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je ne veux pas faire face, je préfère m'fuir.

@LOGAN NOVAK & BLAKE

Avoir ses sources attritrées présentait un certain nombre d'avantages, que vous peaufiniez un article et souhaitiez y rendre compte de faits aussi précis qu'exacts, ou que vous ayez simplement en tête de mettre la main sur un individu bien précis, qui ne faisait pas encore (partie) de votre répertoire. Blake n'avait eu qu'à passer quelques coups de fil pour remonter la trace de Logan, avec qui les choses ne s'étaient pas éternisé la dernière fois et qu'il ne comptait pas laisser lui filer entre les doigts à nouveau, pas alors qu'ils pourraient tous les deux accomplir de grandes choses si seulement le jeune homme daignait le voir comme quelqu'un qui avait ses intérêts à cœur. Si ça n'était pas exactement vrai et qu'il se fichait pas mal de ce qu'il pourrait advenir de lui une fois toute cette histoire arrivée à son épilogue, il pouvait au moins faire en sorte de ne pas rendre sa vie aussi compliquée qu'elle pourrait le devenir si Logan ne faisait pas les bons choix. Tout ça, le jeune homme le découvrirait en temps et en heure, lorsque Blake prendrait cette fois soin de se présenter sous un jour un peu plus authentique. L'heure n'était plus à endormir sa méfiance, mais plutôt à lui donner toutes les cartes en main pour prendre la décision la plus réfléchie possible. Et Blake savait généralement comment s'y prendre pour servir des arguments convaincants, ce qu'il avait bien l'intention de faire maintenant qu'il s'était approché de sa cible du jour. Installé dans un bar plutôt huppé, il contrastait avec l'image du petit assistant qui devait prendre un job d'appoint pour payer son loyer – car bien sûr que ses recherches à son sujet étaient suffisamment poussées pour que ce détail n'ait rien d'un secret pour lui. « Encore vous ? » Il ne s'attendait pas spécialement au plus chaleureux des accueils, Blake, mais il devait reconnaître être un peu déçu que le brun ait à peine attendu qu'il le rejoigne pour se montrer sur la défensive. A croire qu'il lui avait laissé un souvenir impérissable. « Ravi de voir que vous vous souvenez de moi. » Il usait volontiers de fausse modestie, Blake, bien conscient de ne jamais laisser ses interlocuteurs indifférents même lorsqu'ils n'échangeaient que quelques secondes au détour d'une rue, principalement parce qu'il faisait toujours preuve d'assez de bagout pour ça. Officiellement, Logan et lui n'avaient discuté qu'un bref instant pour ce qui ressemblait à ce moment-là à un micro trottoir tout ce qu'il y a de plus banal. Officieusement, Blake avait noué un premier contact avec lui pour se faire une idée d'à qui il avait affaire et d'à quel point le garçon pourrait l'aider à dresser un portrait un peu plus précis de Sergio Guttiérez.

« Je ne crois pas vous avoir sollicité pour vous installer. » Un sourcil arqué en guise d'amusement, Blake tira sur sa chaise de façon à se rapprocher un peu plus, laissant peu de doutes quant à ses intentions – lesquelles n'incluaient donc pas de lui fausser compagnie de si tôt. Ce n'était pas forcément l'endroit qu'il aurait lui-même choisi pour avoir cette discussion, mais ça ferait parfaitement l'affaire. « Vous attendez quelqu'un ? » Ça ne le regardait pas le moins du monde, oui, mais il y avait toujours comme l'ombre d'une déformation professionnelle avec Blake, ça Logan s'en rendrait rapidement compte. « Je compte pas vous tenir la jambe pendant une heure, rassurez-vous. » Quoi que ça dépendrait en réalité de la coopération dont le brun ferait preuve, ce qu'il découvrirait bien assez vite. Blake ne s'était pas installé à sa table pour le plaisir d'observer la vue tout en sirotant un cocktail – il ne côtoyait pas encore assez de snobs pour trouver ce genre de choses attrayantes, il faut croire – il était très clair dans son esprit qu'il ferait en sorte que sa route recroise celle de Logan lorsque leur première rencontre avait tourné court. Preuve en était qu'il était bien là et pas décidé à repartir tant qu'il n'aurait pas amené la discussion là où il le souhaitait. « En fait, j'espérais qu'on pourrait poursuivre notre conversation de l'autre jour. Vous vous êtes montré pour le moins... expéditif. » S'adossant contre sa chaise, il jeta distraitement un œil à la carte posée sous ses yeux, encore incertain quant à son envie de commander quelque chose ou d'attendre de voir où cet échange les mènerait, au cas où Logan aurait besoin de quelque chose d'un peu plus fort. Reportant son attention sur le jeune homme que sa présence ne semblait véritablement pas enchanter, Blake observa ses traits et songea qu'on lui donnerait le bon dieu sans confession, avec ses airs de premier de la classe, ce qui avait sûrement fait son petit effet auprès de Sergio Gutiérrez. A moins que ce ne soit la manière dont il avait déguisé la réalité et menti sur son expérience pour se faire embaucher par le mexicain : à croire qu'il n'y avait plus une seule personne de foncièrement honnête, dans cette ville. « C'est ma question qui vous a gêné ? A voir votre réaction, on croirait que j'ai touché à un point sensible. » Son job en était-il un ? A en juger par ce que Blake savait de la manière dont il l'avait obtenu, ça pourrait facilement se comprendre.

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Blake n'avait jamais eu besoin d'une invitation, et ça valait autant pour un gala auquel il s'arrangeait toujours pour être invité que pour une conversation beaucoup plus informelle avec sa cible du jour. S'il ne comptait pas écrire un article sur ce Logan mais simplement l'utiliser pour enrichir une enquête déjà bien entamée, Blake ne pouvait pas se permettre de le laisser lui filer une seconde fois entre les doigts. Il lui fallait grappiller la moindre information que l'assistant de Sergio Gutiérrez pourrait lui offrir sur un plateau, et pour ça le journaliste était prêt à certaines méthodes pas forcément très orthodoxes. « Comment aurai-je pu vous oublier ? » Il lui semblait voir clair dans son jeu, particulièrement parce que Logan aurait tout intérêt à écourter leur échange pour se débarrasser d'un interlocuteur trop curieux – et quoi de mieux dans ces cas-là que de le brosser dans le sens du poil, devait-il penser – mais Blake savait s'adapter même face au sarcasme le plus évident. « Je marche pas aux flatteries, en général, mais je vais faire une exception pour vous. » Aussi parce qu'il était conscient de laisser un souvenir impérissable à ceux qu'il rencontrait, quand bien même ça n'était pas souvent pour les meilleures raisons. Blake était souvent perçu comme un parasite, un nuisible dont vous aviez le plus grand mal à vous débarrasser dès qu'il décidait de s'intéresser de trop près à vous. Logan ne le savait pas encore, mais il lui faudrait redoubler d'efforts pour espérer lui échapper. « C’est plutôt l’inverse, ce sera moi qu’on attendra si vous accaparer trop de mon temps… » Etait-il réellement attendu ? Sergio Gutiérrez l'attendait-il de pied ferme ? Quelle ironie ce serait que de retenir son petit assistant loin de lui. « Je peux être concis, mais ça va aussi dépendre de vous. » Une manière pas si subtile de sous-entendre que la conversation pourrait se faire que dans un sens, mais qu'elle pourrait alors inévitablement s'éterniser. « Je n’ai pas pour habitude de parler de mon travail avec des inconnus… » L'esquisse d'un rictus malicieux au coin des lèvres, Blake s'arma de tout le bagout dont il était capable au moment de souffler. « Le destin vous a placé sur ma route à deux reprises, je suis d'avis que ça fait plus tellement de nous des inconnus maintenant. » Amusant, de la bouche de celui qui ne baissait jamais réellement sa garde même auprès de ceux qu'il était amené à côtoyer au fil de ses enquêtes. Il n'y a qu'avec ses collègues, Jenna et quelques rares individus qu'il s'autorisait à tomber le masque. « Je ne suis pas certain de vous être d’une grande utilité. » – « Et moi je suis sûr que vous êtes trop dur avec vous-même. » Allons, Logan, tout est toujours une question de volonté.

« Vous savez, je viens tout juste de commencer à me familiariser avec tout ça, » Ah, voilà qui lui semblait être un assez bon début. Il ne lui tirerait peut être pas les vers du nez aussi facilement, mais il entrevoyait le quart de la moitié d'une ouverture. « Je sais ce que c'est. Vous débutez à ce poste, vous voulez bien faire et être pris au sérieux. Je suis passé par là. » A ses débuts, c'est vrai, il cherchait constamment à faire ses preuves et s'était rapidement rendu compte qu'on ne lui faciliterait pas les choses. Pour autant Blake ne comptait pas mener le jeu des confessions beaucoup plus loin : il n'était pas question de lui, tout ce qu'il faisait c'était montrer à Logan qu'il pouvait mieux le comprendre qu'il ne le pensait sans doute. « J'espère que vous m'en voudrez pas, j'ai pas pu m'empêcher de m'intéresser un peu à vous. » Ce qui, dans le jargon de Blake, sous-entendait qu'il avait fouiné et posé pas mal de questions à tous ceux susceptibles de lui répondre, ce qui lui avait permis de savoir quelles pistes suivre et où chercher pour en apprendre un peu plus sur le jeune homme. « Maintenant je comprends pourquoi vous gardiez des réserves. Être l'assistant de Sergio Gutiérrez, c'est pas donné à tout le monde, vous vouliez sans doute pas que cette petite entrevue puisse vous attirer des ennuis. Ce sera pas le cas, si ça peut vous rassurer. » Ils parlaient en toute décontraction, n'est-ce pas ? Ce n'était pas comme s'il comptait utiliser tout ce que Logan pourrait lui confier sur son patron dans l'article qu'il avait bien l'intention d'écrire sur l'agent artistique. Quelle idée. « J'ose pas imaginer combien de jeunes gens motivés ont du faire parvenir leur CV dans l'espoir de travailler avec lui. » Un paquet, sans l'ombre d'un doute. Sergio Gutiérrez était connu et respecté dans le milieu, il le savait suffisamment bien pour avoir constitué un véritable dossier sur lui. « Et vous voilà, fraîchement nommé à ce poste. Vous avez du sacrément lui faire bonne impression, Sergio m'a toujours donné l'impression de s'entourer des meilleurs. » Et il ne le nommait Sergio qu'avec l'espoir que Logan en conclue que Blake et le mexicain avaient noué un lien plus profond que les apparences ne le laissaient penser. Ce n'était pas le cas, même s'il ne nierait pas que leur propension à se retrouver aux mêmes soirées – bien souvent de sa propre initiative, c'est vrai – lui avait permis de découvrir Sergio sous un jour différent, plus authentique sans doute. C'était simplement dans son intérêt de grossir le trait et de laisser penser à son interlocuteur que tout ce qu'il pourrait lui dire sur le Gutiérrez avait toutes les chances de ne pas lui être étranger. La vérité, c'est qu'il attendait le bon moment pour dégainer sa carte maîtresse.

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« Je ne suis pas sûr de bien comprendre où vous voulez en venir… » Si Blake doutait encore que Logan puisse avoir l'intention de lui faciliter la tâche, le contraire ne faisait maintenant plus le moindre doute. Il se méfiait, et à raison, ça n'était pas une chose que le journaliste pouvait tellement lui reprocher lorsque par deux fois il s'était arrangé pour que leurs chemins se croisent de façon à le cuisiner. « Et moi je suis convaincu que c'est par modestie que vous vous montrez plus naïf que vous l'êtes en réalité. Mais pas besoin de jouer à ça avec moi, Logan. » Son ton se voulait à la fois faussement complice et rassurant, car c'était tout un numéro de contorsionniste de faire en sorte qu'il baisse peu à peu sa garde face à quelqu'un qui ne lui était pas si éloigné en âge, tout compte fait. Quelqu'un qui avait déjà été à sa place et qui savait ce que ça pouvait faire de débuter professionnellement et dans un milieu qui ne laissait pas la moindre place à la faiblesse. Logan ne semblait pas particulièrement à l'aise d'effleurer le sujet, et ça n'était peut être pas seulement avec lui. En fait, Blake avait de bonnes raisons de penser qu'il avait effleuré un point sensible et que ça n'était peut être pas étranger à ce que ses recherches lui avaient permis de découvrir à son sujet. « Je me demande si nos deux rencontres ne peuvent être le fruit qu’un pur hasard. Qu'en pensez-vous ? » Redevenu silencieux, Blake soutint son regard plusieurs secondes avant d'écarquiller les yeux, prenant son air le plus décontenancé au moment de souffler. « Vous n'allez quand même pas croire... » Qu'il l'avait suivi, qu'il avait fomenté tout ça pour lui tomber dessus une bonne fois pour toutes et pouvoir mener cette discussion là où il le voulait. Quelle idée. « Oh, je voudrais pas que vous vous fassiez des idées. Sans vouloir vous vexer, vous êtes pas vraiment mon genre. En revanche, si jamais vous aviez une sœur... » Bien sûr qu'il plaisantait de manière à détourner son attention et à feindre à son tour qu'il ne voyait pas ce que ses suppositions sous-entendaient. Avouer qu'il avait bel et bien provoqué cette rencontre reviendrait à le braquer pour de bon : il savait que c'était la chose à éviter à tout prix.

Ce serait bien mal connaître Blake que de penser qu'il tournerait cent-sept ans autour du pot plutôt que d'initier franchement la discussion qui l'intéressait ici. Logan était sur ses gardes et c'était son droit de garder des réserves – bien que ça n'arrange pas tellement les affaires du journaliste, Blake avait l'habitude de contourner les difficultés avec assez d'habilité pour arriver à ses fins d'une manière ou d'une autre. Ici, la première étape consistait à se faire une idée plus précise de la façon dont le jeune homme avait décroché ce poste – tout du moins, c'était ce qu'il voulait lui laisser croire, sachant déjà en partie ce qu'il y avait à savoir sur le sujet. S'être renseigné sur son compte lui avait notamment appris que ses expériences professionnelles paraissaient bien insuffisantes pour décrocher la place d'assistant de Sergio Gutiérrez, un poste des plus convoités lorsqu'on avait la réputation du mexicain, et il n'avait après ça fallu que quelques coups de fils et quelques vérifications au blond pour débusquer la vérité. « Il faut croire qu’ils ne l’ont pas été suffisamment. » S'il ne laissa rien paraître, Blake ne nourrissait pas moins des sentiments contradictoires à l'idée que ce Logan ait vraisemblablement gonflé son CV pour décrocher ce poste. D'un coté, il aimait jouer à la loyale et jugeait indigne de réussir en trichant, mais de l'autre il était bien forcé d'avouer que sa détermination forçait une part d'admiration chez lui. Lui aussi était prêt à tout pour s'élever socialement et prendre une revanche sur la vie, et sans connaître les motivations du jeune homme il se demandait si leurs parcours présentaient des similitudes. « Je pense que vous devriez poser la question à votre cher ami… » - « Qui vous dit que je l'ai pas déjà fait ? » Un sourire un peu trop accentué sur les lèvres, Blake se glissa dans son personnage avec l'intuition de pouvoir entretenir l'illusion au moins le temps que Logan se détende un peu. Il n'avait pas de raison de savoir que l'agent artistique et lui n'étaient pas de bons amis et que leurs échanges s'étaient résumés à un jeu du chat et de la souris pendant de nombreux mois. « J’espère bien, c’était l’effet escompté. Mais si vous souhaiter on peut l’appeler, je suis certain qu’il aimera répondre à vos questions… » Il voyait bien qu'une part de doute était entrain de naître dans l'esprit du jeune homme, certainement parce qu'il existait suffisamment de différences entre Sergio et lui pour qu'une amitié entre eux ne paraisse pas particulièrement prévisible, sur le papier. Seulement voilà, il avait intérêt à lui laisser croire le contraire par tous les moyens. « J'ai son numéro, si jamais je veux reprendre cette conversation avec lui, vous en faites pas pour ça. » Et pour le coup c'était vrai, le numéro de l'agent était bien au chaud dans son répertoire et Blake l'avait déjà composé à quelques reprises, quoi que toujours pour des raisons strictement professionnelles. « Non, je me disais que ce serait plus intéressant de m'entretenir avec vous. Vous savez, pour avoir une petite idée du genre de patron qu'est Sergio. Je suis sûr que vous le voyez pas sourire tous les jours, j'ai tort ? » L'idée ? Lui laisser croire qu'il y avait une toute petite chance pour que Sergio et lui aient déjà discuté et échangé des traits d'esprit autour d'un barbecue, oui, rien que ça. « Il cache bien son jeu, si vous voulez tout savoir. Vous devriez le voir sur un green, il est presque intenable. » Ah, sacré Sergio. « Mais j'imagine que vous avez plus souvent l'occasion de le voir derrière son bureau. Il vous mène pas la vie trop dure, j'espère. » Son sourire se retroussa à nouveau, marquant sa volonté de lui laisser penser qu'ils jouaient dans la même équipe à défaut de gagner aussi facilement sa confiance.

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Sur la défensive, Logan semblait se plaire à tourner autour du pot de façon à ce que les questions du journaliste ne trouvent jamais de véritable réponse, certainement avec l'espoir que celui-ci renoncerait et partirait débusquer des infos ailleurs. Ce serait pourtant mal connaître Blake, qui avait toujours compté la détermination parmi ses qualités – ou ses défauts, ça dépendait le plus souvent des circonstances et des personnes – et qui avait l'habitude qu'on n'y mette pas toujours beaucoup de bonne volonté face à lui. Après tout, sa casquette de journaliste ne jouait pas toujours en sa faveur et là où certains pouvaient encore jouer son jeu sans même s'en apercevoir au gré d'une rencontre prétendument hasardeuse, dans le cas de Logan le fait que leurs routes aient déjà été amenées à se croiser ne lui facilitait pas tellement la tâche. Le jeune homme se méfiait, semblant percevoir que quelque chose chez lui motivait particulièrement les instincts d'investigateur du journaliste, sans pourtant sans doute imaginer ce qui l'amenait réellement. « Vous n’allez quand même pas croire que je tente de détourner votre attention quand même… » Une répartie qui eut le don de lui tirer un sourire quelques peu amusé, Blake le détaillant un instant du regard avant de souffler. « La première fois qu'on s'est rencontrés, je me suis dit que vous aviez l'air perdu dans ce monde de requins et que ce cher Sergio ne ferait probablement qu'une bouchée de vous. » Ces mots-là avaient le mérite d'être parfaitement honnêtes, la jeunesse et l'innocence initialement dégagées par Logan l'ayant d'abord amené à croire qu'il ne durerait pas dix minutes dans cet univers particulièrement impitoyable pour ceux qui n'avaient pas ce qu'il fallait pour se faire un tant soit peu respecter. « Aujourd'hui je dois bien reconnaître que vos traits juvéniles ne me bernent plus autant qu'ils ont pu le faire. » Sans aller jusqu'à le penser redoutable ou doté d'assez de sournoiserie pour se mesurer à des hommes tels que Sergio et lui, parfaitement habiles dans l'art de manipuler leur monde lorsque ça s'avérait nécessaire, le jeune homme qu'il avait maintenant sous les yeux lui donnait moins l'impression de pouvoir se faire mener par la baguette par un patron autoritaire et caractériel. Un constat plutôt intéressant alors qu'il cherchait justement à collecter des preuves de ce dont Sergio était capable à l'égard de ses talents et de ses jeunes recrues. « Ce que je veux dire, c'est que je commence à comprendre pourquoi il vous a choisi. » Ce qui avait tout d'un compliment de la bouche de celui qui insinuait ni plus ni moins que derrière ce minois qui donnerait envie de lui donner le bon dieu sans confession, Logan paraissait finalement bien plus malin et débrouillard qu'on irait d'abord le croire. Un bon point pour lui, une difficulté supplémentaire pour Blake.

Il jouait au plus idiot, Blake, bien conscient en réalité qu'il faudrait sans doute plus que deux rencontres pas si fortuites pour que Logan se méprenne sur ses intentions – suffisamment pour questionner la nature de l'intérêt qu'il lui portait réellement. Blake avait bien des défauts mais il s'arrangeait toujours pour ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle, tout du moins depuis que ça lui avait coûté ses fiançailles et la femme qu'il s'imaginait encore épouser un an et demi plus tôt. « Même si j’en avais une, et que vous seriez le dernier sur terre, il en aurait été hors de question. » Sans doute qu'il devrait se sentir flatté de lui inspirer des sentiments aussi radicaux et passionnés, là où il osait quand même croire qu'on pouvait trouver pire énergumène dans ces rues qu'un journaliste arriviste et un peu trop sournois. Après tout, il ne présentait pas si mal que ça Blake, avec ses sourires engageants et son physique de playboy, ça n'était simplement pas de chance pour lui que sa cible du jour y soit insensible. « Vous auriez pu vous contenter de répondre par la négative. » Il souligna, un éclat malgré tout amusé au fond du regard, pas déçu de découvrir que Logan était capable d'un certain aplomb dès qu'on le poussait un peu. « Mais j’ai un cousin si vous voulez… » Là où le blond aurait simplement pu lui répondre qu'il ne mangeait pas de ce pain-là et n'avait jamais porté ce type d'intérêt à un ressortissant masculin, il souffla plutôt. « Je serais curieux de savoir ce qu'il a pu vous faire pour que vous l'offriez en sacrifice. » Si le journaliste était si infréquentable qu'il semblait le penser, peut être qu'il était censé comprendre que le cousin en question avait mérité d'être jeté en pâture de la sorte. Ce détail avait le mérite d'avoir piqué son intérêt, à défaut de lui être tellement utile à ce stade et à l'échelle de son but.

Lui laisser croire que Sergio Gutiérrez et lui étaient de bons amis qui se retrouvaient couramment pour prendre un verre et partager des barbecues tout en refaisant le monde, c'était ni plus ni moins une tactique pour endormir peu à peu la méfiance du jeune Logan. Blake n'était pas idiot, ce subterfuge ne suffirait assurément pas à ce qu'il lui fasse confiance au point de lui livrer sur un plateau les informations qu'il recherchait, mais ça devrait au moins lui permettre de justifier un peu plus facilement qu'il s'entête à ce point à traîner dans le sillage de l'agent artistique. Il n'avait pas besoin de savoir que depuis le départ, c'était à ce dernier qu'il s'intéressait tout particulièrement. « Vous avez donc eu votre réponse non ? » Logan n'était décidément pas de ceux qu'on dupait facilement et le journaliste devait reconnaître que le contraire l'aurait probablement déçu. Il avait toujours aimé se mesurer à des adversaires à son niveau. « J'ai toujours aimé obtenir différents sons de cloche. Déformation professionnelle, je suppose. » Et c'était parfaitement vrai, cette fois, quand bien même il se gardait de lui dire que son témoignage ne l'aiderait pas uniquement à se faire une idée plus précise de celui qu'était Sergio sur ses heures de travail, mais lui permettrait aussi de mettre plus sournoisement son nez dans les affaires de ce dernier. « Je suppose pas plus que dans une autre grande boite. » Il lui avait fallu moins d'une seconde pour assurer la défense de celui qui l'employait, tirant un rictus en coin à celui qui s’interrogeait déjà sur ses motivations initiales à travailler pour Sergio. « Au moins votre loyauté à son égard ne peut pas être mise en doute. » Il aurait été fâcheux qu'il n'attende qu'une occasion pour jeter Sergio sous les roues d'un bus ou, en l’occurrence, sous celle d'un journaliste friand de la moindre révélation croustillante qu'il pourrait bien récolter. Finalement, plus l'échange se poursuivait, plus il lui paraissait évident que Logan avait toutes les qualités pour assurer à ce poste. A commencer par un certain sang froid. « Je suis un grand garçon, vous savez, j’peux encaisser… » S'il aurait pu en douter lors de leur tout premier échange, qui avait tourné court il est vrai, Blake commençait à comprendre qu'il avait assez de ressource pour ne pas se laisser faire. « Oh, j'ai pas le moindre doute que vous tiendrez plus longtemps que son dernier assistant. Même si son record risque d'être facile à battre, de vous à moi. » Il lui confia sur le ton de la confidence, jamais le dernier pour bluffer quand il croyait pouvoir en tirer un avantage. Ici, il se demandait à quel point Logan s'était précisément renseigné sur ce poste qu'il semblait particulièrement désireux de décrocher – sinon, pourquoi avoir menti sur ses qualifications ? « On fait quoi ? » Le jeune homme s'impatientait et Blake, qui savait qu'il n'était pas dans son intérêt de gâcher la moindre chance qu'il pourrait avoir de reprovoquer une rencontre à l'avenir, souffla. « Je vais pas vous retenir plus longtemps si vous êtes attendu. J'ai bon espoir que nos routes se recroisent prochainement, à vrai dire. » Logan s'en passerait probablement fort bien, mais c'est parce qu'il ignorait encore à quel point il lui serait avantageux de marcher avec lui plutôt que contre lui. Dégainant une carte de visite de l'intérieur de son blouson, le journaliste la déposa face à Logan. « Ma carte. J'ai pas eu l'occasion de vous la donner la dernière fois. » Il pourrait très bien décider de la jeter dans la première poubelle qu'il croiserait, ça n'avait pas d'importance. Blake saurait comment le joindre si nécessaire, tout ça n'était qu'une mise en scène de plus. « Ne faites pas attendre votre patron, il est pas du genre patient. » Il lui glissa dans une dernière œillade, fourrant ses mains dans ses poches avant de repartir dans la direction opposée, où sa moto l'attendait.