SEPTEMBRE 2018. “On m’a toujours dit qu’en ayant le ventre plein, tout ne pouvait qu’aller mieux.”

Oh non, bien sûr que non, personne ne lui a jamais dit ça, et encore moins en de tels mots peu assurés et surtout bien prosaïques. Tout ce qu’il sait faire, Rhett, c’est tenter maladroitement de lui remonter le moral en même temps qu’il cherche le moyen de fixer son attention sur quelque chose n’ayant aucun rapport avec sa récente rupture. Alors, à défaut, il occupe le temps et l’espace en cuisinant. L’odeur de la soupe enveloppe la pièce, sa cuisine est un véritable champ de bataille composé de nouilles, sauces en tout genre, épluchures de légumes et autres cadavres de verres d’eau qu’il a à moitié vidé en dehors de la casserole. Oh, Rhett a cuisiné, mais personne n’a dit qu’il l’avait fait avec brio. Sa soupe ressemble à celle du blog de cuisine, pourtant. L’odeur n’est pas semblable à celle de la mort aux rats, ce qui est sûrement une bonne chose. Pour peu, il pourrait même véritablement penser qu’elle a l’air bonne et réussie, ce qui est sans doute largement dû à la coriandre finement ciselée flottant encore à la surface de l’immense bol, conjugué au pluriel parce qu’il ne mangera pas seul ce soir. Pour l’assiette de Zoya, il a fourni encore plus d’efforts, tentant de rendre le plat esthétique avec quelques tranches de lime - ce qui ne sera sans doute pas meilleur, mais tout le monde se passera bien de la précision. Et si jamais elle a des larmes à cacher, elle pourra littéralement les noyer dans sa soupe, ce qui ne serait pas si mal face à un Rhett qui n’aurait de toute façon aucune idée de comment réagir.

Il l’accueille clopin-clopant, ayant toujours du mal à cacher sa démarche mal assurée, même neuf mois après son accident. Avec le temps, la seule chose qui change, c’est qu’il arrive peu à peu à s’y habituer et son entourage tout autant. Les soupes, elles, trônent sur la table du salon pour ne pas risquer d’être renversées ailleurs. Ainsi mises en évidences, elles ouvriront peut-être l’appétit de la jeune célibataire qu’il étreint brièvement en guise de salutations. “Tu as bonne mine, tu sais.” A en juger par les circonstances. Quand il a commencé à comprendre qu’il n’aurait peut-être pas de dix septième chance avec Jenna, il avait l’air bien plus pathétique. “Mais comment tu vas ? Pour de vrai.” Il amorce donc la question qui fâche, évidemment effrayé à l’idée qu’elle soit franche et lui avoue être au fond du trou. En attendant, il lui propose le repas du bout de la main, le désignant sans mot supplémentaire.

SEPTEMBRE 2018. “On m’a toujours dit qu’en ayant le ventre plein, tout ne pouvait qu’aller mieux.” Si tu le dis a envie de répondre Zoya sur un ton cynique. Mais elle s’abstient. Elle s’abstient parce qu’elle ne sait trop pour quelle raison elle s’est laissée embarquer par un Rhett qui semble vouloir jouer les amis compatissants avec elle, bien qu’il fasse partie du clan ennemi à ses yeux. Il est ami avec celui qui lui a mis le cœur en miettes et si elle était en larmes jusqu’à arriver chez le Hartfield tout à l’heure, désormais c’est un sourire resplendissant qu’elle affiche. Elle en a même fait trop en se maquillant plus qu’elle ne le fait sûrement d’habitude, a fait attention à sa tenue, et non pas pour séduire Rhett – elle n’est pas intéressée même s’il n’est pas désagréable à regarder et qu’il pourrait être un bon parti pour une nuit afin de l’aider à se consoler dans ses bras pour oublier son pote – mais pour montrer qu’elle va bien. C’est l’image qu’elle souhaite renvoyer ce soir à Rhett parce qu’elle ne veut pas qu’il se doute une seule seconde qu’elle est au bord du précipice. Elle ne veut pas qu’il voit à quel point Elijah lui a fait du mal, à quel point elle est en colère et meurtri à la fois, à quel point ses émotions sont décuplés. Parce que si elle décide de lever le masque ce soir, de montrer réellement ce qu’elle ressent, d’être la vraie Zoya, qu’il connait quand même bien le Hartfield – et peut-être qu’il se doutera de quelque chose ou non d’ailleurs – cette soupe qu’il est en train de soigneusement lui préparer risque fortement de finir contre un mur.

“Tu as bonne mine, tu sais.” Elle le gratifie d’un sourire, un grand sourire, un faux grand sourire dont elle joue à en ayant pleinement conscience alors qu’il vient à l’étreindre brièvement et qu’elle se laisse faire alors qu’elle aurait eu bien envie de le repousser. « Merci » répond-t-elle alors simplement, voulant paraitre le plus sincère possible. Mais le bonne mine la fait doucement rire – jaune– en réalité quand quelques heures plus tôt, elle était écroulée dans son lit, sa tête dans l’oreiller, à pleurer toutes les larmes de son corps alors qu’elle relisait encore et encore ce mail qu’il lui avait envoyé pour lui dire pour la première fois qu’il l’aimait, en écoutant cette playlist qu’il lui avait spécialement concocté. Non, la rupture a été rude, son absence tout autant et Zoya n’a clairement pas bonne mine. Elle a juste réussi à le camoufler ce soir, mais personne ne sait pour combien de temps.

“Mais comment tu vas ? Pour de vrai.”. Ils viennent à prendre place dans le salon, face à ces soupes qui paraissent appétissantes et pourtant, Zoya n’a pas l’appétit ouvert par celles-ci « Pour de vrai ? » amorce-t-elle avant de se pivoter de sorte à faire face à Rhett « Très bien ». Et elle en fait des tonnes avec son sourire et son air enjoué et surtout calme. Non ce n’est pas de Zoya ça « Je sais que ça peut paraitre surprenant mais, vraiment Rhett, je vais bien » C’est limite elle qui viendrait à le réconforter tellement on s’attend à sa main qui viendrait à trouver la sienne. « Je me doute que, si tu m’as invitée ce soir, c’est par rapport à notre rupture avec Elijah… Mais tu n’as pas de souci à te faire pour moi, sincèrement. Je comprends la décision d’Eli… Et je ne lui en tiens pas rigueur » Elle joue très bien la comédie et tente du mieux qu’elle peut à maintenir son cap, celui de ne pas montrer qu’elle est prête à exploser d’un moment à l’autre « Et j’espère que c’est son cas aussi… » qu’il aille crever ouais !, ça lui coûte vraiment de dire ça.

Une fois installé dans le salon, Rhett ose lui demander comment elle va, espérant pourtant au fond de lui qu’elle se contente d’un ‘bien, et toi ?’ sur lequel il ne renchérirait pas. Mais ce serait bien lâche, pas vrai ? Il n’est sans doute pas le meilleur ami dont on puisse rêver mais il veut au moins croire qu’il n’est pas si terrible que ça et qu’il peut être présent pour ses proches lorsqu’ils en ressentent le besoin. Tout comme il sait que l’inverse serait tout aussi vrai, preuve en est de tous ses proches à qui il n’a cessé de rappeler le nom de Jenna encore, encore et encore pendant des années. Maintenant, l’idée de lui préparer un reps semble bien futile. « Pour de vrai ? » Il ne répondra pas, n’ayant aucun mal à comprendre l’aspect rhétorique de cette question. Zoya semble se retenir et cela ne lui ressemble en rien, raison pour laquelle l’australien en vient quelque peu à froncer les sourcils. « Très bien. » Les mots sont ceux qu’il avait espérés, et pourtant il ne sait faire autre chose que souffler doucement à la seconde où il les entend. Ce n’est pas pour de vrai ce qu’elle dit, c’est seulement pour lui dire quelque chose de positif. Rhett fait la moue, lui faisant rapidement comprendre à son tour qu’il n’en croit pas un seul mot. En somme, cela ne lui facilite pas la tâche: maintenant, il va devoir se mouiller pour lui soutirer les vers du nez. Il est le moins bien placé pour ça, et le mieux placé en même temps. Ironique paradoxe.

« Je sais que ça peut paraitre surprenant mais, vraiment Rhett, je vais bien » Ce n’est pas surprenant, c’est mensonger. Nuance. « Je me doute que, si tu m’as invitée ce soir, c’est par rapport à notre rupture avec Elijah… Mais tu n’as pas de souci à te faire pour moi, sincèrement. Je comprends la décision d’Eli… Et je ne lui en tiens pas rigueur. » Alors soit. Ce n’est qu’un jeu de plus aux yeux de Rhett et il en découvre les règles petit à petit. Il n’est pas le meilleur menteur qui soit, trop habitué aux vérités brutes, mais il peut faire un effort s’il se persuade qu’il y a quelque chose à gagner: non pas pour lui, mais bien pour Zoya. « Et j’espère que c’est son cas aussi… » Dans un sourire aussi faux que celui de la jeune femme, le sportif se décide enfin à enfiler sa casquette de parfait conseilleur conjugal: conneries. S’il y a bien un domaine dans lequel il ne faut pas l’écouter et sur lequel il n’a rien de juste à dire, c’est bien celui de l’amour, des relations, et de tout ce qui se veut en être synonyme. “Très bien.” Si elle peut devenir une autre personne, alors il n’aura pas de mal à en faire de même, raison pour laquelle il répond calmement en venant se pencher légèrement en avant, ses coudes sur ses cuisses. Rapidement, pourtant, la douleur le rappelle qu’il n’a plus vingt ans et une santé de fer, raison pour laquelle il se repose à nouveau contre le dossier du canapé.

“Imagine que je suis lui.” Alors il ramène tous ses cheveux d’un seul côté, il bombe le torse, il s’entraîne à avoir un sourire de premier de la classe. C’est l’image qu’il a d’Elijah, le parfait petit ami qui laisse désormais dans son sillage une femme malheureuse. “Tu veux qu’on parle de ma dernière montre ? Voiture ? Stylo Mont Blanc ?” Il esquisse un sourire en coin, sachant pourtant que le moment est mal choisi pour s’amuser de la situation. Se mettre dans la peau d’Elijah Walker a quelque chose d’amusant, pourtant. “Tu veux m’insulter ? Vas-y, j’ai fait des conneries de taekwondo au sommet de l’Himalaya ou je sais pas quoi encore.” Il ne proposera pas de parler d’alpinisme. Il a des mauvaises idées parfois, oui, mais il n’est quand même pas totalement con ou ignorant de la peine qu’elle peut ressentir. “Je t’ai quitté comme un con, je suis désolé mais j’ai trop d’ego pour le dire comme ça.” Ses mots le perturbent bien plus qu’ils ne le devraient: Rhett n’a jamais quitté personne ; sans doute parce que les deux seules relations qu’il a connues se sont chargées de le mettre plus bas que Terre à cause de femmes aux longs cheveux blonds. “Ou peut-être que je pourrais te laisser le numéro de mon petit-frère ? Je lui laisse un empire tout entier, je suis sûre que je peux aussi lui laisser une parfaite petite-amie pour qu’il vive à ma place mes rêves de mariage, famille, maison alors que je serai en train de parler avec Gandhi après avoir testé l’Ayahuasca Dieu sait où.” Elijah est partout est nulle part à la fois, il veut tout faire et tout vivre et il y arrive, ce con, là où Rhett a abandonné il y a bien longtemps. Il est partout, il voyage, il réalise ses rêves à chaque instant là où le brun, lui, est coincé chez lui. Il l’envie, il le craint ; il ne sait plus trop, à force. Elijah prend des chemins qu’il observe d’un air méfiant, peu enclin à le suivre à son tour. Les années ont forgé le caractère de l’un et de l’autre, ils ont marqué chacun de leurs différences à l’encre indélébile. Aujourd’hui, prendre son rôle face à Zoya a quelque chose d’aussi amusant que difficile et, finalement, effrayant au possible.

“Très bien.” Ca lui donne des nausées rien que de prétendre que tout va bien. Très bien c’est plus simple à répondre, ça clôt le sujet plus rapidement et de la sorte, elle n’a pas besoin de s’éterniser sur le cas de son ex-petit-ami qu’elle déteste du plus profond de tout son être. Oh oui ça lui simplifie la tâche, surtout qu’elle se retrouve devant son super pote, le Hartfield qu’elle a envie tout autant d’encastrer contre le mur. Avec ses manières là, à vouloir jouer les bons samaritains pour elle ne sait quelle raison, Zoya prend sur elle comme jamais elle n’a su le faire jusqu’à présent. Ca ne lui ressemble pas, elle qui démarre toujours au quart de tour, qui n’est pas de ceux qui prétendre et sort des fuck you et asshole à tout bout de champ dès que quelque chose la vexe. Elle qui est tant de mauvaise foi, au point de se montrer rancunière car longue à reconnaitre ses torts. Alors imaginez vous bien que lorsqu’Elijah lui a dit qu’ils auraient beau tout essayer, ils ne parviendraient pas à être un couple, tout deux bien trop habitué à suivre leurs envies et vivre librement sans contraintes, Zoya a vrillé. Elle a vrillé parce qu’elle était prête ELLE à les faire ces sacrifices. Pour lui, le premier pour qui elle aurait été capable de voyager au gré de ses envies à lui, où elle aurait adapté ses contrats pour lui, juste pour être avec LUI ! Bref, lorsqu’elle a claqué la porte de son antre éphémère à Los Angeles, Zoya est sorti comme une furie de là direction l’aéroport. Ce n’est que lorsqu’elle est arrivée chez elle qu’elle a réalisé… Et elle s’est effondrée. Elle s’est effondrée et des objets ont valdingué à travers la pièce, elle a crié, elle a pleuré, elle a ri même avant de s’effondrer l’instant d’après. Bref, elle est mad la Zoya, similaire à une Harley Quinn qui a perdu son Joker, et est loin d’aller très bien après cette rupture…

“Imagine que je suis lui.” A quoi il joue ? Son sourcil s’arque alors, intriguée par ce jeu qu’il propose de jouer où il prétend être Elijah… Il est sûr de vouloir s’y prêter ? « Ce n’est pas nécessaire Rhett ». Elle a cette voix affreusement mielleuse, un presque petit rire niais à souhait alors qu’elle fait un geste e la main et détourne son regard du Hartfield, quand il parait bien ridicule à prendre ses allures à la Elijah. “Tu veux qu’on parle de ma dernière montre ? Voiture ? Stylo Mont Blanc ?” Il ne semble pas prêt à s’arrêter et cela laisse échapper un soupir entre les lèvres de Zoya. Ça ne l’a fait même pas sourire, pourtant la scène s’y prête, l’histoire de ce stylo ridicule tout particulièrement “Tu veux m’insulter ? Vas-y, j’ai fait des conneries de taekwondo au sommet de l’Himalaya ou je sais pas quoi encore.” « Arrête, Hartfield » [i]Ouch, le premier avertissement est lancé alors que son air devient un peu plus sérieux… mais “Je t’ai quitté comme un con, je suis désolé mais j’ai trop d’ego pour le dire comme ça.” Et là c’est un petit rire jaune qu’elle laisse échapper, parce qu’elle est persuadée qu’Elijah n’est même pas désolé. Il a trop de foi en son pote décidément ce Rhett “Ou peut-être que je pourrais te laisser le numéro de mon petit-frère ? Je lui laisse un empire tout entier, je suis sûre que je peux aussi lui laisser une parfaite petite-amie pour qu’il vive à ma place mes rêves de mariage, famille, maison alors que je serai en train de parler avec Gandhi après avoir testé l’Ayahuasca Dieu sait où.” « Parfaite … » répète-t-elle dans un murmure à peine audible. Le verre dont elle vient de prendre une gorgée est reposé sur la table basse sèchement. Le bruit de celui-ci résonne dans toute la pièce avant qu’elle ne se pivote vers Rhett. « A quoi tu joues au juste Hartfield, hein ? » Son regard est froid, son ton tout autant, ses traits étant redevenu sérieux, plus aucune trace de sourire détectable. « Il t’a demandé de prendre de mes nouvelles ? Tu vas jouer ses informateurs c’est ça ? Il veut savoir comment je vais après m’avoir jeté comme une pauvre merde ? » Elle s’emporte au fil des mots qu’elle prononce, et il n’y a plus de doutes à avoir quand à son réel état d’esprit « Ou alors tu cherches réellement à devenir un substitut de Walker pour récupérer ses déchets ? » en l’occurrence le déchet, c’est elle, voilà qu’elle vient à s’auto-insulte « Tu veux la vérité ? NON je ne vais pas bien ! NON et ça évidemment à cause de ton connard de pote » elle s’agite ça y est, ce n’est pas bon signe en général et voilà qu’en plus elle se lève du canapé « Je n’aurai pas dû venir, je ne sais même pas pourquoi j’ai accepté ton invitation. T’es la dernière personne avec qui je vais parler d’Elijah. Je te fais pas confiance ! » Il est trop lié à lui, il lui rappelle trop son ex aussi et elle souffre suffisamment sans s’infliger ça encore. C’est sa veste qu’elle attrape au vol, prête à partir de l’appartement du Hartfield.

« Ce n’est pas nécessaire Rhett. »
« Arrête, Hartfield. »
Rhett n’est sans doute pas un fin analyste du genre humain, de ses émotions et de ses réactions, mais il est au moins plutôt bien placé pour comprendre que lorsque la discussion vacille de ‘Rhett’ à ‘Hartfield’, ce n’est pas bon signe pour lui. Habitué à recevoir les reproches du genre féminin depuis quelques mois et années maintenant, il ne tressaille pas le moins du monde, gardant son regard fermement ancré sur le profil qu’elle daigne lui montrer. Elle a beaucoup de choses à dire, c’est évident, alors autant que tout se fasse ici et maintenant, face à lui ; il saura encaisser sans la juger - après tout, il sait ce que ça fait que de voir s’éloigner la personne qu’on aime le plus en ce monde.

Toute son attention lui est dédiée, du verre qu’elle pose brutalement contre la table du salon jusqu’à son pivotement presque dramatique en sa direction: enfin, ils peuvent parler face à face, sans langue de bois ni artifices. Toutes les (trop nombreuses) question de la jeune femme sont entendues, analysées, comprises, rangées dans un coin de son cerveau pour qu’il s’en serve peut-être à nouveau dans le futur, lorsqu’il devra faire un discours au mariage de Zoya et Elijah, l’espoir toujours présent que leur rupture ne soit que temporaire. Hanté par l’idée que ce ne reste qu’à l’état de rêve, il ne fait pourtant pas part de cette pensée à Zoya, la gardant précieusement pour lui en même temps qu’il encaisse le caractère de cochon de la jeune femme, manquant de lever les yeux au ciel à de bien trop nombreuses reprises. Alors que même le plus têtu des joueurs de rugby qu’il connaît aurait déjà compris qu’hurler et s’emporter ne sert à rien, elle semble de son côté bien obstinée à continuer dans cette voie, sans que cela ne semble faire le moindre sens à ses yeux. Rien de ce qu’elle dit ou fait ne saurait lui redonner la moindre confiance dans sa capacité à comprendre la gente féminine, c’en est à se demander comment est-ce qu’il a sincèrement pu croire qu’une discussion entre eux pourrait mener quelque part. “T’as fini ta crise de nerfs, c’est bon?” Foutu pour foutu, alors, il décide d’adopter le même ton qu’elle, n’ayant aucun mal à rester de marbre face à un tel caractère. Il a connu bien pire, c’est ce qu’il continue de se répéter, sûrement parce que ce n’est là que la pure vérité et qu’il en faudrait plus que des lamentations pour l’émouvoir sincèrement, peu importe à quel point elles sont cachées derrière une immense colère. “Est-ce que tu crois que c’est poli de filer en douce après deux minutes à peine ?” Les yeux levés en sa direction, il se lève finalement du canapé pour calmer les gestes de la jeune femme et la faire reposer sa veste, bien décidé à ce qu’elle ne quitte pas son appartement dans un tel état: c’est comme ça que les accidents se produisent et il ne veut pas avoir à en rajouter à sa liste d’expériences. Dès le départ, elle savait à quoi s’attendre avec cette invitation, tout comme elle savait la teneur que prendrait leur discussion, alors elle n’a pas le droit de s’en plaindre à présent. Rien ne pouvait prédire qu’elle s’emporterait aussi vite, voilà tout ce qu’il peut dire pour sa défense, le Hartfield. “Hey, regarde moi dans les yeux et ose me dire que tu te sentiras mieux d’une quelconque façon si tu partais maintenant et comme ça. Et que t’avais pas au moins la curiosité de savoir ce que je pourrais te dire.” Tout ce qu’il sait, c’est que les ruptures c’est de la merde et que personne ne peut simplement effacer la peine qu’elles procurent, mais rien n’empêche d’essayer et d’y mettre de la bonne volonté. Trop de personnes ont été là pour lui alors qu’il ne le méritait pas ; il estime qu’il a le devoir d’aider à son tour Zoya, pour ce que ça vaut. Happy ending est un terme qu’il espère pouvoir leur coller comme étiquette, à défaut d’avoir perdu tout espoir de pouvoir le vivre lui-même avec Jenna. “Arrête d’agir comme une enfant.” Rhett manque d’ajouter qu’Elijah l’a sûrement laissée à cause de ce trait de caractère, d’ailleurs, mais un certain instinct de survie l’amène à croire que cela n’a rien d’une bonne idée et qu’il devrait plutôt préférer se taire. “Tout ce que je sais, c’est que je suis déjà passé par là et que tu vas pouvoir me détester encore plus parce que j’avais le rôle d’Elijah. Fais ce que tu veux, Zoya, je suis pas un putain de médiateur qu’on envoie réparer les pots cassés, j’ai rien à gagner à t’aider.” Il n’en reste pas moins qu’il espère qu’elle restera, la brune, parce que l’aider est bel et bien ce qu’il cherche à faire, peu importe à quel point cela semble lui coûter son ego et sa patience.

“T’as fini ta crise de nerfs, c’est bon?” Il est resté de marbre tout le temps qu’elle a déblatéré sa haine contre son pote, qu’il en a pris aussi – injustement sûrement – pour son grade. Un peu trop silencieux donc et voilà qu’il ponctue le monologue de Zoya par une phrase qui ne fait qu’alimenter davantage la colère de la jeune femme. C’est tout, vraiment ? C’est tout ce qu’il trouve à dire ?  C’est ça sa réaction ? C’était ça son but ? La rendre encore plus chèvre qu’elle ne peut l’être déjà ? D’ailleurs, elle s’attendait à une toute autre réaction de sa part, et c’est pour ça qu’elle se stoppe net et a ce mouvement de recul de la tête. Lui qui s’est montré bienveillant jusque-là, aurait dû se douter que ce n’était qu’un leurre, qu’une tactique utilisée pour la faire parler et sûrement récolter des informations pour le Walker de malheur. Traitre. “Est-ce que tu crois que c’est poli de filer en douce après deux minutes à peine ?” «  J’en ai rien à … » foutre qu’elle retient parce que le Hartfield arrive à sa hauteur au même moment et l’incite à reposer sa veste qu’elle s’apprêtait à enfiler. Le geste est lent et persuasif, la jeune femme abandonnant finalement son perfecto sur un des fauteuils dans un soupir. “Hey, regarde moi dans les yeux et ose me dire que tu te sentiras mieux d’une quelconque façon si tu partais maintenant et comme ça. Et que t’avais pas au moins la curiosité de savoir ce que je pourrais te dire.” Il est fort le Rhett, il est emmerdant d’ailleurs estime Zoya alors qu’il parvient à capter son regard. Il gagne la bataille – si on peut appeler ça ainsi – et a même étonnamment le pouvoir d’avoir calmé une Zoya en furie. Il peut être fier de lui, ce n’est pas donné à tout le monde « Non » sort-t-elle comme unique et simple réponse, sur un ton qui se veut catégorique et cet air totalement fermé et froid. Elle ment sur ce point en plus parce qu’elle est venue peut-être dans l’espoir que Rhett réponde aux questions qui ne cessent de lui triturer l’esprit depuis sa rupture avec Elijah “Arrête d’agir comme une enfant.”  « Fuck you , Hartfield » Il l’a cherché cette fois, critiquer Zoya de gamine n’est clairement pas la meilleure des solutions pour la convaincre de rester – bien qu’encore une fois, il tape dans le mille avec elle, elle agit vraiment comme une gosse… parfois. “Tout ce que je sais, c’est que je suis déjà passé par là et que tu vas pouvoir me détester encore plus parce que j’avais le rôle d’Elijah. Fais ce que tu veux, Zoya, je suis pas un putain de médiateur qu’on envoie réparer les pots cassés, j’ai rien à gagner à t’aider.” « Alors pourquoi tu le fais, hein ? Pour te racheter une conscience justement parce que tu as été dans le rôle du connard ? ». S’il a besoin d’avoir bonne conscience, qu’il trouve un autre moyen. Zoya le bouscule pourtant pour retourner prendre place sur le canapé, face à ce bol dont s’extirpe encore de la fumée « Je l’aimais, Rhett ! » je l’aime encore serait des mots plus juste. Elle se laisse tomber en arrière, venant appuyer son dos contre le dossier du canapé « J’étais prête à tous les sacrifices pour lui. J’ai été même jusqu’à lui dire que je pouvais mettre ma carrière de photographe de côté pour le suivre n’importe où ses pieds le mèneraient » Elle pivote sa tête pour trouver son regard alors que celui-ci était obnubilé jusqu’à présent par un point invisible devant elle « Tu imagines un peu ? Ce n’est pas moi ça, Rhett, ce n’est pas moi du tout ! » Il y a de l’énervement dans sa voix mais il n’est pas dirigé vers le joueur cette fois « Et il le sait très bien… C’était une preuve de mon amour pour lui mais ce n’était pas suffisant visiblement ? Ou c’était trop ? Je n’en sais rien, je n’en peux plus Rhett de penser à lui jour et nuit ! » Elle aimerait que ses pensées se taisent à tout jamais pour ne plus avoir à le visualiser dès l’instant où elle clôt ses yeux pour tenter de trouver le sommeil. « Puisque tu as été à sa place, explique-moi toi, monsieur je me la joue au gentil, pourquoi il a pris cette décision !? ». Elle mime même des guillemets à ses paroles avant de soupirer lassement, détournant son regard.  

« Non. » Il roule des yeux, passablement agacé par son comportement enfantin - et Dieu sait qu’il n’est pas à l’aise avec les enfants, justement, Rhett. « Fuck you, Hartfield. » Au moins, les insultes sont bien plus le genre de réponse qu’il a l’habitude d’entendre de la part de la jeune femme. Face à ces derniers mots, il reste bien plus de marbre, largement habitué à la chose et nullement désarçonné. Alors, c’est à sa façon qu’il tente de lui prouver qu’il ne veut que l’aider en même temps que son bien. Cependant, qui dit façon Hartfield dit aussi beaucoup de maladresse, même lorsqu’il tente de lui faire comprendre qu’il ne veut que son bien, à défaut d’avoir su le faire comprendre à Jenna de son temps. « Alors pourquoi tu le fais, hein ? Pour te racheter une conscience justement parce que tu as été dans le rôle du connard ? » - “Précisément, oui. Tu voulais une réponse sincère ? Tu l’as.” Bien moins agressif, bien moins démonstratif dans ses sentiments aussi, voilà qu’il se confie sur ce qu’il ressent pour la première fois depuis longtemps. Elle ne jouera pas à la psy, elle n’a rien à craindre, mais sans le savoir Zoya vient de se faire une place dans la liste des maigres personnes ayant eu le droit à ne serait-ce qu'une confession du sportif. Qui plus est, une confession qui a rapport à Jenna, et donc qu’il chérit profondément.

« Je l’aimais, Rhett ! »

Et lui, il serre les mâchoires. Il l’aime aussi, Jenna, mais à quoi bon d’être celui qui criera le plus fort ? Cette discussion ne mènerait à rien, lui exprimer l’amour qu’il éprouve pour une femme qui n’est pas à ses côtés ne l’aidera pas à aller mieux, elle aussi dépourvue d’une partie de son âme. Ses yeux ne la lâchent pas un seul instant, même alors qu’elle se relaisse tomber contre le canapé, facilitant au moins la tâche d’un Rhett qui n’aura pas à la retenir davantage dans l’appartement si ce n’est pas ce qu’elle désire. "Ça rend juste les choses plus difficiles encore.” Il annonce, fatigué. Il aurait voulu tenir un discours différent et lui dire à quel point il croit en l’amour mais ça aurait été bien trop lui demander en cet instant, le genre de mensonge qu’elle vaut mieux que ça pour entendre. « J’étais prête à tous les sacrifices pour lui. J’ai été même jusqu’à lui dire que je pouvais mettre ma carrière de photographe de côté pour le suivre n’importe où ses pieds le mèneraient. » Mettre de côté sa carrière pour pouvoir être auprès de la personne qu’il aime ; un sacrifice qu’il n’a justement jamais su faire et qui lui a coûté son couple. Peut-être que Zoya est plus amoureuse que lui, finalement, on peut-être qu’elle est simplement un peu moins bornée et un peu plus ouverte d’esprit. Parfois, il se demande si la version d’elle qu’elle donne généralement au monde est celle à laquelle Elijah avait le droit, dans l’intimité de leur relation. « Tu imagines un peu ? Ce n’est pas moi ça, Rhett, ce n’est pas moi du tout ! » Gorge serrée, il hoche la tête, acceptant à son tour d’abaisser ses barrières pour prendre place sur le coin du canapé, ne lui faisant face qu’à moitié. “Je serai pas celui qui te dira que mettre tes rêves entre parenthèses est la bonne chose à faire pour ton couple.” Il ne peut pas lui conseiller de faire une chose qu’il n’a jamais été capable de faire, voilà ce qu’il en dit, Rhett. “Si ça te coûtait autant d’efforts pour que les choses marchent entre vous peut-être que finalement, … c’était pas le bon.” La conclusion est donnée bien malgré-lui alors qu’il n’est même pas en train de suivre le moindre script, Rhett. Il aurait aimé avoir de bien plus belles choses à lui dire, mais la vérité est bien différente: il est certainement le pire conseiller conjugal qui existe sur cette fichue Terre. « Et il le sait très bien… C’était une preuve de mon amour pour lui mais ce n’était pas suffisant visiblement ? Ou c’était trop ? Je n’en sais rien, je n’en peux plus Rhett de penser à lui jour et nuit ! » Le pire à lui dire serait peut-être de préciser que justement, Elijah a bien d’autres choses à penser plutôt que son ex. Le sportif n’en sait rien, il n’en a pas parlé à son ami et il évite soigneusement le sujet, mais il ne peut que craindre d’avoir raison, une fois de plus. “C’était quand, la dernière fois que vous avez parlé ?” Il demande donc d’un ton bas, craignant déjà la réponse qu’il n’a pourtant aucun pouvoir d’anticiper.

« Puisque tu as été à sa place, explique-moi toi, monsieur je me la joue au gentil, pourquoi il a pris cette décision !? » Elle demande alors, exaspérée, s’occupant ainsi de mettre l’australien dans une position plus inconfortable que jamais. “Pour te protéger. En se disant que peu importe à quel point ça fait mal sur le moment, ça sera jamais aussi pire que de vivre une relation qui se détériore avec le temps.” Impassible, il explique donc son point de vue à Zoya, pensant sincèrement qu’il ne peut que le partager un tant soit peu avec son ami qu’il connaît si bien, depuis si longtemps aussi. Tous deux sont faits du même bois. “Parce qu’aimer quelqu’un, c’est jamais suffisant pour être heureux avec.” Il conclut donc avec amertume et empathie.

“Précisément, oui. Tu voulais une réponse sincère ? Tu l’as.” Dire qu’elle n’est pas surprise par la confession et surtout par l’honnêteté des mots du Hartfield serait mentir. Elle a ce mouvement de recul avec sa tête, la stoppant net dans sa vigueur à l’égard du jeune homme qui paye injustement les pots cassés. Injustement en tout cas quand c’est contre Elijah qu’elle en a et aucunement contre Rhett. Pourtant, ça la démange de lui répondre d’aller se faire foutre, de trouver une autre nana avec qui jouer les preux chevaliers, mais elle ne le fait pas. Elle ne le fait pas car, pour elle ne sait quelle raison, la confession l’apaise, avouant alors sans vergogne – ou presque parlant au passé de ses sentiments quand ils sont cruellement encore présents – qu’elle était amoureuse du Walker…

Ça rend juste les choses plus difficiles encore.” « Juste… » murmure-t-elle dans ce petit souffle ironique. Ce n’est pas à prendre à la légère quand elle est incapable de l’oublier à cause de ses sentiments, quand elle n’est même pas capable de se résoudre d’aller se consoler ailleurs parce qu’elle ne pense qu’à lui. Elle hait ses sentiments, elle les hait du plus profond de son être, comme elle peut haïr Elijah pour cette situation dans laquelle elle se retrouve. Oh oui, elle regrette même d’être tombée amoureuse et se promet que plus jamais elle ne le deviendra à nouveau. Parce que cet amour pour lui l’ont poussé à dire des choses que jamais, elle, Zoya Lewis, ne pensait possible venant de sa part. Laisser sa carrière de côté, accepter de le suivre dans tous ses déplacements malgré son indépendance… Voilà les concessions qu’elle était prêtes à faire pour lui  Je serai pas celui qui te dira que mettre tes rêves entre parenthèses est la bonne chose à faire pour ton couple.” Rhett vient prendre place non loin d’elle, le calme reprenant place alors dans la pièce, amenant Zoya à poser son regard sur lui “Si ça te coûtait autant d’efforts pour que les choses marchent entre vous peut-être que finalement, … c’était pas le bon.” Sa gorge se serre quand il émet ce constat, ses yeux commencent même à picoter même  si elle fera tout pour ne pas craquer, surtout pas devant le Hartfield, bien proche de l’ennemi à son goût « Il l’était à mes yeux ! » dit-t-elle d’un ton catégorique « Tout était parfait parce que lui et moi étions similaires sur bien des points. Je n’ai jamais ressenti un amour aussi fort que celui que je peux ressentir pour lui… » Zoya parle cette fois au présent, sans s’en rendre compte, du moins, pas au moment où les mots passent la barrière de ses lèvres. Elle ramène ses genoux contre elle, qu’elle encercle de ses bras, fixant un point au sol alors qu’elle perd patience à nouveau en se demandant si cette concession qu’elle était prête à faire n’était pas suffisante ou, au contraire, était de trop  “C’était quand, la dernière fois que vous avez parlé ?” « Lors de notre rupture » ça tombe sous le sens non ? « Y’a un mois… ». C’est dit sur un ton las, alors que sa tête est venue se reposer sur ses genoux « J’ai possiblement essayé de le joindre… plusieurs fois. De colère… pour lui cracher toute la haine que je pouvais ressentir à son égard… ou de tristesse, pour lui dire à quel point il me manquait. Mais soit il n’a pas répondu soit l’échange n’a pas été fructueux » Pour le coup, elle a bien le rôle de l’hystérique dans l’histoire, mais elle s’en contrefiche.

“Pour te protéger. En se disant que peu importe à quel point ça fait mal sur le moment, ça sera jamais aussi pire que de vivre une relation qui se détériore avec le temps.” « Pff, évidemment » Bullshit la carte de je cherche à te protéger bien trop souvent trouvé, bien trop facilement trouvé aussi. “Parce qu’aimer quelqu’un, c’est jamais suffisant pour être heureux avec.” Zoya pivote lentement son regard vers le sportif « Je le sais… » concède-t-elle alors sur un ton qui revient soudainement calme « Il faut être prêt à faire des concessions pour l’autre et, lui, n’en a pas été capable. Je ne crois pas un seul instant qu’il ait cherché à me protéger. Je pense juste qu’il a pensé égoïstement, c’est tout ! » et sur ce point, elle en reste persuadée, quand elle sait aussi qu’il a tourné le dos à sa famille pour partir vivre ses rêves à travers le monde. « C’est ce que tu as fait toi aussi ? » Pourquoi devrait-t-elle être la seule à se livrer alors qu’il semble avoir beaucoup de choses à lui raconter, lui aussi, ayant visiblement connu une situation similaire.

« Il l’était à mes yeux ! » Lui aussi aurait détesté que qui que ce soit ose émettre l’hypothèse que Jenna n’est pas l’amour de sa vie, même s’ils ne se sont plus parlés depuis plusieurs années aujourd’hui. Ils se retrouveront, il en est certain, et peut-être qu’il en sera de même pour Zoya et Elijah, quand leur temps sera venu. « Tout était parfait parce que lui et moi étions similaires sur bien des points. Je n’ai jamais ressenti un amour aussi fort que celui que je peux ressentir pour lui… » L’australien repose les yeux sur la jeune femme, presque désolé de l’entendre. Il n’est pas ému ou touché par ses mots, au contraire, il s’en veut de ne pas pouvoir la persuader d’abandonner. Elle fonce droit dans le mur, droit dans tous les problèmes du monde en direction de l’océan des cœurs brisés. La jeune femme n’est peut-être pas son amie en premier lieu mais il a appris à l’apprécier et il tient sincèrement à elle: elle mérite d’être heureuse, et cela ne devrait pas se réduire à la présence d’un homme à ses côtés, peu importe à quel point Rhett peut à son tour estimer Elijah, pour des raisons évidemment différentes. “Ça s’explique pas, ce genre de truc.” Il ne sera jamais aussi précis qu’elle sur le sujet, préférant le terme ‘truc’ à celui ‘d’amour’ mais le simple fait qu’il lui en parle prouve qu’il fait d’immenses efforts pour tenter d’aider la jeune femme à sortir de cette impasse.

Alors, inocemment, l’australien en vient à lui demander à quand remonte sa dernière discussion avec l’alpiniste. « Lors de notre rupture. Y’a un mois… » Et désormais, elle ressemble à une enfant vulnérable. Elle est tout sauf une enfant ; elle est tout sauf vulnérable aussi. « J’ai possiblement essayé de le joindre… plusieurs fois. De colère… pour lui cracher toute la haine que je pouvais ressentir à son égard… ou de tristesse, pour lui dire à quel point il me manquait. Mais soit il n’a pas répondu soit l’échange n’a pas été fructueux. » Alors, ils se sont parlés depuis. Des échanges infructueux, mais peu importe. Ils ont parlé. Elle a essayé de reconstruire quelque chose sur les ruines de leur relation, comme lui l’a fait en son temps, avant d’irrémédiablement abandonner. Si les efforts ne viennent que d’un côté, ils n’iront jamais nulle part. Il l’a appris bien malgré lui et ne veut pas que Zoya se tue à la tâche pour finalement en venir à la même conclusion, bien trop tard. “Laisse lui le temps. S’il veut pas te répondre, il a sûrement ses raisons.” C’est sûrement pour la protéger, voilà ce que Rhett se dit. Il a tenu ce rôle un jour, il sait ce que ça fait que de se mettre dans la peau d’un Elijah en puissance. Les histoires d’amour finissent toujours mal, voilà ce qu’on devrait leur apprendre à l’école plutôt que n’importe quelle autre connerie.

Parce qu’aimer quelqu’un, c’est jamais suffisant pour être heureux avec. « Je le sais… » Supporter son regard est difficile à cause de toute la tristesse qui s’en dégage mais le rugbyman ne la lâche pas une seule seconde. « Il faut être prêt à faire des concessions pour l’autre et, lui, n’en a pas été capable. Je ne crois pas un seul instant qu’il ait cherché à me protéger. Je pense juste qu’il a pensé égoïstement, c’est tout ! » Peut-être. Il ne cherche pas à défendre son ami coûte que coûte, il n’est pas mandaté par personne et ce peu importe à quel point elle peut penser le contraire. Il ne dit rien contre cet argument, y songeant à son tour avant qu’elle ne lui renvoie la question. « C’est ce que tu as fait toi aussi ? » Il serre les dents, ayant vu ce moment arriver de loin sans pour autant avoir été capable de s’y préparer. “J’ai choisi ma carrière avant la seule femme que j’aie jamais aimé.” Voilà ce qu’il a fait, Rhett. Il n’a pas protégé qui que ce soit, il l’a joué égoïste du début à la fin. Il voulait briller et il a brillé, mais maintenant que le soleil s’est caché, il n’a plus personne avec qui passer ses longues nuits d’hiver qui résument aujourd’hui sa vie. “Et s’il m’en avait parlé avant, je lui aurais pas conseillé cette voie.” Parce qu’elle ne rend heureux qu’un temps, et un bonheur éphémère n’est pas ce que les gens cherchent. “Donner des conseils c’est toujours plus facile que de les suivre. J’aurais sûrement fait la même chose à sa place, en me disant que je te retrouverais toujours plus tard. Sauf que si tu veux mon avis, tu devrais pas attendre après lui.” Et ce, peu importe à quel point l’idée peut lui faire mal et être difficile à accepter, et plus encore à mettre en place: Zoya doit aller de l’avant.

“Ça s’explique pas, ce genre de truc.” Ce truc dont il parle, cet amour à la noix auquel Zoya n’a jamais voulu se raccrocher, qu’elle a fui lors de sa première relation lui donne de l’urticaire aujourd’hui. Pourtant, cet amour, elle le ressent vis-à-vis d’Elijah, bien trop fort au point de ne pas parvenir à tirer un trait sur lui alors que cela fait déjà des semaines qu’ils sont séparés. Peut-être aurait-t-elle dû éviter de sortir avec lui, peut-être aurait-t-elle dû ne jamais répondre à son je t’aime celui qu’il lui a envoyé le jour de son anniversaire, celui duquel il a été absent. Beaucoup de peut-être et de si qui ne changeront rien à la donne : celle où elle se retrouve être celle qui en souffre désormais, de cette décision qu’il a pris seul, celle de mettre fin à leur relation sans possibilité de leur laisser une chance de plus ou de trouver les solutions adéquates.

“Laisse lui le temps. S’il veut pas te répondre, il a sûrement ses raisons.” Zoya n’a pas envie d’être clémente avec lui, de lui laisser le temps, de lui laisser la possibilité de mener la danse une fois de plus comme il l’entend. « J’aimerai bien connaitre ses raisons. Mis à part de la lâcheté, je ne vois aucune autre raison possible ». Le ton monte à nouveau alors que celui-ci était plus attristée et calme quelques secondes plus tôt. Elle est incapable de lui accorder de son temps, estimant qu’elle lui en a accordé bien plus que ce qu’il fallait surtout ces dernières semaines. Elle ne voit que par lui, est incapable de faire taire ses pensées, de faire taire ses sentiments à son encontre et c’est ce qui la ronge de plus en plus chaque jour. Parler de lui est même une perte de temps à son goût, pourtant, elle a accepté l’invitation de Rhett en ayant conscience qu’il est lié à Elijah. Peut-être avait-t-elle espoir qu’il lui apporte les réponses que le Walker est incapable de lui donner ou évite de lui donner, mais elle a le sentiment que cette rencontre ne mènera pas plus loin… « A moins que tu saches des choses ? Il t’a appelé pour te parler de notre rupture ? » demande-t-elle soudainement, venant à retrouver le regard du sportif, même si l’espoir est mince à ce propos, connaissant que trop bien Elijah.

“J’ai choisi ma carrière avant la seule femme que j’aie jamais aimé.” Il a été honnête en avouant un peu plus tôt qu’il essayait de se racheter une conscience en tentant d’être une oreille attentive pour Zoya parce qu’il avait eu le rôle du connard dans l’histoire. Evidemment, cela éveille la curiosité de la photographe qui ne manque pas de lui demander les choix qu’il a fait dans cette relation similaire   « Je vois… » le ton est accusateur et tranchant, lui portant un regard quelque peu dédaigneux. “Et s’il m’en avait parlé avant, je lui aurais pas conseillé cette voie.” Cette fois, Zoya lui adresse un regard plus doux, intrigué aussi quand elle ressent les regrets dans sa voix « Tu regrettes ? « demande-t-elle doucement « Tu ferai les choses différemment si tu en avais la possibilité aujourd’hui ? » Bien que cela ne changerait rien, bien que cela ne changera rien non plus au choix d’Elijah, elle se permet de lui demander. Peut-être alors aurait-t-elle aimé effectivement que Rhett s’entretienne avec Elijah à ce sujet avant que ce dernier ne prenne cette décision, irréfléchie, à son goût. “Donner des conseils c’est toujours plus facile que de les suivre. J’aurais sûrement fait la même chose à sa place, en me disant que je te retrouverais toujours plus tard. Sauf que si tu veux mon avis, tu devrais pas attendre après lui.” « Me retrouver plus tard ? Vous croyez vraiment qu’on va passer notre vie à vous attendre ? » Ne le fera-t-elle pas au fond ? Elle n’en sait rien mais ce petit bout de phrase la remet quelque peu en rogne « On est quoi ? Des objets à votre disposition Hartfield ?! » elle s’agite à nouveau avant de se saisir du verre de vin sur la table dont elle boit une longue gorgée « Je n’attendrai pas après lui, Rhett. Et je ne compte plus m’aventurer dans une quelconque relation qu’il soit ! Je vais juste me contenter de prendre mon pied et ce sera largement suffisant » Elle repose son verre un peu fort à nouveau sur la table « Tu crois qu’elle t’attend elle ? D’ailleurs, elle a un nom cette pauvre nana ? » pauvre évidemment quand elle a subit le même sort qu’elle.

« J’aimerai bien connaitre ses raisons. Mis à part de la lâcheté, je ne vois aucune autre raison possible » Peut-être que la lâcheté n’est effectivement que sa seule raison, mais ce n’est pas parce que ce n’est pas un sentiment enviable que Zoya peut le juger pour ça et estimer que l’argument est invalide. Elijah pourrait se montrer lâche qu’il resterait toujours l’éternel ami de Rhett, et que ce dernier continuerait de rester à ses côtés, même à des milliers de kilomètres de lui. C’est ce à quoi servent les amis, à défaut de pouvoir lire dans l’esprit des gens. « A moins que tu saches des choses ? Il t’a appelé pour te parler de notre rupture ? » - “Non, non non. On ne se parle plus vraiment.” Il désamorce aussitôt tous les espoirs de la jeune femme, ne voulant pas être la cause de ces derniers. Il continue de vouloir le mieux pour elle autant que pour son ami, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est aidé dans cette tâche, d’une façon ou d’une autre.

Alors, c’est à sa façon que Rhett tente de panser les plaies de son cœur, en lui disant qu’elle n’est pas seule dans cette détresse, en lui affirmant qu’ils sont nombreux à commettre des erreurs en amour aussi. Il aurait sans doute pu avoir de bien meilleurs mots à lui partager mais seuls ces derniers lui viennent à l’esprit, malheureusement. « Tu regrettes ? » - “Bien sûr.” - « Tu ferais les choses différemment si tu en avais la possibilité aujourd’hui ? » “Bien sûr.” Pour Jenna, il serait prêt à tout, mais il se rend compte trop tard de toute l’importance qu’elle a dans sa vie et dans son cœur.

Mais ces quelques mots ne servent qu’à souffler un peu le choix, pour mieux attirer le souffle ardent de la jeune femme dès la seconde suivante, au moindre mot de travers. « Me retrouver plus tard ? Vous croyez vraiment qu’on va passer notre vie à vous attendre ? » Non, ce n’est pas ce qu’il a dit et ce n’est pas ce qu’il voulait dire non plus, mais il est désormais bien trop tard pour lui tenir de telles explications. Fatigué de l’ascenseur émotionnel, Rhett rend les armes et accepte de prendre sur lui et ainsi ne rien lui répondre, déjà certain qu’il n’aurait fait que mettre de l’huile sur le feu une fois de plus. « On est quoi ? Des objets à votre disposition Hartfield ?! » - “Bien sûr que non Zoya, arrête. On gère simplement les choses différemment.” Et justement, ils ne gèrent rien du tout. Voilà la seule différence entre les deux genres, entre les deux amis de toujours et leurs petites amies qui finissent toujours par pâtir de leurs choix déraisonnables. « Je n’attendrai pas après lui, Rhett. Et je ne compte plus m’aventurer dans une quelconque relation qu’il soit ! Je vais juste me contenter de prendre mon pied et ce sera largement suffisant. » Ce à quoi il ne peut que répondre dans un sourire à peine rassuré. C’est sans doute la meilleure chose qu’elle puisse faire aujourd’hui: vivre sa vie comme elle l’entend, sans donner trop d’importance au fantôme d’Elijah dont personne ne sait s’il reviendra un jour dans leurs vies. « Tu crois qu’elle t’attend elle ? D’ailleurs, elle a un nom cette pauvre nana ? » L’évocation de Jenna, pourtant, suffit à cacher son sourire. “Non, Jenna est sûrement passée à autre chose. C’est une vieille histoire, on ne se parle plus depuis longtemps.” Et tout ce qu’il peut espérer, c’est que la fin soit différente pour elle et Elijah.