Elle n'est pas douée. Elle aurait peut-être dû le préciser dès le départ. Ajouter que la dernière fois qu'elle s'était prêtée à une épreuve de tir à la carabine était il y avait au minimum dix ans et que cette fameuse fois, elle n'avait rien gagné du tout. Elle se rappelle quand même avoir réussi à faire éclater un ballon. Était-ce un coup de chance ? Probablement, parce que c'était sa dernière balle et qu'elle avait tiré sans réellement viser. Sans réellement regarder d'ailleurs, puisqu'elle savait déjà qu'elle allait rentrer bredouille. Il y avait même 50% de chance que ce soit le forain qui ait éclaté lui-même le ballon sans qu'elle s'en aperçoive afin qu'elle ne soit pas trop déçue. Aujourd'hui, le scénario n'a pas beaucoup changé. C'est sans conviction qu'elle donne un billet à l'homme qui se tient derrière le stand. Elle laisse Rose s'essayer à la tâche. Comme si elle avait réellement l'expertise nécessaire pour pouvoir appréhender son passage après avoir observé sa chère et tendre. Il n'en est rien. Pourtant, pour les beaux yeux de Rose et pour venir en aide à cette pauvre licorne prisonnière, elle se lance. Elle tente de se concentrer. Essaye de reproduire ce qu'elle a pu voir faire par les personnes qui, elles, savaient se servir d'une carabine et repartaient toujours avec un lot. En vain. Malgré toute la bonne volonté du monde, elle doit se rendre à l'évidence : elle n'est pas douée. Elle ne parvient qu'à toucher un seul et unique ballon. Parce que ça bouge bien plus vite que ça n'y paraît et qu'elle n'a pas du tout la bonne technique. Cependant, pour la suite, elle s'en remet à Rose. Elle lui laisse le choix d'une autre tentative ou d'accepter la défaite et partir sans avoir libéré la peluche. La décision de l'australienne ne la surprend pas. Elle n'en attendait pas moins d'elle. Un sourire se dessine sur son visage d'ailleurs quand elle précise la préparation qui va accompagner cette seconde tentative. “Une préparation digne d'une championne olympique. Pas de doute, je vais réussir cette fois.” Répond-elle, son sourire toujours vissé sur ses lèvres. Elle était déjà détendue, là n'était pas le problème. Cependant, elle n'allait pas rechigner, tout prétexte était bon que Rose vienne poser ses mains sur son corps. Elle se prête au jeu. Ferme les yeux comme si elle cherchait à se concentrer un maximum, telle une athlète qui imaginerait son épreuve avant qu'elle ne se joue. Elle a en revanche bien du mal à effacer le sourire de ses lèvres quand le massage de Rose se rapproche bien plus de douces caresses.

Cela dit, le résultat est là. Elle se sent plus détendue que jamais et malgré son niveau des plus déplorables, elle a l'impression que cette fois-ci, elle peut le faire si elle reste bien concentrée et fait abstraction de tout ce qui se passe autour. C'est bien évidemment lié à ce que Rose est venue lui murmurer à l'oreille. Elle est faible Itziar, très faible. “Je vais faire de mon mieux.” Lui répond-elle avant de reprendre place au stand de tir. Carabine en mains, elle se sent un peu plus à l'aise que la première fois. Le miracle se produit. Elle parvient à éclater tous les ballons les uns après les autres avant de laisser échapper un cri de victoire quand elle repose l'arme sur le comptoir. Elle n'a même pas besoin de préciser le lot qu'elle souhaite emporter avec elle. Le jeune homme décroche la licorne pour la lui donner. Elle le remercie avant de se tourner vers Rose et de la lui mettre dans les bras. “On a réussi ! On l'a sauvée ! Faut plus la lâcher maintenant.” Déclare-t-elle avant de déposer un baiser sur sa joue. “T'as vraiment un talent pour me motiver.” Ajoute-t-elle, venant doucement lui pincer les côtés. “J'ai pas oublié ce que tu m'as promis” lance-t-elle avec un clin d'oeil puis elle commence ensuite à s'éloigner du stand, il faut emmener cette pauvre licorne loin de son bourreau afin de la rassurer. “Du coup, deux choses maintenant !” Annonce-t-elle, large sourire sur les lèvres. “Il faut lui donner un nom, on peut pas l'appeler licorne tout le temps et ensuite, faut qu'on aille manger un morceau parce que c'était éprouvant cette mission évasion, je sais pas ce que t'en pense ?” Elle lui devait une glace, ça pouvait donc être le moment pour un petit goûter, ou pour manger quelque chose de plus consistant. Itziar n'était pas difficile. Tant que ça se mangeait, ça lui convenait.

Rose n'a peut-être rien fait, mais Itziar ne pense pas avoir fait grand-chose non plus. Tout au plus, elle a eu de la chance. Elle a réussi à faire exploser les trois ballons l'un après l'autre ce qui lui a permis de venir symboliquement délivrer cette pauvre licorne qui ne méritait pas de se trouver là. D'ailleurs, si elle allait même plus loin, elle pourrait aller jusqu'à dire que c'était Rose qui lui avait permis d'être si chanceuse. Elle avait été aujourd'hui son porte bonheur personnel en plus d'être une experte en matière de motivation. Ce sauvetage avait donc été un travail d'équipe couplé à une bonne dose de chance. “Oh si ! Ne sous-estime pas l'importance de ta présence dans ce sauvetage.” Répond-elle en souriant, ne pouvant s'empêcher de laisser échapper un petit rire quand la jeune femme mentionne le fait qu'elle devra bien lâcher un peu pour pouvoir serrer l'espagnole dans ses bras. Elle avait le sens des priorités. La licorne sauvée, elle n'avait finalement pas à la garder près d'elle à toute heure du jour ou de la nuit. Elle était à présent en sécurité et le serait d'autant plus ce soir quand elles l'auraient installées dans leur cocon. Non, pas de doute, elle était maintenant entre de bonnes mains et n'aurait plus jamais à se soucier de la malice de quelconque forain voulant la faire prisonnière. “Je m'en doutais, mais je préférai te le rappeler, au cas où tu penses que moi, j'avais oublié.” Lance-t-elle en riant. Les étourderies de Rose ne lui étaient pas inconnues. Elle ne comptait plus le nombre de fois où la jeune femme était partie sans son téléphone ou sans ses clés par exemple. Elle savait cependant que l'australienne avait pourtant une très bonne mémoire et qu'il y avait des choses qu'elle n'oubliait pas. Tout comme Itziar d'ailleurs, qui avait presque un don particulier pour retenir tout ce qui pouvait la concerner de près ou de loin et l'intéresser. Le choix du nom de la peluche était une de ces choses, bien que cela ne la concernait pas réellement, elle trouvait ça important. Parce qu'il fallait la personnifier un peu plus, tout en lui donnant de la personnalité. Alors, pour marquer le coup de la fin de sa captivité, il fallait lui donner un prénom. Elle n'attendait pas moins de Rose, à l'âme d'enfant et la créativité légendaire pour trouver le prénom parfait. “J'adore Dreamy. C'est joli et c'est parfait pour une licorne.” Répond-elle en souriant. Elle s'approche ensuite de la peluche, dans les bras de Rose. "Ça va Dreamy ? Qu'est-ce que tu penses de ce prénom ? Ça te convient ?” Demande-t-elle, se penchant comme si la licorne allait murmurer à son oreille avant de se relever et de regarder Rose, tout sourire. “Elle vient de me dire qu'elle aussi elle trouvait ça parfait, elle n'aurait pas pu rêver mieux.” Dit-elle avant de venir déposer un bisou sur la joue de Rose. la styliste lui confirme que manger un morceau ne serait pas de trop. Son estomac vient même confirmer ses dires en se faisant entendre, comme si la famine le guettait. Elle se laisse donc de nouveau entraîner dans les allées. Elle ne sait pas si Rose à vraiment une idée précise de ce qu'elle veut manger ou si elle se laisse juste porter à la recherche du stand qui lui ferait envie. Itziar penche plutôt pour la deuxième option, d'autant plus quand elles passent au hasard devant un stand vendant des crêpes semblant attirer l'attention de sa chère et tendre. “Je vais me prendre la même chose et je pense même rajouter un peu de chantilly dessus.” Annonce-t-elle en souriant. “Tu veux qu'on s'assoit pour manger, il y a quelques places libres.” propose-t-elle dans la foulée. Parce qu'avec Dreamy sur les épaules, il ne lui paraissait pas très aisé de manger sa crêpe sans en mettre partout. Elle laisse donc Rose s'asseoir pendant qu'elle va chercher les crêpes. Elle en profite pour commander un coca et un jus de pomme puis elle demande une petite faveur au vendeur. Une bougie, juste pour marquer le coup un peu plus. Il ne trouve pas de bougie d'anniversaire à proprement parler, mais il lui trouve une petite bougie chauffe plat qui fait parfaitement l'affaire. A cet instant précis, quand elle doit faire les quelques mètres qui la séparent de la table, les bras chargés de crêpes et de boissons, elle est contente d'avoir de l'expérience en tant que serveuse pour ne rien faire tomber. C'est donc avec un large sourire sur les lèvres qu'elle arrive devant sa reine. “Joyeux anniversaire, mon amour. Oublie pas de faire un voeux avant de souffler. Même si le jour est passé et que c'est pas une vraie bougie, ça compte.” Déclare-t-elle en s'asseyant.

Dreamy venait effectivement d'hériter des meilleurs parents du monde. Pour la seule et unique raison que Rose faisait partie de l'équation. S'il n'avait été question que d'Itziar, elle aurait sans doute été un peu moins bien lotie. Quoi que, elle avait la chance de ne pas nécessiter beaucoup de soin ni d'attention ce qui jouait en faveur, puisque l'espagnole ne risquait pas de faire quelconques bourdes qui auraient été terribles avec de vrais enfants. Non, c'était vrai, elle avait les meilleurs parents du monde et elle avait bien de la chance. D'ailleurs, pour se féliciter d'être les meilleures dans ce domaine, elles méritaient bien une petite pause sucrée. En plus d'être les meilleurs parents du monde, elles étaient sans doute les plus gourmandes aussi. Il n'y en avait pas une pour rattraper l'autre à ce sujet et Rose connaissait parfaitement les préférences culinaires de la blonde. Il était évident que par ‘un peu' de chantilly, elle voulait dire par là qu'elle allait demander au vendeur de lui mettre une double dose, mais ça, elle ne l'avouerait pas à voix haute. Elle se contente donc de porter un doigt à ses lèvres, prétendant qu'il s'agissait d'un secret et qu'elle ne pouvait pas en dire plus. Elle ajouta un clin d'œil avant de s'éloigner de la table pour aller commander. Elle avait quelque chose en tête. Une petite surprise. Pour marquer un peu plus le coup de cette journée. Rien d'incroyable non plus. Il n'était pas toujours nécessaire de mettre les petits plats dans les grands pour faire plaisir. L'intention comptait souvent plus que le reste. Ou tout du moins, c'était comme cela qu'elle fonctionnait. Ca n'avait pas toujours été le cas, mais elle n'était plus la petite fille capricieuse et pourrie gâtée qu'elle avait pu être avant d'arriver à Brisbane. Aujourd'hui, elle faisait avec les moyens du bord et elle remercia sincèrement le vendeur qui avait bien voulu rendre ce moment un peu plus spécial. Elle le referait cent fois s'il fallait, rien que pour voir le regard pétillant de Rose quand elle découvre cette surprise improvisée. La jeune femme avait déjà eu le droit à un gâteau, le jour de son anniversaire. Elle avait déjà soufflé ses bougies et sûrement déjà fait un vœu, mais deux fois valaient mieux qu'une. Rien n'était trop beau pour Rose. Alors, elle ne veut surtout pas qu'elle oublie de faire un vœu, même si en théorie il ne s'agit ni d'un gâteau, ni d'une bougie d'anniversaire. Tant qu'elle y pensait suffisamment fort, il n'y avait pas de raison que cela ne marche pas de la même manière. “J'espère aussi. Mais ne me dit surtout pas ce que c'est hein, c'est la règle d'or, je t'apprend rien.” Répond-elle en souriant. Rose était toute aussi familière de cette coutume qu'elle ne l'était, mais elle connaissait aussi ses étourderies. Elle savait qu'elle pouvait lâcher le morceau sans le vouloir, juste parce qu'elle serait un peu trop dans le moment. “Par contre, le jour où il se réalisera tu me le diras !” ajoute-t-elle en souriant. Parce qu'elle était tout de même curieuse de savoir ce qu'avait bien pu être ce vœu. De même, elle se demandait s'il était le même que celui qu'elle avait formulé le jour de son anniversaire, afin de le renforcer en quelque sorte ou si elle en avait choisi un nouveau.

Elle enlève ensuite la bougie qui était posée sur la crêpe et laisse Rose récupérer son goûter. Un rire s'échappant de ses lèvres quand cette dernière vient se servir un peu de chantilly avec son doigt. Pour vérifier qu'elle n'est pas empoisonnée. Rien de plus, bien évidemment. Cela n'a rien à voir avec sa gourmandise légendaire. “Oh ! J'ai ma propre goûteuse, maintenant ? Je suis donc une vraie princesse.” Déclara-t-elle en plaisantant. Laissant Rose goûter la chantilly avant de commencer à manger. On ne sait jamais après tout. Il est donc plus judicieux de la laisser gouter. Le verdict ne se fait pas attendre. La chantilly n'a pas été mélangée avec quelques gouttes de poison et comme pour confirmer ses propos, la styliste approche cette fois-ci son doigt de sa bouche. Elle aurait dû le voir venir. C'était gros comme une maison. Quiconque connaissait Rose se serait méfié. Elle, plus que les autres aurait du se méfier et réaliser que l'australienne avait une idée derrière la tête. Que cette chantilly n'avait jamais eu d'autre destination que le bout de son nez. “Roooseeee.” Lance-t-elle en riant. “J'ai du mal à croire que c'est moi la maladroite quand c'est toi qui ne sais pas viser.” Continue-t-elle en plaisantant alors que Rose vient s'installer à côté d'elle. Décidée à l'aider pour réparer les traces de ses bêtises. “Je sais pas ce que je ferai sans toi.” Déclare-t-elle. Elle le dit en plaisantant, pour rebondir sur la remarque de l'australienne, mais en réalité, elle le pense réellement. Pas juste pour aujourd'hui dans cette situation particulière. L'australienne faisait partie de sa vie et avait sans doute la place la plus importante. Elle ne pouvait pas imaginer se réveiller un jour et que celle-ci ne soit pas à ses côtés. C'était elle et personne d'autre. Elle ne voyait pas les choses autrement. Persuadée qu'elle n'avait jamais ressenti autant d'amour pour une seule personne. Elle ne pouvait se passer d'elle. De sa malice ou même de sa douceur. Elle savait habilement jongler entre les deux, comme elle le démontrait en venant essuyer la chantilly avec une serviette en papier avant de venir l'embrasser tendrement. “Moi aussi, je t'aime. Pour toujours.” Ajoute-t-elle, aussi cul-cul que cela puisse être. Puis elle se rend compte que Dreamy en est tombée de sa chaise. “Dreamy ! Oh non. Elle est tombée.” Lance-t-elle, se levant pour la récupérer. “Je crois qu'elle a jamais vu autant d'amour, ça a dû être un peu trop d'émotions.” Après tout, elle était jusqu'à présent séquestrée, il ne fallait pas l'oublier. “Je crois qu'il faut que tu lui fasses un câlin pour la rassurer.” Déclare-t-elle ensuite, tendant la peluche à Rose. “Va falloir qu'elle s'habitue quand même, sinon elle risque de passer son temps à tomber à la renverse, la pauvre. D'ailleurs quand tu me fera mon massage vaudra mieux la laisser dans une pièce je pense.” Plaisante-t-elle, s'asseyant pour manger sa crêpe, pour de vrai, cette fois-ci.

Itziar connaissait les ficelles. Elle avait suffisamment d'expérience dans la malice pour savoir comment profiter un maximum des petites attentions que Rose pouvait lui apporter. Alors, il n'était pas improbable qu'elle prétende avoir besoin d'être rassurée pour une raison ou une autre. Peut-être à cause d'une des attractions que l'australienne souhaitera faire un peu plus tard dans la journée. Si ce n'était pas cela, ce serait autre chose, qu'elle trouverait en y réfléchissant quelques minutes. Elle n'abuserait pas cependant. Elle ne le faisait jamais. Elle savait de toute façon que Rose n'était pas avare de tendresse. Elle n'avait donc pas de soucis à se faire. Dreamy non plus d'ailleurs. Comme le faisait remarquer, à juste titre, la styliste, la licorne allait s'habituer à son nouvel environnement et à tout ce qui le composait. Elle n'allait pas être seule. Elle avait deux autres copines qui l'attendaient à la maison et qui allaient être en mesure de lui apprendre toutes les ficelles. Dans quelques jours, il ne sera donc plus question de tomber à la renverse au moindre moment de surprise. “Tu as raison. Elle va être vraiment très bien entourée et elles aussi vont être contentes d'avoir une amie en plus.” Parce que oui, elles étaient vivantes ces peluches. N'en déplaise à ceux qui avaient égaré leur âme d'enfant quelque part entre l'adolescence et l'âge adulte. Elles ne bougeaient pas, mais c'était comme tel. Elles avaient leurs propres conversations, leur propre personnalité également. Elles étaient des occupantes à part entière de l'appartement et Itziar ne changerait ça pour rien au monde. Peut-être même que d'autres viendront s'ajouter à la bande avec le temps. Ca ne la dérangeait pas plus que cela. Elle savait que cela faisait plaisir à Rose et par extension, cela lui faisait plaisir à elle aussi. Le bonheur de Rose était tout ce qui comptait à ses yeux.

Elle devait cependant avouer que les massages étaient extrêmement importants. Ils arrivaient sans aucun doute en haut de la liste des choses qui lui étaient nécessaires. Parce qu'elle avait découvert ce que c'était que d'avoir mal au dos quand elle avait commencé à travailler en tant que barmaid, mais aussi parce qu'elle ne pouvait se passer des sensations que lui procuraient les mains de Rose parcourant son corps. Elle n'en abusait pas pour autant non plus. Rose n'était pas masseuse de profession et n'était donc pas seulement là pour la masser dès qu'elle revenait du travail. Cependant, elle en profitait dès que l'occasion se présentait et n'oubliait jamais les promesses ayant un massage en guise d'enjeu. Elle n'avait pas non plus oublié la manière dont avait dévié le dernier massage que Rose lui avait fait et elle pouvait affirmer qu'il était donc bien plus opportun pour Dreamy de rester au salon. Là, elle pourrait regarder la télévision ou faire une sieste sur le canapé. “Ca me semble bien plus sage.” répond-elle, sourire narquois dessiné sur les lèvres. A l'instar du moment qu'elles avaient fini par partager quand les mains de l'australienne étaient devenues plus baladeuses et plus insistantes. C'était le risque avec les massages. Bien que, selon Itziar, il y avait débat sur la notion de risque. L'heure n'était cependant pas au début. Il était à la dégustation des crêpes qui n'attendaient qu'à être mangées. Itziar ne perd pas de temps, son nez enfin libre de toute crème chantilly, elle en profite comme il se doit et invite Rose à en faire de même. Rose, ou devrait-elle plutôt dire, Miss catastrophe ? Rose qui se tâche à la première bouchée. Elle aurait pu le prévoir, Itziar. Elle l'avait déjà vu faire. Elle avait déjà assisté à ce même scénario et elle n'a pourtant même pas eu l'idée de la mettre en garde. “Il me semble que c'est toi qui commentais ma maladresse imaginaire.” Lance-t-elle en riant avant d'ajouter “Comment on dit déjà ? L'hôpital qui se fout de la charité ?” Elle lui tire la langue, pour ponctuer sa phrase parce que c'est de bonne guerre et qu'elle a bien l'impression d'être face à un cas d'arroseur arrosé. Elle ne peut s'empêcher de rire cependant. Cette mésaventure représente tellement Rose qu'elle a l'impression que c'est fait exprès. Ou tout du moins, que l'univers avait remarqué ne pas avoir eu l'occasion de mettre en avant la maladresse de la jeune femme jsuqu'à présent, mais avait vu une opportunité qu'il fallait saisir. “C'est vrai que ça donne un style. Pas le meilleur selon moi, mais tu sais, j'y connais rien à la mode. Si ça se trouve ce sera la nouvelle tendance cet été.” Plaisante-t-elle. Après tout, l'experte en mode, c'était bien Rose et si elle commençait à ajouter des tâches à toutes ses créations, peut-être que ce deviendrait le nouveau must à avoir dans sa garde-robe. Pour l'heure cependant, Itziar n'est pas totalement certaine. “Tu veux que j'aille chercher de l'eau avec un chiffon propre pour nettoyer un peu ? Ou alors ça va empirer les choses ?” Demande-t-elle. Encore une fois, c'était Rose l'experte pour ce qui étaient textiles et entretien. “Dans le pire des cas, si ça part pas, il y aura un souvenir de cette journée gravé à jamais. En plus de Dreamy qui sera elle aussi là pour nous la rappeler.” Plaisante-t-elle. Il fallait voir le bon côté des choses après tout.

Elle reconnaissait bien là, l'âme créative de Rose. Cette même âme qui lui permettait de faire des merveilles dès qu'on lui donnait un peu de tissu et l'installait devant une machine à coudre. Elle avait un talent pour visualiser le rendu d'un vêtement et de le modeler à sa façon. Ça n'étonne donc même pas Itziar que ce concept, qui n'en est pas réellement un, de créer une robe que chaque client pourrait tâcher à sa guise vienne à l'idée de Rose. Elle trouve d'ailleurs que ça n'a rien d'idiot comme idée. Elle est certaine que cela pourrait fonctionner. Après tout, les gens adoraient les vêtements tie and dye qui une fois complètement délavés par la javel étaient uniques. Tacher ses vêtements soi-même pourrait être un concept similaire bien qu'il serait éphémère. On pourrait donc imaginer quelque chose qui permettrait de personnaliser un vêtement à l'infini. Une nouvelle pièce après chaque lavage. Faudrait il encore décider avec quoi le tâcher pour que cela s'efface facilement. Du chocolat ou de la sauce tomate par exemple ne seraient pas forcément des bonnes options puisqu'elles n'auraient pas le mérite de partir facilement avec un simple lavage en machine. “Je suis sûre que ça pourrait fonctionner en plus. Ca plairait autant aux enfants qu'aux adultes. Chacun serait content de personnaliser son vêtement.” Elle était sûre que certains se montreraient même extrêmement créatifs, réfléchissant très sérieusement à la manière dont ils pourraient personnaliser leur pièce. D'autres seraient sans doute un peu plus freestyle, se laissant porter par le moment et tachant le vêtement selon leur humeur du jour. “Il pourrait même y avoir plusieurs types de tâches, du genre, tâches qui partent à la machine avec des choses facilement lavables, mais pourquoi pas aussi des tâches permanentes avec des teintures pour vêtements. Ca pourrait vraiment être tout un concept.” Déclare-t-elle en souriant. Il fallait bien évidemment que les personnes en question apprécient les vêtements tâchés. Ce n'était pas forcément du style de tout le monde, mais, elle y voyait quand même un concept qui pouvait être prometteur. “On pourrait peut-être même expérimenter à la maison un de ces quatre, voir ce que ça pourrait donner ?” Propose-t-elle. Parce qu'après tout, il fallait bien sûr tester cette supposition et vérifier que cela rende réellement quelque chose de joli. Cependant, peut-être pas avec la jolie robe de Rose et peut-être pas non plus avec du chocolat réputé difficile à éliminer. C'est pour cela qu'elle va chercher de l'eau et propose à sa reine de nettoyer un peu, histoire de ne pas laisser le temps à la tâche de s'incruster un peu trop en profondeur. Une croyance qui n'était peut-être même pas réelle, mais soit. “Si tu acceptes les dédommagements en massages, je vais peut-être tremper la serviette dans le chocolat plutôt que dans l'eau … sans faire exprès bien sûr.” Plaisante-t-elle. Toute excuse était bonne pour être tactile envers l'australienne. Elle avait besoin de contact physique, Itziar. Que ce soit une main sur la cuisse ou dans le bas du dos, ou simplement être assise au plus près d'elle. C'était sa manière d'exprimer ses sentiments, son affection. Elle ne faisait pas forcément dans les grands discours.

Avec tout ça, elle en avait presque oublié la photo. Premier souvenir indélébile de cette journée qui, elle l'espérait, était à la hauteur des attentes de sa reine. Elles pourraient même l'encadrer une fois rentrées chez elles et poser le cadre dans le salon pour pouvoir y jeter un œil quand elles le souhaiteraient. “C'est vrai ! Avec cette opération commando pour délivrer Dreamy et mon estomac qui a commencé à crier famine, j'en avais oublié la photo. Ca fait un souvenir de plus alors.” Se corrige-t-elle en souriant. Et la journée n'était pas finie. Elles avaient encore le temps d'en créer quelques autres, des souvenirs. Tous aussi précieux les uns que les autres. D'ailleurs, Rose semble déjà avoir une autre idée d'un nouveau souvenir qu'elles pourraient se créer pour aujourd'hui et c'est un large sourire qui se dessine sur les lèvres d'Itziar quand elle comprend les intentions de Rose alors que la main de la jeune femme vient se poser sur sa nuque. Elle se laisse aller à ce baiser passionné laissant tout son amour s'exprimer dans cet échange. Échange qui à un goût de trop peu quand Rose se recule et détache ses lèvres des siennes. “Je crois que ce sera mon souvenir préféré de cette journée.” Déclare-t-elle en souriant avant d'ajouter. “Mais je crois qu'il faut que je vérifie pour être sûre.” C'est elle, qui vient cette fois-ci poser sa main dans la nuque de Rose pour approcher son visage du sien et l'embrasser à son tour. Elle y met toute la passion que l'australienne avait pu mettre dans leur précédent baiser avant de se reculer. “Oui, j'en suis sûre, c'est ça mon souvenir préféré.” Déclare-t-elle. Convaincue. Bien que la journée ne soit pas finie et que bien d'autres moments les attendaient.

Elle fait la moue, Itziar, à l'instant même où Rose prononce le mot “nettoyer”. Elle n'est pas une grande fan de ménage. C'est une réelle corvée pour elle. De la vaisselle à l'aspirateur en passant par le linge à laver, ce n'est pas son truc. Elle est persuadée que c'est parce qu'elle n'a jamais été habituée à ça quand elle était jeune. Ses parents avaient toujours eu une femme de ménage qui faisait tout à la maison et jamais elle n'avait vu sa mère ne serait-ce que sortir les poubelles. Elle n'avait donc jamais eu à mettre la main à la patte et elle avait découvert en arrivant à Brisbane que si elle ne prenait pas tout cela en charge, personne ne le ferait pour elle. Ce qui n'était absolument pas envisageable puisqu'elle n'appréciait guère plus la saleté que le ménage. Elle avait donc du se faire violence. Elle continuait d'ailleurs, d'autant plus depuis qu'elle avait emménagé avec l'australienne puisqu'il n'était pas question de la laisser tout faire. Le partage des tâches se devait d'être équitable. Il fallait donc penser à une solution pour que l'idée ne tombe pas à l'eau et pour qu'elles ne se retrouvent pas avec une tonne de ménage à faire. Ca tombait bien, puisque l'espagnole ne manquait pas de ressources quand il s'agissait de se faciliter la vie. “On pourrait toujours mettre une bâche ou quelque chose pour protéger le sol. Il suffira de l'enlever et le jeter à la fin comme ça, pas de ménage à faire, mais pourtant on se sera amusées.” Propose-t-elle en souriant. Une solution facile, mais qui lui semblait plutôt efficace et permettrait de ne pas venir saccager le sol de l'appartement. Un ménage qui pourrait également être fait en quelques secondes avec cette technique à considérer sérieusement. Enfin, peut-être pas aussi sérieusement que des dédommagements à coups de massages. Ca semblait être la meilleure monnaie d'échange et devrait peut-être devenir universel. Bien qu'il y aurait sans doute des dérives et des personnes qui trouveraient le moyen d'en abuser. Un peu comme Rose, qui semble être experte pour tourner à son avantage les paroles de l'espagnole. “Ah non, c'est pas ça que j'ai dit. Mais si tu en fais trop, à force je vais croire que tu as vraiment adopté l'idée de ces tenues tachées de manière éphémère." Répond-elle avec un sourire avant d'ajouter. “Par contre, s'il y a des bons cookies dans l'équation, ça pourrait se négocier.” Il était bien connu qu'Itziar était une grande gourmande, la preuve en était la crêpe au chocolat et à la chantilly qu'elle était en train de terminer. Elle n'aimait pas cuisiner, mais elle adorait manger. Autant le sucré que le salé. Elle ne faisait pas de jaloux. Bien qu'elle avait tout de même une sacrée préférence pour les lèvres d'une certaine reine guimauve qui étaient pour elle la plus irrésistible des sucreries. Elle ne pouvait donc pas se contenter d'un seul baiser et se devait de connecter leurs lèvres une fois de plus pour prolonger ce délicieux moment. Son souvenir préféré de cette journée, sans l'ombre d'un doute. Bien que Rose marque un point, le massage de ce soir a la possibilité de venir renverser la tendance et elle ne devrait donc pas se prononcer trop vite. Il semble plus sage de revenir légèrement sur ses dernières paroles. “T'as raison. Disons que c'est mon souvenir préféré, jusqu'à présent et que je me laisse la possibilité de changer d'avis plus tard.” Plaisante-t-elle, en profitant pour déposer un énième baiser sur les joue de l'australienne, laissant ensuite échapper un rire face à la gourmandise légendaire de cette dernière qui se veut, pour le moins, raisonnable. “On y va alors, il serait bien trop content si on le dévalisait, mais faut qu'on en laisse un peu pour les autres.” Déclare-t-elle, se levant pour suivre Rose vers leur prochaine aventure : le train faisant le tour du parc. Le choix parfait pour se poser le temps de digérer, tout en profitant tout de même d'une attraction qui leur donnerait une vision globale des possibilités qui s'offraient à elles pour la suite. “Bien sûr que ça me dit ! Je te l'ai dit, tu peux tout me faire faire, sauf la maison hantée.” Répond-elle avant d'ajouter. “Même Dreamy a l'air d'accord. N'est-ce pas Dreamy ?” demande-t-elle comme si elle s'adressait réellement à la licorne. Comme si cette dernière allait réellement lui répondre. “Elle a encore besoin d'un peu de calme pour se remettre de sa libération, le tour de train semble plus qu'opportun, comme ça en plus, tu pourras repérer ce que tu voudras faire après. Au cas où tu aies oublié quelques attractions que tu aimes.” Elle vient glisser ses doigts entre ceux de Rose, l'entrainant dans la direction du train. Elle ne sait pas réellement où le départ se situe, mais elle est capable de suivre quelques panneaux et de se laisser porter par Rose, qui elle, connait bien mieux le parc. “On dirait qu'on arrive pile au bon moment !” Lance-t-elle quand elles arrivent devant la gare improvisée. Elle pointe d'ailleurs l'entrée du doigt alors que le train s'arrête tout juste et les premiers voyageurs commencent à descendre. “Le timing aurait pas pu être plus parfait.” Pour l'impatiente qu'elle était, c'était l'idéal. Bien qu'en compagnie de Rose, elle était capable d'attendre des heures sans même se plaindre. C'était l'effet que la jeune femme avait sur elle. C'était sa meilleure distraction.

De sages décisions, Itziar ne pouvait pas se vanter d'en prendre tous les jours. Elle n'était pas particulièrement raisonnable et avait une certaine tendance à l'exagération qu'elle tenait de sa mère. Les chiens ne faisaient pas des chats. Son père avait la folie des grandeurs, sa mère en faisait des caisses. La raison n'avait jamais réellement fait partie de sa vie. Cependant, elle faisait de son mieux pour apprendre des erreurs de ses parents. Pour mettre un peu plus d'eau dans son vin et pratiquer l'art de la demie mesure. Ce n'était pas toujours facile. Ce n'était pas toujours une réussite. Après tout, elle avait décidé d'ouvrir un club de strip tease avec sa meilleure amie presque sur un coup de tête. Il n'était donc pas possible de dire que la décision avait été sage. Pourtant, elle ne l'avait pas regrettée. Cependant, il y avait tout de même des situations pour lesquelles la sagesse valait mieux qu'autre chose et celle actuelle en faisait sans doute partie. Après tout, elles étaient venues passer une journée à profiter du parc et des attractions que celui-ci avait à offrir, elles n'étaient pas spécialement venues pour se goinfrer de crêpes et ne plus décoller. Il n'y aurait bien évidemment aucun mal à cela si c'était un programme qui pouvait plaire à certains, mais Itziar préférait quand même déambuler dans le parc. Elle savait qu'il en était de même pour l'âme d'enfant de Rose, alors, elle prenait cette sage décision pour contrecarrer sa gourmandise légendaire. Il n'est pas compliqué de trouver une nouvelle attraction à faire. Un tour du parc en train semble être le choix qui s'offre à elles et semble également parfait pour leur permettre de digérer tout en continuant leur journée. Ce n'est d'ailleurs pas Dreamy qui s'opposera à cette idée, elle avait semble-t-il encore besoin d'un peu de repos pour se remettre de toutes ses émotions et changements dans sa vie en si peu de temps.

Pouvoirs magiques ou coïncidence ? Nul ne le saura jamais, mais c'est bien main dans la main qu'elles arrivent de la gare du train, installée dans le parc, pile au moment où celui-ci termine son précédent tour. Certaines personnes font déjà la queue. Visiblement, elles n'ont pas eu le nez aussi fin qu'elles et n'ont pas bénéficié d'un timing parfait. “Depuis le temps que je m'entraîne à faire des prédictions. Fallait bien que ça fonctionne un jour.” Répond-elle en plaisantant. Elle était loin d'avoir des dons de voyance au mieux, elle avait de la chance, mais là encore, cela restait à prouver. Enfin, l'important était qu'elles n'allaient pas avoir à attendre et qu'elles allaient pouvoir suivre la file d'attente afin de prendre place dans le train qui se chargera de les faire voyager à petite échelle pendant les prochaines minutes. Elles n'ont pas de difficulté à rejoindre un wagon vide et à s'y installer. Sa main venant se placer sur celle de Rose posée sur sa cuisse. Le train démarre lentement. La grande roue de tout à l'heure tournait sans doute plus vite, mais ça ne leur fait pas de mal. C'est plaisant. Elles profitent du beau temps et du soleil qui vient doucement taper sur leur peau. Elles ne peuvent pas louper une miette du paysage à cette allure. Tout a sûrement été pensé pour ça, après tout. Si la grande roue faisait elle aussi office d'attraction tranquille, elle offrait une vue aérienne du parc, là, elles profitaient de ce qui se trouvaient à leur hauteur et qu'elles n'auraient pas forcément pu distinguer de là-haut. “Dis donc ! Je ne te permets pas de critiquer mon bolide.” Lui répond-elle en plaisantant. Faussement outrée. “Tu avoueras qu'il est quand même bien pratique et que malgré sa faible vitesse, il permet de se faufiler partout pour gagner du temps dans les bouchons.” Ce qui, au final, le rendait parfois bien plus rapide qu'une voiture. “D'autant plus que tu sembles plutôt bien l'apprécier.” Ajoute-t-elle en tirant la langue. Elle savait qu'outre le scooter en lui-même et la sensation de liberté que pouvait procurer un déplacement en deux roues, ce qui plaisait particulièrement à Rose c'était qu'elle en était la conductrice lui permettant ainsi de se serrer contre elle. La question qui suit la fait sourire bien que peut-être moins que les doigts de la jeune femme qui viennent masser son genou. “Si, je crois bien que je vais m'endormir à être bercée comme ça, va falloir que tu me tiennes éveillée.” Lui lance-t-elle, venant déposer un baiser dans son cou. “En plus, ça te permettra aussi de pas t'endormir, au cas où.” Plaisante-t-elle. Bien sûr qu'elle en profite. Bien sûr qu'elle n'est pas en train de s'endormir, mais toutes les excuses sont bonnes.