Raphael ne veut pas d’une mort sur la conscience. C’est peut-être une manière égoïste de considérer la situation mais c’est ainsi qu’il perçoit la situation : si sa colocataire meurt, le lieu abritera un fantôme qui pourrait même le suivre quand il prend la décision de partir. Lui et Molly ne sont pas amis. Il ne s’inquiète pas de la manière dont il s’inquiète pour une personne chère à son cœur. Sa prise de drogue ne le concerne pas et il n’en aurait pas touché un mot s’il n’avait pas lu les effets négatifs de la Biphetamine sur Google. Hélas, il est trop tard, et l’artiste à l’imagination débordante s’est déjà mis à visualiser le bleu et le rouge des gyrophares des policiers peindre les murs de l’appartement. Cette histoire nocturne est déjà bien assez étrange et il aimerait faire un bond dans le temps pour se réveiller le lendemain sans que rien de grave ne se soit produit, mais il ne peut pas faire autrement que de vivre le moment présent. « Tu te fais vraiment du souci pour moi … à savoir si j’vais clapser dans mon vomi ou dans la nuit ? » Oui, il se fait du souci, mais pas à la manière d’un ami. C’est la première fois qu’ils échangent plus que trois mots. Drôle de première conversation. Se crispant, il lorgne la main lourde que Molly a posé sur son épaule et il déglutit difficilement, ses yeux aussi ronds et limpides que ceux de la consommatrice de drogue. C’est la fatigue qui commence à se lire dans ses traits. Préférant mentir, il lui répond : « Bien sûr que je me fais du souci. » dans l’espoir que cette confession l’encourage à rester en vie une journée de plus. C’est, en quelques sortes, une manière de lui prouver qu’elle n’est pas seul malgré le fait que son poisson rouge soit malade (dans sa tête). Pour ce soir, Raphael pourra remplacer Bernard. « T’as pas à te faire de souci pour moi, cutie. Je suis une experte. Et si je venais à clapser ce soir, je ferais ça proprement pour pas trop vous donner de taff pour nettoyer ma chambre. C’est promis. » Voilà une unique façon de le rassurer, tiens ! Sans que Raphael ne puisse la contenir, une grimace étire son visage. Il aimerait prendre cette discussion à la légère et capter les sarcasmes, mais ce n’est pas le genre de situation dans laquelle il a l’habitude de se trouver. Le jeune homme n’a jamais mis le doigt sur une seule substance hallucinogène. Même l’alcool n’a jamais fait partie de son régime. Une adolescence bien calme, qu’il a eue. Il n’a plus l’âge pour ce genre de connerie désormais. Il aurait certainement déjà clapsé s’il avait avalé les mêmes pilules que Molly. « J’ai pas surchargé. Je vais survivre. Promis. Juré. Craché. » Soutenant son regard, il soupire doucement. Il finit par se pincer les lèvres et par acquiescer à contre-cœur. « Si tu en es certaine, alors… » C’est elle la spécialiste. Il devra céder afin qu’ils puissent tourner la page sur cette aventure. Le matin ne viendra jamais autrement. Mais… « Mais je vais rester dans ta chambre jusqu’à ce que tu t’endormes, d’accord ? » L’espionner comme le faisait Edward avec Bella, sans l’envie de l’embrasser dans son sommeil ou de découvrir son groupe sanguin par un coup de langue. « Je n’arriverai pas à dormir autrement, alors tu es obligée d’accepter le deal. » Il hausse les épaules et lui désigne sa chambre d’un signe de la tête pour qu’elle s’y dirige.

Strong feelings are fine,
it's the overreactions that mess us up.

 @Raphael Elly
gif mizworldofrandom 

« Si tu en es certaine, alors… » Elle reconnaît ce ton. Il concède. Il abandonne. Et il a bien raison. Car elle s’y connait, Molly. Elle ne va pas mourir ce soir. Elle sait qu’elle ne va pas mourir car sa fin ne serait pas suffisamment tragique … cela ne correspondait pas assez aux Biggs. Elle acquiesce d’un signe de tête déterminé. « Mais je vais rester dans ta chambre jusqu’à ce que tu t’endormes, d’accord ? » La question la surprend et elle parvient à cacher combien la question, la proposition la touche. Parce que oui, ça la touche. Molly a l’art de toujours se sentir mal aimée. Elle n’a pas connu la moindre attention de son père. On n’a pas fait de bisous magiques sur ses bobos de gamine. On n’a pas résolu ses problèmes de cœur avec un pot de glace. On ne lui a pas fait une soupe avec les pates en forme de lettres quand elle était malade. On ne lui pas lu d’histoires avant de se coucher ou même de bisous de bonne nuit avant d’éteindre la lumière. Elle ne connaît pas tout ça et c’est sans doute la raison pour laquelle elle est incapable de prendre qui que ce soit dans ses bras ou de dire des mots doux. Un fin sourire étire ses lèvres. « Je n’arriverais pas à dormir autrement, alors tu es obligée d’accepter le deal. » Est-ce que s’il lui arrivait quelque chose, il serait triste ? ou alors est-ce que c’est le fait d’avoir un cadavre dans l’appartement qui était problématique ? Elle refuse de se poser la question et se concentre sur l’option a … ce qui ne fait qu’étirer davantage son sourire candide. « Ca marche. Le deal est accepté. »

Elle pousse la porte de sa chambre, y entre, jette un coup d’œil à Bernard qui semble toujours faire sa vie et finit par se glisser dans son lit. « Mets-toi à l’aise, fais comme chez toi …», elle désigne d’un signe de tête son endroit « lecture » où elle chille et fixe le plafond quand elle écoute de la musique. Un énorme fauteuil trouvé dans une brocante en guise de trône. Se tournant vers le côté pour avoir un œil sur lui, elle se glisse sous ses draps et ne laisse dépasser son visage qu’à partir de son nez. Technique pour dissimuler son sourire. « Merci Raph » dit-elle … avec la plus grande sincérité. « Merci d’être là, d’être toi, d’être quelqu’un de bien », continue-t-elle tout en dissimulant son visage … parler à cœur ouvert, c’est pas son truc et elle essaie de se cacher, de se tapir dans un coin, « j’suis pas habituée
à avoir ce genre de personnes dans mon entourage … alors désolée, si je suis parfois horrible … je vais faire des efforts » Promesse faite avec la plus grande sincérité. Pour lui.

Il ne sait pas vraiment dans quel genre d’aventure il s’embarque en proposant de rester aux côtés de Molly jusqu’à ce qu’elle ferme les yeux et s’endorme. Ça pourrait prendre quelques minutes ou des heures, en fonction de l’état de son cerveau après avoir consommé plus que la quantité recommandée de biphetamine. Il espère ne pas avoir à ramasser une flaque de vomi imbibée dans les draps de sa colocataire, ou à lui faire le bouche-à-bouche pour la ramener à la vie ; en vérité, Raphael ne se souvient absolument pas des cours de premiers secours auxquels il a assisté quand il était adolescent. Il ne pourrait pas faire des compressions thoraciques au bon rythme, lui casserait certainement deux ou trois côtes, lui percerait un poumon aussi, tiens, pour ne pas faire les choses qu’à moitié. La seule chose qui le rassure en ce moment, c’est l’état de Molly qui ne semble pas se dégrader. Elle l’invite dans sa chambre et son premier réflexe est de jeter un coup d’œil au poisson rouge, juste par précaution. Il a peut-être loupé un symptôme inquiétant la première fois. Sauf que l’animal corail continue de nager sur place, scrutant la surface de l’eau à la recherche de quelques restes de nourriture qu’il n’aurait pas vus. « Mets-toi à l’aise, fais comme chez toi …» Le regard de Raphael se pose sur le fauteuil abimé qui a eu plusieurs vies. Il s’y installe après l’avoir débarrassé d’une peluche. C’est confortable, comme coin. Il s’imagine y passer des heures à penser, le casque sur les oreilles. Il se note de chercher un fauteuil similaire dans une brocante afin de refaire la même chose dans sa chambre. Une fois que Molly s’est glissée sous ses draps, il reprend son téléphone et sa faible lumière éclaire son visage. Il rouvre sa conversation avec Kai s’ayant clôturée sur un appel d’une durée de deux heures puis il esquisse un sourire en se demandant si ce dernier s’est endormi, ou s’il passe une nuit aussi mouvementée que la sienne. « Merci Raph » Il relève le nez pour regarder Molly, surpris. « Merci d’être là, d’être toi, d’être quelqu’un de bien » Lèvres pincées, il esquisse un sourire et un hochement de la tête. Il aurait aimé entendre ces mots prononcés par une personne qui ne fait plus partie de sa vie, désormais. Il n'arrive pas à savoir s’il fait ça pour Molly, ou pour s’éviter la vision d’un cadavre demain matin. Après tout, ils ne sont pas amis, il n’a pas pu s’attacher à ce fantôme qui se cache dans sa chambre et qui lance des regards noirs si on ose lorgner sur elle. « j’suis pas habituée à avoir ce genre de personnes dans mon entourage … alors désolée, si je suis parfois horrible … je vais faire des efforts » Hébété, il entrouvre les lèvres pour laisser s’échapper une longue hésitation. Raphael non plus n’a pas l’habitude de parler de ce genre de sentiment. Il est trop timide, trop réservé, pour faire savoir aux autres ce qu’il a sur le cœur. Mais ça le touche, ce que Molly dit. Alors il se dit que c’est pas trop mal, d’ouvrir son cœur. « Oh, eum… C’est rien. Tu n’es pas horrible. » Il se mord le bout de la langue et, pour alléger l’atmosphère, il se permet une petite blague : « Enfin, pas avec tout le monde. » Il paraît qu’entre elle et Maisie, ça se mord et s’arrache les cheveux. Il faut dire que c’est un petit peu la faute de sa colocataire s’il n’invite jamais son amie ici. Il ne veut pas attirer les problèmes, mettre de l’huile dans le feu. « Mais, eum… » Il reprend après avoir éteint et posé sur ses cuisses son téléphone. « Rassure-moi, tu as quand même des gens qui sont là pour toi, dans ton entourage ? » Sans compter Bernard !