Strong feelings are fine,
it's the overreactions that mess us up.

 @Raphael Elly
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« Bernard ? » C’est la quinzième fois à la suite qu’elle répète ce prénom, le nez collé à la paroi de la chose la plus chère qu’elle possède : cet aquarium. Elle essaie de fixer dans les yeux son poisson rouge qui n’a pas l’air vraiment intéressé. Le nez toujours collé à la paroi au point d’y en laisser une trace, elle bouge les yeux de droite à gauche à la recherche d’une réaction de ce dit Bernard. « Réponds-moi Bernard … pourquoi tu me fais ça ? » qu’elle dit alors d’une voix de pleureuse tout en faisant une moue de gamine sur le point de pleurer. Drôle de réaction, non ? A vrai dire, Molly avait eu le malheur de prendre des cachets au cours de son après-midi passée avec sa meilleure-amie. Cette dernière lui avait dit que c’était génial, qu’elle allait se sentir comme sur un nuage dans une publicité … tu parles, elle était plutôt en train de représenter les effets indésirables de cet anti-douleur. Les pupilles dilatées, elle cligne des yeux tout en soufflant : « Bernard… » Trop, c’est trop. Bernard l’ignore. S’il l’ignore, c’est qu’il ne va pas bien. S’il ne va pas bien, elle ne va pas bien. Si elle ne va pas bien, la Terre doit le savoir … La Terre ? OK, on va commencer par Raph. Elle se redresse, les poings posés sur ses hanches et elle acquiesce d’un signe de tête à ses propres pensées.

Et, c’est donc simplement vêtue d’un tee-shirt oversize à l’effigie d’un groupe de death metal et d’une culotte en coton à l’effigie de Snoopy (oui, elle a le sens du goût en ce qui concerne les tenues pour dormir), elle sort de sa chambre pour finalement poser la main sur la poignée de la porte de la chambre de Raph. Frapper aurait pu être une excellente idée. Frapper. Regarder l’heure et voir qu’il est vingt-trois heure quarante-deux. Elle aurait pu inspirer profondément et se rendormir mais non, bien sûr que non. Au lieu de cela, elle ouvre la porte de la chambre de Raph et y entre sans attendre la moindre invitation de sa part. « RAPH ! » est à ses yeux un moyen de dire : désolée de te déranger. Elle ne le crie pas, elle le murmure mais sur un ton presque autoritaire, celui d’une mère de Bernard apeurée de perdre son enfant. « Mayday. Mayday. Faut que tu viennes tout de suite. C’est grave » et elle insiste de manière théâtrale sur le « c’est grave » en s’approchant de son lit … ignorant royalement le fait que ce dernier soit en train de téléphoner, ignorant royalement absolument que sa crise de panique est juste … exagérée. « Viens s’teuplé ! », oh ! elle vient de dire s’il te plaît : la situation est grave. Et elle vient même se mettre à genoux au bout du lit de Raph en joignant les mains devant elle comme si elle était en train de faire une prière. Elle a les larmes aux yeux, la lèvre inférieure qui tremblote.

L’appel facetime s’éternise depuis 20h. Raphael avait même terminé de manger ses ramens devant Kai, et il avait à plusieurs fois pointé du doigt la sauce sur ses lèvres. Comme d’habitude, leurs discussions d’égarent dans les crevasses de l’overthinking et, si les sujets sont parfois futiles et légers, ça ne l’empêche pas de vouloir prolonger l’appel. À 22h, il a fermé les lumières pour se donner une bonne excuse pour raccrocher mais, depuis, Kai et lui ne font que parler du concept de la noirceur et des sentiments que ça leur prodigue. Vraiment, ils sont inénarrables, ceux-là, mais il faut dire que le brésilien est extrêmement doué pour bondir d’un propos à un autre sans entracte ni transition. Si le premier sujet s’assèche, il ramène le premier qui lui traverse la tête et, son esprit, il est gigantesque.

Raphael couine comme un gamin en rigolant à un de ses mauvais jeux de mots. Il se glisse sous les couvertures pour avoir l’impression de dormir près de Kai, qui vient de lâcher un large bâillement derrière la caméra. « Faut pas exagérer, cette fois. » Parce que, hier, ils ont raccroché à 2h du matin alors que Raphael devait être frais et disposé pour commencer à travailler à 9h. Sans surprise, il est arrivé en retard à la salle de sport. « Non, vraiment. » Qu’il insiste, lorsque Kai relance un autre sujet, volant un énième rire à Raphael. On ne peut plus l’arrêter. Sauf peut-être…

« RAPH ! » Alerté par son nom crié à tue-tête, il s’extirpe de ses draps, les cheveux plein d’électricité statique et les yeux ronds comme des tranches de citron. Dans son cadre de porte se dresse la silhouette énervée et angoissée de Molly. Elle n’a pas appris à frapper avant d’entrer ? « MOLLY ? » Qu’il hurle à son tour, la panique de la jeune femme se décalquant sur lui. Son intimité carrément violée, il serre la couverture contre lui comme s’il était tout à fait nu alors qu’il porte son pyjama à motifs de flamants roses. « Mayday. Mayday. Faut que tu viennes tout de suite. C’est grave » Il jette un coup d’œil à son téléphone et s’excuse à Kai, qui tend le cou pour tenter de voir ce qu’il se passe de l’autre côté de la ville. « On se reparle demain ! » Et ça lui fend le cœur de raccrocher mais il le fait, non sans avoir hésité en louchant sur le gros bouton rouge. Il reporte toute son attention sur Molly, dont le visage est décomposé en une grimace dramatique. « Viens s’teuplé ! » Il fronce les sourcils, jetant son tel dans les plis de ses draps pour mieux le perdre. « Arrête de me supplier et dis-moi ce qu’il se passe ! » Elle l’a bien réveillé, là. Il s’imagine le pire. Un incendie dans la cuisine, un cambrioleur qui lui a volé sa collection de vinyles, des fantômes qui font une partie de loup-garou dans le salon. Il se dresse hors du lit, ses pieds nus entrent en contact avec la moquette moelleuse. « Je te suis, montre-moi. Et arrête de hurler, sauf si tu veux alerter tout le quartier. » Il est bien ridicule, ainsi cambré et nerveux, tout vêtu de blanc et de rose, ses cheveux en pagaille et les cernes noirs creusant ses paupières jusqu’à ses pommettes.  

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« Arrête de me supplier et dis-moi ce qu’il se passe ! » Mission réussie. Elle a toute son attention et bien qu’elle aurait souri dans d’autres circonstances, sur ce coup-là, le cœur n’y est pas. Il est question de Bernard ! C’est une urgence ! Alors ni une ni deux, elle vient saisir sa main quand il se décide à sortir de lit et elle le tire presque en direction de la sortie. « Je te suis, montre-moi. Et arrête de hurler, sauf si tu veux alerter tout le quartier. » La main dans la sienne, comme une enfant, elle se déplace sous la pointe des pieds en direction de sa chambre mais elle se dépêche. Au pas de course presque. «OK. On chuchote mais on y va illico presto », qu’elle dit tout en serrant sa main dans la sienne, un bref regard dans sa direction.

Et c’est ainsi qu’ils se retrouvent ensemble dans la chambre de Molly et du bout du bras, elle pointe son index en direction de l’aquarium de Bernard. «Là … » et comme s’il s’agissait d’un film d’horreur, elle désigne du doigt son fidèle animal de compagnie, Bernard qui nage bien tranquillement dans son aquarium. «Bernard, regarde ! », qu’elle dit tout en s’approchant du bocal sans lâcher la main de son colocataire. Une fois devant le bocal, elle s’accroupit devant celui-ci. «Il est tout bizarre, non ? Il ne va pas bien du tout … il nage différemment … je le reconnais. Je le connais suffisamment pour savoir qu’il y a quelque chose qui cloche … regarde … oh Raph. Bernie ne peut pas mourir. Il n’a pas le droit de mourir » et elle tourne la tête vers Raph, les yeux remplis de larmes. Sa panique est vraie, réelle. «Tu crois qu’on devrait appeler un vétérinaire ou se rendre à l’hôpital des animaux ? » Elle lâche sa main pour passer le revers d’une main sous son nez rougi par les larmes qu’elle contient depuis plusieurs minutes maintenant. «Raph ?! Raph …» et elle s’accroche soudainement à sa manche pour la secouer un peu. Molly parle comme une enfant en pleine crise existentielle. Mais la peur est hélas bien réelle. Bernard, c’est le seul être vivant sur cette planète qu’elle aime. C’est le seul être humain pour lequel elle dépense de l’argent : aquarium, plantes aquatiques, filtre pour son aquarium … elle lui achète le meilleur car il mérite le meilleur. Après tout, Bernard c’est le seul qui l’écoute. Toujours. Depuis le premier jour. La peur est réelle car c’est cette peur même qui est la raison pour laquelle elle ne veut pas d’ami, de petit-ami, de relations trop proches. A un moment ou un autre, les gens disparaissent … ils meurent, ils se cassent, ils disparaissent et on se retrouve seule … Sa peur de l’abandon mêlée à l’automédication alambiquée … franchement, il y avait mieux pour quelqu’un comme Molly. Le mélange était pour le moins décapant.

Retournement de situation. Raphael ne peut pas procrastiner le sommeil en compagnie de Kai, mais il devra le faire en suivant Molly jusqu’à sa chambre où il se passe, selon ses hurlements, quelque chose de très grave. Ce n’est pas dans ses habitudes de se faire ainsi déranger par une urgence en plein milieu de la nuit alors il est tout de même aux aguets. Il espère seulement que sa colocataire ne l’a pas choisi lui pour se battre contre un cambrioleur parce qu’il ferait sûrement moins bonne impression qu’Andrea même s’il mesure plusieurs dizaines de centimètres qu’elle. Alors, vêtu de ses flamants roses, il tient entre ses mains un peigne qu’il a attrapé au passage pour en faire une arme et il suit Molly jusque sur le lieu du crime. L’angoisse est à son apogée quand le battant de la porte d’ouvre pour révéler… Une chambre tout à fait normale et inhabitée. « Là … » Il déglutit, son arme de fortune remontée à la hauteur de son visage, prêt à frapper la moindre intrusion. Il tient fermement la main de Molly dans la sienne mais c’est davantage parce qu’il a peur, pas pour la protéger. Ce n’est pas dans ses instincts de se placer en premier plan face à une menace. « Qu… Quoi ? » Il demande à voix basse, passant la salle sous le radar de ses pupilles. « Bernard, regarde ! » Les synapses se reforment dans son cerveau. Il pose les yeux sur le poisson rouge qui nage paisiblement dans son aquarium. Il est forcé de suivre la jeune femme, se faisant traîner comme un gamin à la garderie, et il s’accroupit près de Bernard à son tour. Il s’assure que ses nageoires sont normales, ses écailles aussi, ses gros yeux globuleux. Il est tout à fait intact. « Qu’est-ce qu’il y a ? » Après tout, il n’est pas expert en poissons rouges. L’aquatique n’est pas son domaine de prédilection. Elle devra l’éclairer un peu. « Il est tout bizarre, non ? Il ne va pas bien du tout … il nage différemment … je le reconnais. Je le connais suffisamment pour savoir qu’il y a quelque chose qui cloche … regarde … oh Raph. Bernie ne peut pas mourir. Il n’a pas le droit de mourir » Ses sourcils se froncent. Il essaye, vraiment, de voir ce qui cloche. Mais tout roule. Il bascule la tête sur le côté pour observer Molly plutôt que la petite bête. Des larmes noient ses joues. Il ne voit presque plus le bleu de ses iris. Ils ont été bouffés par les billes noires qui ont doublé de volume. Il ne vient pas de Bernard, le problème. Il vient d’elle. «Tu crois qu’on devrait appeler un vétérinaire ou se rendre à l’hôpital des animaux ? » Ne sachant pas comment réagir dans une situation comme celle-là, il reste muet. «Raph ?! Raph …» Il redescend sur terre, se secoue un peu. « Oui, pardon, je suis là. » Il repose son attention sur le poisson. « Je ne crois pas que ce sera nécessaire. Il m’a dit qu’il allait très bien. » Il se redresse un peu pour tendre l’oreille par-dessus la surface stagnante de l’eau. « Écoute ! Il parle encore ! » Il l’invite d’un regard insistant à se joindre à lui et à écouter ce que Bernard a à dire. « Il est juste un peu fatigué, qu’il dit. Il a passé une longue journée et il va bientôt se préparer à aller dormir. » Il opine du chef, convaincu de ce qu’il vient d’avancer. S’il croit à sa propre comédie, elle le croira elle aussi. Elle sèchera ensuite ses larmes ainsi que la crise de panique qui a commencé à faire trembler tout son corps. Il connait ça, les crises de panique. Il a appris à les contrôler un peu mieux, sans défoncer de porte ou d’armoire.    

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Molly se souvient très bien de sa première rencontre avec Bernard. C’était il y a quelques temps maintenant. Une kermesse. Elle n’avait pas cherché à gagner de poissons rouges, ni même d’en acheter un mais elle avait vu ce petit bonhomme de l’autre côté du stand à sucreries : quand elle est high, elle aime manger sucré. Et quand son regard avait croisé les deux billes qui lui servent d’yeux, elle s’était reconnue. Elle était Bernard. Elle était ce petit poisson rouge tout mignon, coincé dans un bocal trop petit et sale. Elle tournait en rond, comme Bernard. Des demeurés passaient toute la journée devant elle, comme Bernard. Elle était incapable de dire ce qu’elle pensait, comme Bernard. Putain ! Elle était un poisson rouge. Alors, elle avait traversé la foule pour donner quelques billets à l’idiot qui tenait le stand et l’avait contraint à jouer à son stand pour finalement le gagner, Bernard. Dans son petit sachet en plastique, elle lui avait dit … non elle lui avait promis de prendre soin de lui. Si elle ne pouvait pas gérer sa vie à elle, au moins, elle ferait tout pour prendre soin de la sienne. Alors excusez-moi si elle est un peu trop émotionnelle avec le Bernard en question en ce moment. « Oui, pardon, je suis là. » « Et ? tu en dis quoi ? », demande-t-elle la peur au ventre, reposant elle aussi son attention sur son animal de compagnie, son meilleur-ami. « Je ne crois pas que ce sera nécessaire. Il m’a dit qu’il allait très bien. » Un poids s’échappe de son palpitant et elle fixe néanmoins toujours le Bernard. Il allait très bien. Vraiment ? « Écoute ! Il parle encore ! » Molly, à son tour, s’approche davantage pour venir coller son oreille contre le bocal. Les paupières closes, elle renifle une seconde pour se concentrer … « Il est juste un peu fatigué, qu’il dit. Il a passé une longue journée et il va bientôt se préparer à aller dormir » « C’est d’ma faute – j’suis rentrée un peu trop tard et j’ai oublié d’acheter de nouvelles plantes pour son aquarium. Je suis désolée » La culpabilité ne la ronge que lorsqu’il est question de Bernard. Les pensées et les émotions se mélangent. Elle rouvre les yeux pour fixer Raph et c’est presque instinctivement qu’elle se lance dans ses bras. Elle enroule ses bras autour de son cou tout en se hissant sur la pointe des pieds pour le serrer tout contre elle comme si sa vie en dépendait. On est loin du comportement de Molly qui échange au maximum cinq phrases par semaine avec ses colocataires.

« Est-ce que tu peux dormir ici ? Avec nous ? », qu’elle demande sans déserrer son étreinte, car si elle le lâche, il verra la panique dans ses yeux et ça, il en est hors de question. « s’il te plaît … », qu’elle ajoute à demi-mots tout en finalement reprenant place devant lui, l’air désolé et surtout perdu.

La scène semble tout droit sortie d’un film comique, mais les expressions de Molly ne le sont pas. Il y a quelque chose dans son regard perdu et les authentiques larmes perlant à ses yeux qui viennent chercher Raphael au plus profond lui. Il ne peut pas en rire car ce n’est tout simplement pas drôle. Le poisson va bien, ses nageoires se trémoussent, ses yeux partent dans toutes les directions et son sur-place est digne des plus prestigieuses compétitions de sur-place. Mais, le cœur de Molly, lui, il ne tient pas le coup et il s’exprime avec le naturel des plus déconcertants. Raphael n’est pas le mieux placé pour gérer les crises de panique des autres, mais il peut piocher dans ses propres combats pour apporter un peu de réconfort à la jeune femme paniquée. Il feint de pouvoir parler au poisson et, usant de son expérience en théâtre pour dégoter les meilleures expressions faciales, tandis que son oreille se colle à la vitre. Molly entre dans le jeu et c’est tout naturel pour elle de croire à sa comédie ; quelque chose cloche avec elle. Elle n’est pas dans son état habituel. De croire en la capacité de Raphael pour parler à Bernard, c’est invraisemblable. Seulement un enfant mordrait à l’hameçon (sans mauvais jeu de mot). Aux dernières nouvelles, Molly a seulement six ans de moins que lui. « C’est d’ma faute – j’suis rentrée un peu trop tard et j’ai oublié d’acheter de nouvelles plantes pour son aquarium. Je suis désolée » Réfléchissant, il marque une pause avant d’écouter ce que le poisson a à lui dire une seconde fois. « Il les aime, les plantes qu’il a déjà. Il trouve que l’aménagement est parfait comme ça, qu’il a juste assez d’espace pour nager. » Elle se jette dans ses bras et il ne sait pas où les placer. Au départ, il pose l’une de sa main sur sa tête mais la position est inconfortable. Il la laisse descendre jusqu’à sa taille, regrette, la remonte à la même hauteur que l’autre, aux épaules de Molly. C’est là qu’il exerce une première pression maladroite. Ses yeux sont gros comme des soucoupes. S’il a des doutes quant à la raison derrière ces agissements insolites, il ne se permet pas de poser la question. Qu’est-ce qu’il y connait en drogues, de toute façon ? Le simple mot l’a toujours terrorisé. « Est-ce que tu peux dormir ici ? Avec nous ? » Partager la chambre avec une autre personne ? Il ne l’a jamais fait. Ce serait bizarre. Son introversion le guette du coin de l’œil. Il ne la connait pas assez, leurs échanges se résumant habituellement à des banalités et des signes de la tête. « Mais… Tu n’as qu’un seul lit… » Quel idiot. Pourquoi doit-il tout gâcher comme ça ? « Enfin, je veux dire, il n’y a pas beaucoup de place, et tu ne seras pas confortable si la place est limitée, et je voudrais bien dormir au sol mais mes lombaires ne seraient pas d’accord… » Ça y est, il est devenu un grand-papa. La prochaine étape, c’est le foyer pour personnes âgées.

« Si tu veux, on peut aller lui acheter des plantes demain matin. Je ne travaille pas avant midi. » Qu'il propose du bout des lèvres, regrettant déjà son réveil hâtif demain matin.   

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 @Raphael Elly
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« Il les aime, les plantes qu’il a déjà. Il trouve que l’aménagement est parfait comme ça, qu’il a juste assez d’espace pour nager. » Molly, celle qui ignore la terre entière et surtout celle qui ne montre jamais la moindre émotion, est une poupée de chiffon. Elle est un cliché. Elle est un personnage hautement caricatural. Elle n’est pas elle-même et sans doute, elle voudra assassiner Raph quand elle aura pris conscience de la manière dont elle s’est comportée face à lui … oh oui, le lendemain, elle va détester devoir affronter son regard. Il ne manquerait plus qu’il la prenne de pitié ou pire qu’il la trouve moins froide et exécrable que d’habitude : il ne manquerait plus que ça ! Elle a une réputation de tyran à tenir. C’est son rôle. Beaucoup trop concentrée sur son propre malheur, elle ne se rend pas compte que son interlocuteur est dépassé par la situation et surtout cette attaque de koala qu’elle vient d’effectuer avec la plus grande spontanéité. Comme une gamine, elle vient enfouir son nez contre lui tout en s’accrochant à ses vêtements. Et, elle la lui pose … cette question complétement irrationnelle : Molly déteste dormir avec quelqu’un d’autre. Sentir les pieds d’une autre personne contre les siens : une horreur. Sentir la peau d’une autre personne sur la sienne alors qu’elle essaie de dormir : un traumatisme. Quant à ceux et celles qui ne trouvent rien de mieux que de vous enlacer, vous privant de toute liberté : crime contre l’humanité à ses yeux. C’est rapidement qu’elle a compris que son lit, elle le partage avec son téléphone et sa mauvaise humeur.

Le silence qui prend place pour donner suite à sa question la fait détacher son étreinte pour le regarder. Elle passe les doigts sous ses yeux pour effacer ses larmes de crocodile. « Mais … tu n’as qu’un seul lit... » Elle acquiesce, les lèvres tremblantes. « Enfin, je veux dire, il n’y a pas beaucoup de place, », elle regarde son lit puis regarde de nouveau Raph, « et tu ne seras pas confortable si la place est limitée et je voudrais bien dormir au sol mais mes lombaires ne seraient pas d’accord …. » Crac. Ça, c’est le bruit de son cœur qui se brise. Molly le fixe comme un enfant perdu en plein milieu d’un supermarché. « Si tu veux, on peut aller lui acheter des plantes demain matin. Je ne travaille pas avant midi. » Son attention est de nouveau posée sur son poisson rouge, qui doit certainement envoyer des signaux de détresse à Raph pour qu’il la sépare de cette cinglée qui lui raconte chaque soir tous ses problèmes et putain ! ils sont nombreux. « Tu ne m’aimes pas ? », qu’elle demande alors les sourcils froncés, les yeux mouillés. Oh Molly … ! « Je sais que je peux être parfois, oui parfois je peux être pas très sympa mais … » Elle bredouille et elle se rend compte de ce qu’elle dit. Croyez-le ou non, ce qu’elle vient de dire la choque beaucoup plus que la peur de la mort de Bernard. Elle se tait et aimerait pouvoir aller chercher les mots qu’elle vient de prononcer. « Moi, je te trouve pas trop con, tu sais ? » Un compliment dans son univers. « J’irais pas jusqu’à te donner un rein si tu en avais besoin … mais je te ramènerais des bouquins pendant ton séjour à l’hôpital », et elle conclut cette phrase ô combien intelligente en haussant les épaules avec innocence. Démmerde-toi avec ça, Raph ! Bon courage !

Raphael comme il peut avec les quelques outils qu’il possède : de l’imagination et de l’empathie. Ainsi, pour rassurer la propriétaire agitée du poisson, il lui invente une voix et se met à communiquer avec sa petite bouche qui ferme et qui s’ouvre pour faire de petites bulles. Il assure Molly qu’il est parfaitement heureux dans son aquarium et que son oubli de racheter des plantes décoratives ne le dérange pas. Il la pardonne de ne pas être parfaite, et elle peut calmer sa conscience désormais.  

Le problème aurait pu être réglé aussi facilement. Molly n’est pas dans son assiette. Même si Raphael n’a jamais consommé de stupéfiants, il reconnait certains signes flagrants dans le comportement de la jeune femme mais aussi dans ses pupilles dilatées. C’est la première fois qu’il se retrouve à gérer une situation comme celle-là mais il n’a pas peur, et c’est tout ce qui compte en cet instant où il peut seulement la rassurer. Seulement, elle lui demande un service bien plus grand. Raphael n’a jamais dormi ailleurs que dans sa chambre ou dans les hotels. Jeune, il refusait de passer la nuit j’ai ses copains et copines pour les anniversaires. Il se mettait à chialer le soir venu pour que son papa vienne le chercher avant que les lumières ne se ferme. Il n’est pas germophobe, mais il y a quelque chose dans le concept de “partager un matelas” qui le dérange. Comme si son lit à lui était son petit univers, un endroit intime où personne ne peut accéder. Et il a l’impression que c’est la même chose pour le lit de Molly, dans lequel elle l’invite pour passer la nuit. Naturellement, il s’objecte. Il le fait doucement pour ne pas la brusquer, mais ses yeux trahissent son angoiss. « Tu ne m’aimes pas ? » Comment pourrait-il lui répondre ? Ils ne sont pas amis, ça c’est une certitude. « Non, c’est pas ça. » Elle ne lui a jamais offert de sourire quand ils se croisaient dans l’appartement, et leurs interactions se limitent à des regards brefs. Parfois, même, elle se permet des reproches à l’encontre de celui qui ne sait pas se défendre. Il ne répond jamais rien, se contente de baisser la tête et de disparaître, comme le parfait bernard-l'hermite qu’il est. « Je sais que je peux être parfois, oui parfois je peux être pas très sympa mais … » Ses yeux s’écarquillent. Il n’a pas envie de parler de son comportement. Il préfère vivre dans le déni et accepter le fait que personne ne peut l’apprécier, lui et ce corps qu’il n’aime pas, ces cheveux impossibles à dompter, son visage ponctué de cicatrices d’acné qui ne le laisseront jamais tomber contrairement à tous ses amis dans le passé. « Moi, je te trouve pas trop con, tu sais ? » Il ne peut contenir le ricanement étonné qui fait vibrer sa gorge. « C’est trop gentil. » Il couine, ironique et surtout mal à l’aise, tandis qu’elle lui explique qu’elle lui apporterait un livre à l’hôpital si elle le demandait. Il lâche un soupir amusé. « Qu’est-ce que tu as pris, Molly ? » Il demande enfin, dents serrées. Il n’a pas envie de jouer les parents inquiets mais il devra se sacrifier. « Le reste de la coloc sait que tu ramènes de la drogue ici ? » Lui, il n’avait jamais été mis au courant, et s’il avait le droit de véto, il préférerait que l’endroit reste clean. Il ne saurait pas comment réagir si une brigade défonçait la porte. Il serait sûrement le premier interrogé, d’ailleurs, et il ne faudrait pas compter sur lui pour ne pas balancer le nom de Molly pour se protéger les gourdes.      

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 @Raphael Elly
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« Non, c’est pas ça. » Évidemment, elle lit et interprète le contraire. Car elle interprète le malaise qu’elle crée comme une distance forcée du bonhomme. Il ne l’aime et veut la tenir à l’écart. Elle connaît. Ils veulent tous la tenir à distance. Elle est un parasite qui n’attire que les autres parasites. « Je sais que je peux être parfois, oui parfois je peux être pas très sympa mais …. Moi, je te trouve pas trop con, tu sais ? » Il y a mieux comme signe de gentillesse, mais dans le monde de Molly, ça relève du miracle. Il rit et elle rit en retour sans vraiment savoir pourquoi il rit car elle, elle a le sentiment d’avoir ouvert son cœur en grand … elle a le sentiment d’avoir fait une déclaration d’amour à la Rimbaud. Et lui, il rit. Alors, elle rit pour finalement sourire en haussant les épaules. « C’est trop gentil. » Woh ! Elles se font rares les fois où on lui associe cet adjectif qui lui donne soudainement des ailes. Le sol devient un nuage. Les couleurs se font pastel. Elle est dans un monde absolument … parfait. « Qu’est-ce que tu as pris, Molly ? » Presque parfait. Elle secoue la tête. « Hein ?! Quoi ?! », qu’elle demande alors presque surprise, faussement surprise. Mais a vrai dire, elle n’avait pas pris de drogue. En soi, ce n’est pas de la drogue si ça peut être prescrit par un docteur. Non ? « Le reste de la coloc sait que tu ramènes de la drogue ici ? » Le ton ne lui plait plus du tout. Il a un drôle d’air. Il a l’air de Megan. Oui, c’est ça ! Il a la tronche de Megan. Il la juge. Il la toise. Il la critique. Il la catégorise dans un putain de tiroir qui n’est pas le sien. Ce n’est pas une junky. Elle fronce les sourcils aussitôt en se redressant, reculant même d’un pas. Elle est sur la défensive.

« J’ai rien pris du tout ! » qu’elle dit alors sur un ton mauvais en croisant les bras, tendant le cou vers l’arrière comme si elle essaie à son tour de le toiser. « Tu me veux fouiller … tu veux vérifier si j’ai de la drogue ou c’est quoi ton délire ? » Elle s’emballe, tout comme son cœur qui se met à tambouriner dans sa poitrine. Elle a peur. Et quand elle a peur, elle n’est pas du genre à se mettre en boule … non, elle est du genre à mordre. « J’suis pas une putain de toxico ! Est-ce que j’ai la gueule d’une toxico ? » La réponse est sans doute oui, surtout quand elle désigne son visage de ses mains et qu’on peut voir ses pupilles dilatées. Mais, elle ne s’est pas vue dans le miroir et même face à son reflet, elle ne s’en serait pas rendue compte. Elle croise, décroise les bras pour finalement les recroiser et se laisser tomber assise sur son lit, les bras croisés, l’air boudeur. « J’en ai marre qu’on me colle cette putain d’étiquette sur la tronche bordel … », marmonne-t-elle entre ses dents. « Si c’est vendu en pharmacie, c’est pas de la drogue. Si l’état peut se faire de la thune dessus, c’est pas de la drogue. Non ? si ? moi, je crois pas que ce soit de la drogue … tu vois … je suis clean. Au pire, j’ai juste … », soudain, elle se tait et fixe le plafond. « peut-être que je devrais aller prendre une douche, non ? Ouais si peut-être que je devrais aller prendre une douche. » Elle acquiesce à ses paroles avant de reposer son attention sur Raph.

« T’es marrant quand même comme type… », dit-elle dans un éclat de rire. Oh mon dieu, comme elle est bizarre !

Il n’aurait peut-être pas dû poser la question. Après tout, ce n’est pas dans son domaine d’expertise. Il n’a jamais été entouré de personnes qui consomment de la fantaisie pour tomber dans un monde fantastique. Il s’est protégé de cet univers à la fois intriguant et effrayant et le petit cocon qui le protège désormais l’empêche de regarder Molly d’un œil complètement empathique. D’abord, il s’est inquiété pour son poisson qu’il s’est avéré tout à fait correct, et maintenant il s’inquiète pour elle, mais lui reproche aussi de consommer des substances illégales au sein de cette collocation. Il ne veut pas voir la police débarquer chez lui ; c’est quelque chose que son petit cœur fragile ne pourrait pas supporter. La confronter n’est certainement pas la meilleure idée, mais il n’en a pas de meilleure. Il réagit sur le coup sans prendre la peine de réviser un discours qui serait plus adapté. Sans surprise, Molly se tend et riposte comme si Raphael venait de l’accuser d’avoir commis le meurtre le plus condamnable. « J’ai rien pris du tout ! » La distance qu’elle impose entre eux d’eux a le mérite de le rassurer, mais il est tout de même coincé dans une toute petite chambre avec elle. Soudain, il a l’impression qu’elle pourrait le mettre K.O. d’un seul coup de poing alors qu’il est bien plus grand qu’elle. Il ne connait pas sa force et la sous-estime très souvent. « Tu me veux fouiller … tu veux vérifier si j’ai de la drogue ou c’est quoi ton délire ? » Son cœur s’agite et son premier réflexe est de se faire plus petit et docile. Il secoue la tête, envoyer valser ses bouclettes. « Non, je n’ai pas dit ça ! J’ai pas dit que j’allais faire quoi que ce soit ! » Qu’il se défend d’une voix fluette, ses yeux exorbités passant du visage de Molly à la porte de la pièce, qu’il souhaiterait bien rejoindre. « J’suis pas une putain de toxico ! Est-ce que j’ai la gueule d’une toxico ? » Conciliant, il continue à secouer la tête à la négative pour calmer cette impulsion qui l’a prise de plein fouet. Psychologue : un autre choix de carrière à cocher de sa liste de possible retour à zéro. « Non ! Si, enfin, non, je ne sais pas vraiment ça ressemble à quoi un toxico mais tu... Tes yeux ils sont... Et ton comportement est inhabituel alors... » La vérité, c’est qu’elle aurait facilement pu le convaincre d’être tout à fait clean si elle s’était prise avec un peu plus de douceur. Maintenant, alors qu’elle se tient sur ses gardes comme un putois pris en embuscade, il a la certitude que quelque chose cloche dans son système.  

Puis elle se calme, permettant à Raphael de souffler un peu. La menace s’est assise sur le lit alors il a repris l’avantage avec ses longues jambes. Il ne craint plus de se bouffer la pire claque de sa vie. La voix de Molly se teinte d’une tristesse qui le surprend. Il ne s’agit plus de sauver un poisson rouge qui n’est pas en danger ou de défendre son honneur. Sa tristesse est vraie, et elle provient du plus profond de son ventre, qu’elle a entouré de ses bras. Silencieux, il écoute ses mots sans jamais en comprendre complètement le sens, parce qu’il ne la connait pas, sa colocataire. Ils se croisent parfois mais c’est tout. Il connait son nom et c’est tout. « peut-être que je devrais aller prendre une douche, non ? Ouais si peut-être que je devrais aller prendre une douche. » Une grimace surprise lui étire le visage. « Qu-quoi ? » Le changement de sujet s’est fait si brusquement. C’est encore Molly qui divague ou en a-t-il perdu quelques morceaux, de ce numéro grotesque ? Attendez... C’est contagieux, la consommation de médocs qui ne sont pas de la drogue selon la droguée ?  

« T’es marrant quand même comme type… » Cette fois, il fronce les sourcils. « Ça ne m’amuse plus, Molly. » Ça ne l’a jamais amusé, en fait. Il est paniqué. Il a envie d’appeler Andrea pour qu’elle le sorte de là, mais ce ne serait que lui refiler le sale boulot. Elle lui ferait payer d’une manière ou d’une autre. « Tu as parlé d’une douche. » Il reprend, se redressant le dos pour se donner l’impression qu’il sait ce qu’il fait : « Ça va t’aider, tu crois ? Pour que tu redeviennes normale et que tu arrêtes de me faire peur ? » Il aime bien les douches, lui, parce qu’elles ont quelque chose de thérapeutique. Rien de mieux que de vivre une peine du cœur en petite boule sous le jet brûlant.  

Strong feelings are fine,
it's the overreactions that mess us up.

 @Raphael Elly
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« Non, je n’ai pas dit ça ! J’ai pas dit que j’allais faire quoi que ce soit ! » Il se défend du mieux qu’il peut contre des armes qu’il ne connaît pas. Elle non plus ne les connaît pas. Mais elle le voit se faire de plus en plus petit et elle a le sentiment de devenir une géante. Au lieu de se calmer en le voyant se retrécir, elle décide de laisser les rênes à ce grain de folie et se met à parler un peu plus fort. Et, il prend pour tout le monde. Il prend pour les paroles de Megan, de Damon, pour tout ceux qui se permettent de la juger. Il prend pour tout le monde car il est là au mauvais moment, au mauvais endroit. « Non ! Si, enfin, non, je ne sais pas vraiment ça ressemble à quoi un toxico mais tu… tes yeux ils sont … et ton comportemtn est inhabituel alors … » Elle plisse les yeux, posant les mains sur ses joues qu’elle tire vers le bas en se dirigeant vers le miroir qui trône sur un mur de sa chambre. Elle se fixe tout en fronçant les sourcils. Ses pupilles sont dilatées mais elle se refuse de le voir. « Ça, c’est parce que je suis timbrée si t’avais pas remarqué », dit-elle d’une drôle de voix rieuse. Elle est folle. Elle l’admet parfois. Parfois, elle accepte son petit grain de folie. Cette possessivité maladive. Sa peur cruelle de l’abandon. Et son autodestruction qui la poursuit depuis toute petite, y’a qu’à regarder ses cuisses sur lesquelles elle a passé plusieurs années de son adolescente à transformer en œuvre d’art abstraite et sur lesquelles désormais trônent de trop nombreuses cicatrices blanches.

Elle inspire et expire profondément, ne se souvenant même plus de la raison pour laquelle ils ont commencé à parler. Aller prendre une douche. Calmer ses ardeurs, comme le disait son père. Il faut qu’elle se calme. « Qu-quoi ? » Elle ignore. Elle ignore la remarque, la surprise. A la place, elle pose les mains sur le haut de son crâne tout en enfonçant la tête entre ses épaules.

« Ca ne m’amuse plus, Molly. Tu as parlé d’une douche. Ça va t’aider, tu crois ? Pour que tu redeviennes normale et que tu arrêtes de me faire peur ? » Les mains se retirent du haut de son crâne et viennent pendre au bout de ses bras maigrelets le long de son corps. Il a peur. Peur d’elle ou peur pour elle ? Elle aimerait le lui demander. Mais, elle a bien trop peur de la réponse, elle. Personne ne s’inquiète jamais pour elle. Ils ont tous peur qu’elle éclabousse leur vie de sa propre merde. C’est ça le vrai problème. « Spoiler alarme, je suis pas normale. » Elle sourit. « Mais ça va aller, je vais pas te tuer dans ton sommeil si c’est ce dont tu avais peur. Je ne vais pas non plus mettre le feu à l’appart …. », elle lève les yeux au plafond à cette remarque. « J’ai goûté des médoc’s qui n’étaient pas à moi ... », elle hausse les épaules, « je te le conseille pas. J’ai la tête qui implose … j’ai l’impression que ma tête et mes pensées vont plus vite que mon corps … » Elle étouffe un rire. « La douche, ça va aider. »

« Ça, c’est parce que je suis timbrée si t’avais pas remarqué » L’autodérision, Raphael apprécie généralement. Il en fait usage très souvent d’ailleurs parce qu’il ne sait pas recevoir les compliments, et ça le gêne jusque dans son cuir chevelu. Mais, en ce moment, il n’a pas envie de faire face à un clown parce qu’il ne sait pas distinguer le vrai du faux dans cette comédie de mauvais goût que lui joue Molly. S’il ne doute pas que la jeune femme peut avoir gardé un cœur d’enfant, il est certain que cette attitude nocturne ne résulte pas d’un désir de préserver sa jeunesse. Il est certain qu’elle a consommé quelque chose d’illégal et il ne sait pas s’il est plus répugné par l’idée qu’elle l’ait fait entre les quatre murs de son appartement ou par le simple fait qu’elle soit du genre à chercher les paillettes artificielles et dangereuses. Il ne la connait pas du tout, et cette vraie rencontre lui déplait – le rend mal à l’aise. C’est Molly qui a besoin d’une bouée mais ce sont ses mains qui en cherchent une, parce que sa tête menace de s’enfoncer sous l’eau. « Je n'ai pas eu le temps de remarquer beaucoup de choses à ton sujet. » Il admet à voix basse, leurs interactions ayant été très limitées depuis son emménagement.

Une douche. Elle a parlé de douche. S’il l’enferme dedans (et reste près par sécurité, bien sûr), ça lui évitera de supporter ses pupilles perçantes dont les diamètres ont doublé. Il a presque l’impression qu’il y en a une plus large que l’autre, d’ailleurs, et ce constat lui donne des airs de personnage de dessin animé.  « Spoiler alarme, je suis pas normale. » Ça ne l’aide toujours pas. Elle détourne le sujet et, Raphael, il a seulement envie de la pousser sous le jet de la douche pour qu’elle redevienne normale, peu importe comment se caractérise sa normalité à elle. « Mais ça va aller, je vais pas te tuer dans ton sommeil si c’est ce dont tu avais peur. Je ne vais pas non plus mettre le feu à l’appart …. » Son nez de froisse. « Est-ce qu’on est vraiment sûrs de ça… » Il bredouille pour lui-même, peu rassuré. « J’ai goûté des médoc’s qui n’étaient pas à moi ... » Ce n’était pas les siens non plus. Et aux dernières nouvelles, Andrea ne carbure pas aux pilules, mais il pourrait se tromper. S’il a eu une longue discussion avec elle récemment, ils ne sont pas entrés dans les sujets les plus intimes. Ils sont presque restés à la superficie, comme le font des amis de circonstance. Raphael en a beaucoup, des amis de circonstance, d’ailleurs. Molly en faisait partie, jusqu’à ce qu’elle dévoile le côté effrayant de sa personnalité. « je te le conseille pas. J’ai la tête qui implose … j’ai l’impression que ma tête et mes pensées vont plus vite que mon corps … » Il peine à classer les informations dans sa tête, tellement elles déferlent à vive allure, mais il fait de son pied pour relever le plus important : « C’étaient les pilules à qui, et quel genre de prescription ? » Doit-il appeler l’hôpital pour que des professionnels lui enfoncent un aspirateur dans l’estomac ? En tout cas, il ne se porte pas volontaire pour lui enfoncer l’index dans la bouche. Passe ! Le prochain candidat est demandé à la barre.

« La douche, ça va aider. » Parfait ! Ça, il peut le faire. Se dirigeant automatiquement vers la sortie de la chambre, il l’invite à le suivre. Il doit cependant insister un peu, parce que la jeune femme se perd à la contemplation de n’importe quel objet jonchant ses armoires et les bureaux. Il finit par lui prendre – doucement – le poignet pour la guider jusqu’à la salle de bains. Hésitant, il décide de tâter le territoire pour ne pas proposer une idée qui le rendrait encore plus mal à l’aise. Il espère qu’elle saura se déshabiller seule, qu’elle saura aussi ne pas s’évanouir dans la cabine. Ce qu’il peut faire pour l’instant, c’est ouvrir le jet d’eau et le mettre à bonne température. Pas trop chaud, quand même, pour éviter de la faire hurler plus qu’elle n’hurle déjà. « Tu crois pouvoir survivre seule ou tu préfères que je reste près de toi ? » S’il pose la question, c’est par politesse ; il préférerait qu’elle lui assure qu’elle s’en tirera comme une grande même s’il doit tourner le dos.  

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 @Raphael Elly
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« Je n'ai pas eu le temps de remarquer beaucoup de choses à ton sujet. » Molly, elle prend ça pour un compliment. La vie lui a appris une chose ou elle a décidé d’apprendre une chose de la vie : moins ils en savent sur elle, mieux elle se porte. Et quand on parle de “ils”, on englobe tout le monde. Les amis. Les collègues. Les membres de la famille. Les voisins. Les colocataires. Toutes les personnes qui croisent son chemin ne doivent pas trop en savoir sur son sujet. Ça évite de donner des armes contre elle. Un principe débile auquel elle s’accroche depuis bien trop longtemps pour le changer. Il avait beau être son colocataire, il ne connaissait pas trop d’elle. Et tant mieux d’ailleurs. « Est-ce qu’on est vraiment sûrs de ça ... » Bien sûr que non. Il ne connaissait rien d’elle et elle ne disait pas grand chose sur sa vie privée. Tout était possible. Non ?

Mais, elle finit par avouer sa consommation quelque peu spontanée de médicaments qui ne sont pas vraiment prévus à cet effet. Peut-être pas pour rien qu’on ne les trouvait pas en droguerie ces pilules. « C’était les pilules à qui, et quel genre de prescription ? » La question la bouscule un peu. Elle passe une main dans ses cheveux, fait même tourner une mèche brune entre ses doigts tout en fixant son plafond. Quel genre de prescription ? Le genre de prescription qui attire ô combien sa curiosité. « Hm », commence-t-elle par dire sans arrêter de faire tourner sa mèche de cheveux autour de son index. Elle ne prétend pas réfléchir : elle est vraiment en train de se creuser les méninges. « Biphetamine, je crois … Drôle de se dire que c’est ce que prennent ceux qui ont des troubles du comportement », qu’elle ajoute en concluant d’un éclat de rire nerveux. Mauvaise idée. ça avait été une mauvaise idée mais pour l’heure, elle en riait. Les émotions étaient des montagnes russes. Entre euphorie et paranoïa.

Elle sursaute presque en sentant sa main s’enrouler autour de son poignet pour la sortir de son analyse alambiquée. Molly le suit du regard, les bras croisés et c’est uniquement quand elle comprend être dans la salle d’eau qu’elle comprend … et laisse échapper un « ah ». « Tu crois pouvoir survivre seule ou tu préfères que je reste près de toi ? » « T’inquiètes ! Je gère ! », qu’elle finit par répondre en réunissant sa crinière en un chignon non-organisé sur le haut de son crâne. Et, le fait qu’elle commence à se débarrasser de ses vêtements est sans doute le signe qu’il peut quitter la pièce.

C’est après plusieurs minutes et après avoir chanté plusieurs chansons que Molly finit par sortir, vêtue d’un jogging en coton et d’un tee shirt bien plus grand qu’elle. Et c’est quand elle croise le regard de Raph qu’elle ne comprend absolument pourquoi il la regarde comme ça. Elle lève un sourcil. « Ça va ? »

Biphetamine, donc. Encore une fois, Raphael ne connait pas ce nom, et il doit le répéter trois fois dans sa tête pour ne pas l’oublier. Il a bien l’intention de sortir Google pour s’informer un peu des dangers de ce médicament. Molly n’est pas dans un état normal et il craint que ça s’empire. Que ferait-il si le pire scénario se produisait ? Serait-il assez rapide pour la rattraper si elle perd soudainement le contrôle de ses jambes et qu’elle tombe à la renverse ? Il ne veut pas avoir un mort dans ses bras, encore moins dans sa conscience. C’est dans l’optique d’éviter le pire qu’il l’accompagne jusqu’à la salle de bains, où il lui demande si elle pourra arriver à s’éclaircir les idées sans son aide. Quand il sent une crise d’angoisse pointer le bout de son nez, Raphael s’enferme sous la douche et le mélange d’eau brûlante et de bulles à la fraise lui permettent de calmer son rythme cardiaque. « T’inquiètes ! Je gère ! » Elle l’assure, mais ça ne le rassure pas. Il n’a pas l’impression de pouvoir croire tout ce qu’elle raconte. Un morceau de son cerveau est tombé dans son aquarium. « D’accord. » Il répond pour lui donner un semblant de confiance en elle, mais, par sécurité, il décide de ne pas trop s’éloigner de la sortie. Quand elle se met à se dévêtir, c’est son signal pour s’en aller. Il se refuse de regarder sa peau nue, se pose même la main devant les yeux comme un enfant sage, et il ferme le battant de la porte à moitié. Il laisse une mince brèche entrouverte pour s’assurer de bien entendre ce qui se passe dans la petite salle, où s’élève bientôt un rideau de vapeur. Tandis que Molly est occupée à chanter comme une casserole, il sort son téléphone de sa poche et se met à la recherche des informations manquantes.

Pendant un instant, il oublie le nom. Bi… Bita… Bitruc… Puis, après avoir essayé plusieurs combinaisons de syllabes, il trouve les bonnes. Biphetamine, c’est ça. Son doigt fait défiler la page de renseignement ; ça parle d’un médicament qui traite le TDHA et la narcolepsie. Hauts risques d’addiction. Augmentation de risque cardiaque, envoie de dopamine dans le cerveau. Tandis qu’il déchiffre chacun des termes, il se rend compte d’une chose : il n’a aucune idée de ce qu’il est écrit là. Il se tient beaucoup trop loin des médicaments et prend une aspirine seulement quand sa migraine lui donne envie de s’enfoncer la tête dans le congélateur. Les recherches se prolongent, ses yeux sont noyés de nouveauté et il fait de son mieux pour comprendre tout. Il retient une chose : cette pilule est addictive, et les symptômes de la surdose se rapprochent de ceux que présente Molly. Les hallucinations (parler à son poisson), l’agressivité, le discours étrange. Alors, quand elle sort enfin de la salle de bains, il redresse la tête, ferme son téléphone et le sert fermement dans ses doigts. Il se tient le dos droit et lui offre un sourire incertain. « Ça va ? » Il opine du chef, passe sa main dans ses cheveux. « Oui, super, oui et eum… » Il hésite, n’a pas envie qu’elle lui gueule encore dessus parce qu’il ne sait pas gérer les adultes, seulement les enfants. « Tu sais combien de pilules tu as pris ? » Il a oublié de respirer. « Parce que je ne voudrais pas que tu… Enfin… J’ai regardé sur Google et ça peut être dangereux, la Biphetamine. » Si seulement Andrea était là pour prendre la relève…    

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 @Raphael Elly
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« Oui, super, oui et eum… » Elle fronce les sourcils en l’observant. Elle est presque impatiente, la peste. Comment peut-elle se permettre de froncer les sourcils alors que c’est elle, et elle seule, qui est venue déranger son colocataire en plein milieu de la nuit ? Du Molly tout craché. « Tu sais combien de pilules tu as pris ? » Elle penche la tête sur le côté, troublée par la question. Dans sa tête viciée, elle se demande s’il veut savoir combien il en reste. Elle connaît pas mal de potes qui commencent par ce genre de questions puis font quelques soustractions dans leur esprit – s’ils en sont capables – pour finalement lui balancer qu’ils veulent bien la dernière qu’elle possède. Elle les connaît ces petits fourbes. Il lui arrive aussi de se comporter comme ça. Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace, pas vrai ? « Parce que je ne voudrais pas que tu … enfin … j’ai regardé sur Google et ça peut être dangereux, la Biphetamine. » Elle écarquille les yeux, soupirant de soulagement tout en affichant un sourire idiot aux lèvres. « Ahhhh » Elle est soulagée de savoir que ce n’est pas un coup de fourberie mais bel et bien une vraie question. Combien de pilules a-t-elle prise ? Elle penche la tête sur le côté, et se met à agiter les doigts. Un. Deux. Trois. Quatre. Elle s’arrête et secoue la tête comme pour annuler son quatrième doigt. trois ? Elle fronce les sourcils en secouant la tête. Non, elle n’en a pas pris trois car elles ne voulaient pas se partager la plaquette avec son amie. « Si c’était vraiment dangereux, ce ne serait pas diagnostiqué par des doc’, si ? » L’anarchiste en herbe ne croit pas en la médecine. Elle déteste le principe de voir des médocs considérés comme de la drogue. Non mais oh ! Ils la donnent à certains mioches en plus alors elle peut au moins tester. Ça ferait d’elle une bonne mère, non ? « Tu te fais vraiment du souci pour moi … à savoir si j’vais clapser dans mon vomi ou dans la nuit ? » Un sourire enfantin prend place sur ses lèvres puis elle laisse échapper un rire en venant poser une lourde main sur l’épaule de Raph, plongeant son regard vitreux dans le sien.

« T’as pas à te faire de souci pour moi, cutie. Je suis une experte. Et si je venais à clapser ce soir, je ferais ça proprement pour pas trop vous donner de taff pour nettoyer ma chambre. C’est promis. » Ses lèvres s’étirent en un sourire qui se veut apparemment rassurant. L’autre main rejoint également l’autre épaule de Raph. « J’ai pas surchargé. Je vais survivre. Promis. Juré. Craché. » Et elle lève une main à la manière des scouts pour assurer qu’elle ne dit que la vérité, rien que la vérité.