Il n’avait pu récupérer que quelques balles, le matériel n’ayant pas été livrer à temps. Ce n’était pas idéal, mais au moins, il ne reviendrait pas au manoir bredouille. « Si tu as encore du mal à te procurer le matériel, tiens moi au courant. » Il ne pouvait se permettre de tomber à court de munition, mais sans l’aide précieuse d’Ezra tout aurait tendance à se complexifier. Arthur se nota de prévoir une autre solution, même si cela voulait dire donner sa confiance à quelqu’un d’autre. Il ne laisserait pas son ami sur le côté, mais par les temps qui courent, il valait toujours mieux se montrer prudent. « Aller on referme tout ça ! » Ils avaient passer un temps monstre à discuter de tout et de rien, l’heure s’écoulant plus rapidement que ce qu’Arthur avait envisager. En réalité, son temps n’était pas compté. « Je t’offre une bière à la taverne ? » Il savait qu’Ezra ne lui refuserait jamais cela.

Dans la ruelle, Arthur attendait que son ami verrouille la porte de la boutique. Observant les alentours, il fut surpris de reconnaître l’un des majordomes du manoir qui pressait le pas dans sa direction. Sans réellement s’arrêter, l’homme lui tendit un bout de papier, avant de poursuivre sa route. Il reconnu immédiatement l’écriture manuscrite de son père, l’informant de quelques activités étranges à la lisière de la ville. Jetant un coup d’œil à Ezra, il eut une seconde d’hésitation. « Je vais devoir aller vérifier quelque chose rapidement. » Ce ne serait qu’un léger détour, rien de bien affolant. Il n’était pas habitué à avoir de la compagnie pour ce genre de mission, mais Ezra était toujours si curieux de ce qu’il pouvait bien faire de ses journées avec autant d’armes et de créatures grouillant dans la nuit. « Aller viens avec moi pour une fois ! » Allait-il relever le challenge ?

Arthur avait désormais en main tout ce dont il pourrait potentiellement avoir besoin pour ses prochaines missions, c’était une bonne chose. Quelques éléments étaient manquants, mais Ezra ferait en sorte de renflouer rapidement les stocks. « Si tu as encore du mal à te procurer le matériel, tiens moi au courant. » Il secoua quelque peu sa tête de gauche à droite. « Je vais trouver la solution à ce problème, t’en fais pas. » Il avait quelques idées en tête, il faudrait voir quelles étaient celles réalisables. « Aller on referme tout ça ! Je t’offre une bière à la taverne ? » Un sourire se glissait déjà sur les lèvres de Beauregard. « Tu sais bien je sais pas dire non à cette proposition. » La journée allait bientôt toucher à sa fin de toutes façons, il pouvait fermer la boutique pour la journée.

Clefs dans la poche, il releva son regard vers Arthur qui, une fois dans la rue, sembla récupérer un morceau de papier de la part d’un homme dont le visage était autant connu qu’inconnu à Ezra. Du soucis semblait se glisser dans le regard de son ami. « Je vais devoir aller vérifier quelque chose rapidement. » Il haussa un sourcil. « Tu veux qu’on reporte le verre à boire ? » Ils auraient mille et unes autres occasions de le faire; s’il avait du travail, Ezra pouvait attendre. « Si c’est important. » La réaction d’Arthur fut toute autre cependant. « Aller viens avec moi pour une fois ! » Il écarquilla quelque peu les yeux, surpris de la proposition de son ami - cela lui tira un petit rire. « Venir avec toi ? Pour vérifier quelque-chose ? » Il était persuadé qu’il se fichait de lui présentement, en toute honnêteté. Toujours avec un petit sourire aux lèvres, il se pencha vers lui. « Pour un truc de chasseur ? » Les murs avaient malheureusement trop souvent des oreilles. Il reporta son regard sur Arthur; ce dernier avait l’air sérieux. « Oh, tu dis ça pour de vrai. » Il finit par hausser les épaules. « Pourquoi pas ? Comme ça on va boire un verre après ? »

« Je vais trouver la solution à ce problème, t’en fais pas. » Il ne doutait absolument pas d’Ezra sur ce sujet. Il savait se démener lorsque cela devenait nécessaire. « Tu me tiendras au courant. » C’est bien tout ce qu’il lui demandait, de le tenir au courant de l'avancée des choses. Pour le reste, Ezra reste maître des décisions et de la façon dont il voulait gérer son approvisionnement. « Tu sais bien je sais pas dire non à cette proposition. » Tout cela pouvait bien attendre une journée de plus. Ils avaient aussi le droit de vivre le plus normalement possible au cours de cette folle éclipse.

C’est ce qu’Arthur voulait s’efforcer de croire. Que la vie pouvait rester simple malgré les traques et les créatures de la nuit voguant parmi eux. Mais son rôle assigné à la naissance revenait toujours le chercher. Qu’importe ce qu’il voulait s’autoriser comme relâchement. On le missionnait à nouveau, quelques heures après sa dernière action pour le compte de sa famille. Arthur était épuisé, mais il ne laissa rien paraître. « Tu veux qu’on reporte le verre à boire ? » Oh non, il n’allait rien reporter du tout. « Venir avec toi ? Pour vérifier quelque-chose ? » Pourquoi pas après tout ? Le message ne recelait aucune trace de danger imminent. Juste une piste à suivre à la suite d’un énième décès suspect. « Oui ! Ça prendra pas longtemps. » Ezra le regardait d’un air idiot, la bouche presque entrouverte par la surprise. « Pour un truc de chasseur ? » Immédiatement Arthur se mit à feindre une quinte de toux, lançant un regard noir à Ezra. Ce n’était peut être pas une si bonne idée de l’emmener finalement. « Oh, tu dis ça pour de vrai. » – « Je t’assure que ce sera rapide. » Et qu’il ne l’envoi pas dans la gueule du loup surtout. Façon de parler. « Pourquoi pas ? Comme ça on va boire un verre après ? » – « C’est l’idée ! Aller viens suis moi. »

Ils venaient tout juste de quitter la maison ravagé par la visite d’une créature assoiffée de sang. Le corps de la vieille propriétaire avait été réduit en charpie, mais Arthur n’avait aucune idée de la bête qui aurait pu faire cela. Il avait trouvé une canine de vampire sur la commode de la vieille, mais rien qui ne prouvait quoique ce soit. A ses côtés Ezra paraissait bien pâle. « Bienvenue dans ma réalité. » Et sans lui laisser le temps de respirer plus, il l’entraîna à la lisière de la ville, vers l’ancien orphelinat. « Ils se cachent tous là en ce moment. » Se tournant vers son ami, il vint déposer un doigt sur ses propres lèvres. « Suis moi et fais pas de bruit. » Ils n’avaient fait que quelques pas quand un hurlement de loup se fit entendre au loin. Bien trop loin pour que cela inquiète Arthur qui avait l’habitude.

« Tu me tiendras au courant. » Il ne sut faire autrement que d’hocher vivement la tête: il n’avait jamais eu d’autre plan en tête que de faire en sorte qu’il puisse suivre ces quelques rebondissements - comme s’il n’avait pas bien d’autres choses à suivre dans sa vie. En était un parfait exemple l’intervention de l’un des hommes qui devait travailler pour sa famille, lui délivrant apparemment un message qui ne pouvait pas attendre le retour du jeune homme chez eux. « Oui ! Ça prendra pas longtemps. » Il avait l’habitude de dépanner Arthur pour une ou deux choses, mais cela n’était jamais allé jusqu’à l’accompagner sur le terrain; alors peut-être effectivement qu’il eut du mal à le croire au début. « Je t’assure que ce sera rapide. » Ezra haussa les épaules: pourquoi pas après tout ? « C’est l’idée ! Aller viens suis moi. »

Il regretta de lui avoir répondu par la positive à l’instant même où ils arrivèrent sur place. Il n’y avait absolument rien de ragoutant dans la scène qu’il possédait sous les yeux: il était habitué à voir des petites blessures et bobos sur certaines des personnes qui passaient par la pharmacie, mais là cela allait au dessus de ses habitudes et de ses forces aussi - alors qu’il sentait des fourmis dans ses jambes. « Bienvenue dans ma réalité. » - « Je suis pas sur d’aimer ça. » Il ne cherchait même pas à le cacher et de toutes façons, il savait que cela se voyait sur son visage.

Ils sortirent rapidement de la bâtisse, et ce n’était pas Ezra qui allait s’en plaindre. « Ils se cachent tous là en ce moment. » - « Je croyais qu’on faisait juste un détour ? » Ils faisaient tout le tour du quartier là, et à chaque pas effectué il perdait un peu plus foi en le peu de confiance en lui qu'il avait. « Suis moi et fais pas de bruit. » Rien que les battements de son coeur le trahiraient de toutes façons, pas besoin qu’il se mette à parle pour ça. Surtout qu’une fraction de seconde après qu’Arthur lui ait donné cette indication, un hurlement de loup se fit entendre non-loin de là - ce qui surprit Ezra et lui arracha un cri de terreur de son côté. Rapidement il posa ses deux mains sur sa bouche, mais le mal était fait: touts les alentours savaient où ils se trouvaient. Les yeux écarquillés, il regarda son ami. « C’était quoi ça ? Un loup ? » Comme s’il avait vraiment besoin de la confirmation pour savoir qu’il avait vu juste.

La petite vérification s’avéra être une véritable scène de crime. Rien de nouveau pour Arthur, mais au vu des couleurs qui semblaient avoir disparu de son visage, Ezra n’était pas prêt à affronter tout cela. « Je suis pas sur d’aimer ça. » Il dut s’arrêter dans son élan pour s’assurer qu’Ezra n’allait pas tourner de l’œil. « On s’habitue. » Il ne devrait peut-être pas lui présenter les choses ainsi, mais tout cela ne rimait qu’avec normalité depuis le début de l’éclipse.

« Je croyais qu’on faisait juste un détour ? » Il pouvait l’entendre paniquer sans même voir les traits de son visage. « Mais oui, t’en fais pas. » Ce n’était qu’un léger détour de quelques ruelles. Bon. Peut-être qu’il désirait s’en aller jusqu’au abord de la rivière, mais Ezra ne devait pas s’inquiéter autant. « Je veux juste m’assurer de quelque chose. » Il n’allait pas partir à la traque avec Ezra dans les pattes. Arthur était une véritable tête brûlée, mais il n’était pas fou. Emmener Ezra serait une véritable erreur. Cela venait de se confirmer à l’instant où il se mit à hurler comme une demoiselle en détresse. « Mais ta gueule ! » Il ne pouvait lui crier dessus, ses paroles s’échappant dans un murmure rapide et sec. « C’était quoi ça ? Un loup ? » Il eut envie de le claquer pour sa question stupide. « Ezra, tais-toi. » Il dut s’arrêter pour laisser ses oreilles s’habituer au silence ambiant, à la recherche du moindre indice. Quelque chose se tenait proche, il pouvait le sentir. « On nous observe. » Et Arthur n’aimait pas cela. Sans un mot, il vint dégainer l’un de ses poignards pour le glisser entre les doigts d’Ezra. Par sécurité. Il s'empare de son autre arme, prêt à sauter sur celui qui viendrait se mettre sur leur route.

Arthur s’attendait à tout, sauf se retrouver nez à nez avec un véritable loup. Pas l’un de ses humains devenu créature des horreurs, mais un véritable loup. Ou un chien ? Il n’était plus sûr de rien, mais l’animal semblait aussi apeuré qu’eux et le cri que poussa Ezra le fit détaler plus vite encore. « Mais t’es malade ?! » Il poussa son ami assez fort pour le faire tomber sur son arrière train. « Arrête d’hurler comme une fillette ! » Il allait devoir lui apprendre quelques trucs, ce n’était plus possible. « C’était qu’un chien. » Ou un loup ? Qu’est-ce qu’un loup ferait ici ? Un sorcier qui avait pris l’apparence d’un animal ? « Ça avait l’air d’un chien non ? Ou un loup ? T’as déjà vu des loups par ici ? » Sa curiosité passait au-dessus de la terreur de son camarade. « Viens faut qu’on le suive. » Et déjà il tirait sur le bras d’Ezra pour le faire bouger.

« On s’habitue. » Il fronça le bout du nez. « Si tu le dis. » Ce n’était pas quelque-chose à laquelle Ezra avait envie de s’habituer, la vue de ces horreurs. Si jamais il avait eu un doute quant à savoir s’il appréciait sa profession et rester derrière un comptoir, là était sa réponse: il appréciait. « Mais oui, t’en fais pas. » Qu’ajouta Arthur, alors que de son côté il avait l’impression qu’ils faisaient plus qu’un simple détour. Mais ils avaient déjà passé plusieurs ruelles, plusieurs quartiers et il avait l’impression que c’était finalement un piège - pas un dangereux pour lui, pas réellement il savait que son ami ne le mettrait pas volontairement en danger. Mais un piège tout de même.

Et au hululement qu’il entendit, il sut que c’était définitivement un piège - et le fit savoir en laissant échapper un cri qu’il ne sut ni gérer ni retenir. « Mais ta gueule ! » La réaction d’Arthur était calme, mais elle avait pour caractéristique d’être ferme et sans appel. Ezra écarquilla les yeux dans sa direction. « Ezra, tais-toi. » - « Mais c’était un loup ? » Il ne savait pas se taire et en plus il était un petit peu - beaucoup - effrayé. « On nous observe. » Oh, ce n’était pas la réponse qu’il attendait ni celle qui allait le calmer et le rassurer. Mais disons que de se retrouver avec un poignard dans la main n’aidait pas non plus; il y avait de forte chance que ce soit fait pour qu’il se sente en sécurité davantage, mais ce n’était pas le cas.

Face à un loup, un véritable loup, Ezra avait plutôt tendance à vouloir partir en courant qu’à se figer et s’apprêter à affronter la bête. Mais apparemment Arthur n’était pas du même avis - une fois de plus, c’était pour ça qu’il ne pratiquait pas ce genre de choses à longueur de journée d’ordinaire. Ils n’eurent cependant pas le temps de se confronter à l’animal, car ce dernier se mit à détaler rapidement par la suite, sans raison apparente. « Mais t’es malade ?! » Sans raison apparente, peut-être que le second cri qu’il avait poussé était la raison. Peut-être. Surement. Cela devait être le cas pour que son ami - soit-disant ami - le pousse jusqu’à ce qu’il se retrouve le postérieur sur le sol, tant le geste l’avait surpris et qu’il n’avait su l’anticiper. « Arrête d’hurler comme une fillette ! » - « Mais t’es pas bien ou quoi ! » S’il voulait lui crier dessus, il allait lui retourner la pareille. « C’était qu’un chien. »

« Ça avait l’air d’un chien non ? Ou un loup ? T’as déjà vu des loups par ici ? » - « Non, j’ai pas vu de loups. Pourquoi tu veux que j’ai déjà vu un loup ? » Il parlait d’une voix toujours un brin trop aiguë mais bien moins amusée désormais. « Je gère pas une animalerie je sais pas la différence moi, c’est toi l’expert. » N’était-il pas chasseur, après tout ? Ezra mit sa mauvaise fois de côté tout de même lorsqu’Arthur lui tendit sa main pour l’aider à se relever - l’exercice n’était pas si facile. « Viens faut qu’on le suive. » Il eut un rire amer, s’époussetant le pantalon. « Le suivre ? Tu veux le suivre ? » Il secoua la tête. « Hors de question. Je suis pas ça moi. » Il posa du plat de la main le poignard contre le torse de son ami; peut-être qu’il criait comme une fillette mais il n’était pas totalement fou à se lancer dans la poursuite d’un animal. « Courir après un loup, c’est… c’est… » Nouveau rire amer et bien trop aigu.

Le hurlement avait été bref. Comme un cri de ralliement qui ne lui inspirait rien de bon. C’est quelque chose qu’Arthur connaissait et qui ne l’impressionnait plus depuis bien longtemps. Il avait, à cet instant, quelque peu oublier que son camarade du jour ne connaissait rien de tout cela. « Mais c’était un loup ? » Il pouvait entendre l’effroi dans le creux de sa voix, mais il n’avait pas réellement le temps de s’attarder sur un tel détail. « Ce qu’on vient d’entendre, oui. » N’avait-il donc jamais entendu un loup hurler à la mort ? Ce n’était pas quelque chose de commun dans les environs, c’est certain, mais la tendance avait quelque peu changé depuis que la lune se voulait reine sur leur quotidien.

Arthur avait à peu près tout anticiper, sauf les hurlements qui provenaient de son propre camp. Il avait déjà dû accompagner des gens peut rassurer, il avait dû calmer les frayeurs des plus jeunes du clan parfois, mais jamais personne ne s’était mis à hurler comme Ezra venait de le faire. C’est son propre ami qui vint lui foutre les jetons au point de déclencher chez lui une réaction purement physique. « Mais t’es pas bien ou quoi ! » C’était désormais peine perdue pour ne pas se faire repérer. « Mais c’est toi qui hurles comme un malade ! » Ezra, n’avait-il donc aucune once d’instinct de survie en lui ?

« Non, j’ai pas vu de loups. Pourquoi tu veux que j’ai déjà vu un loup ? » Il n’en savait rien en réalité. Juste une question qu’il voulait poser pour permettre à sa réflexion de mieux s’enchaîner. « Je gère pas une animalerie je sais pas la différence moi, c’est toi l’expert. » Il marquait un point à ce sujet. « C’était sûrement un chien. » Mais Arthur voulait en avoir le cœur net, c’était plus fort que lui. « Le suivre ? Tu veux le suivre ? » Il hocha la tête. « Il doit pas être très loin. » Il avait déjà fait un pas dans la direction que l’animal venait d’emprunter, mais Ezra vint lui couper la route. « Hors de question. Je suis pas ça moi. » Il venait de lui rendre son arme. « Courir après un loup, c’est… c’est… » Et Arthur compris qu'il lui en demandait un peu trop. « Idiot ? Dangereux ? Trop pour toi ? » Il eut un léger rire, conscient qu’Ezra n’avait rien demandé. À la base, il lui avait juste promis une pinte. « Excuse-moi, l’instinct qui surplombe le reste. » Il n’allait pas embarquer Ezra plus loin, il allait encore se mettre à hurler et tout pourrait mal tourner. « Je te dois une pinte non ? » Il vit le visage de son ami s’affaisser dans un air un peu plus rassuré. Et sur le chemin qui les mena à la taverne, Arthur n’eut de cesse de le taquiner sur la manière qu’il avait eue de hurler.