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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland

Comme prévu, elle s’inquiète quand tu lui parles d’Otto et des véritables raisons de ton état. Elle essaie d’en savoir plus et t’as peur de savoir ce qu’elle peut essayer de faire si jamais tu lui files un chiffre. Tu sais pas exactement combien tu dois parce que t’as arrêté de compter après une certaine somme, tu sais juste que c’est bien trop pour être raisonnable. « J’veux pas que tu te mêles de ça. » tu serres un peu plus ton étreinte. Tu t’énerves pas ou t’élèves pas la voix, tu le dis juste sur un ton à moitié las de toute cette situation. Tu veux pas qu’elle se mette en tête de récupérer de l’argent pour t’aider à éponger ta dette ou ce genre de connerie. C’est hors de question qu’elle se retrouve embarquée dans ce genre d’histoire parce qu’elle aura essayé de faire un truc pour toi. Tu refuses même l’idée qu’elle se retrouve prise entre deux feux par ta faute. « J’ai trouvé un truc, il viendra plus m’taper dessus. » tu marmonnes sans trop articuler. Tu te concentres sur elle, sur le bras passé autour de toi, et tu te raccroches à tout ça. T’essaies de dériver la conversation pour ne pas devoir te justifier sur ce fameux truc, et t’acquiesces quand elle fait genre de bosser. T’es juste contente qu’elle soit là et que vous ayez arrêté de vous disputer pour le moment. « Oh. Okay. » tu la crois sur parole, parce que t’as pas de raison de douter de ça. Enfin si. Trop de fois déjà, elle a tout lâché pour toi. Tu redoutes le jour où là aussi, ça sera celle de trop. Le moment où elle sera au mauvais endroit au mauvais moment, celui où elle se fera virer parce que trop absente, tu sais pas. Même si c’est toi qui est dans la merde, tu t’inquiètes pour elle, c’est plus fort que toi. Tu pourrais être en train de te vider de ton sang que toutes tes pensées seraient braquées sur Mac. Tu souffles un espèce de rire trop bref pour être vraiment amusé quand elle demande si toi t’as été bosser. Toujours sans te décoller d’elle, tu fais non de la tête. « J’me suis faite défoncer par Rae. » là non plus tu développes pas. Techniquement, c’est un truc de soeurs, ça la concerne pas tellement. Mais l’aînée est au courant, elle va même gérer les choses pour toi sans que tu saches trop pourquoi. Tu commences à beaucoup lui devoir, à l’autre Blackwell. Bref, tout ça pour dire que t’as connu de meilleurs débuts de semaine. Tu sens ton coeur se serrer d’appréhension quand elle continue de parler et d’exprimer ses craintes. Faut dire que tu lui as plutôt bien caché ta situation. Pendant la dizaine de jours où vous vous êtes vues, t’as toujours mis un point d’honneur à faire ce qu’il fallait pour ne pas avoir l’air complètement à côté de tes pompes. T’as la mâchoire qui tremble parce que t’es à deux doigts de pleurer tant tu flippes aussi. Est-ce qu’elle est en train de regretter tout ce qui est arrivé ? Il aurait sans doute mieux valu que tu refasses jamais surface, elle aurait pu finir par tourner la page et merde, tu veux plus avoir ces pensées là, mais tu peux pas t’en empêcher c’est plus fort que toi. Putain t’en as marre d’être comme ça, à jamais croire en rien et à jamais savoir tenir tes décisions. Un long blanc s’installe, tu sais pas quoi dire. Toi non plus tu veux pas la perdre, mais plus ça va et plus ça te paraît inévitable. « Je sais pas si je vais y arriver, Mac. J’sais vraiment pas. » tu brises le silence au bout d’une éternité, la voix à peine au niveau d’un murmure. Putain que quelqu’un retire ce poids sur ta poitrine, tu vas finir par crever. « Dès qu’y a des trucs qui vont bien, tout devient pire après. » tu continues et faut que tu te décolles d’elle parce que t’as l’impression d’étouffer littéralement. « J’suis fatiguée de tout ça, j’te jure que j’en peux plus. » c’est trop, tout. La moindre petite chose te paraît insurmontable, t’es dans ces périodes où tu te demandes à quoi bon essayer de continuer. Tu lances des œillades furtives dans sa direction, n’arrivant pas à croiser son regard plus de quelques secondes. « Tu veux arrêter ? » tu demandes, toujours pas tranquille. « J’t’en voudrai pas, tu sais. Si c’est trop pour toi et si tu veux plus. » tu lui as fait promettre après tout, de pas te laisser l’embarquer dans tes merdes. Si elle veut se rétracter, il est encore temps, elle a le droit. T’y survivras sans doute pas, mais c’est pas important ça. « On peut r’venir comme avant et heu… » putain ça te fout la nausée rien que d’en parler. A moins que ça soit le mélange d’alcools et de médocs qui a toujours du mal à passer. « Merde- » un peu précipitemment, manquant de te casser la gueule, tu te rues vers la salle de bain et la cuvette des toilettes pour sortir tout ça. C’est généralement dans ces moments qu’on se promet de plus jamais boire, que c’était la dernière fois.

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Je me demande ce qui m’effraie le plus, entre les cris et ce silence total dans lequel on cherche nos mots ; je te sens hésiter et trembler et j’ai déjà une boule qui me monte à la gorge. J’aurais mieux fait de fermer ma gueule, une fois n’est pas coutume, je déteste nous voir comme ça, nous imaginer de haut, côte à côte et incapable de savoir quoi se dire sans que ça ait des allures définitives. « Non », je feule, non pour tout, non ne pars pas, non peut-être que ça n’ira pas mieux, non j’ai aucune envie qu’on s’arrête là. J’ai pas le temps d’expliciter, ni de mettre mes idées en ordre : tu titubes jusqu’à la salle de bains, et je t’entends rendre cinq jours d’alcool et de médocs, ou peut-être un seul, je sais même plus si t’as déjà fait ça, si tu m’as menti, si tu me caches l’état dans lequel t’es. J’accoure à ta suite, je dégage tes cheveux et je te caresse le dos, hésitante, j’ai trop peur de te faire mal. « Pas d'hôpital t'es sûre ? » C’est plus fort que moi ; je préfère te savoir à l’abri dans un endroit où on te juge qu’ici, avec pour tout accompagnateur une infirmière incompétente qui ne sait quoi foutre sinon frotter ton dos. « Ca risque rien, tu sais. T’es majeure, ils ont besoin de ton consentement pour…tout. » Et très franchement, ils voient sûrement pire. Je sais pas si c’est ce qui te fait peur, précisément, ou si t’as peur qu’ils posent des questions sur qui t’a fait ça et qu’il te retrace d’une façon ou d’une autre. Je m’accroupis et me colle à ton dos pour y poser ma joue ; j’ai besoin de ton contact, tu me fais peur à parler comme ça, à dire que t’en as marre de tout et que tu sais pas jusqu’où tu peux tenir, de nous deux t’as toujours été la plus impulsive et moi la plus mélodrama, et je ne suis pas sûre de comment gérer l’inverse. « Et Spence… Je veux pas arrêter. » Je peux commencer par te dire ça, peut-être, mes lèvres collées à ton haut et le souffle à peine plus fort que le bruit de la chasse d’eau. L’atmosphère est tout sauf bucolique. « Je veux t'aider avec tout ça, et être ta pote ou plus c'est pas ça qui changera grand-chose. » Je poursuis pas ma pensée à l’oral : être plus c’est surtout ce qui me permet de t’avoir plus près de moi pour surveiller que tu clamses pas, et de toute façon moi non plus, je suis pas certaine de survivre à un retour en arrière. « Ça va aller. On va prendre ça petit à petit, jour après jour, et ça va l’faire. » En réalité j’en sais rien, je sais pas comment ça marche, je sais juste que mon père prend les choses petit à petit et jour après jour depuis vingt-cinq piges et qu’il est toujours coincé dans sa dépression. Je ne suis pas douée avec tout ça, je n’ai jamais appris à prendre soin d’autrui, je vois tes addictions comme une autre maladie de laquelle je ne saisis rien et qui me demeure résolument obscure. « J’ai quitté Margot », j’annonce, comme si ça changeait quoi que ce soit, t’es en train de te vider sur une cuvette et je reste accroupie en arrière alors que mes genoux me flinguent et putain, c’est tout sauf à propos. « Je lui ai tout dit. » Enfin, tout ce qui nous concernait, du moins : ma tromperie, notre décision de tenter, le fait que je saurais pas porter ma conscience si je nous donnais pas au moins une chance. J’ai dû esquiver une ou deux assiettes, mais je l’ai fait, le monde ne s’est pas arrêté de tourner ; je suis même sûre qu’au fond elle a été soulagée de savoir que tout ce temps, elle s’était pas fait des idées. Je me sens encore plus dégueulasse de l’avoir faite souffrir à ce point, mais au moins j’ai été droite, peut-être pour la première fois depuis quatre ans. « Je sais pas ce que ça veut dire pour nous. » Surtout quand t’es en train de purger tes péchés dans les évacuations de l’immeuble. « Mais on peut y aller jour après jour aussi. On peut commencer par un date, et prendre le temps. Ca te plairait ? » Quelle stupide idée que de penser que cadrer notre relation comme ça t’aiderait à cadrer le reste, mais franchement, je ne vois pas quoi d’autre te proposer, sinon hausser les épaules pour te signifier mon impuissance, et tu mérites mieux que quelqu’un qui te laisse te démerder toute seule. « Tu veux faire quoi, pour le reste ? Genre, essayer de diminuer un peu tous les jours ? Voir quelqu’un ? » Que je ne sache pas comment t’aider ne signifie pas que je ne vais pas faire tout ce qu’il faut pour essayer.

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Il ne lui faut pas longtemps pour venir t’accompagner dans ce moment pas très glorieux. Comme tant de fois auparavant, elle tient tes cheveux pour éviter que tu ne dégueules dessus, une main réconfortante sur ton dos. Si le contact est tout de même réconfortant, ton corps se tend seul lorsqu’elle frôle des zones encore un peu trop à vif. Tu peux pas lui en vouloir d’insister pour t’emmener à l’hôpital malgré tes protestations de tout à l’heure. Si la situation était inversée, tu sais que tu ferais pareil pour être certaine que tout est en ordre. La différence c’est qu’avec elle, t’aurai pas besoin de discuter ou de négocier cent-sept ans, elle est bien plus raisonnable que toi et n'a rien à cacher. Toi tu t’obstines en secouant la tête, n’arrivant même pas à sortir un simple non puisque tu te remets à régurgiter. Tu sais pas combien de temps tu restes là, la tête dans les chiottes à encore une fois regretter toutes tes décisions, mais Mac reste là, le temps que ça passe. Tu te concentres sur sa chaleur dans ton dos, t’ignores les protestations de douleur de ton corps, t’essayes de respirer comme il faut pour que ta nausée se calme. Elle veut pas arrêter, qu’elle dit. Et tu te sens infiniment soulagée d’entendre ça. Si la situation avait été propice, tu l’aurais embrassée jusqu’à ne plus avoir de souffle. Mais vu l’instant, tu te contentes juste de chercher sa main derrière toi. Malgré ses paroles réconfortantes, t’as vraiment l’impression d’être un espèce d’imposteur qui va et vient comme bon lui semble. Tu te casses pendant des années sans un mot, tu reviens avec ta tête des mauvais jours et t’arrives encore à l’avoir elle malgré tout. C’est pas bien, toute cette situation. C’est pas bien parce que t’as vraiment parfois l’impression d’être là uniquement pour profiter de ses points faibles. T’as pas envie d’être celle qui vient et qui utilise, puis se barre le jour où elle en a marre pour ensuite revenir plus tard. Et elle, trop gentille, trop concentrée sur toi, elle trouve encore le moyen de te pardonner et de passer tes fautes. Tu te demandes parfois à quel moment t’es devenue comme ça ? Qui de Maureen ou de Jeremiah t’a transmis ces gènes là ? Tu craches en essayant d’évacuer le goût horrible que t’as dans la bouche et puis t’acquiesces doucement. Petit à petit, jour après jour, tu peux faire. Tu peux essayer, au moins. L’idée de ne pas le faire seule t’aide à y croire un peu en tout cas. Les vagues de nausée semblent s’être calmées pour l’instant, t’en profites pour lever un bras tremblant et tirer sur la chasse d’eau au moins histoire de plus avoir tout ça sous les yeux. Elle t’annonce avoir quitté Margot, tu devrais t’en réjouir et tout mais dans l’immédiat, ça t’inquiète. Elle l’a fait pour toi, tout ça pour être remerciée par presque une semaine de silence radio et du souci supplémentaire alors que t’avais promis de faire des efforts. Tu déglutis et tu tournes un peu la tête pour essayer de voir derrière toi. « Comment tu t’sens ? » tu marmonnes, la gorge brûlante à cause de tes renvois. Merde, ça aussi tu lui avais dit que tu serais là. Ca fait qu’une promesse supplémentaire brisée et t’aimes pas ça du tout. Tu te doutes bien que la concernée a pas dû très bien prendre la nouvelle, surtout si elle lui a dit que c’était pour être avec toi. T’as aucune peine à imaginer le genre de trucs qu’elle aura pu sortir, comme quoi tu reviens à peine après avoir été la pire des connasses, que c’était sûr qu’il y avait eu quelque chose entre vous, tout ça. A défaut de pouvoir la serrer dans tes bras comme tu voudrais, tu serres de nouveau sa main. Tu peux pas t’empêcher de ricaner. Tu sais pas si c’est nerveux ou triste ou content ou tout ça en même temps. T’as envie de pleurer et d’éclater de rire en même temps. « T’es vraiment en train de me proposer un date alors que j’ai la tête au fond des chiottes ? » tu te moques pas, c’est un bête constat et sa proposition paraît tellement grotesque en vue de votre situation. T’es au fond du trou, la gueule qui ressemble à un tableau expressionniste, le teint pâle et de la sueur qui perle de partout et elle trouve le moyen de te proposer ce genre de plan. Et l’idée te plait bien trop pour refuser catégoriquement, alors tu finis par hocher la tête doucement, te redressant lentement. « J’embrasse pas au premier rendez-vous. » une plaisanterie à la con, c’est un peu ta façon d’accepter. Oui, bien sûr que ça te plairait. C’est le genre de truc que t’as souhaité un million de fois auparavant. « On peut attendre que j’ai plus l’air de sortir d’un match de boxe ? » tu te laisses glisser pour t'asseoir sur le carrelage, maintenant que tu penses le pire passé. T’es pas à l’abri d’avoir de nouveau envie de vomir, mais au moins cette fois t’es déjà à côté des toilettes. Pour le reste, t’as aucune foutue idée. Dans ces moments-là, tu te dis toujours que tu veux arrêter et reprendre ta vie en main, mais c’est plus facile à penser qu’à faire. Tu prends un moment pour réfléchir, tu renifles en gardant le regard bas. Tenter un sevrage par toi-même, c’est une vraie fausse bonne idée. Tu pourras donner l’illusion d’y arriver, mais à la moindre contrariété tu sais que tu vas replonger la tête la première. « Je sais pas… J’pense que… J’pense pas que j’y arriverai par moi-même. » l’idée de contacter quelqu’un t’a déjà effleuré l’esprit plus d’une fois, mais t’as jamais eu le courage de décrocher le téléphone pour appeler un service d’aide ou ce genre de truc. « Tu m’aideras à choisir mon nouveau téléphone ? » tu demandes après un instant, les yeux toujours rivés sur la céramique des toilettes. « Un truc un peu solide. » histoire d’éviter les bêtes incidents.

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« Ça va. Il était temps, j'imagine. » Non ça va pas, ça me fait chier au fond, c'était tout sauf facile mais je m'attendais à une sorte de conclusion satisfaisante et y en a eu aucune. J'ai merdé et je n'ai plus qu'à faire la paix avec l'idée et à essayer de me racheter, avec le temps. Au bout de quatre ans, on a quasiment les mêmes potes : les occasions ne manqueront pas. « Elle m'a demandé depuis combien de temps ça durait, si ça avait commencé avant que tu partes. J'crois que ce qui m'a le plus fait chier c'est qu'elle me croit pas quand je lui ai dit qu'il s'était jamais rien passé avant. » Sauf une fois au jeu de la bouteille au début du lycée, quoi. J'ai pas le droit de lui en vouloir ou de m'offusquer, en plus, je le sais ; j'ai fait tellement pire avec tant d'autres que ce serait hypocrite de lui reprocher de me remettre en question quand je lui parle de toi. Surtout, t'as toujours été là, en arrière-plan, un fantôme qui planait sur notre relation. Une certitude pour elle comme moi, contre mon gré et à ton insu. « Tu peux me le dire si c'est elle qui t'a cassé la gueule, hein, pas besoin de faire genre c'est le créancier d'un cartel. » Je sais même pas si c'est drôle ou si ça va tomber à plat dans la cuvette, mais je tente. Je serre la main qui m'atteint, enfouis un peu plus mon visage contre ton dos et tes cheveux, soupire un bon coup avant de poursuivre et de te proposer un rencard. Tant qu'on est dans le ridicule, autant s'y dévouer à fond. « Ouais, parce que je t'aime même quand t'es à ton plus moche. Ça devrait te faire plaisir, non ? » La tornade passe et le calme avant la tempête aussi, dans ces chiottes exiguës et saturées d'odeur de bile je retrouve un semblant de nous et je m'y accroche avec déraison. J'ai peur de te voir t'effacer, partir petit à petit au lieu de tout d'un coup, te sentir te détacher de moi sans que je ne puisse rien y faire. « Ok, je t'embrasserai pas, je ferai d'autres trucs à la place. » J'en reviens pas de parler de sexe alors que t'étais en train de vomir y a deux secondes. Je m'en fous, t'as accepté, je suis aux anges, le reste pâlit en comparaison à ça. « Ils puent pas autant, après un match de boxe. » Je m’agite à nouveau, essayant de trouver une position confortable avant que mes genoux ne ploient ; je finis sur les fesses puis je me relève pour me mettre à genoux. « Mais j'peux rester quand même en attendant que t'ailles mieux, tu sais », chez toi ou chez moi, on peut ne rien faire du tout, je prendrai le canapé je m'en fous. Je compte bien garder un œil sur toi, éviter de te voir repartir dans ta spirale. Mais tu acceptes déjà de voir quelqu’un, et c’est un bon début. J’insiste pas, chaque chose en son temps ; il me semble que forcer même un tout petit peu risque de te faire fuir en sens inverse, autant faire comme on a dit : chaque chose en son temps, un pas derrière l’autre. « Ouais, j'ai encore ma brique Nokia de quand j'étais ado chez mon père, si tu veux, en attendant. » Ca, c’est déjà plus léger, plus basique, on retombe lentement sur nos pattes et on s’autorise à se détendre. Je me redresse complètement après avoir embrassé le sommet de ton crâne, et en trois grandes enjambées de chat qui s’étire, je me retrouve dans ta cuisine à faire chauffer de l’eau. Je suis à ça de farfouiller tes placards pour te faire des pâtes, des tranches de pain au Vegemite, que sais-je encore ; je jette un oeil furtif sur ma montre, si je veux reprendre le boulot c’est maintenant. « Mais t'sais, j'aimerais autant que t'évites de te faire alpaguer par le gratin mafieux australien en fin de soirée, plutôt que de choisir un portable solide au cas où », je lance un peu plus fort pour compenser la distance. J’ai peur que tu me reproches à nouveau de trop en faire, de te reprocher des choses et de trop prendre le dessus, alors comme par instinct, j’ajoute : « Enfin, ce serait cool, quoi. » Fort, le départ. Je te ramène une tisane à l’eau chaude grand cru avec un bout de gingembre de sushis lâché dedans ; c’est dégueulasse mais ça aide avec la nausée, le gingembre. Je te pose ça à côté des chiottes puis je mets mes poings sur mes hanches, façon Superwoman sur le départ à la fin d’un film, « je devrais peut-être aller bosser », est-ce que je vais vraiment prendre congé comme ça après avoir eu la peur de ma vie que tu te sois foutue en l’air d’une façon X ou Y, je me le demande, puis j’ajoute d’une plus petite voix : « ou euh, je reste, et je bosse pendant que tu te reposes, si tu veux. » Ne pas m’imposer, surtout, c’est la dernière chose que je souhaite.

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Forcément ça t'inquiète de savoir comment ça s'est passé avec Margot. Plus que ça, tu veux savoir comment elle se sent vis à vis de ça. Tu peux pas t'empêcher de te sentir coupable, t'as l'impression d'avoir cassé quelque chose tout en t'étant de nouveau imposée dans sa vie. T'as toujours vu comment elle te regardait, Margot. Chaque fois que vous vous croisiez, c'était toujours des regards en biais, méfiants. T'avais toujours la sensation qu'elle te surveillait dès que t'étais un peu trop proche de Mac et t'avais horreur de ça. Et toi tu rongeais ton frein, tu faisais semblant de rien. Tu te disais qu'avec le temps, tu finirais par l'accepter, que tu pourrai tourner la page mais sa simple présence suffisait à t'irriter. Alors dès qu'elle la prenait par la taille ou qu'elle l'embrassait, tu détournais le regard en ravalant ta rage et ta frustration. Tu noyais tout ça dans le fond de tes verres d'alcool, tu prenais le premier volontaire par la main pour l'emmener et qu'il t'aide à oublier le temps d'un instant. Tu la jalousais, Margot. Et tu faisais comme si c'était juste sa personnalité que tu supportais pas, mais c'était bien plus insidieux que ça. « Faut dire qu'on était tout le temps collées ensemble, c'était louche un peu. » la plupart des personnes que vous croisiez étaient persuadées que vous étiez en couple ou que c’était qu’une question de temps. Et toi t’étais vraiment la seule à faire exprès de rien voir, tu balayais l’idée d’un rire nerveux en tournant les yeux pour regarder partout sauf vers elle. « Désolée d’pas avoir été là pour toi quand tu lui as dit. » tu bougonnes, t’en voulant toujours pour tout et pour rien. Tu lâches un bref ricanement. Non, c’est pas Margot qui t’a cassé la gueule. Si ça avait été le cas, t’aurais au moins eu l’occasion de rendre les coups et de pas juste te faire exploser la tronche comme là. « J’aurai préféré. » tu grognes tout en continuant de te concentrer sur ta respiration. Elle te serre contre elle, et ça t’apaise. Tu te demandes si un jour sa simple présence arrêtera de te faire ressentir tout ça. Tu te sens vraiment vivante que quand elle est là, quand elle te touche ou qu’elle te parle. Tout le reste, tout le monde, rien n’a autant d’importance qu’elle à tes yeux et ça te terrifie qu’une seule personne ait autant d’impact sur toi. Qu’est-ce que tu serais devenue si elle n’était jamais venue te parler ? Qu’est-ce que tu serais devenue si tu n’avais pas cédé ? C’est impensable aujourd’hui, complètement aberrant comme idée. Si un jour elle décide de partir parce qu’elle se rendra compte que t’es pas du tout ce qu’elle voulait, tu sais pas de quoi t’es capable et c’est le truc le plus flippant que tu puisses imaginer. Et même là alors que tu ressembles à rien et que t’as à moitié menti et brisé toutes tes promesses, elle trouve toujours le moyen de te réconforter. T’as la tête qui va exploser, t’as l’estomac complètement retourné et vraiment tu veux juste aller dormir pour les quinze prochaines années. Mac a sûrement d’autres trucs à faire d’ici là. T’acceptes sa demande d’aller en date, tu souris un peu quand elle promet de pas t’embrasser, mais qu’elle propose autre chose à la place. « On pourra se tenir la main si tu veux. » tu continues en acquiesçant, jouant exprès à celle qui n’a pas compris l’insinuation pourtant très claire. T’es déjà pressée d’y être. « J'devrai sans doute aller me doucher. » ça te ferait effectivement le plus grand bien. Mais ça implique bien trop de mouvements pour que ça soit envisageable dans l'immédiat. Faut se lever, bouger les bras, tenir debout plus de cinq minutes, ça paraît beaucoup. Plus tard, peut-être. « Ca va aller, t’en fais pas. » tu sais même pas si tu dis ça pour elle ou pour toi, surtout après ce que t’as balancé juste avant. Tu vas pas essayer de faire de conneries pour te foutre en l’air, pas maintenant. Elle se relève et toi tu restes là, le front posé sur la cuvette. Sa présence te manque déjà, t’as envie de lui dire de revenir, que vous alliez vous coucher et juste qu’elle te prenne dans ses bras toute la nuit jusqu’à ce que l’orchestre qui s’est installé dans ton crâne cesse de jouer les percussions en boucle. Tu l’entends dire un truc depuis la cuisine, tu relèves pas. Toi aussi t’aimerai éviter de retomber sur la mafia australienne. D’ailleurs, est-ce qu’il est membre d’un truc ce con ou est-ce que c’est un espèce de loup solitaire ? Tu sais même pas. Soudainement t’as peur de connaître la réponse et de t’être mis à dos plus qu’un gars un peu violent. Tes nausées semblent s’être calmées pour le moment. Elle revient avec un mug fumant de tu sais pas trop quoi, et tu sais pas si t’as vraiment envie de boire ça. Tu peux attendre que ça refroidisse un peu, déjà. Toucher ça maintenant c’est un coup à te cramer. « Si j’ai un téléphone solide j’pourrai m’en servir pour les assommer. » comme si c’était une arme de défense efficace. Tu tournes la tête vers elle, prenant le temps de l’observer et tu dois avoir l’air bien misérable à côté de tes toilettes. « Mac… Tu vas finir par avoir des problèmes si tu continues à pas y aller. » elle a beau dire que c’est pas grave si elle y va pas, t’es à peu près sûre que c’est des conneries. La dernière chose dont t’as envie c’est qu’elle se fasse virer par ta faute. « Promis j’vais dormir, j’prends plus rien. » est-ce que t’es seulement capable de tenir cette promesse ? Pas sûre. Tout dépendra de ton état au réveil. Si t’as mal tu sais que tu vas prendre un truc, si ton corps réclame tu sais que tu vas prendre un truc, c’est loin d’être gagné. « J’t’embrasserai bien mais heu… Ouais. » mauvaise idée vu ce que tu viens de régurgiter. « Merci d’être venue. » elle mérite tellement tellement mieux que de devoir constamment surveillé que tu te sois pas flinguée par accident. T’inspires un coup et tu te redresses pour prendre la tasse et mettre le nez dedans. Le goût est bizarre, l’odeur aussi, t’as moyen envie de savoir ce que c’est. Pourtant tu bois en silence, faisant des têtes un peu bizarres. « Merde j’allais dire que je peux t’envoyer un message tout à l’heure, mais c’est compliqué du coup. » tu grommelles en te redressant. Putain, même te relever ça paraît tellement insurmontable. Peut-être que si tu roules jusqu’à ton matelas, tu peux espérer l’atteindre. « Sinon tu peux repasser après le boulot. Normalement j’devrai toujours être de c’monde. » t’essaies de faire passer ça pour une plaisanterie, mais tu te rends compte seulement après coup que c’est pas spécialement drôle en fait.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

« Non, valait mieux que t’y sois pas, crois-moi. » Je grimace pour appuyer le propos. C’était vraiment pas beau à voir, je te jure, moi qui ai toujours fantasmé d’une rupture entre adultes responsables et raisonnables, j’ai tenu mes résolutions deux secondes. On a crié, pleuré, les reproches ont fusé de son côté, moi je baissais la tête et j’encaissais parce qu’au fond j’avais rien à dire. Je clamais haut et fort mon innocence quant à une prétendue liaison entre nous qui remontait à avant, sans y mettre vraiment le coeur, parce que si c’était pas toi c’était une autre. Elle a été patiente, relativement douce malgré tout, et compte tenu de la situation, elle aurait pas pu mieux réagir, mais si t’avais été là, ou si j’étais retournée te voir juste après, ça aurait été le coup de grâce pour elle. Au moins, j’ai été franche en lui disant que j’allais rester sur mon canapé à bouffer des chips parce que de toute façon, je savais pas du tout où tu étais et qu’on était pas encore collées par la hanche comme des siamoises. « On était pas si collées que ça, si ? » Fausse vraie question, bien sûr que si on était collées, même si j’avais voulu prendre mes distances de toi j’en aurais été incapable, tu as toujours été cette évidence sans échappatoire à mes yeux et même si je voulais me fourvoyer sur la nature de ces sentiments, il n’empêche qu’ils étaient là et que Margot n’était pas stupide.
Tu évoques l’idée d’aller te laver et je ne peux pas te contredire, là-dessus. Moi j’hésite à partir, mes pieds restent résolument vissés sur le sol ; je me sens pas à l’aise à l’idée de te laisser seule, comme si tu risquais à nouveau de disparaître pendant une semaine sinon plus. Toi, tu m’assures que ça ira, tu m’encourages à retourner au boulot avant que mes absences ne se fassent trop longues et trop remarquées. Tu as raison : à tous les coups je suis déjà sur la sellette sans le savoir, et c’est le genre d’habitudes qu’il vaut mieux ne pas prendre parce que ça ne fera que s’empirer avec le temps. « T’es sûre ? » je redemande, tes promesses j’y crois qu’à moitié, j’ai peur qu’elles ne tiennent à rien sinon à une bête envie que je m’en fasse pas trop au moment de partir. Je ne te connais pas enfoncée dans tes démons et en proie à tes addictions, mais j’ai besoin de me dire que si tu le sens pas, tu me retiendras, tu m’empêcheras de passer le seuil de la porte ; tant pis pour le taf du moment que je t’ai toi, y a des millions de job et une seule abrutie à sauver des flammes. Je peux pas t’embrasser mais j’ai besoin de te faire comprendre combien j’ai flippé, te dire que je suis là, et que si tu disparais à nouveau je vais engager un hitman pour te faire comprendre qu’on déconne pas avec mes sentiments. Alors, en miroir de notre conversation, je me baisse, je prends ta main dans la mienne et je la sers, fort. Pour l’instant, il faudra que ça suffise. « Je peux rester, tu sais », j’insiste, parce que c’est vrai, tant pis si ça me fout dans la merde, et aussi parce que l’idée de t’avoir dans mes bras pendant que je travaille à moitié me plaît plus que de raison. « J’te laisse mon portable si t’as besoin. Si t’as des gens à prévenir ou quoi… » Parce que c’est pire, au fond, de pas te joindre en plus de ne pas te voir. Je me demande combien on est à se demander si t’es encore en vie. « Okay. Je… J’repasse, alors. » Je suis venue et j’ai fait ce que j’avais à faire, après tout, si t’as pas besoin de moi j’ai pas de raisons de rester. Je me redresse, un peu défaite, je t’aide à en faire de même et t’as l’air encore plus petite que d’habitude, avachie comme ça, abattue par la fatigue. Je suis à ça de prendre peur à nouveau. J’embrasse le sommet de ton crâne, affectueuse mais réservée, puis je te laisse mon portable entre les mains et je t’oblige à le garder. J’me sens conne, presque à poil, debout dans l’entrée à rehausser mon sac sur mes épaules, aucune idée de ce que je vais dire à Dani, on conclut qu’on se tient au courant, mon esprit est tout sauf allégé de ses craintes. « Promets-moi de pas faire de conneries, Spence », je souffle en ouvrant la porte, main crispée sur la poignée, je sais d’avance que c’est impossible et que je ne demande de ta part rien d’autre qu’un mensonge en te disant ça, et sûrement que je le demande davantage pour me rassurer que pour établir un pacte entre nous. T’es capable de disparaître deux ans, puis une semaine même après avoir promis de plus le faire ; j’ignore de quoi d’autres tu peux te rendre coupable et parmi tout le reste c’est peut-être ça, qui me fait le plus peur. Mais pour l’instant, je décide de te croire aveuglément, de me rendre volontairement naïve face à tes mensonges, de te laisser la porte ouverte au cas où tu me surprennes agréablement. Et peut-être que c'et suffisant. Peut-être que le reste suivra.