C'est que l'idée te passe par la tête de changer de trottoir quand tu l'apperçois au loin Bailey. Moins tu le vois mieux tu te portes. Et tu ne le vois presque jamais depuis que lui et Ginny se sont divorcés. Temps mieux. Tu vas juste passer à côté de lui et l'ignorer voilà. C'est ce que vous savez faire de mieux de toute façon; vous ignorez. Plus, il s'approche, plus tu la vois sa tête de zombie qui n'a pas dormit depuis des jours. Plus, il s'approche, plus tu les entends les pleurs du bébé dans la poussette. Non attends, deux ? Il y en a deux ? La poussette est énorme. Les cris sont doubles. Des jumeaux. C'est que tu t'emballerais presque si tu ne le détestais pas autant. « Ça fait combien de jours que tu n'as pas dormis ? » que tu lui demandes lorsqu'il arrive à ta hauteur. Il y a quand même une bonne intention dans ton fort intérieur, même si le ton de ta voix veux présager le contraire. Tu ne lui as même pas dit qu'il faisait peur à voir. Vraiment l'effort y est.

Ton regard s'abaisse sur les jumeaux en crise. C'est toujours comme ça ? Cosimo était un bébé si paisible. Vous aviez eu beaucoup de chance Saül et toi. Bailey ne semble pas avoir eu la même chance. Ton regard qui se pose de nouveau sur le papa épuisé te le confirme. Il doit être sortie avec les bébés pour donner une chance à la maman de se reposer. Quoi d'autre ? L'idée qu'il s'occupe tout seul des nouveaux-nés ne te passe pas par la tête une seule seconde. Tu ne pourras jamais comprendre ça une mère qui ne veut pas s'occuper de son enfant. « Tu as besoin d'aide ? » C'est sortie tout seul sans trop savoir pourquoi. Il va dire non de toute façon et il va juste poursuivre sa route et toi de même. Même au bout du rouleau, il n'acceptera pas ton aides. Tout comme tu n'accepterais pas la sienne convaincu qu'il y aurait de mauvaise intention derrière. Tu ne lui as jamais fait confiance et l'inverse est encore plus vrai.

@bailey fitzgerald

Cela devait être une simple promenade en ville. Jill n’allait pas bien, elle est restée coucher au lit toute la matinée, la dépression qui revient telle une lame de fond qui emporte tout sur son passage. Les jumeaux ont été sages toute la matinée, mais j’ai eu besoin de sortir prendre l’air. Armée de ma poussette double, d’un sac de lange plein à craquer et avec Logan comme fidèle compagnon, nous sommes partis de la maison pour prendre l’air. Première fois que je manie réellement cette énorme poussette, autant dire que l’engin est bien plus difficile à conduire que ce que je pensais. Je rate quelques trottoirs, manque de foncer dans une petite vieille. Néanmoins, je prends l’air, les jumeaux également et cela fait du bien. Loin de la maison, loin des conflits ambiants. Je me suis senti poussé des ailes lorsque je les ai vu si bien endormis dans leur petite nacelle. J’ai poussé ma chance, voulant aller plus loin, étirant le temps de ma sortie. C’était sans compter sur les heures qui tournent et leur ventre qui commence à crier famine. C’est Bowie qui se réveille en premier. Il m’observe un temps, tout heureux, avant de froncer son petit nez et commencer à pleurer. Et bien entendu, Tracy n’a pas attendu longtemps pour suivre.

L’objectif est de trouver un parc, un banc, n’importe quoi pour leur donner le biberon. Mais je me suis enfilé dans les rues un peu plus résidentielle et je ne me vois pas nourrir mes enfants sur un coin de trottoir, dans l’urgence. Alors, j’avance, à la recherche d’un précieux endroit au calme. Si je me sentais bien il y a quelques minutes, les pleurs de jumeaux, me tire à nouveau. Soudainement épuisé par la situation, je ne percute pas que quelqu’un s’approche de nous. « Ça fait combien de jours que tu n'as pas dormis ? » Lorsque mon regard croise celui d’Elise Williams, je retiens un rire nerveux. « Pas aujourd’hui Elise. » Pas maintenant. Jamais en réalité. Les querelles entre nous semble dater d’un autre siècle quand aujourd’hui mon monde évolue autour des deux petits êtres qui s’agitent de plus en plus dans la poussette. « Tu as besoin d'aide ? » Elle me coupe de court sa proposition. Mes pas se stoppent alors que nos regards se croisent. Serait-ce de la sincérité que je perçois chez la Williams ? À bout de souffle, voulant avant tout calmer mes enfants, j’abaisse la garde. « Ils ont faim. Je cherchais juste un endroit pour m’asseoir. » Reste. Si tu peux, si tu veux. J’accepterai n’importe quelle compagnie qui n’est pas celle d’un bébé qui hurle. Juste le temps d’une minute ou deux. « Tu sais donner le biberon ? »

« Pas aujourd’hui Elise. » Pas aujourd'hui dans le sens qu'il n'a pas dormit aujourd'hui ou plutôt dans le sens qu'il veut pas t'entendre aujourd'hui particulièrement ? La deuxième option est plus plausible. Il est déjà sur la défensive le Fitzgerald. Tu peux pas vraiment lui en vouloir. Tu aurais sortis les griffes encore plus rapidement que lui. Il te fait pas confiance. Tu ne lui fais pas confiance. Au moins une chose sur laquelle vous êtes sur la même longueur d'onde. « Ils ont faim. Je cherchais juste un endroit pour m’asseoir. » Et il n'accepte pas ton offre comme prévu. Et tu es vraiment à deux doigts de juste le laisser là en plan. Tu ne comptes pas insister malgré ses cernes qui font l'entièreté de son visage. Ça ne servirait à rien de toute façon. Et c'est pas comme si tu avais son bien-être aussi à coeur que ça. Tu allais continuer ton chemin quand sa voix s'élève de nouveau. « Tu sais donner le biberon ? » Quel question ? « Tu vas les faire chauffer comment tes biberons ? » Ça, c'est une bonne question qui laisse paraître toute la détresse dans le visage du nouveau père qui doit sortir pour la première fois avec ces bébés et qui ne pense pas aux petits détails. Ça viendra. On apprend tous par nos erreurs et nos oublies surtout.

« T'es trop nul. Va t'asseoir là » que tu penses en pointant un banc de parc pas trop loin. « Et donne-moi ça. » Les deux biberons que tu lui arraches pratiquement des mains en levant les yeux au ciel. Il a choisit le pire quartier pour se promener avec l'intention de nourrir des enfants. Probablement qu'il n'est tellement pas là qu'il a même pas réalisé où il allait. C'est donc chez une parfaite inconnue que tu vas frapper pour un petit coup de chaleur. Personne est sympa ici. Tu sais. Tu y vis et t'es pas sympa. Mais tout le monde est sympa quand ça concerne un bébé. Tout le monde s'extasie devant des jumeaux. « Tiens » L'un des biberons que tu lui tends alors que tu viens t'asseoir à ses côtés. « Je peux ? » que tu demandes par la suite déjà prête à prendre celui qui pleure le plus fort. Quoi que la compétition est plutôt serrée entre les deux bébé. Il a peut-être changé d'avis entre temps. Même si son air zombifié te laisse penser que non. « Comment ils s'appellent ? »

En aucun cas, je ne suis d’humeur à côtoyer la Williams. Autant dire que cela n’a jamais été l’amour fou entre nous, bien au contraire. Si auparavant, je m’amusais des piques qu’elle pouvait me lancer, je sais que ce n’est pas le jour pour cela. Mes enfants pleurent, je dois trouver un moyen de leur donner le biberon avant de fondre en larmes comme eux. Pourtant, elle insiste Elise. Je ne sais plus si c’est la fatigue ou son air qui semble si bienveillant qui finis par me faire céder. Elle cède quelque peu la barrière, alors que Tracy redouble ses pleurs, me faisant comprendre qu’il serait temps que je lui accorde toute mon attention. « Tu vas les faire chauffer comment tes biberons ? » Elle vise dans le mille la Williams et cette fois, c’est certain les larmes sont prêtes à couler. Je renifle, tente par tous les moyens de ne pas croiser son regard alors que je commence à bégayer tel un adolescent. « Je… Je… Je sais pas. » que je concède dépiter de tout. L’espace de quelques secondes, je comprends pourquoi Jill préfère prendre la fuite. Ce serait si simple de les laisser là, dans leur poussette à hurler à plein poumons. Juste faire un tour de quartier et revenir les chercher. « T'es trop nul. Va t'asseoir là » Elle me sort de mes pensées, alors que j’étais en train de m’effrayer moi-même. « Et donne-moi ça. » Et en quelques secondes elle a sorti les biberons du sac à langer, m’a pointé un banc et est parti en direction d’une maison. Et pour une fois, je laisse faire sans discuter.

Quelques minutes, plus tard, elle revient triomphante, alors que je ne cesse de bercer la poussette pour calmer les pleurs. Autant dire que c’est peine perdue tant ils ont faim et qu’il va falloir leur donner en même temps. Elle me tend un biberon Elise et finit par s’installer à mes côtés. Pas de remarques grinçantes, pas de regard tueur. Juste une femme qui m’offre son aide. « Je peux ? » Un simple hochement de tête alors qu’elle attrape déjà Tracy dans ses bras. Je détache Bowie et le prends tout contre moi pour lui donner son biberon. Les pleurs cessent et je respire enfin un peu mieux. « Comment ils s'appellent ? » Un sourire se dessine sur mes lèvres. « Lui, c’est Bowie. » que j’annonce tout en montrant le petit bébé aux creux de mes bras. « Et elle, c’est Tracy. » Ma petite fille qui vient attraper le doigt d’Elise tout en tétant joyeusement sur son biberon. « Merci. » que je murmure. Il est difficile de l’admettre, mais elle vient de sauver la situation. « Tu sauves souvent des jeunes pères en détresse ? » que j’ironise en riant un peu. « Ça faisait très longtemps. » que j’ajoute alors. Je ne compte pas la rencontre éphémère lors de cette soirée en compagnie de Saül, Ariane et mon frère.

Un hochement de la tête de la part de Bailey et la seconde suivante, tu prends l'un des bébés dans tes bras. Il est si minuscule. Elle ? C'est en la prenant dans tes bras que tu réalises que c'est une fille et l'autre un garçon. Wow. Quel chance ils ont eu. Les pleurs ont cessés à la seconde même où les deux bébés ont commencé a téter leur biberon. « Lui, c’est Bowie. Et elle, c’est Tracy. » Et pendant une fraction de seconde le père dépassé et épuisé laisse place au papa comblé par le sourire qu'il affiche sur son visage. Ton regard se retourne ensuite vers Tracy qui vient d'agripper l'un de tes doigts. Comment ne pas sourire devant ce petit être si parfait ? Ça rend tout le monde heureux les bébés. « Bonjour Tracy » C'est dit presque dans un murmure tant ta voix est douce. « Elle te ressemble beaucoup je trouve. » Tu dit ça sans vraiment savoir de quoi la mère a l'air. Si ça se trouve tu dis n'importe quoi. Tu ne l'as jamais rencontré la femme de Bailey. Tu sais qui elle est tout simplement.

« Merci. Tu sauves souvent des jeunes pères en détresse ? » Ton rire se mêle au sien. Faites une croix sur le calendrier, ce n'est pas quelque chose qui risque de se reproduire de sitôt. « Tu sais très bien que je suis pas assez aimable pour ça. » Alors, pourquoi tu l'as fait aujourd'hui ? S'il y a bien une personne avec qui tu n'as jamais envie d'être aimable, c'est bien lui. Il faut croire que ton besoin de t'occuper l'esprit est plus grand que la haine qu'il te procure. Et puis, si ça se trouve, sans Ginny, vous vous seriez peut-être jamais détesté. Il n'aimait pas que tu lui tournes autour. Et tu détestais qu'il t'empêche de le faire. C'était ça au fond, la véritable raison de la discorde. « Ça faisait très longtemps » Oui. C'est vrai. Et la dernière fois, vous ne vous êtes même pas adressé la parole. « Trop ou pas assez longtemps ? » Pas assez. Forcément. Et tu ne t'en vexera même pas. « Ne te décourage pas. Les premières semaines sont difficiles, mais je te jure qu'ils finissent par dormir. » Le manque de sommeil, c'est sûrement ce qui tue le plus les nouveaux parents. Tu aimerais pouvoir dire que tu comprenais, mais toi, c'était totalement de ta faute. Tu étais un peu trop zélé à être incapable de dormir par peur que ton bébé arrête de respirer dans son sommeil.

« Bonjour Tracy » J'ai soudainement l'impression d'atterrir sur une autre planète alors qu'Elise semble d'une douceur infinie envers ma fille. La Williams est, depuis toujours, rester à mes yeux le cliché parfait de la femme bourgeoise dont le couple n'est en réalité qu'apparence et argent. Je crois bien ne jamais l'avoir vu sourire autrement que de manière sarcastique. Le peu de conversation que nous avons pu avoir se terminait régulièrement entre menace et insulte déguisé par la politesse et le respect que nous imposait notre statut social. À mes yeux, elle était détestable. À cet instant précis, elle semble être la personne la plus douce qui soit. J'en reste bouche bée mon regard fixer sur elle alors que Tracy semble apprécier sa compagnie. « Elle te ressemble beaucoup, je trouve. » Le compliment qui me va droit au cœur tant c'est bien une première. Personne n'a réellement pris le temps de s'arrêter sur le jeu des ressemblances quand Jill occupait tous les esprits par son absence. Je ne sais quoi lui répondre à Elise. Me contente alors d'un petit sourire de circonstances tandis que Bowie ronchonne parce que la tétine vient de lui échapper. « Doucement petit glouton. » que je murmure tout en couvrant mon fils d'un regard qui veut tout dire.

Je me surprends à presque apprécier la présence de la brune alors que le silence nous entoure. Elle vient clairement de me sauver la mise, et même si cela m'arrache encore un peu la bouche, la remercier est de rigueur. « Tu sais très bien que je suis pas assez aimable pour ça. » « Comment pourrais-je oublier ? » Alors que c'est tout ce que j'ai toujours détesté chez elle. Et sa manière de tourner autour de Ginny qui était si manipulable à souhait. Pourtant aujourd’hui tout semble si différent alors qu’elle m’aide à donner le biberon. C’est comme si l’on venait d’ouvrir une faille dans un espace/temps complètement différent. « Trop ou pas assez longtemps ? » « Probablement pas assez. » que je renchéris malgré la fatigue. Il faut croire que certaines habitudes ont la vie dure. Pourtant, rien ne sonne comme un défi, comme une envie particulière de se rentrer dedans.

Le temps, encore une fois, semble suspendu alors que la seule chose que l’on entend, c’est le bruit des tétines. « Ne te décourage pas. Les premières semaines sont difficiles, mais je te jure qu'ils finissent par dormir. » Un soupire m’échappe alors que mon regard croise le sien. Elle semble si sûre d’elle. Et soudainement, je réalise. Elle a vécu tout cela, elle aussi. Il y a des années. Cosimo doit être si grand désormais. « Ils sont deux. » Et c’est là que réside tout le défi.« Quand l’un s’endort, l’autre se réveille en pleurant. » On l’entend là, ma fatigue extrême ? Je pourrais m’endormir debout tant, je me sens épuisé. « Je sais même pas si je fais les choses correctement les trois quart du temps… » Serais-je en train de me confier à Elise comme s’il s’agissait là d’une vieille amie ? Je ne sais plus vraiment. L’important, c’est qu’elle se trouve ici, que son sourire semble bienveillant envers ma fille et que surtout elle aide sans rien demander en retour. Juste de l’aide. J’en avais besoin.

« Ils sont deux. » La réalité de la vie avec des jumeaux est quelque chose de complètement à part. Tu ne pourras sûrement jamais comprendre faute de ne l'avoir jamais vécu. Et surtout, tu n'as pas toute l'information. « Et vous êtes deux. » Il est là ton raisonnement. Tu ne vois pas quelle est la différence entre ces deux personnes qui doivent élever deux enfants et toi, qui s'est occupé de Cosimo seul, Saül toujours pris par le boulot, Saül qui ne s'est jamais levé une seule fois parce que lui travail. Tu te plains pas. Toi, c'était ça ta réalité et ça t'allait. « Quand l’un s’endort, l’autre se réveille en pleurant » « Et si vous essayez de les séparer ? Chacun s'occupe d'un bébé. Comme ça vous pourriez dormir un peu ? » Tu as déjà dit qu'il te manquait des infos ? Oui, carrément. Ta solution, elle ne vaut rien, parce qu'il est tout seul pour deux bébés. Parce qu'il n'a sûrement pas fermer l'oeil depuis qu'ils sont nées tous les deux.

« Je sais même pas si je fais les choses correctement les trois quart du temps… » Oh ce que tu l'entends son cris de détresse. Tu ne dois pas être la seule à l'entendre, si ? Tu es persuadé qu'ils sont super bien entourés sa femme et lui. Ils ne devraient pas avoir peur de demander de l'aide. « Personne n'est encore mort. Tu dois pas t'en sortir trop mal. » que tu lui dit en essayant de sortir le sourire le plus rassurant que tu as en poche. « Et il faut pas que tu hésites à demander de l'aide quand tu as en besoin. Prendre une pause ne fait pas de nous des mauvais parents. Okay ? » C'est pas ton aide à toi que tu lui proposes, parce que ce serait stupide et insensé et qu'il ne la prendrait pas de toute façon. Même si, franchement, il pourrait t'appeler au bon milieu de la nuit que tu pourrais décrocher. Bonjour l'insomnie. Ton regard se retourne vers Tracy qui vient tout juste de terminer son biberon et dont les yeux se ferment automatiquement. Ça dort toujours mieux le ventre plein. « Un bébé endormi. Et le tien ? » que tu demandes en étirant ton cou pour regarder si Bowie avait aussi succombé au sommeil.

« Et vous êtes deux. » Un rire nerveux m’échappe sans que je ne trouve le courage de la reprendre. Elle doit s’imaginer que c’est si simple lorsque l’on est deux. Chacun peut prendre un bébé dans les bras après tout, non ? C’est vrai pourquoi je n’y avais pas pensé plus tôt ? Je sens la colère qui monte en moi alors qu’Elise ne joue qu’avec les cartes qu’elle a en main. Je n’ai pas pu amener ces bébés au monde moi-même, il y a forcément une femme dans l’équation. Une femme qui doit être en train de se reposer à la maison, selon son idée. « Et si vous essayez de les séparer ? Chacun s'occupe d'un bébé. Comme ça vous pourriez dormir un peu ? » Cette fois, je ne peux retenir un raclement de gorge. « Encore faut-il que la mère veuille s’en occuper. » Elle s’entend dans chaque fibre de mon corps cette rage qui sommeille. En rien, je ne veux rendre Jill responsable. La dépression est en train de la bouffer de l’intérieur, mais tout n’est pas si simple vu de l’extérieur. « Je suis tout seul Elise, alors ne viens pas me couvrir de bons conseils quand j’essaye simplement de faire de mon mieux. » Elle est là, la dure réalité. Une mère qui refuse d’approcher ses bébés, une mère en souffrance et des enfants qui doivent se sentir tant abandonner. Je tente de garder la tête hors de l’eau, tout simplement. Aujourd’hui, cela me semble plus difficile encore.

« Personne n'est encore mort. Tu dois pas t'en sortir trop mal. » C’est qu’elle se voudrait rassurante la Williams. Un trait de sa personnalité que je n’ai jamais eu la chance de côtoyer. « Et il faut pas que tu hésites à demander de l'aide quand tu as en besoin. Prendre une pause ne fait pas de nous des mauvais parents. Okay ? » J’entends son conseil. L’appliquer me semble en revanche bien plus compliqué. Je ne veux pas embêter les gens avec nos problèmes. Encore moins leur imposé deux bébés en même temps. « C’est pas aussi simple. » Elle devait avoir trois nounous à son service lorsque Cosimo est né. Elle avait tout son temps pour elle, elle devait déléguer. « Je veux pas qu’ils se sentent encore plus abandonnés. » C’est probablement ce qui me terrorise le plus dans cette histoire. Une peur qui me tient au ventre, qui m’empêche de dormir loin d’eux.

« Un bébé endormi. Et le tien ? » Un petit sourire se dessine sur mes lèvres en voyant Tracy. Bowie quant à lui tète encore un peu son biberon, mais ses paupières semblent devenir lourdes. « Il ne va pas tarder à sombrer. » que j’annonce doucement. Elle continue à bercer ma fille Elise et je me demande encore comment elle a pu rester si longtemps à mes côtés. « Tu peux la poser si tu veux y aller. »

« Encore faut-il que la mère veuille s’en occuper. » Tes sourcils se froncent immédiatement. Qu'est-ce qu'il raconte là ? Comment une mère peut ne pas vouloir s'occuper de son enfant ? Tu ne le comprendras jamais. « Je suis tout seul Elise, alors ne viens pas me couvrir de bons conseils quand j’essaye simplement de faire de mon mieux. » Définitivement, jouer à la gentille avec lui, c'est à oublier. Tu devrais pas te vexer. C'est après elle qu'il est fâché et c'est juste sur toi que ça tombe. Mais voilà, trop tard, tu es quand même vexé. « Très bien. J'vais garder mes bons conseils pour moi. » Qu'il se démerde tout seul. Ton regard se tourne plutôt vers Tracy dont le biberon tire à sa fin. Elle est si fragile, si parfaite. Comment sa mère peut ne pas vouloir en prendre soin ?

« C’est pas aussi simple. » Ce ne l'est pas, parce qu'il ne veut pas que ce le soit. En même temps, tu sais ce que sait. On est trop idiot, trop aveugle, pour le voir qu'on a besoin d'aide. Et puis, c'est dure de laisser bébé partir. « Je veux pas qu’ils se sentent encore plus abandonnés. » « Tu as vraiment envie que je te dises ce qui va se passer si tu en demandes pas ? » Quelqu'un lui a dit qu'il avait l'air d'un mort vivant ? Quelqu'un lui a dit qu'il ne serait plus en mesure de s'en occuper de ses enfants s'il ne s'occupait pas de lui un peu ? « Tu ne seras plus capable de t'en occuper toi non plus si tu continues comme ça. C'est là qu'ils vont se sentir abandonnés. » Pas avant. Pas quand il a juste besoin de dormir ne serais-ce que quelques heures.

« Il ne va pas tarder à sombrer. » Il est beau à voir Bowie entre les bras de Bailey qui combat le sommeil pour terminer son biberon. Et non, il ne gagnera pas quand ses paupières se ferment pour de bon. Adorable. « Tu peux la poser si tu veux y aller. » Ah. Oui. Bien sûr. Tu devrais pas rester de toute manière. Il aura au moins deux bébés endormis. C'est déjà ça de gagné. Tu te demandes s'ils vont se remettre à pleurer à la seconde où il mettera les pieds chez lui, à la seconde où il voudra lui aussi fermer les yeux. Tu te relèves donc du banc, redépose Tracy dans la poussette. Elle bouge un peu, mais ça va. Elle ne se réveille pas. « Ça va aller ? » Oh et pourquoi ça t'intéresse de toute façon ? Qu'importe il va probablement dire oui même si c'est faux et tu vas faire semblant de le croire

Elle prend pour les autres Elise tant nous n’avions jamais été amis. C’est bien plus simple de réagir de manière vive envers elle quand je tente encore de tout maintenir avec mes proches. Elle pourra m’en vouloir autant qu’elle veut, ce n’est pas cela qui comptera. Je pourrais tout lui dire à Elise tant je ne serais jamais effrayé de la voir s’enfuir sans me tourner le dos. « Très bien. J'vais garder mes bons conseils pour moi. » Je hoche la tête, ravale une remarque piquante qui serait inutile dans cette dynamique. Elle a encore mon bébé dans ses bras, c’est tout ce qui compte. Elle pense tout savoir la Williams quand elle en réalité elle ne sait rien. Personne ne sait rien. C’est un drame qui se joue à huit clos. Comment peut-on décemment annoncer qu’une mère ne se sent pas connecter à ses enfants ? C’est impensable. J’ai moi-même du mal à pleinement le réaliser tant parfois, j’aimerais encore que l’on m’annonce que tout cela n’était qu’un rêve. « Tu as vraiment envie que je te dise ce qui va se passer si tu en demandes pas ? » Elle insiste pourtant Elise et elle commence à jouer avec mes nerfs. « Tu ne seras plus capable de t'en occuper toi non plus si tu continues comme ça. C'est là qu'ils vont se sentir abandonnés. » Elle pique là où ça fait le plus mal. Peut-être qu’en réalité, elle en sait plus que je ne voudrais le croire. « Ça va, je gère. » Tout simplement parce que je refuse de dire que je pourrais me noyer. Je dois tenir le coup pour mes enfants. Ils sont la seule chose qui importe dans toute cette histoire. « Je ferais tout pour eux. » que je murmure doucement alors que mon regard se perd sur le visage de mon fils apaisé.

Je la libère de toute obligation Elise quand il est clair que l’on ne sait pas réellement s’entendre tous les deux. Tracy est nourrie, elle s’est endormie. Elle peut fuir quand elle le veut la Williams. Je vois qu’elle fait attention à ses moindres gestes lorsqu’elle dépose la petite dans la poussette à nouveau. « Ça va aller ? » Sa question est tout ce qu’il y a de plus poli. « Je pense pas. » Ma réponse est bien trop sincère. La fatigue abaisse les filtres, c’est tout ce qu’il y a de plus réel. « On va juste essayer… » Et je ne sais pas pourquoi je la retiens alors que l’on ne s’entend pas. « Peut-être qu’ils seraient pas si inutiles que cela tes conseils. » que je murmure en baissant la tête.

« Ça va, je gère. »
« Dis le à ta tête, elle a pas l'air au courant. » Ah c'est qu'il est de mauvaise humeur Bailey. C'est le manque de sommeil as tu envie de dire. Même si ta présence n'aide probablement pas à lui redonner sa bonne humeur. Tu as quand même contribué à ce que deux bébés soient nourris et finissent par s'endormir, mais ce n'est apparemment pas suffisant pour équilibrer la balance des dernières années. De toute façon, qui a dit que tu voulais l'équilibrer ? Certainement pas toi. « Je ferais tout pour eux. » Tu n'en doutes pas une seule seconde. Il est beau à voir avec l'amour inconditionnel qui semble avoir trouvé foyer au creux de ses prunelles. Il réussit même à te faire décrocher un doux sourire attendrit.

Tracy de retour dans sa poussette, tu t'apprêtes désormais à repartir. Vous venez quand même de battre tout un record en étant assis l'un a côté de l'autre aussi longtemps sans que la langue de serpent ne se fasse aller. « Je pense pas. » Son honnêteté te surprend. Il te demande presque de partir, mais te dit quand même que ça ne vas pas. « On va juste essayer… » « Essayer, c'est déjà très bien. » On fait tous de notre mieux. Il devrait essayer de se faire un peu plus confiance Bailey. Plus facile à dire qu'à faire. « Peut-être qu’ils seraient pas si inutiles que cela tes conseils. » Sa voix n'est qu'un murmure. Elle est si faible, semble remplis de honte. Okay. C'est officiel Bailey Fitzgerald te brise le coeur. Tu ne sais plus sur quel pied danser. « Dors Bailey. C'est le seul conseil qui importe le plus. » C'est presque un ordre et il aurait intérêt à y obéir. Sa santé mentale te remerciera un jour. « Demande à Ginny de t'aider juste le temps que tu puisses fermer l'oeil une heure ou deux. » Ou douze ce ne serait pas de trop. « Et si tu as peur de déranger, tu n'as qu'à m'appeler. J'suis sûr que ça te ferais plaisir de me déranger. Surtout la nuit, je vais me plaindre comme jamais. » Qu'il appelle quand il veut Bailey. Jour comme nuit, ça ne fait aucune différence pour toi quand le jour est angoissant et que les nuits sont remplis d'insomnies. Au moins, il arriverait à te faire sentir utile dans ce moment de ta vie où tu ne fais que ressentir le contraire.

« Dis le à ta tête, elle a pas l'air au courant. »
« J’ai vraiment une sale gueule ? »

Je sais qu’Elise ne prendra pas de pincettes comme le reste de mon entourage. Elle ne se gênera pas pour me dire que vraiment, je fais peur à voir. Je n’ai pas croisé mon profil dans un miroir depuis bien trop longtemps. Je vois bien que j’ai maigri lorsque le jean qui me serrait presque avant la naissance des jumeaux est devenu trop grand. Je crois que j’ai besoin que quelqu’un me mette face à la vérité comme Elise le fait depuis que mon chemin à croiser le sien. « Essayer, c'est déjà très bien. » Un soupire s’échappe d’entre mes lèvres. Elle semble bien plus positive que moi et cela commence presque à m’inquiéter. Je n’arrive pas à trouver une pensée positive malgré le fait que mes enfants soient nourris et qu’ils se soient endormis calmement. Clairement, rien ne va et j’ai l’impression de perdre pied jour après jour. « Dors Bailey. C'est le seul conseil qui importe le plus. » Un rire nerveux m’échappe alors que mon regard se perd sur mes enfants qui eux dorment vraiment profondément désormais. Je passe une main sur mon visage tentant de ne pas perdre mon sang-froid alors qu’elle cherche juste à m’aider. « Demande à Ginny de t'aider juste le temps que tu puisses fermer l'œil une heure ou deux. Et si tu as peur de déranger, tu n'as qu'à m'appeler. J'suis sûr que ça te ferait plaisir de me déranger. Surtout, la nuit, je vais me plaindre comme jamais. » Un nouveau rire s’échappe d’entre mes lèvres. « Tu veux que je te dise la vérité… » Et jamais je n’aurais imaginé être aussi franc avec la jeune femme. « Même toi, je n’oserais pas te déranger. » Parce que c’est ma personnalité. J’ai toujours peur de déranger et c’est pire depuis que Jill est partie. Je ne cesse de me persuader que je peux y arriver seul quand en réalité, je suis en train de me noyer. « Et pourtant, je rêverais de t’appeler à trois heures du matin. » que je ricane un peu pour tenter d’apaiser la situation.

« J’ai vraiment une sale gueule ? »
« Ouaip. On dirait que quelqu'un vient de te déterrer »

Sérieusement ? Personne le lui a dit ? Impossible. Ils ont sûrement trouvé une manière détournée de le lui faire comprendre et , visiblement, il a compris que dalle. D'un zombie, voilà de quoi il a l'air. Il en a sûrement pas juste l'air en plus vu le nombre d'heures de sommeil peu élevé qu'il semble avoir. Niveau honnêteté, il peut pas demander mieux Bailey. Il est bien servis. Et tu en as absolument rien à faire qu'il le prenne mal. Ça le fera réfléchir et c'est déjà ça de gagné.

« Tu veux que je te dise la vérité… Même toi, je n’oserais pas te déranger. » Ce qu'on est tous taré à ce prendre pour des super-humains qui n'ont aucune limite, qui peuvent tous réussir sans l'aide de personnes. Ce qu'on peut être stupide à se dire égoïstement qu'on ne veut pas que personne d'autre s'occupe de nos enfants, qu'on gère très bien, alors que c'est totalement l'inverse. On est stupide. On est orgueilleux. Et on ne veut surtout pas que personne voit nos faiblesses, alors que la vérité est que les autres font simplement semblant de pas les voir. « Et pourtant, je rêverais de t’appeler à trois heures du matin. » Ce qu'elle peut porter à confusion cette phrase prise hors contexte. « Fais-le. Je viendrai. Peu importe l'heure. » Et la balle est dans son camp maintenant. Tu n'iras pas plus loin dans les démarches. Ce serait trop bizarre d'insister. Qu'il fasse ce bon lui semble Bailey, mais tu viendras s'il appelle. Et pour une fois dans ta vie, tu ne le jugera même pas.

« Allez profites-en pour aller te reposer toi aussi. » Tu poses un dernier regard sur les poupons toujours endormis aussi paisiblement avant de repartir vers chez toi. Et quand lui, il arrivera chez lui, ce sera sûrement la fin de la sieste pour ses bébés. C'est toujours comme ça. Ils dorment jamais quand on veut fermer l'oeil. Il s'en sortira Bailey. On s'en sort tous.