arrivée de Pete en début d’après-midi, suivi peu de temps après par Matt a été reçu comme la réponse à mes appels à l’aide silencieux. Chacun a décidé de prouver à l’autre qu’ils étaient le meilleur parrain et m’ont gentiment fait comprendre que je pouvais prendre une pause. J’ai voulu proposer à Jill de partir tous les deux, mais visiblement elle avait déjà prévu quelque chose.

Alors j’ai appelé Jax et me voilà sur le terrain de rugby du centre de sport. J’ai besoin de me défouler, de courir, de hurler aussi peut-être. Je ne sais plus vraiment… Tout ce qu’il me faut, c’est me changer les idées et je sais que ça pourra être le cas avec mon ami. D’ailleurs, le voilà et il me fait rire en m’appelant poto. C’est jamais un truc que j’ai réellement employé. « Salut. » Je lui souris un peu et commence à m’étirer. « Prêt à faire une bonne séance ? » Dis-moi que oui, s’il te plaît. « Ça va sinon ? Et ton bonhomme ? »

Le rugby a toujours été mon sport favori. Je n’oublierai jamais le tout premier match que j’ai vu dans un stade. L’équipe d’Angleterre contre les Irlandais. Je ne devais avoir que six ans. Sebastian avait été adorable avec moi toute la soirée et papa avait laissé son téléphone à la maison pour passer la soirée avec nous. Probablement mon meilleur souvenir de famille. C’est de là qu’es venu mon amour pour le rugby. J’ai longtemps joué avant que le travail prenne le dessus et que cela ne devienne plus qu’un passe-temps quand j’avais besoin de souffler un peu. C’est bien pour cela que j’ai contacté Jax cet après-midi. On se moquait souvent de l’équipe de l’autre au travers de nos lettres et c’est souvent que l’on se retrouve sur ce terrain. Jamais on ne joue comme des professionnels, c’est simplement pour le plaisir, pour plaisanter un peu.

« Toujours prêt, mais vu ta mine, ça va être facile de mettre une raclée » Un rire nerveux m’échappe. Aujourd’hui, j’ai décidé que je ne laisserai pas les problèmes de la maison empiéter sur mon humeur. Jill s’accorde des pauses, il était temps que j’en prenne une pour moi. J’aime mes enfants plus que tout au monde, mais je devenais dingue dans cette maison. Il me fallait retrouver un ami, juste le temps de quelques heures. « Moque toi ! » que je plaisante, ne voulant vraiment pas m’étaler sur le reste de la situation.

« Super, j'ai commencé le tournage de la série médiévale. Ça change de ce que j'ai l'habitude de faire, mais c'est pas mal. » Il me donne l’occasion parfaite de ne pas parler de moi et c’est tout ce que j’attendais. « Oh oui, c’est vrai, ça se passe bien alors ? » Je reviens toujours pas du métier qu’il exerce parfois. Je me souviens de cette fois où je l’avais rejoint sur un tournage. Il m’avait impressionné avec ses différentes cascades. « Tu portes une côte de mailles et tout ? » que je plaisante. Mais déjà il me parle de son fils, mon ami. « Virgil va bien, il est avec sa grand-mère et il profite à fond de ses vacances avant d'entrer à l'école » Je souris, pensant à son petit garçon, de trois ans. Je ne l’ai pas vu souvent Virgil, mais il a une telle énergie, comme son père. « Il a bien raison d’en profiter. »

« Et tes deux petits bouts de chou, comment ils se portent ? » La question tant redoutée. Un soupire s’échappe d’entre mes lèvres alors que mon regard se perd ailleurs. « Ils vont bien. » que je réponds dans un sourire et parce que je reste un père légèrement gaga, je sors mon téléphone pour lui montrer une photo. « Bowie et Tracy. » que j’annonce fièrement. « C’est pas simple tous les jours, mais je les aime déjà plus que tout. »

Je ne peux m’empêcher de rire lorsqu’il évoque le costume qu’il se doit de porter pour les scènes de son film. En rien je ne doute que l’événement se trouve être bien drôle. Il me confesse les difficultés de devoir porter tel déguisement et d’un hochement de tête, je semble confirmer ses propos. Un vêtement de fer, ce n’est nullement fortuné lorsque l’on réside de ce côté du globe. Et c’est de son fils que l’on discute pour finir. Il évoque l’école et les difficultés rencontré pour lier les études de son bonhomme et son projet toujours plus progressif d’évolution. « Tu penses lui proposer des cours en dehors de l’école ? » C’est une solution pérenne, il me semble. Une gestion de son temps, une composition près de l’emploi du temps du petit consiste le défi essentiel de l’épreuve. « Je suis déterminé de croire qu’il reste heureux de pouvoir doubler son temps en présence de son père. »

Nous sommes sur l’herbe pour exécuter un peu de sport. Courir le long des lignes qui délimite le lieu est une excellente idée pour mon développement. Il est temps que je respire un peu. Oublier les problèmes qui prennent lieu chez moi. Je ne désire que de diviser mon temps pour dédier un peu de gentillesse pour mon compère. Mon téléphone sorti de mon short, je présente une photo de mes bébés. Ils sont si petits, l’un contre le deuxième. Le béguin est immense pour ses deux. « Bowie est le cliché collé de Jill. » Notre fils lui ressemble énormément. Personne ne peut en douter lorsque l’on voit les photos. Notre fille, c’est différent, nous devons encore céder du temps pour que son profil prenne des contours bien plus buriner.

Il me confie ce qui semble être un secret. Je l’écoute dépourvu d’un intérêt exempté d’étourderie. Je ne possède en rien le moindre souvenir d’un tel événement. Ses mots me font l’effet d’un miroir. Les petits pleurent bien souvent, ils ne sont en rien en mesure de se détendre loin de nous. Il est des fois peu commodes de ne pouvoir leur venir en soin lorsqu’ils en ressentent le besoin. « En rien, ce n’est simple d’être père. » que je concède, enjoliver d’un sourire. L’idée première est de dissimuler mes cernes derrière un discours gentil et des sourires désinvolte. « C’est une belle expérience tout de même. » Il me reste encore énormément de temps pour découvrir les événements d’une vie de père. « Je ne dors rien ces derniers temps. Ils pleurent énormément, souvent je me sens imbécile comme je ne trouve en rien une chose qui les berce. » Elle est déguisée l’envie de conseil que je lui ordonne en un sens. « Comment s’y prendre pour déterminer leurs pleurs ? En rien je ne comprends s’ils veulent le biberon ou si leur couche est pleine. » C’est énormément de sommeil en moins tout ceci. « Tu distribues tes conseils pour un pote ? »

Je me souviens encore des lettres que l'on échangeait avec Jax quand il avait fini par trouver ce qui le passionnait réellement et qu'il commençait ses premiers tournages. Il était comme un gamin à m'envoyer tout un tas de vidéo par mail pour me montrer chaque détail. C'était devenu une sorte de rituel au fur et à mesure que les lettres s'espaçait dans le temps, il ne manquait jamais de m'envoyer une vidéo de son tournage du moment. En échange, je lui envoyais parfois, des vidéos prise lors d'une session de travail au studio. C'était notre manière à nous de garder contact. Puis quand Virgil est né, les photos de tournage ont été remplacées par les photos du bambin, que j'ai toujours heureux de recevoir tant, il était adorable. Il a bien grandi le bonhomme maintenant et je comprends que cela se transforme en véritable casse-tête pour mon ami. « Ce serait bien qu'il continue à voir des enfants de son âge. » que je propose sans réellement imposer. Je me souviens qu'à l'âge de Virgil, Noah avait déjà sa petite bande de copain. « Mais je suis persuadé qu'il serait si fier de pouvoir te suivre de partout. » Le dilemme semble important pour Jax. Je comprends qu'il ne veuille pas laisser son enfant alors qu'il est à l'autre bout du monde. Je le comprends réellement maintenant.

On commence à se lancer le ballon alors que je commence à évoquer ma nouvelle vie de jeune papa. Il m'avait prévenu Jax, de ne pas trop idéaliser, de ne pas trop me prendre à rêver. J'aurais dû l'écouter avec bien plus d'attention. Depuis que l'on a ramené les jumeaux à la maison, j'ai la sensation que rien ne va. Jill ne veut pas les approcher et à chaque pleur de l'un d'entre eux, j'ai l'impression qu'ils me hurlent que je suis un mauvais père. La transition est compliquée et j'ai peur de nous voir foncer dans le mur sans avoir assez de recul pour réagir. « Je ne sais même plus ce que c'est que de dormir. » que je plaisante alors que mes cernes témoignent probablement de mon manque de sommeil. Je ne me plains pas. Ils ont besoin de moi et je serais toujours là pour eux, mais parfois, c'est compliqué. Parfois, j'aimerai juste un peu de silence pour pouvoir dormir. J'écoute attentivement les conseils de mon ami alors que je lui renvoie la balle. Mes gestes se stoppent lorsqu'il me parle des bruits qui apaisent son fils. « Tu laissais l'aspirateur allumer et ça le calmait ? » J'ai déjà entendu parler des bruits blancs. Je crois que Matt et Lily ont offert un doudou dans ce genre aux enfants, mais je ne m'en suis jamais servi. « Ils aiment bien quand je chantonne pour eux, mais je vais tester les bruits blancs. » On ne sait jamais si cela pouvait agir tel un miracle. « J'ai tellement l'impression de tout faire de travers depuis qu'ils sont à la maison. » Et j'ai peur que Jill se lasse réellement, au point de nous abandonner, mais ça je n'en parlerais pas cet après-midi.

Bien sûr que je ne l’aide pas beaucoup quand cette décision est si importante à prendre. Nous sommes amis depuis des années, mais je ne suis personne pour lui imposer quoique ce soit auprès de son enfant. Il me semblerait plus juste que le petit Virgil puisse continuer à se faire des amis tout en suivant son père, mais si Jax en décide autrement, il restera pleinement le décisionnaire pour la vie de son enfant. [color=#336666]« Il faut que tu fasses ce qui te semble être le plus juste pour toi. » Il est là, le véritable conseil dans tout ça. Il doit avant tout suivre son instinct de papa, le reste viendra tout seul j’en suis certains.

J’ai l’air d’un hurluberlu lorsqu’il en vient à me parler des techniques qu’il pouvait utiliser pour apaiser son fils avant le coucher. Il faut dire que Tracy est du genre à finir par s’endormir épuisée par les cris et les larmes. Elle donne le ton à Bowie qui, même s’il est bien plus calme, fini bien trop souvent par l’imiter pour un concert qui n’en finit plus de m’arracher le cœur. Je voudrais pouvoir les endormir sans que cela ne vire au cauchemar un soir sur deux. Il m’explique que la technique de l’aspirateur fonctionnait à merveille avec son fils et j’en reste complètement abasourdie. « Okay je vais tester alors. » Et je me fais une liste mentale de ce que je vais bien pouvoir tenter comme expérience auprès de mes enfants. « Je te ferais un rapport. » que je plaisante alors que je recule de quelques pas pour récupérer la balle qu’il vient de m’envoyer avec force.

Il est un véritable ami Jax lorsqu’il me propose de garder les jumeaux pour nous permettre de souffler un peu. Je me souviens de ce qu’avait bien pu me dire Elise, il y a encore quelques jours de cela. Ne jamais avoir honte de demander de l’aide. Ce n’est pas que je n’ai pas besoin d’une pause, bien au contraire. C’est juste que je ne sais pas si j’aurais la forcer de laisser mes enfants. « Je suis pas vraiment sûr d’être prêt à les confier toute une soirée. » que j’avoue timidement. Je suis persuadé qu’il comprendra ou tout du moins, je l’espère. « Ils sont encore si petits. » Et leur mère les abandonne déjà assez régulièrement. Je ne peux pas leur faire ce coup-là, pas encore. Ils ne comprendraient pas. « Tu sais… Jill… Elle a du mal avec les petits depuis l’accouchement. » Et c’est bien la première fois que j’en parle aussi ouvertement.

Il ne pense pas à mal Jax lorsqu'il propose de garder les enfants. Bien avant moi, il a connu les déboires de la vie avec un nouveau-né. En rien, je me souvenais que c'était ainsi quand Noah était tout petit. C'est ce qui me fait réaliser, petit à petit, que je n'ai jamais été présent pour Ginny à cette époque. Je refusais clairement d'assumer un rôle qui n'était pas le mien, il m'a fallu du temps pour prendre ma place auprès de Noah, sans jamais réellement m'y imposer. Aujourd'hui, tout est différent. Ces deux petits bébés sont la chair de ma chair et je réalise à quel point l'idée de me séparer d'eux est compliqué. Pourtant, ils ne sont pas avec moi à cet instant. Mais la perspective que ce soit quelqu'un d'autre que la famille proche qui veille sur mes enfants me donne mal au bide. C'est dingue quand même, une telle réaction. « Je pensais pas réagir comme ça avant qu'ils arrivent. » C'est un sentiment que je ne saurais expliquer tant je cherche à les protéger. « Je crois que je vais être un papa poule. » que je plaisante le coeur un peu plus léger malgré tout. « Déjà, je suis là avec toi, c'est un bon point, non ? » que j'ajoute en riant un peu.

Mon ami semble plus qu'étonné d'entendre les problèmes que rencontre Jill. Alors qu'il a dû élever son fils seul, sans la mère à ses côtés. C'est d'ailleurs une question qui me turlupine, alors qu'il m'écrivait très régulièrement à cette période. « Comment tu as fait pour t'en sortir tout seul ? » Parce qu'on ne pourra jamais le nier, Virgil est un brillant petit garçon, tout ce qu'il y a de plus adorable et poli. Et je me demande... Si les départs de Jill se font plus fréquents, comment je pourrais m'en sortir avec les jumeaux. Ca me terrorise dans le fond. « Je crois que je vais souvent venir te voir pour des conseils, tu va en avoir marre de moi. »

Ses paroles me font sourire tant j’avais également du mal à m’imaginer père avant que les jumeaux ne débarquent dans notre vie. J’avais connu, pourtant, la vie comme image paternelle. Pour Noah, j’étais ce beau-père un peu cool, celui qui ne l’engueulait jamais, mais qui le protégera toujours. Avec les jumeaux, tout est différent, ils sont mes enfants, la chair de ma chair. Je ne dois faire aucun faux pas avec eux, l’image de mes propres parents restant à jamais graver dans un coin de ma tête comme le pire des exemples à suivre. Ce n’est pas simple de devenir parent. Les gens parlent d’instinct maternel et de tout un tas de trucs qui en réalité ne cesse de faire culpabiliser celle qui n’ont pas ce déclic à l’instant même où l’on dépose leur bébé dans leur bras. C’est le cas de Jill. Et c’est quelque chose qui m’inquiète de plus en plus tant, j’ai l’impression qu’elle ne trouvera jamais sa place dans cette nouvelle dynamique qui est la nôtre. « Oui, ils sont avec Jill et sa sœur. » Heureusement qu’elle est là Ginny, je ne sais pas ce que l’on ferait sans elle. À sa manière, elle veille sur nous sans jamais s’imposer. Tout ce dont on a besoin et que l’on réalisera plus tard pour la remercier. Jax me parle des personnes qui l’ont aidé également et pour la deuxième fois évoque le prénom d’Isaac. J’avais oublié que ces deux-là se connaissaient. Je me tarde bien de lui dire que j’ai fini par rencontrer le Jensen également. Ce n’est pas le moment d’avoir ce genre de conversation. Je ne peux que plussoyer ses dernières paroles tant il est vrai que nous avons toujours été présent dans la vie de l’autre malgré les milliers de kilomètres qui nous séparaient. « C’est bien pour ça que je voulais te voir. » que je taquine quelque peu. « Mais bon… Même si j’adore parler de mes enfants, j’ai vraiment besoin de me défouler aussi. » Je ne suis pas venu ici pour que l’on passe une après-midi semblable à une vie au sein d’une thébaïde.