Le mois de juin avait une place toute particulière dans le coeur d’Itziar. Sans doute parce qu’il la touchait au plus profond d’elle-même. A l’essence même de sa personne. Sa bisexualité n’était pas un sujet. Ne l’avait jamais été d’ailleurs. Elle avait eu cette chance. Elle n’avait jamais eu besoin de se cacher et avait toujours pu être honnête sur ce qu’elle ressentait. Ses parents avaient été ses premiers supporters et elle ne les remercieraient jamais assez pour cela. Elle savait cependant que tout le monde n’avait pas cette chance. Que certains n’avaient pas le luxe d’avoir une famille qui les soutenait et que d’autres n’avaient même la possibilité d’afficher haut et fort qui ils étaient. Elle ne faisait donc pas de son cas une généralité, ne prenait rien pour acquis. Le combat était sans doute encore long pour se libérer de toute stigmatisation, mais les choses avançaient, petit à petit, un progrès à la fois. C’était pour cela que le mois de juin était important pour elle. C’était le mois de la Pride. L’occasion d’afficher en grand les couleurs de sa communauté et de rappeler à ceux qui auraient quelques reproches à faire que leur avis n’intéresse personne. Alors, même si son emploi du temps était des plus chargés et que son niveau de stress avait atteint son paroxysme, elle avait tenue à faire un tour à la pride de Brisbane. Ca ne lui ferait pas de mal de se changer un peu les idées, de penser à autre chose qu’au fait que sa meilleure amie souhaite l’évincer de leur business et n’ait pas hésité à faire appel à un avocat. Il n’y avait pas grand-chose qu’elle puisse faire, toute seule, sur son temps libre pour remédier à cela, alors, plutôt que de se morfondre et de fumer cigarette après cigarette à la fenêtre de son salon, elle avait choisi de sortir.

Elle avait pris soin de s’apprêter pour l’occasion. Avait enfilé un tee-shirt aux couleurs du drapeau bisexuel et s’était maquillée aux couleurs de l’arc en ciel. C’était la moindre des choses pour toute fêtarde qui se respectait. Hors de question de dénoter avec l’ambiance générale. D’autant plus qu’elle ne venait pas sans but, ni totalement par hasard. Elle savait que l’association Run For Judy organisait une vente aux enchères au profit d'associations LGBTQIA+. Elle savait également qu’Isaac dirigeait cette association et avait travaillé dur pour organiser cette vente. Il lui avait vaguement parlé des lots, lui avait dit qu’ils avaient tous été gracieusement offerts par des célébrités de la ville au profit de l’association, ce qu’elle avait trouvé plus que noble. La vente avait lieu aujourd’hui et même si elle ne se faisait pas de grandes illusions quant à la possibilité de repartir avec l’un des lots, elle voulait au moins voir comment cet évènement allait se dérouler. Ce serait également l’occasion de passer un peu de temps avec son ami qui tout comme elle avait un emploi du temps de ministre.

Elle avait un peu misé. Ne s’était pas trop mouillée. Après tout, vu la situation dans laquelle elle se trouvait actuellement, elle n’avait pas le loisir de dépenser des sommes astronomiques. Elle devait assurer ses arrières, au moins jusqu’à ce que cette bataille juridique qui venait de débuter avec Lara soit terminée. Mais elle avait tenu à miser. Pour le fun et pour l’association caritative. Elle n'avait rien gagné, mais ça n’avait pas été le but de la manœuvre de toute façon. Elle avait passé un bon moment et c’est en coulisses qu’elle retrouve Isaac. “Infirmier, pompier volontaire, super papa, président d’une asso et maintenant organisateur de vente aux enchères. C’est quoi la suite sur ta liste ?” Demande-t-elle en plaisantant, venant l’étreindre pour le saluer. “Félicitations d’ailleurs, c’est vraiment une réussite et ça va aider les différentes assos.” Car les acheteurs avaient été généreux et tous les lots s’étaient arrachés à prix d’or.

Un trac s'immisçait sournoisement en mon être désormais que la salle qui abriterait très prochainement les enchères que Jackson et moi organisions depuis des semaines était finalisée. Nous avions passé en revue à des multiples reprises le déroulé de la vente, un peigne fin avait été apposé méticuleusement sur chaque détail de cet événement d'envergure, le notaire était arrivé en avance et était prêt à mener les enchères d'une main de maître en toute légalité. Il ne restait ainsi plus qu'à attendre les quatorze heures qui annonceraient le début de ces compétitions financières visant à récolter des fonds pour l'association que je vice-présidais. J'espérais ardemment que la population répondrait présente, comme les célébrités de la ville avaient effectué spontanément des retours très généreux à nos invitations. Je rêvais déjà de mettre en application ces futurs fonds pour l'accompagnement des enfants malades en lançant une campagne de sensibilisation LGBTQ+ en milieu hospitalier qui apporterait assurément nombreux bénéfices.

Chaque lot avait rencontré son succès propre. Les enchères s'étaient déroulées avec dynamisme et respect, les participants se plaisant à investir dans la cause et lorgnait sur les objets mis en vente. Le notaire démontrait posséder des réflexes impériaux à maîtriser chaque rythme de vente et motivait même les plus frileux à se laisser aller à surenchérir pour ne pas regretter. Finalement, la satisfaction étreignait l'ambiance au sein de la salle au terme de cette vente et l'association avait emmagasiné un beau montant qui promettait d'être embellit de sponsors. Les semaines de travail et de collaboration concluaient une nette réussite et j'étais aussi fier que comblé par ce terme.

“Infirmier, pompier volontaire, super papa, président d’une asso et maintenant organisateur de vente aux enchères. C’est quoi la suite sur ta liste ?” Je lâchais un rire franc, profondément heureux de rencontrer Itziar avec qui j'avais communiqué par SMS récemment. “Époux ?” Je tentais, l'euphorie déliant ma langue, quand bien même je n'avais pas encore mis un genou à terre pour demander officiellement la main de Penny. C'était par ailleurs une drôle de manière d'annoncer à l'espagnole que j'ambitionnais de me marier avec l'actrice, une façon totalement impulsive que je n'avais aucunement prémédité. Néanmoins, j'en convenais que j'apprécierais incommensurablement l'ajout de cette caractéristique à la liste énumérée par mon amie. “Félicitations d’ailleurs, c’est vraiment une réussite et ça va aider les différentes assos.” “Merci beaucoup. On est super heureux du succès de la vente. Puis c'est une idée qui me tenait vraiment à coeur alors je suis sur mon petit nuage de voir comment elle a été concrétisée et la réception qu'elle a reçue. C'est génial et touchant toute cette générosité. On pourra vraiment faire de très bonnes choses avec ces dons !” Je me réjouissais avec émotion. Le stress faisait entièrement place à la gratitude et générait une envie féroce d'instaurer le meilleur avec ces nouveaux fonds. “Je t'ai vu dans la salle d'ailleurs, merci beaucoup à toi aussi !” Je relatais avec un large sourire. Certes, Itziar n'avait malheureusement pas récolté le lot mais sa contribution me faisait indéniablement chaud au coeur. “Est-ce que tu veux boire quelque chose ? J'ai des sodas et de la bière si tu veux,” je proposais en désignant le réfrigérateur dans les coulisses. “Comment ça va, toi ? Comment se porte le Paradise ?” Je m'enquérais avec un sincère intérêt. J'avais conscience de tout le coeur que mettait la vingtenaire pour que cet établissement prospère, tout comme elle avait été fière et émue de son ouverture officielle. Je me souvenais qu'elle avait décrit le Paradise tel son bébé, un sentiment que je comprenais entièrement quand j'étais moi-même très investi dans l'association Run for Judy et je n'y comptais pas mes heures ni l'énergie que j'y déployais, rendant parfois les journées trop courtes pour tout ce que je souhaitais y faire.

Ça lui tenait à cœur de participer à la vente aux enchères. Quand bien même elle était repartie bredouille. Dans le fond, elle avait montré son soutien à la cause, comme toutes les personnes présentes ce jour, qu'elles aient misé ou non. Elle n'était pas la plus active sur le plan associatif, parce qu'elle n'avait pas le temps, parce que dégager quelques heures par semaine dans son emploi du temps relevait d'un défi herculéen. Cependant, cela ne voulait pas dire que rien ne lui tenait à cœur. Bien au contraire. La communauté LGBTQIA+ était la sienne et avait donc une place bien spéciale dans sa vie. Elle en partageait les idées et les combats. Cependant, elle faisait ça dans l'ombre. Comme elle le pouvait. Comme sa vie chargée le lui permettait. Elle prenait en revanche toujours la peine de s'investir un peu plus en ce mois des fiertés. Que ce soit en participant à la marche qu'en se rendant aujourd'hui à cette vente aux enchères organisée par Run For Judy, l'association dont Isaac était le coprésident. Elle venait donc, non seulement soutenir sa communauté, mais également son ami dans ce projet pour lequel il avait dû consacrer beaucoup de temps et d'énergie. La vente avait été une franche réussite, tous ces efforts n'avaient clairement pas été vains. Alors, quand finalement, elle vient à sa rencontre, elle ne lésine pas sur les moyens. Elle l'encense, s'amuse de toutes les casquettes qu'il est capable de revêtir sans problème. Lui vient même en rajouter une qui ne manque pas de la faire sourire. “Oh ? C'est dans les projets d'un futur proche ?” demande-t-elle, curieuse. “En tout cas, ce titre t'irait à ravir, pas de doute là-dessus.” Ajoute-t-elle. Le Jensen avait le cœur sur la main, en démontraient les diverses activités dans lesquelles il s'investissait. Pas de doute qu'en plus des casquettes qu'il arborait fièrement, il serait un époux des plus attentionnés. Un rôle qui en somme lui irait comme un gant et dans lequel elle le verrait totalement. Encore plus que dans celui qu'il avait endossé ce jour et qu'il avait tenu avec brio. Elle le félicitait un peu plus d'ailleurs, parce qu'il fallait souligner la réussite de cet événement. “J'ai été vraiment surprise des pièces qu'il y avait en jeu. Franchement c'est plutôt incroyable de voir toutes les personnalités qui se sont ralliées à votre évènement. Tu dois être super fier ! À juste titre." Conclut-elle. Bien évidemment, il n'était pas seul à détenir le mérite d'une telle réussite, mais il en détenait bien la moitié et comme elle ne connaissait pas les autres petites mains derrière cette vente, elle s'en tenait à le féliciter lui.

D'ailleurs, elle ne pensait pas qu'il l'aurait aperçue dans la salle. Ses cheveux blonds s'étant rapidement mélangés à la foule qui s'était pressée pour l'occasion. Cependant, elle ne peut s'empêcher de sourire. “C'est normal. Ca me tenait à cœur de participer, même si, clairement, je ne pouvais pas faire face aux autres enchérisseurs.” Répond-elle en riant. Ce n'était pas un drame. Elle n'était pas matérialiste pour un sous et n'avait que faire des objets ayant appartenu à une des figures connues de la ville. Elle, elle tenait simplement à apporter sa pierre à l'édifice, ce qu'elle avait fait, à la hauteur de ses moyens. Elle hoche ensuite la tête de haut en bas quand il lui propose à boire. “Je veux bien un coca si t'as, sinon, le premier soda qui te tombe sous la main fera l'affaire.” Répond-elle. Elle n'était pas difficile, tant qu'il y avait du sucre et des bulles, elle s'en contentait parfaitement. A la question qui suivait, son sourire s'était quelque peu effacé. Elle aurait dû s'en douter. Isaac allait bien évidemment la questionner quant au Club. Il était quelqu'un d'altruiste et il était donc normal venant de lui qu'il s'enquiert du bon fonctionnement de l'entreprise qu'elle avait montée de toute pièce avec Lara. “Le Club se porte bien.” Répond-elle d'abord. Ce n'était pas un mensonge. Les comptes se portaient à merveille et les soirées ne désemplissaient pas. “Moi, ça va, mais c'est un peu compliqué en ce moment. Quelques différents avec Lara, ma meil … mon associée.” Elle se reprend. Parce qu'elle ne sait même plus si elle peut utiliser ce titre pour parler de la Pearson. Leurs rares interactions ayant été des plus glaciales ces derniers temps. “L'avenir est assez incertain. Elle a pris un avocat, donc j'ai pris un avocat. On va commencer une médiation. Bref … Ce n'est pas facile en ce moment. A la fois, tout va bien et rien ne va.” Finit-elle par dire. Pour conclure, parce qu'il n'avait peut-être pas envie qu'elle lui déballe tout l'historique de ces derniers mois.

La pression de l'événement était retombée et désormais, une délicieuse euphorie générée par la réussite de la vente aux enchères me saisissait. J'étais franchement ravi de l'aboutissement des innombrables heures de travail consacrées à la concrétisation de cet événement et je me sentais à la fois chanceux et reconnaissant vis-à-vis de toutes les personnes qui avaient si généreusement contribué au triomphe de cette démarche. Le plus gros de ce pari était accompli et désormais, nous pouvons prendre le temps de célébrer, festivités auxquelles j'invitais spontanément Itziar après qu'elle m'eût salué de nombreux titres tout en me questionnant sur la suite de mes ambitions.

Instantanément, j'évoquais ce vœu de mariage que je nourrissais mais n'avais pas encore exaucé. Si Penny et moi discutions assez régulièrement de notre potentielle future union, si j'avais secrètement acheté la bague avec la complicité de la mère de la jeune femme, je ne m'étais pas encore résolu à poser le genou à terre, souhaitant formuler ma demande lors d'un moment idéal. “Oh ? C'est dans les projets d'un futur proche ?” Je ne pus m'empêcher de rire doucement, nerveusement, avant de hausser les épaules. “J'espère,” je faisais modeste. “Je veux faire de ma demande un moment vraiment spécial pour Penny et j'y travaille encore un peu,” je confessais à mon amie de plusieurs années. Peut-être que je m'imposais trop de pression et qu'à force d'attendre le meilleur moment, je passais à côté de nombreux autres qui étaient tout aussi judicieux. Néanmoins, je ne souhaitais pas non plus précipiter les choses et je constatais avec satisfaction avoir parcouru beaucoup du chemin sur ce point de mon histoire car si à ma rencontre avec Penny, je m'étais montré très réfractaire à l'idée de me marier, associant une telle union avec la possibilité de devenir un poids irrémédiable pour la femme que j'aimais, aujourd'hui, les bénéfices d'un tel sacrement surpassaient enfin mes peurs. “Son meilleur ami et un très bon ami à moi se marient début juin, donc après leur mariage en tout cas,” j'annonçais à mon interlocutrice, sourire figé aux lèvres. “En tout cas, ce titre t'irait à ravir, pas de doute là-dessus.” “Merci beaucoup Itziar,” je faisais, ne pouvant décidemment pas gommer cet air réjouit sur mon portrait.

“J'ai été vraiment surprise des pièces qu'il y avait en jeu. Franchement c'est plutôt incroyable de voir toutes les personnalités qui se sont ralliées à votre évènement. Tu dois être super fier ! À juste titre.” J'acquiesçais vivement. “On a vraiment été choyés. Non seulement plusieurs célébrités nous ont offert des lots fantastiques, mais en plus ils ont répondu si rapidement présents,” je reconnaissais, admiratif de cet altruisme dont ces stars avaient fait preuve. Les dons avaient été réalisés sans embuches administratives ou logistiques, avec une fluidité exemplaire. “Ca a été un travail de titan de tout mettre en place et tout le monde a géré d'une main de maître en donnant énormément de temps et d'énergie. Je suis comblé que ce se soit si bien passé. Je suis sur mon petit nuage pour l'assoc' !” Je confessais avec félicité et émotions. Je m'étais investi dès les débuts de Run for Judy, dès que Joy, l'une des fondatrices, et aussi une de mes amies proches et collègues, m'avait parlé de ses ambitions. A sa mutation pour Toronto, son flambeau m'avait été confié et si j'avais appréhendé être en capacité d'honorer de telles responsabilités, j'adorais pouvoir m'investir pour cette noble cause qui me tentait tant à coeur auprès de Jackson et des autres membres. Les idées bourgeonnaient sans cesse pour l'association et les fonds permettaient de formaliser ses causes rapidement. Aussi, la population n'hésitait jamais à se montrer présente, comme aujourd'hui, et comme Itziar que je remerciais sincèrement. “C'est normal. Ca me tenait à cœur de participer, même si, clairement, je ne pouvais pas faire face aux autres enchérisseurs.” “Il y a eu de rudes compétitions,” je reconnaissais, ému par cet engouement. “C'est génial que toutes les bourses y aient participé. On tenait vraiment à ce que l'événement inclus tout le monde.” Et ces déplacements étaient extrêmement touchants. Cela prouvait que les valeurs  que nous défendions aujourd'hui touchaient l'entièreté de la population et que notre moyen de le faire ne s'était pas axé injustement que sur un volet des habitants.

“Je veux bien un coca si t'as, sinon, le premier soda qui te tombe sous la main fera l'affaire.” Je hochais la tête à la positive et revenais avec deux coca cola. En décapsulant ma canette, je m'empressais de m'informer sur les affaires de la Cortés de Aguilar. Je suivais de loin les activités du Paradise qu'elle m'avait qualifié comme son bébé lorsqu'elle m'avait annoncé, des mois plus tôt, ce défi d'envergure qui battait désormais son plein et abritait des soirées sensationnelles. Cependant, le sourire qui s'affaiblit sur le faciès de mon amie me fit craindre le pire et bientôt, je comprenais que si le club prospérait, tout n'était pas au beau fixe dans les coulisses. “Moi, ça va, mais c'est un peu compliqué en ce moment. Quelques différents avec Lara, ma meil… mon associée.” Je fronçais doucement les sourcils, inquiet. “L'avenir est assez incertain. Elle a pris un avocat, donc j'ai pris un avocat. On va commencer une médiation. Bref… Ce n'est pas facile en ce moment. A la fois, tout va bien et rien ne va.” Je considérais la jeune femme quelques instants, soufflé par cette mauvaise nouvelle. “Je suis vraiment désolé, Itziar.” Mon coeur se serrait de me rappeler à quel point Itziar s'était consacrée à ce projet. Soudainement, je me sentais honteux d'avoir exposé si flagramment ma satisfaction de la réussite de cette vente aux enchères quand Itziar menait un combat sur les volets professionnel et personnelle de son histoire. Je l'invitais à prendre place sur un futon disponible. “Tu espères quoi de cette médiation ? Avoir ta part du club ?” Je questionnais avec attention, essayant de lire, armé de tout mon tact, entre les lignes. Je comprenais que sa relation avec Jo était entachée et que les deux femmes entamaient une séparation. Mais quelle était la conclusion qu'espérait mon amie ? “Je ne m'y connais pas beaucoup en droit mais si tu as besoin de soutien moral ou de te changer les idées, tu peux toujours compter sur moi, tu sais. Et promis, cette fois-ci, on ne te fait pas garder les enfants !” J'assurais en grimaçant, désolé, me ressassant cet après-midi où Itziar avait dû s'improviser baby-sitter bien malgré Penny et moi. “Un de mes meilleurs amis est avocat des affaires, il n'exerce plus mais peut-être qu'il peut te conseiller gratuitement, en parallèle de ton avocat. Je peux lui demander,” je proposais. Disposer de deux opinions pouvaient peut-être être intéressant. De plus, Josh avait un coeur d'or et il m'avait beaucoup aidé pour la garde de Jude, même si dans ce cas-ci, l'affaire n'avait pas touché à son domaine de prédilection.

Elle avait toujours été du genre à relativiser, Itziar. C’était donc pour cela qu’elle trouvait le moyen de sourire aujourd’hui, malgré les soucis avec Lara et le Club qui venait embrumer son esprit ces dernières semaines. Elle voyait le positif dans sa vie. Cette vente aux enchères en plein mois des fiertés était l’une de ces choses positives de la vie. L’une de ces choses qui lui faisait réaliser qu’elle avait de la chance de vivre en 2023. Elle pouvait être elle-même, aimer qui elle voulait sans avoir à dissimuler ses sentiments. Cent ans en arrière, rien de ceci n’aurait pu être possible. Un événement de ce genre n’aurait pas pu être envisagé, à une époque où les personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+ étaient vues comme des parias de la société. Aujourd’hui, les choses avaient changé, pour le mieux. Elle ne risquait pas grand-chose en se promenant dans la rue en tenant la main de sa chère et tendre. Elle ne risquait pas plus non plus en échangeant un baiser avec cette dernière à la vue de tous. Peut-être un ou deux regards en biais, mais il en fallait bien plus pour la décontenancer. Elle n’avait que faire des êtres encore coincés dans leurs pseudo-traditions. Un siècle en arrière, elle n’aurait même pas osé. Elle aurait d’ailleurs sans doute été mariée, promise à un bellâtre plein aux as, un mariage sans sentiment lui valant une vie de tristesse. Bonne seulement à faire des enfants et à rester à la maison. Jamais elle n’aurait voulu d’une telle vie pour elle-même. Elle était une fille de son temps qui appréciait sa liberté en tout plan. Jamais elle n’aurait pu être co-propriétaire d’un club de strip-tease, cent ans en arrière, au mieux, elle se serait retrouvée à la tête d’une maison close, mère maquerelle sans cœur, prétendant aimer ses filles qui travaillaient pour elle, mais les vendant sans la moindre hésitation à celui qui y mettrait le meilleur prix. Non, ce n’était pas elle. Elle ne voudrait vivre dans le passé pour rien au monde, préférant largement ce que le futur laissait entrevoir. D’autant plus quand le futur laissait entrevoir le mariage d’un de ses amis. “Perfectionniste. Je te reconnais bien là. En-tout-cas, je te souhaite tout le bonheur possible. Tu le mérites.” Déclare-t-elle. Elle qui l’avait connu au fond du trou, elle ne pouvait être qu’admirative de la manière dont il avait réussi à remonter la pente malgré les épreuves.

Si cette vente était le reflet de quelque chose, c’était celui que tout était possible quand on se donnait la peine. Les pièces qui avaient été proposées aux enchères n’étaient pas de simples petits objets dénichés ici et là. Non, des personnes notables de la ville avaient fait des dons, ce qui avait sans doute contribué au succès de l’événement. C’était vraiment bien joué et elle n’osait imaginer l’organisation et le temps que cela avait dû demander à Isaac et à son acolyte. “Je doute bien que c’était un travail de titan ! En-tout-cas, vous devez être à la fois satisfaits du résultat et contents que ça soit fini. Un peu de repos ne vous fera pas de mal après tout ça, je crois.” Lui répond-elle en souriant. Ils allaient maintenant pouvoir profiter de leur petit nuage, fiers de ce qu’ils avaient réussi à accomplir. Sans se douter, peut-être, qu’ils venaient de placer la barre très haute pour quiconque déciderait à l’avenir de proposer un événement de ce genre. Elle, de son côté, elle est heureuse d’avoir pu participer. À son échelle, avec les moyens qu’elle avait actuellement. Elle n’avait rien remporté, mais la participation symbolique était tout aussi gratifiante à ses yeux. Elle préférait laisser les objets à ceux qui y trouvaient réellement un intérêt. “Oh oui, franchement, il y en a, dès la première enchère, je pouvais déjà plus rien faire.” Déclare-t-elle en riant. Après tout, c’était le jeu des enchères. L’argent prévalait et le plus offrant était, bien évidemment, le plus chanceux à ce jeu.

Elle avait malheureusement d’autres préoccupations qui ne lui permettaient pas de dépenser sans compter malgré le fait que le club fonctionnait très bien et qu’elle parvenait à se dégager tous les mois un salaire plus que correct. Il y avait cette ombre au tableau. Cette bataille juridique en cours qui rendait l’avenir incertain. Elles ne se battaient pas à armes égales avec Lara, il fallait le reconnaître. L’australienne avait écopé d’un gros chèque et avait donc les moyens de faire traîner sur la durée jusqu’à ce que l’espagnole s’épuise ou n’épuise ses fonds. Pourtant, Itziar ne comptait pas lâcher. Elle était têtue comme ça. “T’as pas à être désolé, t’y es pour rien.” Lui répond-elle, esquissant tout de même un sourire. Elle ne lui avait pas parlé de ça pour lui miner le moral ou pour venir ternir cette belle journée. Elle partageait simplement son quotidien avec lui. “Je sais pas trop ce que j’attends. Dans l’idéal, que la situation ne change pas. J’ai pas envie d’avoir une belle somme d’argent, mais de me retrouver sans le club ou sans taf après. Recommencer à zéro, c’est pas mon but. Après, pas sûre qu’une médiation mènera à ce genre de chose. Alors, dans le pire des cas, et je sais que c’est affreux à dire, j’espère pouvoir obtenir le plus possible. Que ce soit des intérêts ou un chèque bien plus gros que ce qu’elle propose. Mais ça restera en dernier recours.” Car elle n’allait pas se retirer si facilement. Si elle devait y laisser toutes ses économies, elle le ferait. “C’est gentil en tout cas ! Et je crois que finalement garder tes enfants ne serait pas une si mauvaise idée dans ce cas de figure. Eux au moins sont encore innocents, loin de tout vice et histoire d’argent.” Oué, dans un tel cas, retomber en enfance ne semblait pas être une si mauvaise idée. Laisser les problèmes de côté et oublier, l’espace de quelques heures, que la vie ne se résume pas à jouer, manger et dormir. “C’est vrai ?” Demande-t-elle, quand il mentionne son ami avocat. “Tu ferais ça ? Celui que j’ai trouvé me semble vraiment bien et a vraiment mes intérêts à cœur, bien que c’est normal vu ce que je le paye, j’imagine. Mais ça ne fait jamais de mal d’avoir un deuxième avis. D’autant plus de quelqu’un extérieur.” Oui, ça ne faisait pas de mal et à ce stade, elle était bien évidemment prête à mettre toutes les chances de son côté.  

Je ris doucement lorsqu'Itziar réalisait promptement et très justement le lien entre ma volonté de demander la main de Penny avec mon caractère perfectionniste. J'avais conscience que cette facette de ma personnalité pouvait parfois être trop prenante voire constituait un frein dans nombreuses de mes décisions, cependant, je tenais réellement à ce que ce moment soit mémorable et aussi parfait que possible pour ma compagne, à l'image du bonheur qu'elle m'apportait chaque jour que je passais avec elle. “J'ai déjà la bague, c'est une bonne avancée,” je révélais avec complicité à mon amie. Cela faisait plusieurs mois que le bijou était dissimulé dans mes affaires, dans le garage, pièce où Penny ne mettait que très rarement les pieds. J'étais plus que satisfait de mon choix, surtout qu'il avait été approuvé par la mère de la jeune femme et qu'il portait une touche personnelle que je saurais l'émouverait. Désormais, il me fallait simplement mettre en application mon scénario de demande, bien que je peaufinais quelques idées.

J'acquiesçais face aux paroles d'Itziar qui visait juste : nous étions à la fois satisfaits et soulagés du terme de cet événement qui s'était très bien déroulé. “Tout à fait ! Mais je t'avoue que j'ai déjà hâte à la distribution des fonds pour l'association,” j'annonçais à l'espagnole. De toute évidence, me reposer n'était pas réellement dans mes cordes. “On a plusieurs projets, j'ai hâte d'en voir se déployer grâce à ces enchères.” Les causes pour lesquelles l'association Run for Judy militait me tenaient particulièrement à coeur et faciliter la tolérance et l'insertion de tous peu importe leur genre et leur orientation sexuelle était à mes yeux aussi naturel qu'essentiel. “Je vais essayer de me donner autant que possible avant fin juillet, les jumeaux étant prévus naître début août.” Les nourrissons chambouleront assurément ma vie de tous les jours et avec quatre enfants en bas âge, je doutais que la gymnastique logistique serait ardue pour planifier des activités hors de la maison. J'avais déjà prévenu Jackson que je serais absent la semaine précédant la naissance et celles suivantes, bien que toujours joignable par téléphone, en concordance avec le congé de mon travail que j'avais pris. Je tenais à me consacrer exclusivement à mes proches et tout faire pour rendre aussi serein que possible l'accueil des bébés dans la maisonnée, sans compter de permettre à Penny de se reposer un maximum après cette grossesse et l'accouchement. Ce serait une sorte de lune de miel spécial naissances.

J'étais à la fois sincèrement désolé et surpris de prendre connaissance des déboires qu'Itziar me contait au regard du club qu'elle avait ouvert avec son ancienne meilleure amie. J'étais grandement peiné que l'espagnole, qui s'était tant investie dans ce projet, soit en mauvaise posture désormais et j'espérais de tout coeur que ces différends puissent se résoudre aussi correctement que possible. Je savais mon amie optimiste et vaillante, j'avais confiance pour qu'elle persévère et se batte pour ce qui lui semblait juste, et j'étais prêt à la soutenir à chaque étape de cette épopée juridique. Je comprenais néanmoins son dilemme : d'une part, la vingtenaire n'avait pas envie de repartir de zéro, ce qui était compréhensible vu le temps et l'énergie dédiés à ce club ; d'autre part, si elle devait vraiment tracer une croix sur cette institution, elle ne voulait pas le faire à perte de ses efforts. “J'espère que ça se résoudra pour le mieux pour toi, Itziar,” je souhaitais avec franchise et empathie, me sentant assez démuni face à la complexité des circonstances. Je lui promettais mon amitié et mon soutien dans cett épreuve, en m'appliquant, en clin d'oeil à notre précédente rencontre, à ne pas l'exploiter par la force des choses en tant que baby-sitter cette fois-ci. Je souris tendrement à la réponse de mon interlocutrice, dévoilant toutefois : “Oh méfie-toi, Maia est une vraie pick-pocket ! A chaque fois que je la change pour la mettre au lit, je retrouve des objets incongrus dans son pyjama. Elle les glisse dans le col de son body et en est très fière.” Je ris doucement. “J'ai retrouvé la clef de voiture de Penny comme ça la dernière fois.” Ce qui me faisait penser que je possédais un autre moyen d'appuyer Itziar : mon meilleur ami qui était un avocat brillant. “Carrément ! Je lui en parle et je t'envoie ses contacts pour que vous vous rapprochiez !” Je promettais, dégainant déjà mon téléphone pour envoyer un SMS à Josh et lui demander ses disponibilités. « Penny m'a parlé de ton voyage à Madrid, » je formulais amicalement, ayant conscience que mon amie n'avait pas foulé sa terre natale depuis 2017.

Ça lui fait plaisir d’entendre l'enthousiasme de Isaac quant aux projets qu’ils vont pouvoir développer avec l’association Run For Judy suite à la vente aux enchères qui a été un réel succès. Elle se demande d’ailleurs de quels ordres, ils sont ces projets et si les organisateurs s’attendaient à un tel engouement, ou au contraire, si les fonds levés aujourd’hui ont surpassé toutes leurs attentes. D’ailleurs, elle ne perd pas de temps pour vocaliser ces questions qui lui traversent l’esprit, n'étant pas forcément du genre à rentrer chez elle sans avoir nourri sa curiosité. “On peut avoir un petit teaser des projets ? Ou c’est top secret ?” Demande-t-elle dans un premier temps, sourire aux lèvres. Peut-être que rien n’avait été finalisé pour l’instant. Peut-être qu’ils en étaient encore à brainstormer plusieurs idées. À décider ce qui était le plus judicieux de faire avec l’argent récolté. Ou peut-être que tout était calé, mais qu’il s’agissait de surprises qui seraient dévoilées en temps et en heure. Cependant, pour Itziar, il valait mieux demander, même si la réponse n’était pas celle attendue plutôt que de vivre dans le doute. Alors, c’est tout naturellement qu’elle reprend la parole. “Vous vous attendiez à récolter autant d’argent ? D’ailleurs, est-ce que vous aviez estimé un montant ?” Car peut-être que rien n’avait été calculé. Peut-être qu’ils s’étaient lancés dans cette idée sans s’être fixé un quelconque montant à atteindre. Elle ne savait pas bien comment tout cela fonctionnait, alors, une fois de plus, la question était purement un moyen pour elle de comprendre les tenants et les aboutissants tout en s'intéressant à ce qui avait dû occuper pas mal d’heures dans la vie de son ami ces derniers temps.Entre un mariage, une grossesse, une vente aux enchères et sans doute bien d’autres petites choses qui étaient venues se greffer sur un emploi du temps chargé, le jeune homme avait dû être bien occupé et ne pas s’ennuyer depuis le dernier moment qu’ils avaient pu passer tous les deux.

Son récit à elle se veut un peu moins joyeux. Les nouvelles sont un peu moins bonnes. Elles prêtent un peu moins à sourire. Cependant, c’est la vie. Des hauts, mais aussi des bas. Les aléas sans doute d’être propriétaire de sa propre entreprise. Co-propriétaire, qui plus est. Alors, dans des cas comme celui-ci, il ne fallait pas seulement composer avec soi-même. Il fallait voguer au gré des humeurs et des envies de l’autre. Même si ces envies en question impliquaient de se faire évincer sans la moindre considération, sans la moindre explication et sans que quelconque discussion soit envisageable. Parce que c’était le ressenti qu’elle avait, Itziar. Depuis qu’elle était revenue de Madrid et que Lara lui avait lâché cette bombe sans prévenir. C’était son quotidien et après avoir appris sur le tas comment diriger un business et s’assurer que tout tenait la route, elle découvrait une nouvelle facette de ce qu’être son propre patron impliquait. Elle découvrait une bataille juridique dont elle se serait bien passée, qui s’accompagnait évidemment de dépenses outrageuses puisqu’il fallait être honnête dans ce genre d’histoire, la chance souriait toujours au plus fortuné. “J’espère aussi, pour l’instant, c’est pas gagné.” Répond-elle à son ami. Elle aurait voulu être plus positive, faire honneur aux encouragements qu’il prononçait, mais elle avait bien du mal à imaginer comment la situation pourrait finir par s’arranger. Il a cependant le mérite de la faire rire par la suite en mentionnant sa fille, visiblement une future voleuse en herbe. “Elle est incroyable.” Répond-elle en riant, imaginant dans sa tête la petite en train de chaparder les objets les plus aléatoires qui pourraient croiser sa route. “Elle vous force à tout ranger et à ne rien laisser traîner à sa portée.” Ajoute-t-elle. Imaginant également que ça doit être, comme beaucoup de choses, bien plus faciles à dire qu’à faire. “Merci Isy.” Se contente-t-elle de dire pour clore le sujet du club et de ce qui vient chambouler sa vie ces derniers temps, choisissant de se focaliser sur ce qu’il y a de positif. Son voyage en Espagne, en l’occurence. Sa terre natale qu’elle n’avait pas foulée depuis 2017. “Oui ! Je suis partie trois bonnes semaines. C’était super, même si c’est passé beaucoup trop vite. J’ai pu revoir ma famille et des amis, profiter d’entendre de l’espagnol à tous les coins de rue, aussi. Ça m’a aussi fait réaliser que j’avais bien ma place à Brisbane maintenant. J’espère pouvoir y retourner l’an prochain. Si je peux faire un voyage par an, ce serait chouette, six ans, c’était très long. J’aimerais y aller avec Rose aussi.” Des projets dans sa tête pour les années à venir, à défaut de vraiment pouvoir se projeter sur son avenir au club.

Mon emploi du temps pouvait aisément être qualifié de chargé entre mon travail prenant, ma vie de famille riche et mes activités bénévoles. Souvent, le sentiment de courir après le temps m'étreignait - et m'angoissait. En compensation, je me réjouissais d'occuper ainsi mon esprit, persuadé qu'à vivre un rythme effréné, je semais mes démons intérieurs. Néanmoins, cela ne venait pas sans un prix : des sacrifices auprès de proches à qui je ne pouvais consacrer autant de temps qu'il serait souhaitable, avec en trame de fond une culpabilité cinglante.

J'avais dédié d'innombrables heures à la préparation de cet événement pour l'association Run for Judy. Je n'avais pas compté mes heures, ni mes contacts ou mes appels téléphoniques. Penny m'avait aidé spontanément, jouant de ses propres relations pour la recherche de lots qui seraient placés aux enchères. Avec le recul et la levée de fonds achevée, je soupçonnais tristement que je ne pourrais pas continuer de m'investir avec un tel engouement pour l'association, quand bien même la cause me tenait fortement à coeur. J'avais voulu reprendre le flambeau de mon amie Joy à son départ pour Toronto, tout en continuant d'œuvrer en vue de faciliter les séjours hospitaliers des petits patients australiens. Mais ma famille en pâtissait, tout comme ma santé. Il me faudrait faire des choix, aussi déchirants ceux-ci pourraient être ; ces fatidiques concesssions. “On organisera une campagne de sensibilisation LGBTQ+ en milieu hospitalier, puis on montera d'autres actions pour améliorer l'accompagnement des enfants hospitalisés,” je confiais à Itziar fièrement, en dépit de mon incertitude sur les moyens que je pourrais verser à ces moments-là. Je hochais la tête à la négative lorsque mon amie me demandait si la somme que nous avions récoltée avait été attendue. “Pas du tout pour ma part ! J'avais misé vers les 10 000$ honnêtement. Après, je suis toujours de ceux qui sont assez pessimistes,” je faisais dans un rire. Au final, mes espérances avaient été excédées par 5, le coquet montant de 55 400$ empoché. “Ca fait vraiment super plaisir, il y a tant de gens qui ont bossé comme des acharnés sur cette vente et on sait que ça aidera vraiment les jeunes patients. On pourra faire une différence.” J'annonçais, ravi et plein d'espoir.

Mon portrait n'affiche que compassion et désolation lorsque j'apprends les déboires que rencontre Itziar avec la co-propriétaire du Paradise. Cette institution tenait tant au coeur de l'hispanique que cela fend le mien d'apprendre la houle qu'elle subit ces temps-ci. Je lui adresse mes meilleurs souhaits tout en tentant de la faire rire en lui relatant la tendance cleptomane de ma fille. “Je te jure. Même Jude sait où aller retrouver les jouets qu'il a le malheur de laisser traîner... Après, ça me fait un bon argument pour l'inciter à ranger ses affaires aussi.” Je relativisais avec un sourire complice. Mon esprit élabore ensuite le lien entre la lutte de mon interlocutrice pour son club et le propre combat que j'ai mené pour la garde de Jude, et me pointe Josh, mon ami avocat. Dès que la vingtenaire suscite son intérêt pour son avis légal, je promets de les mettre en relation. Puis, j'oriente notre conversation vers un sujet que j'espère plus léger : les dernières vacances de la Cortés de Aguilar dans son pays natal.

“Six ans déjà, c'est fou !” Je m'étonnais. Lorsque nous nous étions rencontrés, Itziar débarquait à peine à Brisbane. Six années s'étaient donc écoulées depuis qu'elle me servait des verres tout en m'épargnant un naufrage désastreux au bar de Fortitude Valley qui l'employait alors ? “Et c'est dingue tout ce qui s'est passé en six ans,” je notais, autant pour mon amie que pour moi-même. “Et au final, on a tous les deux trouvé l'amour aussi,” je constatais, songeant à Rose qui ravissait le quotidien de l'espagnole. “Je suis content que tu aies adopté Brisbane,” je soulignais, sincère. Itziar était une vraie amie au de-là d'être une bonne personne : fidèle, sincère, généreuse et attentionnée. “Ca ne te faisait pas bizarre de switcher de l'anglais à l'espagnol quand tu étais à Madrid ? Tu n'as pas perdu ton accent ? Car tu l'as perdu un peu, en anglais, je t'avoue !”