fortitude valley, brunswick street mall.

En scrollant sur Internet, dans le confort de mon lit et éclairé par la pleine lune, les diverses photographies d'influenceurs sur des soirées Halloween avaient finit par me conquérir. D'ordinaire, je célébrais cette fête avec des amis ou des collègues et cela dépendait grandement de la zone géographique où je me trouvais. Par exemple, j'avais majoritairement célébré Halloween lorsque je me situais en territoire nord-américain et ces festivités constituaient alors à arborer un déguisement - souvent, j'étais un loup-garou - et faire la fête avec des boissons alcoolisées et des sucreries survoltées.

Cette année, je nourrissais néanmoins un projet d'envergure, et aussi assez hasardeux. J'ignorais totalement la position de Raphael, que je fréquentais depuis plusieurs mois, sur cette fête. Détestait-il Halloween ? Craignait-il tout ce qui rimait avec horreur ? Ou au contraire, serait-il enthousiasmé à l'idée que nous nous déguisions et faisions une tournée des bars qui produisaient des spectacles - il y avait un numéro qui faisait une variante de "Danse avec les Stars" intitulé "Danse avec les Loups" ? Préfererait-il plutôt que nous restions à l'intérieur, à manger des biscuits en forme de fantôme et à regarder Netflix enroulés comme des burritos dans des plaids ? Celui de Dani sur les cycles lunaires était particulièrement confortable pour cela et Netflix venait tout juste d'inclure la série Teen Wolf àson catalogue. J'avais réellement l'impression de commettre un pari sur les goûts du garçon sur cette thématique, cependant, il n'en demeurait que je souhaitais réellement prendre le risque.

Dani était absente cette semaine ainsi, j'avais l'appartement pour moi tout seul. Que Raphael accepte de passer une soirée dans mon appartement n'était pas confirmé à 100%, il arrivait que le jeune homme favorise rester seul, plutôt loup solitaire, mais j'adoptais une vision optimiste et m'orientais vers la rue commerçante de Fortitude Valley en quête de décorations d'Halloween. Néanmoins, toutes les boutiques sympas dans lesquels j'entrais avait déserté totalement les loups-garous et les fantômes pour des lutins et des bonshommes de neige. En sortant d'une énième boutique, je me mis à pester - je ne hurlerais certainement pas avec les loups en me rangeant du côté de cette attitude commerciale générale -, observant l'heure qui tournait sur mon smartphone : "Non mais c'est une blague ! Nous sommes le week-end précédant Halloween et tous les commerçants s'empressent déjà de tout ranger pour nous assommer de décorations de Noël ? C'est pas encore le moment pour Père et Mère Noël, c'est le moment pour Jack et Sally là ! Déjà qu'on n'en fait pas des tonnes pour Halloween, si en plus la fête n'est pas passée qu'on est déjà envahi par le Pôle Nord, ça ne va pas aller ! Je fais comment, moi, pour décorer mon appart' ? Ils sont où les masques de loups et les collants à rayures ? Il n'y a même plus de moules en forme de loups-garous et de citrouilles pour faire des petits gâteaux !"

@Itziar Cortés de Aguilar  

Achats de dernières minutes. Touches finales de décorations. Voilà où elle en était de la préparation pour la soirée Halloween du club. Son déguisement était finalisé, ceux des danseuses et des filles bossant derrière le bar l’étaient également. Quant à celui de Lara, elle était persuadée qu’il était près depuis le premier novembre de l’an dernier. Le Paradise City avait pour l’occasion revêtu des tons sombres, et le ménage d’ordinaire fait à la perfection s’était vu accompagné de toiles d'araignées artificielles ici et là. Le verre à martini géant commandé par Lara avait été installé à la place où cette dernière l’avait imaginé, remplie également de champagne, un point sur lequel Itziar avait cédé dans une volonté d’apaiser les tensions et de montrer qu’elle était capable de mettre de l’eau dans son vin. Son seul souhait étant que la situation s’apaise avec l’australienne. S’il fallait acquiescer à quelques-unes de ses extravagances, alors ce n’était pas un problème. Il y avait bien plus important dans la vie qu’une caisse de bouteilles de champagne qui aurait pu être remplacée par des litres d’eau du robinet, mélangés à quelques flacons de colorant alimentaire. Elle savait à quel point Halloween était important pour la Pearson et elle respectait cela totalement.

Elles avaient donc calé tous les détails de la soirée du trente et un. Le spectacle, le traiteur, les extras, tout était réglé comme du papier à musique. Il fallait se démarquer dans le flot de fêtes qui étaient prévues à Brisbane et elles n’avaient pas lésiné sur les moyens pour atteindre cet objectif. Elles avaient taché de rendre aussi discrète que possible la visite de cet inspecteur de police, mettant un point d’honneur a dédouaner le club de tout lien avec un quelconque trafic de drogue qui pouvait gangrener la ville. Elles étaient loin de tout ça. Elles géraient un établissement des plus honnêtes et elles accordaient énormément d’importance à ce qu’il en reste ainsi. D’autant plus à quelques jours d’une des plus grosses soirées de l’année. C’était en effet un de leur plus gros chiffre d’affaires qui allait se jouer et toute mauvaise publicité pouvait influer sur cela. Elles étaient confiantes cela dit. Du moins, Itziar l’était, avec son optimisme légendaire. Elle attendait avec impatience cette soirée, se disant que peut-être, un moment comme celui-ci pouvait rappeler à Lara ce qui les avait liées plusieurs années en arrière.

Elle était en mission aujourd’hui. Il manquait quelques décorations pour venir compléter ce qui avait déjà été installé à Paradise City et elle s’était proposé pour aller faire ces derniers achats, Lara étant occupée à finaliser et répéter ses divers numéros de danse. Ce n’était pas censé lui prendre bien longtemps. Un magasin devait suffir à trouver tout ce dont elle avait besoin. Enfin, ça, c’était sans compter les décorations de Noël qui semblaient orner les vitrines de tous les magasins devant lesquels elle passait. “C’est pas possible !” Lâche-t-elle, agacée visiblement, pas la seule en incompréhension totale face à ces apparitions de lutins et pères Noël. “Je ne comprends pas ! C’est le troisième magasin que je fais. J’ai loupé un épisode ? Noël remplace Halloween cette année ? Ou alors, j’ai trop dormi et je me suis rendu compte qu’octobre était fini ? Comment on est censés finaliser nos achats pour Halloween qui est dans quelques jours si tous les articles ont déjà disparu des rayons. J’sais pas toi, mais perso, j’ai pas prévu de soirée Hallo-noël moi. Comment ils veulent qu’on arrête d’enrichir Amazon et compagnie s’ils n'attendent même pas le mois de novembre pour changer leurs étalages ? Bientôt, on pourra acheter des guirlandes et des boules de Noël toute l’année. Sapin au milieu du salon 365 jours par an. Ça n’aura pas moins de sens.” Elle n’était cependant pas décidée à rentrer bredouille. “T’aurais une ultime idée de l’endroit où je pourrai trouver deux ou trois malheureux trucs qui font peur ?” Demande-t-elle tout de même au jeune homme à côté d’elle.

Ses projets de fête surprise où il convierait Raphael étaient horriblement mis à mal alors que les différentes boutiques ne proposaient plus que des articles rappelant les festivités de Noël, quand bien même nous étions encore au mois d'octobre. Je pestais éhontément en sortant d'une dernière boutique où il m'était impossible de mettre la main sur la moindre décoration de loups-garous et autres créatures de l'ombre, ces dernières ravagées par la présence de lutins verts et rouges. Je pinçais mes lèvres, contrarié. Et dire que je m'étais fait ma petite liste des séries que nous pourrions regarder avec Raphael, en plus de la variante de "Danse avec les Stars" pour Halloween : "Danse avec les loups". Si l'artiste n'était pas friand des films d'épouvante, nous pourrions en effet toujours regarder "Teen Wolf" sur Netflix ou télécharger "Le Loup-Garou du Campus" question de se rappeler nos années collège. Peut-être même pourrions-nous lancer le troisième film d'Harry Potter, juste parce que j'adorais les scènes de Remus Lupin dans ce volet.

Mais il n'y avait même plus de moules à gâteaux en forme de patte de loup ou encore de bonbons en gomme avec des têtes de lycanthrope. Je soupirais de nouveau, désabusé. “T’aurais une ultime idée de l’endroit où je pourrai trouver deux ou trois malheureux trucs qui font peur ?” “Il y a bien une boutique d'antiquités au bout de la rue, peut-être qu'on peut y dénicher quelque chose. Ou alors, il y a la boutique d'arts créatifs, de quoi découper quelques loups-garous, pleines lunes, pattes lupines...” Je proposais à la jeune femme. “Tu organises une fête ?” Je demandais, curieux. L'union faisait la force paraissait-il, une meute lupine valait mieux qu'un loup solitaire. Peut-être qu'à nous deux, nous aurions plus de chance de dénicher des décorations cauchemardesques.

Cami était pleine d’ambition aujourd’hui. Bien que la plupart des personnes étaient en train de terminé leur décoration d’Halloween et de se préparer à faire la fête et à aller chercher des bonbons dans les rues, Cami elle était impatiente d’être au premier novembre et d’installer sa décoration de noël. Elle adorait cette période de l’année, qui rassemblait tout le monde, les feux de cheminées, les téléfilms, les chocolat chaud. Pour cette mission, elle n’était pas seule. Accompagné de son amie Sixtine, elle trainait dans le centre commercial, profitant de cette journée de repos. Sixtine venait de lancer un sujet laborieux, que bien des jeunes filles se disputaient depuis des années, le fameux film pour adolescente de l’époque : Twilight. Il semblerait que l’amie de notre américaine était dans l’équipe du vampire, tandis que notre jeune brune était évidemment pour le loup-garou. Sixtine exposait ses points à Cami et la demoiselle fronçait les sourcils. « Tu ne peux pas dire ça Sixtine. Le véritable héros du film c’est Jacob Black. Il est la définition même du héros. Il est très beau, peut-être même un peu trop. Il est d’abord considéré comme le geek, un peu gentil mais en réalité c’est lui qui porte tout le film. Ses abdos sont la seule raison valable du film. Il est tellement sexy, tellement gentil, tellement sur de lui. Je ne comprends définitivement pas comment Bella ne le choisit pas. Edward est tellement ennuyeux, tellement torturé, il est trop.. trop mort. C’est vrai, on dirait qu’il ne ressent rien. Tu trouves qui la regarde comme quelqu’un qui désire une personne ? Excuse-moi mais si demain mon petit-ami me regarde comme ça, je m’en vais. L’intrigue même du film c’est Jacob Black et ses abdominaux. De plus, pourquoi Bella est si en colère qu’il s’imprègne de sa fille ? Parce qu’elle regrette son choix et qu’elle aurait voulu l’avoir pour elle tout simplement. » Leur conversation était vraiment étrange. Cami ne regardait pas devant elle, et sans faire exprès, elle bousculait un jeune homme. Elle s’arrêtait un instant. « Je suis vraiment désolé. » Il faut dire que sa conversation sur les abdominaux du loup-garou l’avait légèrement perturbé. Elle donnait au jeune homme son plus beau sourire puis repartie en compagnie de son amie.

Spoiler:

Oui, elle est légèrement agacée. Ce n’était pas ce qu’elle avait prévu. Elle regrette même d’avoir attendu le dernier moment pour s’atteler à ces achats manquants. Tout cela ne serait pas arrivé si elle s’était déplacée quelques jours plus tôt. Cependant, elle n’avait pas eu le temps et elle avait encore moins imaginé que tous les étalages auraient été rangés et remplacés en si peu de temps alors qu’Halloween n’était pas encore passé.C’était de la malchance pure et simple et elle était un peu rassurée de voir qu’elle n’était pas la seule dans ce cas de figure. Un jeune homme semble aussi décontenancé qu’elle. Lui aussi était probablement à la recherche de quelques décorations ou objets thématiques. Il avait fait le même constat qu’elle : les pères nöel et les sapins avaient remplacé les citrouilles et les fantômes. Est-ce qu’elle allait se laisser abattre pour autant ? Est-ce qu’elle avait dit son dernier mot ? Non, bien évidemment. Elle ne comptait pas lâcher l’affaire si facilement. Il devait bien y avoir à Brisbane au moins un commerçant censé qui respectait un minimum le cours des choses et ne brûlait pas les étapes. Comme si l’année ne passait pas déjà assez vite. Après avoir elle aussi partagé sa frustration, elle le questionne. Peut-être a-t-il une ultime idée en tête. Peut-être connaît-il Brisbane un peu mieux qu’elle. Deux cerveaux sont toujours plus efficaces qu’un seul dans ce genre de situation. Cette théorie semble se vérifier quand il mentionne le magasin d’antiquités et celui d’arts créatifs. Effectivement, elle n’avait pas pensé à ça. Elle n’avait pas pensé qu’elle pouvait être un peu plus créative et ne pas se limiter aux décorations toutes faites qu’elle pouvait trouver dans la plupart des magasins. “Oh ! Le magasin d’antiquités me semble être une bonne idée. Doit bien y avoir quelques vieilleries qui devraient faire assez spooky pour coller au thème d’Halloween. J’ai pas vraiment le temps de faire du bricolage donc je vais passer mon tour sur les arts créatifs, mais je note. On ne sait jamais, pour l’an prochain.” Répond-elle en souriant. La question du jeune homme lui faisant échapper un léger rire. “On peut dire ça comme ça.” Déclare-t-elle d’abord. “C’est une fête d’Halloween dans un club de strip-tease. On est déjà pas mal calées niveau décorations, mais il manque deux trois trucs pour que ce soit complet.” Explique-t-elle. Ce n’était donc pas comme si elle avait besoin de beaucoup de choses. “Et toi ? T’organises un truc ou c’est juste comme ça ?” Demande-t-elle, lui retournant la question.

Je rendais le sourire amical à l'inconnue qui venait de me bousculer involontairement et me fournissait des excuses, assurant un « pas de souci, ce n'est rien, » avant de réfléchir aux alternatives qui s'offraient à mon interlocutrice et moi-même face au retrait total des décorations sur le thème d'Halloween dans les boutiques du coin. Cette situation me décontenançait prodigieusement, en particulier lorsque cette fête païenne n'était même pas encore passée. Manifestement, il ne valait mieux pas se prendre à la dernière minute considérant les citrouilles et les squelettes lorsqu'on vivait en Australie. Malgré tout, j'étais soulagé de ne pas devoir essuyer seul cette mauvaise surprise.

Je proposais les boutiques d'antiquité et de loisirs créatifs à la jeune femme, imaginant que nous pourrions peut-être trouver quelques éléments d'épouvante ou en créer par ces deux intermédiaires. La première solution paraissait plaire à la jeune femme et j'invitais : "Il y en a une au coin de la rue. On peut y aller si tu veux ?" J'emboîtais ainsi le pas vers l'angle de la rue commerçante, avant de m'intéresser aux motifs de recherche de décorations de la blonde. J'apprenais qu'elle tenait un club de strip-tease, ce qui attisait ma curiosité. "Oh, c'est cool ça, c'est peu commun. Enfin, je pense." Je fronçais les sourcils, espérant ne pas commettre de faux pas. "C'est un club de quel style ? Plutôt cabaret ou funky ou autre chose ?" Je questionnais avec un sourire franc. "Vous allez faire des numéros spéciaux pour Halloween ?" J'interrogeais, m'imaginant déjà ce que ceux-ci pourraient être. "Vous avez un public défini ?" J'osais enfin, avant de rire nerveusement : "Désolé, j'ai tendance à mitrailler les gens de question. Je suis trop curieux." Quand ma compagnie me demandait si j'organisais aussi quelque chose s'apparentant à une fête qui nécessitait ces convoitées décorations, je haussais simplement les épaules : "Juste une soirée en amoureux. Je voulais organiser quelque chose de cosy avec des sucreries, du pop corn, des films d'épouvante et des plaids, puis inviter mon copain." Je me figeais, reprenant : "ma copine." La culpabilité m'étreignait. A quel point c'était foutu ? Quel était ce saugrenu pseudo coming-out spontané ? A quel moment ma parole était-elle si libérée ? Etait-ce parce que j'apprenais que la femme gérait un club de strip-tease que je me sentais si safe pour révéler que je fréquentais un homme, ce que je n'osais même pas avouer à mes amis proches ? "Enfin bon." Je déviais mon regard, osant désormais péniblement confronter l'expression de la femme avec qui je ne parlais que depuis un peu plus d'une dizaine de minutes, de peur des jugements que je pourrais y lire. "J'aurais aimé de quoi faire un petit décor," je concluais timidement.