We'll find a way to get our heads out of the water. -- @Gabrielle Strange

Chaque semaine l’envie d’aller se livrer à la police s’insinuait un peu plus dans son esprit. Il savait depuis longtemps qu’il s’agissait de la chose à faire, mais la peur de tout perdre l’avait empêché jusqu’à maintenant d’aller de l’avant avec cette démarche. Plus les mois passaient, cependant, plus il se rendait compte qu’il avait déjà beaucoup perdu pour la simple et bonne raison qu’il n’avait pas pris ses responsabilités en continuant sa vie comme si de rien n’était. Ses liens avec ses frères étaient au plus bas et il commençait à comprendre que ça n’allait jamais revenir comme avant entre eux tant et aussi longtemps qu’il ne se rendrait pas à la police. Peut-être qu’il n’avait pas agi assez rapidement pour sauver son mariage avec Iris l’année précédente, mais il pouvait encore faire ce qu’il fallait pour que ses frères ne le renient pas des années durant. La première étape était de tâter le terrain auprès de Gabrielle pour avoir une idée de la sentence qu’il pourrait obtenir pour son crime et s’il avait de nombreuses fois appuyé sur son nom dans sa liste de contacts sur son téléphone, il n’avait jamais eu le courage de l’appeler. Encore aujourd’hui, il s’était dégonflé avant d’appuyer sur le bouton pour composer son numéro, c’est au moment où il s’apprêtait à reposer son téléphone sur la table basse du salon qu’il reçut un message sur son téléphone et que le nom de la brune apparut à l’écran. Pour une raison qu’il ignorait, l’avocate s’était invitée chez lui pour la soirée et il avait accepté tout en voyant son appel comme un signe même s’il n’avait jamais été très orienté par tout ce qui était spirituel.

En l’attendant, il alla mettre la table et il en profita pour ramasser un peu histoire de se tenir occupé pour ne pas trop penser à la discussion qu’il comptait avoir avec Gabrielle. Lorsqu’elle toqua à sa porte, il alla lui ouvrir après avoir essuyé ses mains moites sur son pantalon. « Hey. Entre! » Il lui sourit légèrement tout en se déplaçant suffisamment pour la laisser entrer tandis qu’il tendait la main pour prendre le sac qu’elle lui tendait. « Votre repas, Leckie » Il referma la porte derrière elle, puis il se dirigea vers la cuisine en déposant le sac sur la table sur son chemin. « Je nous ai pris du thaï » Il acquiesça d’un mouvement de tête. « Bon choix! » Il faut dire qu’il n’était tellement difficile, il pouvait difficilement faire mieux. « Sympa ton antre. Tu n’as toujours pas trouvé de colocataire ? » Les sourcils haussés, il releva les yeux vers elle d’un air surpris. Son appartement n’avait rien de spécial, il était assez simple, mais ça lui convenait alors qu’il ne tenait pas à lancer toutes ses économies par la fenêtre avec un loyer trop cher pour lui. « C’est bon, tu n’es pas obligée d’être polie juste pour me faire plaisir, c’est loin d’avoir le même cachet que chez toi. » Il lui fit un clin d’œil en allant se chercher une bière dans le réfrigérateur. « Je déménage bientôt avec un ami. Son frère est parti à l’extérieur alors il lui laisse sa maison en attendant. » Ils faisaient une bonne affaire, le loyer n’était pas cher et ils allaient avoir beaucoup plus de place que maintenant. « Tu veux boire quoi? Il y a de l’eau, du jus, de la bière… » En espérant qu’elle ne désirait pas du vin parce qu’il en avait rarement chez lui. « Que me vaut cette visite imprévue? » demanda-t-il curieusement en espérant gagner un peu de temps. Il n’allait jamais être prêt à lui parler de son délit de fuite, il devait bien se rendre à l’évidence, mais il ne voulait pas reculer encore une fois, il avait besoin de se libérer de ce poids.

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« Tu en doutais ? » Il était loin d’être difficile à satisfaire lorsqu’il y avait de la nourriture en jeu, surtout s’il s’agissait de viennoiseries préparées avec amour par sa sœur jumelle Norah. Même s’il détestait cuisiner, il était capable de se débrouiller en choisissant des recettes simples. Il aurait certainement pu apprendre, s’améliorer au fil des années, mais Iris avait cuisiné la majorité de leurs repas durant les quatorze années qu’ils avaient partagées ensemble tandis qu’il se reprenait avec des tâches plus manuelles un peu partout dans leur maison. « Pas vraiment, mais c’est toi qui sais si tu as tendance à prendre de bonnes décisions ou non. » Un petit sourire moqueur prit place au coin de ses lèvres. « Quoique si je me fie à l’état de ta tuyauterie, je pense que la réponse est non… » Non, elle n’avait pas fini d’entendre parler de cette histoire de collier, mais ne dit-on pas qu’on taquine ceux qu’on aime? « Toujours mieux qu’un quelconque plat qu’on aurait pu concocter, de toute façon » Il posa son index sur son menton en faisant mine de réfléchir. « On est pourri tous les deux, ne dit-on pas que deux négatifs ensemble donnent un positif? » Non, dans leur cas, ça donne juste encore plus de négatif devant les fourneaux. « Rassure-moi tu n’étais pas en train de t’essayer à la cuisine avant que j’arrive ? » Il avança la tête pour humer l’air ambiant. « Ça ne sent pas le brûlé, il faut croire que non. » dit-il sur un ton moqueur même s’il ne brûlait pas tout. La preuve : il avait bien réussi à servir des nachos à Channing et celui-ci les avait même trouvés bons. Qui l’eût cru?

Gabrielle complimenta l’appartement de Caelan, ce qui le surprit puisque son logement n’avait absolument rien de spécial. « C’est certain ! Je ne cherche pas à être poli, je te dis sincèrement ce que je pense. Ça semble cozy et… pratique, c’est tout » Il fit une moue désapprobatrice tandis que son regard parcourait la décoration de son appartement. « Si tu le dis, disons que j’ai connu mieux. Mais seul, ça me suffit. » Son appartement n’avait absolument rien à voir avec la maison dans laquelle il avait habitée pendant une dizaine d’année avec son ex-femme. C’était beaucoup moins luxueux et moderne que ce à quoi il était habitué, mais considérant qu’il envisageait se dénoncer à la police et qu’il n’avait donc aucune idée de ce que l’avenir lui réservait, il valait mieux qu’il s’habitue à vivre dans un logement bas de gamme. « Oh génial, ça. Toujours ici, à Fortitude Valley ? » Il secoua négativement la tête. « Spring Hills. » Un quartier beaucoup mieux que Fortitude Valley, un choix qui n’allait probablement pas autant surprendre ses proches. « Je viendrai voir ça, quand tu y habiteras. On pourra enfin comparer d’égal à égal » Il rit légèrement en haussant les épaules. « Comme tu veux, mais ce ne sera pas vraiment d’égal à égal, ce ne sera pas vraiment chez moi. » La maison n’allait pas lui appartenir, il n’allait donc pas être en mesure d’y faire tout ce qu’il voudrait comme il le faisait dans la sienne auparavant. Même faire des travaux dans sa maison lui prenait pas mal de temps, ça lui manquait et il espérait un jour qu’il pourrait de nouveau être propriétaire, avoir sa place à lui. En attendant, Gaby n’était pas ici pour lui parler de son appartement et elle semblait avoir besoin d’un petit remontant. Il lui offrit donc à boire en espérant qu’elle n’aimait pas que le vin. « Tu n’as pas un bon verre de vin ? » Il ouvrit la porte de son réfrigérateur, les sourcils froncés. « J’ai une bouteille bon marché que j’utilise parfois quand j’ai besoin d’un peu de piquant dans ma vie et que je décide de cuisiner. Mais je ne suis pas certain que ce soit vraiment dans tes cordes ou que ça te concerne. » dit-il en sortant une bouteille sur laquelle on pouvait lire « beau bonhomme ». « Je vais essayer ta boisson favorite alors » Il leva l’un de ses index. « Bon choix, bon choix. » Il sortit une deuxième bière du réfrigérateur, la décapsula puis il la tendit à la brune en lui demandant ce qui lui valait cette visite imprévue. « Parce qu’il faut une raison valable pour que je vienne te voir à l’improviste ? » Il suivit l’avocate jusqu’au salon où ils prirent place sur le canapé. « Non, tu es toujours la bienvenue. Ce n’est juste pas vraiment dans tes habitudes. » Ce n’était certainement pas lui qui allait s’en plaindre, il appréciait chaque petit moment qu’ils pouvaient passer ensemble. « En réalité, je n’avais pas spécialement envie d’être seule avec moi-même ce soir… » Alerte blague pourrie dans l’espoir de la faire au moins sourire. « C’est assez rare qu’on est seul avec quelqu’un d’autre que soi-même. » Il reprit un air sérieux tandis qu’il l’observait attentivement. Quelque chose la tracassait, il suffisait de voir à quel point son regard le fuyait soudainement pour le comprendre. « Des choses que j’ai apprises le soir de mon anniversaire et que je ne cesse de ressasser depuis… » Il demeura silencieux un court instant, tentant de juger par son expression s’il pouvait la questionner à ce sujet ou s’il avait intérêt à changer de sujet. « Tu veux en parler? » lui demanda-t-il finalement en posant une main dans son dos pour lui frictionner.

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« Shut up, Cae » Caelan aurait pu être vexé par les mots de Gabrielle, mais au contraire, un sourire victorieux étira davantage ses lèvres avant qu’un rire ne les franchisse. « Ooooooh Madame profère des vulgarités, est-ce qu’elle ne serait pas à court de réponse? » Et pour en rajouter une couche, il lui donna un petit coup de coude en haussant les sourcils. Les réactions de la brune le motivaient à continuer de la taquiner à ce sujet. C’était plus fort que lui, même s’il avait tout intérêt à ne plus le faire alors qu’il espérait secrètement qu’elle cesserait de le voir comme étant simplement le meilleur ami de l’héritier. L’ingénieur n’était pas à l’aise d’essayer quoi que ce soit avec l’avocate pour l’instant, surtout pas après la conversation que Channing et lui avaient eu il n’y avait pas si longtemps, mais il ne pouvait pas ignorer les sentiments qu’il éprouvait pour la jeune femme. De toute façon, dire à Gabrielle qu’il était amoureux d’elle n’amènerait absolument rien de bon alors qu’il envisageait de plus en plus à aller se dénoncer à la police et qu’il ne savait pas du tout pour combien de temps il se retrouverait derrière les barreaux. « On devrait peut-être s’y essayer. Qui sait, on serait peut-être agréablement surpris. » Il fit mine de réfléchir avant d’hocher vivement la tête. « Ok, la prochaine fois on s’organise un petit atelier de cuisine. Je m’assurerai d’avoir un extincteur juste au cas. » Peut-être que leur repas ne serait pas mangeable et qu’ils finiraient par se commander du restaurant, comme d’habitude, mais on pourrait au moins souligner leurs efforts et ça promettait d’être amusant. « Tant mieux, je n’aurai pas pris le risque de goûter de toute manière… No offense… » Il grimaça, faussement déçu. « Tu ne sais pas ce que tu manques. » Pas grand-chose.

Lorsque Gabrielle lui demanda s’il avait du vin, il lui proposa la bouteille qui lui servait plutôt pour les rares fois où il cuisinait même s’il savait très bien que la jeune femme refuserait puisque sa bouteille est bien trop bon marché pour elle et, surtout, qu’elle est déjà ouverte. « Alors étant donné que tu t’en sert pour les jours où tu as espoir de sortir quelque chose de présentable du four, et que j’imagine que c’est toujours un fiasco, je vais plutôt passer mon tour et me rabattre sur autre chose » Une bière était un choix beaucoup plus judicieux étant donné l’amateur qu’il était. Il ne se contentait pas de bière bon marché achetée à l’épicerie, mais plutôt de bière de microbrasserie qu’il avait soigneusement choisie. Pendant qu’il lui servait la bière, il lui fit part de sa surprise de la voir débarquer chez lui sans qu’ils aient quoi que ce soit de prévu à la base. Sa visite de le dérangeait pas du tout, au contraire, il était toujours content de passer du temps avec elle, mais c’était la première fois qu’elle le faisait et ça attisait sa curiosité. « Ne me fais pas regretter d’être venue, Leckie » Il leva les mains de part et d’autre de son visage d’un air innocent. « Ce n’est pas mon but, tu es toujours la bienvenue. » Cette fois-ci, c’est un sourire franc qu’il lui offrit alors qu’il pensait sincèrement ce qu’il venait de lui dire. Dans la mesure du possible, il se rendait toujours disponible pour les gens auxquels il tenait et, à cet instant, il sentait que la jeune femme avait besoin de compagnie et peut-être même de parler, ce qu’il lui demanda. « J’en sais rien à vrai dire… » Il voyait bien qu’elle hésitait à s’ouvrir à lui et il décida de ne pas lui mettre de pression et de simplement attendre silencieusement tout en prenant une gorgée de sa bière, en espérant qu’elle se sentirait suffisamment à l’aise pour s’ouvrir à lui. « C’est à propos de mes frères. Ils vivent ici depuis des années et m’ont toujours gardé à l’écart, ce sont toujours montrés… distants avec moi alors qu’on a toujours été proche. En 2018, j’ai découvert qu’ils avaient changé d’identité et que l’un d’eux a fait de la prison quelques années auparavant… Chose qu’ils se sont bien gardé de me dire, évidemment. C’est ce qui m’a amené à commencer à "enquêter" sur eux parce qu’il ne répondait pas à mes questions, d’autant plus lorsque je suis arrivée à Brisbane. Ils ne semblaient pas ravis de me voir là, et désormais, j’ai compris pourquoi… » Lorsque Caelan était tombé par hasard sur Gabrielle dans ce café, il était loin de s’imaginer qu’elle était déménagée en Australie pour une raison aussi grave. À cet instant, il se rendit compte à quel point elle et lui ne se connaissaient pas tant que ça au final. « Finalement, le soir de mon anniversaire, les langues se sont déliées et ils m’ont tout avoué… et je crois que, depuis, je me dis que j’aurai peut-être préféré rester dans l’ignorance… » Le brun fronça les sourcils sans toutefois l’interrompre, conscient que cette fois-ci, ça ne servirait à rien qu’il essaie de creuser pour en savoir plus. Le sujet semblait déjà suffisamment difficile à aborder sans qu’il n’en rajoute une couche. « Ce que j’ai appris n’est pas quelque chose que je pourrais tolérer que ce soit aujourd’hui… ou demain. Je ne pourrais pas leur pardonner ce dans quoi ils ont pu ou sont toujours impliqués et ce qu’ils ont pu faire pendant toutes ces années… Je me dis surtout que, ce soir-là, ce n’est pas mes frères qui se trouvaient face à moi… mais deux inconnus… » Même s’il n’avait aucune idée de ce que ses frères avaient bien pu faire, il comprenait en partie comment Gabrielle pouvait se sentir puisqu’il avait lui-même vu la déception dans le regard de ses proches lorsqu’ils avaient appris la vérité à son sujet, qu’il avait commis un délit dont ils ne le pensaient pas capable. « Je comprends, ça n’a pas dû être évident pour toi. Les gens changent et c’est parfois difficile d’accepter la direction que certains prennent. » Il posa doucement une main sur le genou de Gaby en lui souriant doucement en espérant la réconforter un peu. « Je ne sais pas ce qu’ils ont fait, mais je suppose qu’ils ont dû vouloir te garder à l’écart pour te protéger et ne pas te décevoir, ce qui n’excuse pas ce qu’ils ont fait évidemment. » Il retira sa main de sur son genou pour plutôt la poser dans son dos pour lui frictionner. « Tu es déménagée à Brisbane pour ça? Pour enquêter sur eux je veux dire? » Derrière cette question s’en cachait une autre. Avait-elle l’intention de repartir aux États-Unis maintenant qu’elle avait pris la vérité sur ses frères, une vérité qui ne faisait pas son affaire d’ailleurs? Il espérait que non, qu’elle comptait rester malgré ce qu’elle avait pu découvrir à leur sujet. « J’espère que tu vas rester. » Il ne put s’empêcher de lui avouer d’une voix douce avant de changer rapidement de sujet. « Il n’y a rien de mieux qu’une blague pourrie pour te changer les idées. » ll se racla la gorge en passant une main dans ses cheveux. « Quel est le sport le plus silencieux? » Il posa son regard sur elle tandis qu’il lui laissait quelques secondes pour réfléchir. « Le parachuuuuuuuut. »

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« Leurs secrets n’ont fait que me décevoir encore plus, Cae’. Et me protéger de quoi au final ? D’eux-mêmes ? » En voyant la colère et le désarroi de Gabrielle face à ce qu’elle avait découvert sur ses frères, Caelan culpabilisait. La déception de ses proches, il l’avait vue en direct lorsqu’il s’était finalement confié à eux deux ans et demi trop tard et même en sachant qu’elle parlait de ses frères, il avait l’impression que ses paroles s’adressaient à lui tellement la situation lui semblait similaire à ce qu’il vivait avec les membres de sa famille. Il était loin de se douter de la gravité des actes des frères de l’avocate, mais maintenant qu’elle lui avait fait part de son ressenti, il craignait que se livrer à la police ne règle rien. Et si Marcus, Perceval et Norah ne lui pardonnaient jamais d’avoir commis un délit de fuite? « C’est possible, oui. » répondit-il en haussant les épaules. Le bien-être de la jeune femme le préoccupait et il désirait trouver les bons mots pour qu’elle se sente mieux, mais ce n’était pas évident avec le peu de détails qu’elle lui donnait. Il n’était pas question d’insister, cependant, alors que cette histoire ne le regardait en rien, il se contenterait au moins de l’écouter et de l’aider à se changer les idées comme il le pouvait. « Pardon Cae’, ce n’est pas contre toi » Il lui sourit en secouant négativement la tête pour qu’elle ne s’en fasse pas, il comprenait que les émotions négatives qu’elle ressentait n’étaient en rien dirigées contre lui. « Je sais, t’inquiète. Je suis fait fort, je peux endurer ton côté grognon si ça te fait du bien de te défouler. » Il lui adressa un clin d’œil avant de reprendre un air plus sérieux. « C’est compliqué parfois, la famille. C’est censé être avec eux qu’on se sent en sécurité et en paix, mais c’est souvent ceux qui nous blessent et nous déçoivent le plus aussi. » Et il était bien placé pour le savoir. « Je suis venue ici avant tout pour les retrouver parce que je ne supportais plus cette distance qui s’était instaurée au fil des années entre nous. J’ai effectivement enquêté en arrivant ici, j’ai cherché à en savoir plus sur leur sujet, et je n’ai pas été tout de suite à leur rencontre… Mais ma motivation première était de retrouver mes frères… » Après avoir grandi avec eux, elle devait avoir cette impression qu’il lui manquait une partie d’elle depuis leur départ. Elle avait bien fait de partir à leur recherche afin d’éviter qu’ils ne deviennent davantage des inconnus que ce qu’ils l’étaient déjà. Malheureusement pour elle, elle avait dû faire le constat qu’ils n’étaient plus les mêmes. « Je comprends. Je suis désolé que la conclusion ne soit pas vraiment ce que tu souhaitais. » Mais si elle ne l’avait pas fait, elle l’aurait probablement regretté. « Je n’envisage pas de partir. Malgré tout, je suis bien à Brisbane. Mais ça me touche ce que tu me dis. Au moins quelqu’un qui souhaite que je reste » Il rit légèrement en cognant son genou contre le sien. « Je ne dois pas être le seul, imagine tous les commerces que tu encourages, ils feraient faillite sans toi. » la taquina-t-il en portant sa bière à ses lèvres.

Chaque sourire qu’il réussissait à lui provoquer était une victoire même s’il savait qu’il jouait à un jeu dangereux parce qu’il sentait son cœur fondre un peu plus à chaque fois qu’elle réagissait positivement à ses paroles ou ses gestes. Il ne pouvait faire autrement, il la trouvait séduisante et son sourire contagieux lui faisait du bien à lui aussi, du moins à court terme. Il n’était pas con, Caelan, il se doutait que ses sentiments pour elle n’étaient pas réciproques, mais il préférait lui remonter le moral pour l’instant que de se soucier du mal que ça pourrait lui faire que d’avoir la confirmation qu’il ne se passerait jamais rien entre eux. « Je ne sais pas… uhm… la plongée ? » Les lèvres pincées, il secoua vivement la tête avant de lui donner la réponse à sa blague. « Caelan, vraiment, je t’adore, mais … il faut absolument que tu revois ton répertoire de blague » Il claqua sa langue contre son palais en levant les yeux au ciel, la pointant dès l’instant où elle se mit à rire. « Pourtant tu ris! » De lui, certes, mais elle riait au moins et n’était-ce pas le bu de l’intervention? « Bon, et toi sinon, comment vas-tu ? » La voilà la question qu’il redoutait tant. « Bien! » répondit-il instantanément pour ne pas laisser place à l’hésitation. Parce que non, il était loin de bien aller, mais après la discussion qu’ils venaient tout juste d’avoir, il redoutait encore plus le moment où il lui confierait son délit de fuite. Comme ses frères, allait-il la décevoir au point où elle ne voudrait plus garder contact avec lui? Il ne se sentait pas prêt à prendre le risque malgré toutes les questions qu’il voulait lui poser sur ce qu’il risquait s’il allait se dénoncer. « Peut-être que tu n’as pas envie de parler boulot, mais… je me demandais… » Il prit une gorgée de sa bière en pivotant le haut de son corps vers elle en essayant d’avoir l’air le plus naturel que possible malgré tout le stress qu’il ressentait et son cœur qui s’affolait dans sa cage thoracique. « Ma sœur a été victime d’un délit de fuite l’an passé et le coupable n’a toujours pas été arrêté. Par curiosité, si jamais la police le trouve ou qu’il va se dénonce à la police, on peut s’attendre à quoi comme sentence? » Il se sentait malhonnête de faire croire à Gabrielle qu’il souhaitait s’informer pour celui qui avait presque tué Norah et il espérait sincèrement qu’elle ne lui en tiendrait pas rigueur. « Est-ce que tu penses qu’il ferait de la prison? Ou qu’il se ferait simplement taper sur les doigts? Je suppose que ça dépend s’il a déjà un casier judiciaire ou non, s’il se livre ou s’il se fait arrêter? » Il détourna la tête, angoissé d’entendre sa réponse et d’enfin savoir ce qui risquait de lui arriver s’il allait de l’avant avec cette démarche.

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Et si Gabrielle lui en voulait comme à ses frères? Après tout, elle venait de passer un bon moment à se confier sur le fait qu’ils lui cachaient qui ils étaient réellement et Caelan n’avait rien dit alors qu’il faisait relativement la même chose. Et plutôt que d’être honnête dès le début en s’informant pour lui, il avait fait semblant que les questions étaient en lien avec l’accident que sa sœur avait eu l’année d’avant. Ce n’était pas parce que le délit de fuite dont Norah avait été victime n’était pas le fruit de son imagination que ça excusait le reste, mais le brun n’avait pas envie de prendre le risque de perdre une fois de plus quelqu’un à qui il tenait. « Comme tu dis, tout dépend. Il y a plusieurs conditions en fait. Si cette personne a déjà commis des délits, nécessairement, sa peine sera plus lourde. Pareil s’il vient à être appréhender plutôt qu’à se rendre par lui-même » Évidemment qu’il connaissait la réponse à toutes ces questions, mais il devait jouer le jeu, faire semblant qu’il ne connaissait rien de celui dont ils discutaient à l’instant sinon l’avocate risquait de se douter qu’il ne disait pas tout. « Mais, le délit de fuite est passible en général d’une bonne amende ou d’un emprisonnement d’un an au moins » Au moins, ces paroles ne tombèrent pas dans l’oreille d’un sourd, il comprenait bien qu’il risquait d’aller en prison pendant possiblement plus d'un an, ce qui ne l’aidait en rien à se convaincre d’aller se dénoncer à la police. « Je vois, on ne le saura donc pas avant que les policiers aient mis la main dessus, si jamais ils mettent la main dessus. » Car il y avait aussi la possibilité qu’il ne soit jamais arrêté tout comme lui dans l’affaire de sa victime. À la différence qu’il ne serait jamais capable de continuer à vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête sans rien faire, ça le rendait déjà bien assez fou. « L’emprisonnement dépendra en réalité si la victime a été blessé ou non. J’imagine que ta sœur a été blessée dans l’accident ? » Il hocha lentement la tête en baissant un instant la tête. « Oui. Elle va bien aujourd’hui, mais elle a été dans le coma un temps et elle a dû avoir plusieurs chirurgies avant d’être de nouveau sur pieds. » Rien que d’en parler le replongeait dans cet état de panique dans lequel il s’était retrouvé en apprenant la nouvelle. Le trajet entre Edmonton et Brisbane était déjà long à la base, l’inquiétude qu’il avait vécu alors qu’il se sentait impuissant n’avait fait qu’empirer les choses et il n’avait pas réussi à fermer l’œil durant le vol. Il préférait ne pas penser à ce qu’il aurait fait si Norah n’avait pas survécu. « Je suis désolée en tout cas qu’une telle chose lui soit arrivée… J’espère que l’auteur de cet acte finira par être appréhendé… ou reviendra à la raison » Il hocha doucement la tête en posant sur un elle son regard, un léger sourire au coin des lèvres. « Merci. J’espère aussi, ça nous permettrait tous de boucler la boucle à ce sujet… » Il savait depuis le début que se dénoncer était la chose à faire, mais c’était de se retrouver dans le siège de la famille d’une victime qui amplifiait son désir voire son besoin de le faire car il pouvait comprendre ce que la famille de sa victime pouvait ressentir à son égard. « Je me doute que ça doit être difficile pour elle de ne pas obtenir justice et de savoir cette personne encore dehors. Et pour vous aussi » Il acquiesça d’un mouvement de tête en poussant un long soupir. « En effet. »

***

Malgré son désir d’être transparent, Caelan garda pour lui son délit de fuite et il changea de sujet pour ne plus y penser. Pendant plusieurs heures, les bouteilles de bière s’enchaînèrent comme les blagues pourries de Caelan au grand dam de Gabrielle qui n’avait d’autre choix que de les subir. Jusqu’à ce que l’alcool prenne le dessus sur le contrôle qu’il avait sur ses pensées et qu’il décide d’être transparent avec elle au risque qu’elle lui en veuille à lui aussi. « Gabyyyyyyyy? » Il rit nerveusement en se caressant la nuque d’une main. « Il faut que je te dise quelque chose, mais tu ne seras peut-être pas contente… ll y a quelque chose que je veux te dire depuis un moment, mais j’ose pas parce que c’est grooooooos. Genre… tu vas être déçue. Comme tes frères? Je ne sais pas. Je ne veux pas que tu sois déçue toi aussi… parce que je t’aime BEAUCOUP! » Il ajouta le dernier mot avec beaucoup d’intonation pour qu’elle ne prenne pas ces paroles comme une déclaration d’amour parce que ce n’était pas de ça qu’il voulait lui parler. « Tu sais, les questions? Le délit de fuite… J’ai pas menti hein. Norah s’est vraiment faite frapper, elle a été dans le coma, tout ça, les chirurgies… J’aurais aimé que ce soit que des conneries, mais C’EST VRAI! Je n’aurais pas menti sur quelque chose comme ça… bref ma gueule. » Il se râcla la gorge, clairement mal à l’aise d’aborder avec elle son délit de fuite, même avec une bonne dose de courage liquide dans le sang. « Donc je disais, les questions… c’était pour moi. Parce que bah… j’ai presque tuer quelqu’un et je suis parti. I’m a coward. » Voilà c’est dit. « Je prendrais une autre bière, tu veux une autre bière? » Sans attendre sa réponse, il se leva d’un bon, mais en essayant de prendre quelques bouteilles vides sur la table basse avec ses mains tremblantes, il en fit tomber plusieurs au passage. Clairement, il avait assez bu pour la soirée.

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Caelan voulait préparer le terrain, préparer Gabrielle à la bombe qu’il allait larguer en lui avouant le crime qu’il avait commis. Mentionner ses frères après ce qu’elle lui avait dit sur eux lui avait semblé être une bonne idée dans les circonstances, mais l’air renfrogné qui apparut sur le visage de la brune ne fit qu’augmenter un peu plus le niveau de stress du brun. « Moi aussi je t’aime beaucoup, Cae… mais qu’est-ce que tu as à me dire ? Tu me fais peur » Alors ils étaient deux parce que lui aussi il avait peur. Même si Gabrielle entendait toutes sortes d’histoires en tant qu’avocate, ça ne voulait pas dire qu’elle accepterait pour autant de garder contact avec lui après ce qu’il avait fait. Il s’agissait ici de leur vie personnelle, elle n’avait aucun compte à lui rendre. Malgré le stress et la certitude qu’elle le laisserait tomber comme bien d’autres avant elle, il lui déballa son sac à la vitesse de l’éclair avant de chercher une porte de sortie. « Non… » Elle ne voulait pas de bière, mais lui en voulait une. Il avait besoin d’une bière pour passer son stress et oublier la conversation qu’ils étaient en train d’avoir. « Cae, attends. » Il ne l’écouta pas, bien pressé à ramasser les bouteilles vides pour aller les porter sur le comptoir de cuisine jusqu’à ce que la jeune femme le coupe dans son élan en posant sa main sur son bras. L’attente était insupportable, il se mettait à trop penser, à s’imaginer plein de choses et… « Comment ça tu as presque tué quelqu’un ? Tu veux dire que… tu es coupable d’un délit de fuite toi aussi ? » Incapable d’affronter son regard sans doute rempli de déception et de jugement, il se contenta d’hocher la tête en fixant ses pieds. « Quand est-ce que ça s’est passé ? Comment ? … Je veux dire, pourquoi ? Raconte-moi tout depuis le début, s’il te plait. » Il prit place sur le tabouret, guidé par Gaby, puis il soupira longuement en se caressant nerveusement le lobe d’oreille du bout des doigts. « C’était hum… Il y a un peu plus de deux ans. Je revenais d’une soirée avec des amis, il faisait noir et j’étais fatigué… » Nerveux, il commença à triturer le bas de son chandail. « J’ai échappé ma bouteille d’eau. Je me suis penché pour la ramasser et… » Il prit une pause pour ravaler le sanglot qui menaçait de jaillir alors qu’il revivait ce moment difficile en racontant ce qu’il s’était passé. Il revoyait les images dans sa tête et il se souvenait même de la chanson qui résonnait dans l’habitacle à ce moment. S’il y pensait un peu trop, il pouvait même ressentir le choc de la collision, sans parler des émotions qui le secouaient comme si c’était arrivé la veille. « C’était un accident, je te jure. » ajouta-t-il d’une voix tremblante en osant enfin lever son regard voilé vers le sien. « J’ai paniqué… Je suis parti comme un lâche comme celui qui a frappé ma sœur. Norah… ne ferait jamais de mal à une mouche. C’est moi qui aurais dû me faire frapper, pas elle. » Il courba l’échine sous le poids de son fardeau, appuyant ses coudes contre ses cuisses afin de pouvoir cacher son visage dans ses mains pour qu’elle ne le voit pas pleurer. « Et qui est au courant ? » Il redressa son corps en reniflant. « Norah, Iris, mes parents. J’ai déçu tout le monde. Mes frères ne me parlent plus… Anwar non plus. Channing n’est pas au courant. Je ne pouvais pas prendre le risque de le perdre lui aussi… » Sa cage thoracique fut secouée d’un soubresaut tandis que son visage se décomposa, les larmes roulant sur ses joues sans qu’il ne puisse les retenir. « Je… Je ne peux plus continuer comme ça Gaby. Je suis en train de devenir fou. » La vue complètement brouillée par les larmes, il l’implora malgré tout du regard de l’aider, peu importe les conséquences que ça aurait sur sa vie.

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« C’était un accident, Caelan » Peut-être devrait-il être rassuré d’entendre Gabrielle répéter ses mots comme si elle partageait son opinion, mais la peur de l’inconnue concernant son avenir prenant toute la place, sans compter qu’il ne savait pas à l’instant si la personne à qui il parlait était l’avocate ou son amie si ce n’était pas les deux. La distance qu’avait pris plusieurs de ses proches à l’annonce de son délit de fuite l’avait marqué au fer rouge et il ne pouvait faire autrement que de s’imaginer que tous les autres auraient la même réaction à son égard. « On va trouver une solution, Caelan. Les questions que tu m’as posée tout à l’heure… c’était pour toi, n’est-ce pas ? » Caelan n’avait plus aucune raison de lui mentir maintenant qu’il s’était jeté à l’eau, raison pour laquelle il se contenta d’hocher la tête en guise de réponse sans oser la regarder tellement. Il culpabilisait de lui avoir menti comme il l’avait fait à tous les autres en prétextant que les questions concernant le cas l’accident de sa sœur, mais la ressemblance entre les deux cas lui avait permis d’aborder doucement le sujet avant de larguer la bombe qui pouvait tout faire basculer en un claquement de doigts. « C’est ce que tu veux vraiment ? » Le voulait-il vraiment? Oui et non… Le brun savait depuis longtemps que c’était la chose à faire, qu’il devait prendre ses responsabilités et assumer le geste qu’il avait commis en 2019. Il devait retirer ce poids de sur ses épaules en permettant à sa victime et ses proches d’aller de l’avant. Il le devait pour eux, pour ses proches, mais aussi pour lui-même si les conséquences d’une éventuelle confession lui faisaient peur. Il craignait la prison, mais aussi l’incertitude dont il serait proie quant à son avenir après sa libération. « Il le faut… » Il n’avait pas le choix s’il ne voulait pas que son secret continue de le gruger à petit feu. « Il n’est pas trop tard, Cae’. Et je ne serai pas celle qui te retiendra à le faire… je t’y incite même. Pour ton bien mais aussi celui de la victime et de ton entourage » Le regard voilé, il hocha lentement la tête en se mordillant nerveusement la lèvre inférieure. « Je ne pourrais pas m’occuper de l’affaire, parce qu’on se connait et qu’il y aurait conflit d’intérêt. Mais j’ai une collègue pénaliste en qui j’ai entièrement confiance et avec qui tu seras entre de bonnes mains. Elle est redoutable et réputée dans le milieu » ll serra à son tour la main de Gaby en hochant lentement la tête. « Ok. Merci… » dit-il en lui adressant un sourire triste. Des émotions contradictoires se répandaient en-dedans de lui alors que, d’un côté, il se sentait légèrement soulagé d’avoir enfin pris cette décision qu’il tardait à prendre depuis deux ans, mais il avait aussi la peur au ventre de ne pas savoir ce qui l’attendait pour les mois voire les années à venir. Caelan avait toujours eu plein de projets et d’ambition, mais il avait l’impression aujourd’hui que tout ce qu’il avait toujours connu était en train de s’écrouler, que sa vie ne tenait maintenant qu’à un fil. Il avait déjà perdu beaucoup depuis son délit de fuite et la liste n’allait que s’allonger davantage… « Ce ne sera pas facile… mais je serai là et … tu devrais le dire à Channing… il doit l’apprendre de toi… et je suis persuadée qu’il saura t’écouter et t’épauler comme il se doit » Dominé par la peur, les traits du Leckie se rembrunirent une fois de plus tandis qu’il tentait tant bien que mal d’hocher la tête avec conviction. Gabrielle avait été intime avec Channing, pouvait-il vraiment se fier les yeux fermés à ce qu’elle disait alors qu’ils n’étaient plus en contact et qu’elle le connaissait depuis moins longtemps que lui au final? Caelan ne savait plus quoi penser après avoir vu la réaction des membres de sa famille. Si eux avaient pu lui tourner le dos, pourquoi son meilleur ami n’en ferait pas autant? « Tu crois? Et si tu te trompes? Je vais juste me retrouver tout seul… » Il soupira bruyamment en essuyant le coin de ses yeux du bout des doigts avant de se lever de son tabouret. « Excuse-moi… » Alors qu’il se sentait à deux doigts de craquer une fois de plus, l’ingénieur prit la direction de sa chambre pour s’isoler, mais Gabrielle ne le laissa pas seul bien longtemps et elle rejoignit son ami pour l’épauler. Épuisé par les émotions, Caelan finit par s’endormir en sa compagnie.