« Isaaaaaaaac » ca faisait maintenant vingt minutes qu’il m’avait dit : je reviens dans cinq minutes, fais comme chez toi, j’en ai pas pour longtemps… et je l’avais cru sur parole. J’avais peut être oublié qu’il lui fallait autant de temps pour prendre une douche. Bon, j’avais fais comme chez moi, sachant parfaitement où se trouvait chaque chose chez lui, j’avais pris un verre d’eau, des cookies dans les placards à biscuits et j’avais même patienter devant la télévision mais rien ne me branchait… et depuis dix minutes, je trouvais le temps particulièrement long surtout depuis que ce documentaire sur les courses de voilier avait démarrer… j’y comprenais rien à leur charabia : brigantine, bôme et compagnie, que des mots inconnu au bataillon. J’éteignit la télévision sans vergogne et attendais sagement. Le voilà qui arrive, serviette autour de la taille et cheveux en pagaille. « mais… » je reste incrédule. « t’as fais quoi pendant tout ce temps ? J’crois que j’met moins de temps que toi dans la salle de bain, même quand je sors… » bon, peut être pas quand même, mais au moins, s’il était sorti habiller, j’aurai pu comprendre. « tu sais pas comment te fringuer c’est ça ? » pourtant, on allait juste au pot de départ d’une de ses collègues dont j’avais oublié le nom. Il m’avait demandé de l’accompagner parce que soit disant, il allait s’ennuyer à mourir seul et que pour autant, il n’avait pas envie de planter sa collègue pour l’occasion. Et comme on était pas sortie depuis longtemps lui et moi, j’avais accepté, n’étais-je pas une amie en or ? hm.
« On va finir par être en retard ! » même si en réalité, on était pas très loin du bar en question, même à pied et que c’était pas forcé qu’on soit à l’heure. « J’trouve ça quand même chelou de faire un pot de départ en plein milieu de semaine, genre… les gens travaillent et c’est pas là qu’il y a plus d’ambiance dans les bars… » je dis en me servant à nouveau à boire puisque visiblement, j’avais le temps. « bon, vas terminer de t’habiller au moins. » je le chasse à peine mais si je commence à faire la conversation et à poser trop de question, ca allait encore plus trainer. « tu m’diras, j’peux venir squatter avec toi... » comme deux nanas qui se préparent ensemble, sauf que moi, j’suis déjà prête. J’me lève et le suit avec mon verre à la main. « j’suis contente de passer la soirée avec toi ! »

Je conclus péniblement la conversation avec un de mes collègues lorsque j'entends un véritable cri de guerre digne de ma meilleure amie parvenir du séjour. Je jette un coup d’œil à l'heure affichée sur mon téléphone et réalise promptement que cela fait une bonne vingtaine de minutes que je laisse Noa faire le poireau à mon domicile. J'ai pourtant une bonne excuse : un des invités de la soirée m'a spammé de sorte à m'exposer à quel point le pot de départ ne lui faisait pas envie et qu'il pensait se faire porter pâle. J'avais œuvré vers la dissuasion pour deux raisons : la première étant que la célébrée du soir avait passé la garde du matin avec ce dit collègue et à moins qu'une pathologie fulgurante l'ait happé sans merci, je doutais fortement qu'elle avale le bobard. Deuxièmement : j'avais toujours estimé qu'il valait mieux être honnête - même si ce n'était pas toujours évident.

Suite à cet appel et alors que je m'apprêtais à quitter la salle de bain pour aller chercher des fringues dans ma chambre, l'outil de communication retentit de nouveau. L'on me sollicitait pour une rapide évacuation dans le cadre des Flying Doctors et bien que ça me faisait suer de refuser, je ne pouvais pas accepter. Même si l'optique de sauter ce pot de départ m'enchantait aussi, j'avais prévu passer la soirée avec la Jacobs et ceci n'était pas négociable. Je m'étais donc excusé - de plus, je n'étais pas sur la liste des agents disponibles ce soir - et m'étais orienté vers le salon où s'était installée ma meilleure amie. Origine d'un raid de paquets de biscuits, elle me lança un regard incrédule, me demandant franchement ce que j'avais fichu pendant tout ce temps. Je lançais mon téléphone sur un des coussins du divan et ris doucement devant les commentaires de mon interlocutrice comme quoi elle mettait moins de temps que moi à se préparer. Puis elle soupçonnait que j'étais indécis quant à quoi me mettre sur le dos. « T'as pas tort. »

Je m'apprêtais à m'installer à côté d'elle sur le divan mais son « On va finir par être en retard ! » me ravisa. Elle était plus motivée que moi, sur le coup. J'expliquais la spécificité de la date du pot : « C'est les soirées d'infirmiers, ça. C'est les seuls créneaux où on a pu tous être dispos. » Noa me pressait de nouveau afin que je ne me rende pas à cette soirée en drap de bain et m'accompagnait jusqu'à la salle de bain, dans un élan généreux et serviable de sa part. « J’suis contente de passer la soirée avec toi ! » « Moi aussi, j'suis content que tu sois là. » Ce soir et dans ma vie en général. Je réfléchis quelques secondes et questionnais : « Tu crois que j'suis obligé de mettre une chemise ? C'est pas moi qui m'casse, après tout... » Isy ou l'art de marchander. « Il y a plein de gens qui essaient de se désister, je pense que ça va être triste comme pot de départ... » J'espérais que le mien ne serait pas aussi déprimant. J'attrapais le flacon de parfum et faisais tomber par inadvertance le verre où reposaient nombreuses brosses à dents. « Mince »

« Tu crois que j'suis obligé de mettre une chemise ? C'est pas moi qui m'casse, après tout... » je regarde cette chemise qu’il a sous les yeux et j’hesite « tu seras clairement le plus classe et le plus canon dans cette chemise.  Mais si t'as pas envie laisse tomber,  ta collègue risquerait de t'en vouloir d’attirer plus l'attention qu'elle. » je prends la chemise et la met sur le côté pour choisir un polo très sympa qui fera l'affaire. « ce sera parfait ! » je Hoche la tête et le laisse faire. . « Il y a plein de gens qui essaient de se désister, je pense que ça va être triste comme pot de départ… » il me traîne vraiment dans une soirée qui s'annonce bonne ambiance. « T’es sur que tu veux y aller ? Au pire on passe dire bonjour,  tu donne ton cadeau et on sort !  Ça fait super longtemps qu’on est pas sortie tous les deux ! » je rattrape au vol le gobelet qui tombe et j'avais pas fais attention qu'il avait deux brosses à dents. « hep ! » une violette et une rouge… « j'ai loupé un épisode ou ? » Je fronce les sourcils. « tu vois quelqu’un ? » personne a deux brosse à dent chez lui juste pour le kiff de changer de couleur quand ça lui plaît. Et en général on a pas la brosse à dent de quelqu’un qu’on voit juste en coup de vent pour du cul.  « tu vois quelqu’un !! » La question c'est qui ?  Quand ?  Depuis quand ? Comment ?  J'veux absolument tout savoir. Et je resterai dans cette salle de bain tant que j'avais pas réponse à mes questions. « pourquoi tu m'as rien ddi ? » j'avoue j'ai les boules de pas savoir ! De le savoir par hasard…

Mon vélo qui trouve sa place - aheum, c'est relatif - dans le jardin d'Isy et sa clé cachée qui ne l'est plus vraiment pour moi. Masquée par un pot de fleurs que je reconnaitrais étonnement entre mille, mais que j'ignore lorsque ma main se pose sur la poignée, que je la tourne tout naturellement. Sa voiture est sur le parking, il est là, c'est pas verrouillé, j'ai pas prévenu que je passais mais je m'éterniserai pas. C'est qu'un passage éclair, qu'une poignée de secondes empruntées avant de filer à l'atelier rejoindre Robin qui m'attend pour la séance de planification des cours du mois. On dit qu'on planifie, mais au final, on termine toujours à boire des litres de thé, à parler d'art et de voyage, et à statuer en 5 minutes top chrono qu'on enseignera ce qu'on a envie d'enseigner le jour où ce sera à notre tour de le faire.

Le félin aux mille et un noms vient se frotter sur mes mollets, j'entends Isy à la cuisine, ou au salon? je suis pas sûre - et sur la pointe des pieds je monte à l'étage chercher mon carnet de croquis qui était resté planté sur la table de chevet de la chambre depuis la veille. Distraitement oublié, fatalement nécessaire pour ce soir à mes yeux, parce que si je ne montre pas à ma collègue les derniers tracés d'aquarelle que j'ai faits, ce serait presque synonyme du pire drame de l'univers à mes yeux dans l'instant.

Et sur le chemin du retour, je ralentis le pas, loin de moi l'intention de partir d'ici en voleuse. Sa voix que j'entends maintenant vers la salle de bain, la porte est ouverte, la lumière aussi. Il est occupé, probablement au téléphone, je ferai vite, à peine un signe de la main, juste un sourire en aparté, un baiser volé avant de filer - jusqu'à ce que je tombe nez à nez avec Noa, et apparemment, avec ma brosse à dents qui lui mène la vie dure.

« Oh, salut, désolée, je passais, je faisais que - bonne journée. » et j'ignore d'où vient l'impulsion de faire une révérence pour accompagner mes paroles, mais quand je redresse et ma silhouette et ma tête, j'ai les joues cramoisies, et le regard qui cherche désespérément la sortie.

Retour dans la salle de bain, sous l'impulsion de Noa qui, de toute évidence, est la personne la plus motivée de notre duo à l'idée de se rendre à cette soirée. Elle ne sait pas ce qui l'attend. De mon expérience, toutes les soirées entre soignants sont soit ennuyantes à mourir, soit complètement déjantées. Il n'y a pas de demi-mesure avec les blouses blanches, ou en tout cas, il n'y en a pas avec mes collègues. « Tu seras clairement le plus classe et le plus canon dans cette chemise.  Mais si t'as pas envie laisse tomber,  ta collègue risquerait de t'en vouloir d’attirer plus l'attention qu'elle. » Je ris doucement, n'avalant pas un seul terme prononcé par ma meilleure amie et profite qu'elle me tourne le dos à la recherche d'un polo pour enfiler un boxer. Je fais preuve de bonne volonté, je commence à m'habiller malgré tout. J'enfile le haut qu'elle me tend et attrape un pantalon noir, la prévenant sur le caractère barbant que j'anticipe pour les prochaines heures à venir. Mes doigts en suspens au niveau de ma ceinture, étant apparemment incapable de faire deux choses à la fois, je songe à sa proposition alléchante de ne faire que passer à cette soirée question d'offrir le cadeau de départ à ma collègue et enchaîner sur une sortie à deux. « Ha ouais, carrément ! Si on voit que y'a rien à y tirer, on fait ça ! » Et je retrouve le sourire, tends la main vers la bouteille de parfum avec davantage d'entrain, peut-être même un peu trop vu que j'en cogne le gobelet où reposent deux brosses à dents. La Jacobs l'attrape au vol, je commente son réflexe : « Joli. »

« J'ai loupé un épisode ou ? » Les sourcils de l'australienne se froncent. Oh oh. « Tu vois quelqu’un ? » « Hum. » Je commence, mais le mal est déjà fait, ma meilleure amie me connaît beaucoup trop bien et tire forcément dans le mille avec un simple brosse à dents découverte. « Tu vois quelqu’un ! » « C'est... » Je commence, au même moment où Ginny apparaît dans l'embrasure de la porte, bafouille, nous offre une révérence digne du siècle dernier, s'évapore promptement mais pas assez rapidement pour que je ne remarque son teint virer sans ménagement au pivoine. « Pourquoi tu m'as rien dit ? » Le dilemme se présente, ma boucle de ceinture est toujours défaite. Mon regard passe de Noa à l'emplacement où se tenait la McGrath une poignée de secondes plus tôt. « Hum, je t'explique tout dans... Trois secondes. Promis. » J'articule à l'adresse de ma meilleure amie, le regard foncièrement désolé.

J'entends l'artiste œuvrer dans la chambre à coucher, m'y oriente en prenant le soigner de boucler une fois pour toutes ma ceinture. « Hey » Elle tient mon calepin entre ses mains, cherche désespérément la sortie de la maison comme si elle y entrait pour la première fois. « Ça va ? » Je m'assure, regard aussi tendre qu'inquiet. « C'est le pot de départ de Janet, ce soir. » Je lui rappelle, explique la situation même si je n'y suis pas tenue.

Retour à la salle de bain. « Okay, désolé. J'te paie les verres de la soirée pour me faire pardonner de t'avoir encore fait attendre ? » Je propose, la mine aussi sincère que navrée. « C'est sa brosse à dents. » Je renseigne, avant d'en attraper une autre qui traîne sous le miroir et la glisser dans le gobelet avec les autres. « Et celle-là celle de ma frangine. » Plusieurs dossiers à voir, ce soir. Heureusement, j'ai un bon budget Noa pour l'abreuver en cas de longues confidences. « Oakley reste ici, elle est plus avec son type. Il lui tapait dessus. » Je n'en ai jamais parlé à qui que ce soit d'autres par respect pour la vie privée de ma cadette, mais Noa est ma meilleure amie et je sais que je peux lui faire entièrement confiance. Cette information restera entre nous deux. « Pour Ginny, y'a rien d'officiel. C'est pour ça que je me suis pas emballé à te le dire. J'veux dire, je sais que j'suis pas un Don Juan, mais si j'te présente quelqu'un, je veux que ce soit clair qu'on est en couple. » Et bien que j'aimais éperdument la McGrath, je n'étais pas réellement sûr de ce qu'on était. C'était stupide parce que tous les faits criaient que nous étions ensemble, mais vu qu'on avait jamais eu une conversation qui établissait clairement notre statut, je préférais ne pas m'enflammer. J'étais d'autant plus prudent depuis l'histoire avec Chloe et je me protégeais comme je pouvais d'une cuisante déception. « C'est pas un secret que j'te cache. C'est juste que j'voulais que ce soit quelque chose de sûr. » Je fronce les sourcils, incertain par rapport à la clarté de mes propos.

Je m'emballe forcément car j’ai jamais vu de deuxième brosser à dent chez Isaac, jamais depuis qu’il est plus avec Chloé et que bien sûr ça m’interroge. J'ai envie de le bombarder de question et c’est d’ailleurs ce que je fais. Je lui donne pas l'occasion de répondre question par question, j’enchaine jusqu’à ce que comme par magie une tête apparu par la porte. Ginny… Ginny ! Putain c'est elle… je lui jette un regard qu'elle oubliera pas. Est-ce que la dernière fois où on s'était croisé à l'hopital ils étaient déjà ensemble ? Est-ce que c'était la raison pour laquelle elle ne m'appelait pas à l'association Beauregard ? Elle disparaît aussi vite qu'elle est apparu et Isaac lui cours après. J'me retrouve comme une con seule dans cette salle de bain. Est-ce qu'elle à cru qu’il se passait quoi que ce soit entre Isaac et moi ? Après tout on était dans la salle de bain, il était torse nu et moi j'etais bien sappée. Ça pouvait prêter à confusion mais nop. Je jette un œil dehors et les vois devant la porte d’entrer. Je fais la curieuse. Il va l'embrasser ? quand il tourne la tête vers moi je rentre à l'interieur comme un escargot dans sa carapace. Et j’aurai pas l'occasion de voir s’ils s’embrassent, merde !
Le revoilà. C'était long. Je veux mes explications. C’est comme si c'était logique qu’il me parle de ça, j’comprend pas pourquoi ce silence. « Okay, désolé. J’te paie les verres de la soirée pour me faire pardonner de t’avoir encore fait attendre ? » bah ouais y a intérêt mais il fait diversion, si je plonge souvent quand on me parle de boire un coup, la je perds pas le nord. Il avoue tout, c’est sa brosse à dent, sans déconné Isaac ? Puis il m'en sort encore une troisième, s’il m'annone qu’il fait un plan à trois avec je ne sais qui, il m'acheve. C'est à sa sœur, Oakley, ouf ! . « Oakley reste ici, elle est plus avec son type. Il lui tapait dessus. » Merde ! Avec une annonce pareil, j'ai plus le droit de faire ma connasse. « désolée pour elle… » ça me glace le sang de l'apprendre. Je connais Oakley depuis que je connais Isaac, elle venait souvent à la colloc et on a créer un lieu sympa elle et moi. Mais c’est vrai que j’ai plus trop de nouvelles depuis un moment… la pauvre.. Faut que je l'appelle, que je fasse ça discrètement… pas grillée quoi. Je suppose qu’elle en voudrait à Isy si elle savait quil m'en avait parlé. Putain c'est délicat ! « Pour Ginny, y’a rien d’officiel. C’est pour ça que je me suis pas emballé à te le dire. J’veux dire, je sais que j’suis pas un Don Juan, mais si j’te présente quelqu’un, je veux que ce soit clair qu’on est en couple. » je le regarde en laissant tomber épaules. « Isaac… » il m'enerve c'est fou d'etre aveugle comme ça sans arrêt. « Sa Brosse à dent chez toi ! » je dis en prenant l'objet violet entre mes doigts que j’agite. « j'suis sûre qu’il y des fringues qui traînent aussi ! Elle a déjà un pied chez toi… » Je me pose sur la baignoire. « si vous êtes pas en couple je sais pas ce que c’est… j'ai pas une brosse à dent de chaque personne avec qui je baise chez moi. J’aurai pas assez d'un pot ! » Ok j'en rajoute, j’aurai largement d’un pot puisque c’est un peu le néant, mise à part Andy dernièrement mais ça par exemple c’est rien de sérieux ! « elle a cru qu’on faisait quoi ? » j'sais pas si elle lui a dit quelques chose. « j'suis grave jalouse, tu sais ça ?! » je secoue la tête, je plaisante ou pas, je sais pas. « fais gaffe à toi Isy, c'est tout… » je connais pas Ginny, je sais juste qu'elle a rapidement pris beaucoup de place auprès d'Isy et que moi j’ai impression qu’il m’échappe ces derniers temps. « et en même temps, c'est pas parce que t'as connu une belle connasse dans ta vie qu'elles sont toutes pareil. » parce que j’le connais il reste bien trop prudent j'en suis sûr. « t'as d’autres secret ? Comme ça j’encaisse tout d'un coup… »

Je mesure la gravité du niveau d'agacement éprenant Noa au fait qu'elle ne bronche que légèrement à mon offre de lui payer tous ses verres de la soirée. Attention, plancher glissant. Veuillez procéder avec prudence. Un léger rictus étire mes lippes et j'opte pour la sincérité. Une faute avouée est à moitié pardonnée ? Elle m'observe, aucunement sympathisante, quand je lui indique qu'il s'agit bien de la brosse à dents de Ginny. Je croise son regard flamboyant quand j'en dégaine une troisième que je positionne dans le gobelet et précise assez vite pour apaiser son rythme cardiaque qu'il s'agit de celle de ma cadette. Je l'informe sur les grandes lignes des dernières semaines concernant Oakley. Je grimace quand ma meilleure amie confie être navrée pour la jeune femme, compatissant avec ce sentiment. « Ouais, y'a pas mal à voir. » Je refusais que ma sœur retourne avec son ancien mec et qu'elle rompe tout lien avec sa famille comme elle l'avait fait des années plus tôt. J'avais fait confiance à Oakley à l'époque et le résultat était que j'aurais pu perdre ma sœur sous les coups de son amant. Je m'étais assuré que ce soit bien terminé avec elle et son agresseur et je tenais à ce qu'elle sollicite une protection vis-à-vis de cet homme. De plus, j'étais conscient que la Jensen avait un travail de reconstruction devant elle et j'étais déterminé à l'épauler en ce sens. C'était notamment pour cette raison que dès son arrivée à l'hôpital, je l'avais invitée à rester à mon domicile aussi longtemps qu'il lui serait nécessaire.

Je revenais sur le sujet Ginny, ne souhaitant pas forcément m'éterniser sur l'histoire de la benjamine des Jensen qui lui appartenait. Je ne souhaitais pas taire cet important volet devant Noa parce qu'elle était ma meilleure amie et je savais que je pouvais me confier à elle et lui accorder toute ma confiance, même si lâchement, j'avais étonnement beaucoup moins de mal à révéler les squelettes de ma sœur que les miens... J'explique mon point de vue à mon interlocutrice et bien vite, je sens la brune désabusée. Elle statut l'évidence : la brosse à dents de la McGrath dans ma salle de bain, l'éventualité qu'il y ait ses vêtements aussi - c'est vrai mais je retiens de le dire, de peur de passer pour un profond imbécile candide. « Si vous êtes pas en couple je sais pas ce que c’est… j'ai pas une brosse à dent de chaque personne avec qui je baise chez moi. J’aurai pas assez d'un pot ! » Je fronce les sourcils, à la fois intrigué et rebuté. « Mais c'est peut-être pas si simple. » Et à ce moment précis, j'ai l'impression d'être la gonzesse de la conversation. « Tu crois que c'est si simple ? » Un petit sourire en coin satisfait apparaît sur mon visage, qui ne dure cependant pas très longtemps. « Tu couches avec autant de mecs que ça ? » Je ne suis pas surpris du succès de Noa, mais reste assez surpris qu'elle entretienne un tableau de chasse si conséquent. Même quand je m'étais mis à avoir des aventures, je m'étais limité à recycler la même personne encore et encore. J'avais vraiment un problème d'attachement.

« Elle a cru qu’on faisait quoi ? » Je fronce les sourcils, incrédule. « Je sais pas. T'as cru qu'elle a cru qu'on faisait quoi ? C'est important ? » Si on pouvait se limiter au premier degré, ça m'arrangerait. Noa me prévient sans cérémonie être jalouse et m'invite à faire gaffe à moi. Je baisse les yeux, peu rassuré. « Et en même temps, c'est pas parce que t'as connu une belle connasse dans ta vie qu'elles sont toutes pareil. » « Tout n'était pas de sa faute. » Et un an plus tard, malgré un enfer vécu par ses mensonges, ses trahisons et ses tromperies, je défends encore Chloe. « T'as d’autres secret ? Comme ça j’encaisse tout d'un coup… » Mon regard qui fuit, cette salle de bain ne rejettera jamais plus la même image à mes yeux maintenant. J'ai plutôt l'impression de me trouver dans une cour de justice. « Hum. » Je plisse les yeux, cherchant presque un échappatoire. Je savais que j'avais salement déconné et qu'il fallait que je sois franc envers Noa et que repousser cette échéance était vraiment couard et incorrect de ma part. Mais comme d'habitude, je parvenais toujours à me trouver de "bonnes" excuses, c'était jamais le "bon" moment. Sauf que j'avais foiré à ma parole et j'en avais férocement honte. « T'es sûre ? T'as rien à me dire, toi ? » On peut pas négocier un jugement partagé ?

Peut être pas si simple, pas si simple que ça ? Ça m'semble pourtant très clair. Je pouvais aussi poser la question sous un autre angle. « vous êtes coloc ? Y a une différence entre elle et moi ? Peut être que vous habitez juste sous le même toit et qu’il y a rien derrière mais vu sa tête en passant la porte, elle avait l'air très surprise de me voir. Et vu comme elle s'est éclipsé on aurait dit que quelqu’un était de trop » et c'était pas moi pour cette fois. Première arrivee. « Quand on était en coloc on s'est jamais chopé. Ça c’est une vrai colloc. Tu couche avec elle ? Tu l'aime bien ? Y a des sentiments derrière tout ça ? » puisqu’il faut poser des questions precises pour qu’il puisse y répondre clairement, pas de problème. Et il me demande si je couche avec beaucoup de mec. Je levé les yeux au ciel. « pas tant que ça ! » que j’avoue quand même. Et d'ailleurs avant Andy c'était même rue déserte depuis un moment. Mais j’etais pas le centre de la conversation. C’était Isy et Ginny, le reste viendra plus tard.
« Je sais pas. T’as cru qu’elle a cru qu’on faisait quoi ? C’est important ? » je souffle. « t'es à moitié à poil, trente secondes plus tôt t’avais même pas ton boxer » bon heureusement il avait une serviette. J’avais jamais vu Isaac totalement à poil même si j’avoue m'etre déjà demande ce qu’il se cachait vraiment dans ce paquet, mais on pouvait au moins se venter d’avoir jamais fini dans le lit d'un ou l’autre à poil. « y a des genre de scène après lesquelles faut savoir se montrer rassurant. Qui dit qu’on a pas pris une douche ensemble ? » j'hausse les épaules, j'allais pas lui faire un dessin quand même. Enfin bref… Isaac est toujours aussi Borgne concernant les relations féminines. « autant t'es plongé à pique avec l'autre mais la t'es trop prudent… beaucoup trop ! Et arrête de prendre sa défense parce que ça va m'enerver. » Et je me souviens encore de comment j'avais récupéré Isy après leur rupture. Je m’approche et prend sa tête entre mes mains. « y a aucune excuse après ce qu'elle a fait. T'y es pour rien. J'veux plus entendre ça. » et j'embrasse amicalement son front. « finis de t'habiller ! » on devait plus traîner si on voulais etre a l’heure et cette Ginny nous avait fait perdre assez de temps. « T'es sûre ? T'as rien à me dire, toi ? » j'hausse les épaules. « quoi moi ? » j'crois pas, rien d'interessant. « pas aussi croustillant ! » je pose la main sur la porte pour la pousser avant de sortir. « j'ai couché avec ton voisin » pas besoin de le nommer il sait de qui je parle et il sait aussi à quel point Andy et moi on a jamais pu se supporter quand on était aussi en coloc.

Noa est beaucoup plus lucide et méthodique que moi dans son analyse de la relation que je peux entretenir avec Ginny, le tout étant basé sur une brosse à dents et un passage éclair de la McGrath. Elle redéfinit la notion de colocation, compare celle que l'on a entretenu pendant cinq ans aux allers et venus de l'artiste chez moi. « Quand on était en coloc on s'est jamais chopé. Ça c’est une vraie coloc. Tu couches avec elle ? Tu l'aimes bien ? Y a des sentiments derrière tout ça ? » Je l'observe, suis son raisonnement, lui réponds vaguement : « Ouais. » Sauf que j'ai besoin de plus de clarté, je nécessite qu'on me dise les choses directement plutôt qu'on me laisse extrapoler face aux faits, aussi clairs puissent-ils l'être. Cette nécessité rimerait presque à un contrat de travail à signer, mais vraiment, j'ai pas envie de réfléchir ni de devoir interpréter quoi que ce soit. Il me faut un contour pour être sûr de ne pas glisser sur une mauvaise pente et finir déçu comme je l'ai été par Chloe. Je ne demandais pas à avoir une telle conversation avec Ginny de suite, cependant, mais en attendant, je ne me considérais pas en couple officiellement avec elle, bien que je l'aimais beaucoup trop et n'avais d'yeux que pour elle.

Étonné par sa réplique sur les gobelets de brosses à dents, je demande à ma meilleure amie si son tableau de chasse est si fourni. « Pas tant que ça ! » Je peux pas m'empêcher de sourire, amusé par ses réactions, avant de m'inquiéter quant à la situation dans la salle de bain qui pourrait avoir des airs alarmants aux yeux de Ginny selon Noa. Cette dernière remet les éléments en place : « Y a des genre de scène après lesquelles faut savoir se montrer rassurant. Qui dit qu’on a pas pris une douche ensemble ? » Je fronce les sourcils. Franchement, parfois, l'extrapolation va beaucoup trop loin. « Mais c'est dingue comme vous les meufs partez d'un truc pour en faire tout un monde. » J'espère quand même sérieusement que Ginny n'est pas dotée du même sens de déduction, car sinon, je suis franchement dans la mouise. Je baisse les yeux, m'enfonçant déjà dans un scénario dramatique avant que Noa ne me rattrape au vol : « Autant t'es plongé à pique avec l'autre mais là t'es trop prudent… beaucoup trop ! Et arrête de prendre sa défense parce que ça va m'énerver. Y a aucune excuse après ce qu'elle a fait. T'y es pour rien. J'veux plus entendre ça. » Je souris doucement, la jeune femme s'approche pour déposer un baiser en toute amitié sur mon front et je lui réponds avant qu'elle ne me somme de finir de m'habiller - à ce rythme-là, on arrivera à la fin de la soirée, ce qui certes ne me dérangerait pas. « C'est juste que j'ai pas envie de repasser par là. » Je confie, faisant référence à tout le calvaire qui avait résulté de ma relation puis rupture avec Chloe. J'étais sans doute beaucoup trop prudent désormais, mais j'avais aussi peur de sombrer à nouveau si bien que je me refusais de me montrer téméraire en amour.

Je m'applique à finir de me préparer et entends la Jacobs m'annoncer qu'elle couche avec mon voisin. Je me retiens de demander lequel, puis vu l'attitude de Noa, je le devine assez vite. « T'es sérieuse ? J'croyais que tu pouvais pas le voir en peinture. Ça devait être hard votre affaire. » Je sors de la salle de bain et l'invite à se rendre dans l'entrée de manière à pouvoir enfin se mettre en route. « Tu vas le revoir ? » J'interroge, intrigué mais aussi méfiant. Noa et Andy ne me semblent pas partager les mêmes ambitions sentimentalement parlant. S'il est qu'un coup d'un soir, je n'ai absolument rien contre le fait qu'elle s'amuse, mais je ne parierai personnellement pas sur le colombien pour offrir quoi que ce soit de sérieux.

Ma main sur la poignée de porte, je dévoile un autre squelette : « J'ai fait une rechute il y a quelques semaines. Ils ont re-dosé mon traitement. Ça va mieux, maintenant. »

Bon mes arguments ont pas l'air de convaincre Isaac et je sais pas, je sais que Chloé l'a tellement marqué qu’il en est traumatisé mais j'ai tellement envie de lui faire comprendre que la vie c’est pas une fatalité et qu’il y avait pas une vérité générale pour chaque chose qui pouvait nous arriver. « quand tu seras prêt, pose les bonnes questions, à toi comme à elle… » je dis sur un ton plus doux, l’idée c'est pas qu'il flippe ou qu’il ai la pression mais ça m'semble encore trop compliqué dans sa tête. « Quoi qu’il se passe, tu m'tiens au courant… » ça ressemblait presque à un supplice. J'veux juste pas être écarté de tout ça. J'veux qu’il me tienne au courant comme ça a toujours été le cas. Et il sait bien que sa vie c’est me vie aussi. La sienne pour la mienne et inversement.
J’hausse à nouveau les épaules quand il me dit que j’en fais trop sur l’interprétation que Ginny aurait pu faire en nous voyant tous les deux dans la salle de bain. J’en fais peut être trop maiis moi j'suis aussi parano c’est Typiquement ce que j’aurai Imaginé à sa place. Mais j'dis rien de plus. Elle lui fera une scène si c'est vraiment le cas. « C'est juste que j'ai pas envie de repasser par là. » « y a une chose que j’peux dire, elle… » Je désigne la brosse à dent pour désigner Ginny. « j’sais pas si j'l'aime bien ou pas… mais je la sens mieux. Elle bosse dans un hôpital et elle passe son temps à féliciter des gamins qui font des dessins moches… ça peut pas être une mauvaise personne. » et je touche mon nez pour affirmer mon flair imparable.
J'avoue à mon tour coucher avec Andy depuis quelques temps et je m’attendais a cette réaction de Isy. Je souris et levé les mains. « il est hyper doué… » pour un tas de chose au pieux. Mais pas que en réalité. « j'ai l’impression de le rencontrer à nouveau et d'apprendre à le connaître. Il est hyper attentionné avec moi… j'lui ai raconté pour la prison… » je m'en étonne encore. « il a été à l l’ecoute et il a même pas essayé de me choper après ça ! Ça s'est fait plus tard. » je dis amusée. « j'l'aime bien finalement. » je sais pas bien si c'est parce qu’il m’offre même un peu d’attention ou quoi mais y a un truc qui fait que j'ai envie de le revoir à chaque fois. « mais j'ai pas sa brosse à dent chez moi. » et un petit pique gentil envoyé.
Il est temps de vraiment sortir de cette salle de bain et Isaac d’arrête juste avant de pousser la porte. « J'ai fait une rechute il y a quelques semaines. Ils ont re-dosé mon traitement. Ça va mieux, maintenant. » wow… mon cœur se serre au moment où il me parle de rechute. Et en réponse je me contente de le prendre dans mes bras. Culpabilité décuplée d'avoir rien vu… d’etre sans doute bien trop centrée sur moi-même oendant ces derniers mois. « J'suis désolée… j'ai tellement l’impression de t'avoir laissé tomber… » Mon meilleur ami me manque tellement. « bon on sort pas. On s'en fout de ton pot de toutes façons t’avais pas envie d’y aller.. On reste ici et on se parle Franco. J’veux tout savoir… j’ai trop à rrattraper »

Noa m'invite à poser les bonnes questions quand je serais prêt, et la vérité, c'est que je doute l'être prochainement si même un jour. La situation actuelle est certes abstraite à mes yeux, il n'en demeure qu'elle me convient et je redoute beaucoup trop de tout perdre en faisant fuir Ginny en ayant une conversation sollicitant de l'officiel. D'un côté, je nécessite ce cadre pour me rassurer, mais de l'autre, j'ai beaucoup trop peur de tout perdre en osant le lui demander. « Quoi qu’il se passe, tu m'tiens au courant… » J'acquiesce, promettant non verbalement d'informer Noa de l'évolution de ma relation. A ses mots, j'ai l'impression qu'elle aussi appréhende que je me brûle les ailes dans cette affaire, ce qui me rebute davantage à avoir quelconque conversation avec l'artiste. Mais il est fort possible que je m'imagine seulement le pire, comme à mon accoutumée. Noa n'est pas du genre pessimiste. Elle est réaliste, certes, mais ne se prend pas au jeu des plus sombres scénarios.

Je m'étonne de la capacité féminine à ériger une montagne de pas grand-chose et même si l'intuition de cette gent est souvent juste - comme Noa l'a prouvé une nouvelle fois aujourd'hui -, je tiens quand même à souligner que parfois les extrapolations partent dans tous les sens. Toutefois, j'espère quand même que Ginny ne se fera pas des idées, bien que j'en doute. Il ne me semble pas que ce soit son genre. Je conclus en avouant à mon interlocutrice que je ne souhaite pas repasser par le même calvaire que j'ai vécu avec Chloe et ris doucement lorsque Noa donnerait presque son approbation de Ginny, assurant qu'elle sent mieux la photographe que mon ex-fiancée. Je me retiens d'argumenter que Chloe était tout de même une assistante sociale et que ce métier se dévoue à Autrui : il faut que j'arrête de défendre mon ex.

Dossier Andy, nouvelle conquête de Noa. « Il est hyper doué… » Je fronce les sourcils, je n'avais pas spécialement envie d'entendre cette information de la bouche de la brune. « Aux cris que j'entends quand il laisse sa fenêtre ouverte, j'en doute pas. » Un sourire taquin aux lèvres, j'enchaîne : « Plus doué que Max ? » Je n'oublie pas les rumeurs quant à la vigueur de Monsieur P.. Je reprends mon sérieux lorsque la Jacobs m'indique qu'elle peut se confier au colombien qui se montre attentionné à son égard. L'aurait-elle attendri ? « J'l'aime bien finalement. » Elle résume, se moque via l'absence de sa brosse à dents chez lui. « Fais gaffe à toi, » je lui lance le même conseil qu'elle m'a offert plus tôt, perpétuant la thématique des parallèles.

Dans l'entrée, je tiens quand même à avertir ma meilleure amie sur les derniers aléas de ma santé. Je devine que la nouvelle a l'effet d'une bombe vu sa réaction et complète son étreinte en posant doucement ma main dans son dos. « J'suis désolée… j'ai tellement l’impression de t'avoir laissé tomber… » Je hoche la tête en signe de dénégation. « Mais non, dis pas ça... » « Bon on sort pas. On s'en fout de ton pot de toutes façons t’avais pas envie d’y aller... On reste ici et on se parle franco. J’veux tout savoir… J’ai trop à rattraper » Je reste en suspens, comme s'il me fallait quelques secondes supplémentaires pour saisir le changement de plan, accepter ne pas tenir cet engagement. « J'ai de la tequila, en plus. » Tant pis pour le pot, tant pis pour le cadeau. Mon absence payera pour toutes les fois où Janet m'a fait un sale coup et j'ai dû enchaîner des heures à cause d'elle. Je fais marche arrière, sors des bouteilles d'alcool et des amuses-bouches. « En gros... » Je commence, à la recherche des mots définissant mes maux. « Je pensais que je gérais parce que, ça va jamais que "bien". Il y a toujours des nuages sombres dans ma tête, en quelque sorte. Sauf que là, ça a pris de l'ampleur et j'ai perdu pied. » J'explique, tant bien que mal. Je glisse les prospectus de restauration rapide sur le comptoir, au cas où l'on souhaite commander. « Mais ça va mieux, avec ce nouveau traitement. » Je répète. J'ignorais si Nicolas avait parlé de la crise d'angoisse que j'avais eu en sa présence à Noa, mais depuis ce nouveau dosage, ça ne m'était plus arrivé, ce qui en soit était réellement salutaire. « Et tu le revois quand, ton latino ? On se commande à manger ? » Je répondrais à toutes les questions que ma meilleure amie voudrait me poser, mais je ne souhaitais pas non plus plomber l'ambiance et n'était pas très doué pour parler de mes troubles sans directives simples.

« Aux cris que j’entends quand il laisse sa fenêtre ouverte, j’en doute pas. » je Fronce les sourcils et me surprends presque à être jalouse de ce qu’il me dit. « j'ai pas forcément envie d'entendre ça… » je lui fais une tape sur l’epaule en réponse aussi. « Plus doué que Max ? » et je ris. « Monsieur P est agile aussi j’avoue… » Et suffisament pour de temps en temps être capable de me retrouver à nouveau dans son lit quand l'envie est pressante et que bien-sûr il y ai pas de relation ni de son côté ni du mien. C'était un secret pour personne et ça ne faisait de mal à personne mais Max et moi nous étions rendu compte qu'a part une parfaite alchimie sexuelle entre lui et moi, il y avait pas bien plus de sentiment que ça. Alors qu'avec Andy, j'ai l’impression qu’il pourrait bien y avoir autre chose mais c'est compliqué à dire et surtout à comprendre. « Fais gaffe à toi, » je souris. « promis.a la moindre contrariété, moindre difficultés compte sur moi pour fuir »

Et les plans changent, Isy referme la porte et au diable les conventions, on s'en fou des collègues qu’on calcule presque pas et on s'en fou de jouer les hypocrites pour quelqu’un quk va même pas nous manquer. J'suis contente que ma proposition de rester ici tous les deux et de rattraper tout ce temps perdu convient aussi à Isaac et j'suis sûre que j'aurai pu lui proposer n’importe quelle autre alternative à sa sortie, il aurait dit oui. « J’ai de la tequila, en plus. » il connaît tellement mon faible pour la tequila qu'il m'en faut pas plus pour pas regretter de rester la. « parfait ! Tequila pour tous ! » Pour nous en fait. Je fais un pas en arrière et retourne dans le salon pour aller m’asseoir et me mettre à l'aise, oreilles grande ouvertes et écoute attentive. « En gros…Je pensais que je gérais parce que, ça va jamais que « bien ». Il y a toujours des nuages sombres dans ma tête, en quelque sorte. Sauf que là, ça a pris de l’ampleur et j’ai perdu pied. » perdre pied, ça veut dire quoi ? Ça me briserait le cœur qu’il me dise qu'il a fait une nouvelle tentative de suicide. J’imagine tellement pas ma vie sans la présence de mon meilleur ami. « Mais ça va mieux, avec ce nouveau traitement. » c'est tellement triste d'avoir besoin de recourir à des médicaments pour se sentir bien et pas broyer du noir… j'ai eu la chance de pas avoir besoin de ça en sortant de prison et que les rendez vous régulier avec mon psy étaient suffisant mais je sais que ça aurait pu être pire. Encore aujourd’hui, j'avais besoin d’un rendez vous par mois pour évacuer toutes ces questions que je pouvais encore me poser. Petit à petit les rendez vous étaient plus espacés mais j'en avais encore besoin. « comment ça se manifeste tes mauvaises passes ? » Je sais pas trop comment formuler tout ça, quels mots utiliser sans être maladroite ou sans aller droit dans le mur… une question me brûle quand même les lèvres. « t'as refais… » j'aime pas le mot suicide… je sais pas comment dire. « t'as recommencé ou pas ? » J'imagine qu’il sait de quoi je parle… je change de place en sautant presque pour aller à côté de lui et venir me coller à son flanc. « j'ai manqué pas mal de choses ces derniers temps… c’était difficile pour moi et t'as été présenté quand j’suis sortie.. Et j'ai pas été foutu de rendre la pareille… » et je me rends compte comme c'est compliqué pour tous se voir ses derniers temps. « j’vais rattraper tout ça. » je jete un œil prospectus qu’il me met tous les yeux en admettant avoir faim quand même. « Et tu le revois quand, ton latino ? On se commande à manger ? » je hoche la tête pour manger et pour sa première question… « j’sais pas, y a pas de règles, c'est quand on a envie, le premier qui se pointe chez l'autre… »

Je ris doucement lorsque Noa me signifie qu'elle aurait pu se passer de l'information quant aux cris de jouissance provenant de la fenêtre de la chambre d'Andy. Un mal pour un bien : ça me permet de jauger à quel point ma meilleure amie tient au colombien et prévenir éventuellement en cas de coup dur. Je taquine sur les prouesses sexuelles de notre bon ami Max et laisse filer un rire entre mes lèvres quand elle le qualifie d'agile. « Ouais, j'ai entendu pas mal d'histoire de bonnes ententes entre lui et Mademoiselle V. » L'alcool déliait les langues et ce n'est pas comme si ce sujet était spécialement tabou entre nous. Bien qu'il était vrai que je n'avais jamais vraiment révélé mes aventures à Noa. Après, le fait que je ne pensais pas que mon interlocutrice connaissait ces filles justifiait celui que je ne voyais pas l'intérêt de lui en parler. Je peinais déjà à aborder le sujet Ginny avec elle, ce n'était pas pour discuter des filles avec qui j'avais pu passer la nuit, même si les deux cas étaient totalement opposés. De plus, j'avais aussi la réputation d'être le garçon qui ne fait pas vraiment dans les coups d'un soir. Je m'étais adonné à cette pratique que l'année dernière, entre les ruptures avec Chloe et au cours des cuites que je me mettais, et vraiment, mon palmarès n'était pas très reluisant vu que je revenais souvent auprès de la même blonde... Je prends le soin de retourner le conseil de Noa comme quoi il faut qu'elle fasse gaffe à elle. « Promis. A la moindre contrariété, moindre difficulté, compte sur moi pour fuir. » « T'as un refuge pas loin, en plus. Pas d'excuse pour te casser si ça tourne au vinaigre. » J'ajoute. Enfin un avantage à être voisin avec Andy.

Aucun moyen de persuasion n'est requis pour annuler le pot de départ auquel je n'ai pas envie de me rendre, de toute façon. Je sors de la tequila, deux verres, des amuses-bouches. Le nécessaire à passer une bonne soirée avec Noa. Je tiens aussi à confier ma rechute à la Jacobs parce que même si ce n'est pas un sujet que je raffole d'aborder, il n'en demeurait qu'elle est ma meilleure amie et je n'ai pas envie de lui cacher ce genre d'événements. J'acceptais de plus en plus ma condition et les gestes que j'avais pu poser à mon encontre. Avec l'année qui s'était écoulée, j'arrivais bien mieux à en parler, mais je ne voulais pas non plus être celui qui plombe l'ambiance ou tanne les autres avec ses problèmes. Ça m'avait porté préjudice et on m'avait à de nombreuses reprises signalé qu'il fallait que j'apprenne à faire confiance aux autres et que mes amis n'en avaient pas rien à carrer de mes troubles, cependant, j'étais toujours mal à l'aise à l'idée de ruiner le temps que je passais en leur présence.

J'essaie d'expliquer du mieux que je peux ce que je ressens à ma meilleure amie ainsi que les circonstances de cette rechute. Je la sens attentive mais aussi perplexe devant les mots peu clairs que j'utilise. Je la rassure à nouveau, me basant sur ce nouveau traitement quand des mois plus tôt, ça me fichait en rogne de dire que j'étais dépendant de médicaments. J'avais longtemps eu l'impression d'être détraqué, cassé, défectueux. Et même si Kane avait été le premier à me dire franco que j'étais malade mental, je lui en avais longtemps voulu pour me qualifier ainsi. Il n'avait certes pas eu tort, mais sur le coup, j'avais pas accepté de l'entendre, et une partie de moi lui en voulait, inavouablement, encore. J'aurais peut-être aimé qu'il attende au moins que je sois sorti de l'hôpital depuis plus longtemps avant de me jeter cette évidence à la tranche.

« Comment ça se manifeste tes mauvaises passes ? » Je réfléchis quelques instants, m'installant à côté de Noa, les vivres pour la soirée sur la table basse. « T'as refait… » Elle hésite, je l'invite du regard à y aller, surtout que j'ai du mal à déterminer exactement vers quel élément d'interrogation elle s'oriente. « T'as recommencé ou pas ? » Un léger sourire étire mes lèvres, surtout par politesse et pour lui assurer non verbalement qu'elle n'a pas à avoir l'impression de marcher sur des œufs avec moi ou quoi que ce soit d'autre. Elle se rapproche et continue : « J'ai manqué pas mal de choses ces derniers temps… C’était difficile pour moi et t'as été présent quand j’suis sortie. Et j'ai pas été foutu de rendre la pareille… » « Non, arrête, culpabilise pas pour ça. » Je pose ma main affectueusement sur son avant-bras. « T'as toujours été là pour moi et t'en as bavé aussi. J'étais content de pouvoir être là pour toi. C'est nous, ça. On se serre les coudes. » Entre membres du TBBC, aussi. « J’vais rattraper tout ça. » Je souris, certifiant : « Mais ouais, t'inquiète. » Je lui offre un clin d’œil complice avant de répondre à sa question, choisissant soigneusement mes mots. « J'ai pas tenté de me faire du mal. J'y pensais. Je pensais plus qu'à ça. Mais j'ai rien fait. » Notamment parce que je n'étais pas seul, parce que Jack avait été présent avant que je sombre réellement et que Ginny avait ensuite pris le relais. « J'ai toujours des tas d'arguments et de raisons qui se battent dans ma tête et qui m'disent que... » Je marque une pause. Elles me convainquent que je suis de trop, que je ruine la vie des gens, que j'irais jamais bien, que je serais jamais assez bien, que les gens me détestent, que je leur rendrais service en disparaissant, que je suis voué à toujours être mal... La liste était interminable, vraiment. « Qui m'font du mal. Et j'arrivais plus ou moins à gérer, sauf que c'est constant, y'a jamais de répit, et ça m'a usé. Et j'ai pas su où était ma limite. Je croyais que je gérais jusqu'à ce que je gérais plus du tout, je me suis pas vu franchir le seuil et avec le recul, ça me fait flipper. » Je reste silencieux, hésite un moment, avant de poursuivre : « Je savais que si ça allait vraiment pas, je pouvais t'appeler toi, ou Arthur, ou Loan, ou Max, ou plein d'autres qui sont dans la confidence, sont à Brisbane et se sont proposés. Mais je pouvais pas, j'étais plus capable de faire autre chose que d'avoir mes idées noires et résister à les mettre en exécution. Et puis mon cousin et Ginny sont arrivés par hasard et ils ont pris les choses en main. » J'inspirais profondément avant de soupirer. « J'aurais aimé avoir su gérer et j'ai peur de retomber comme ça et de pas être capable d'appeler à l'aide à temps. Mais j'essaie de me rassurer avec ce nouveau traitement qui me donne vraiment l'impression que ça va mieux. » Le sac est déballé, je lance un coup d’œil à Noa, espérant ne pas avoir totalement anéanti notre soirée avec mes mots et maux.

Je glisse les menus de restauration rapide sous ses yeux et essaie de changer de sujet en évoquant Andy. Je vais lui trouver plein d'intérêts à ce voisin bruyant, maintenant. Je souris doucement quand elle me dit qu'il n'y a pas de règle dans sa relation avec le latino et qu'ils se voient quand bon leur semble. « C'est chill. Vous vous voyez souvent ? T'aimes bien ce genre d'arrangement ? »

Trève de bavardage, ma pseudo relation plan cul avec Andy était pas si importante à présent. On aurait bien d’autres occasion d’aborder le sujet, mais j’étais à présent plus curieuse et surtout touchée de la révélation que venait de me faire Isaac. Je prends des pincettes, j’veux savoir si j’ai vraiment à m’inquiéter, s’il a à nouveau fait une tentative de suicide, pour savoir si j’ai été si aveuglée pendant tout ce temps. Tellement porté sur ma petite personne, mes tendances à ne voir que mes malheurs ces derniers mois. J’trouve des mots simples, j’essai avec le plus de précautions possibles. Isaac a beau être mon meilleur ami, j’veux pas le bousculer, qu’il ai l’impression que je sois trop intrusive. Il ne m’en a pas parlé avant, c’est qu’il ne voulait peut-être pas que j’le questionne trop, que j’mène une enquête poussée sur le pourquoi du comment il en était arrivé là. J’lui fais part de ma culpabilité, c’est dur pour moi. « Non, arrête, culpabilise pas pour ça. T'as toujours été là pour moi et t'en as bavé aussi. J'étais content de pouvoir être là pour toi. C'est nous, ça. On se serre les coudes. » je hoche la tête, on se serre les coudes… c’est le cas depuis toujours. Depuis qu’il a passé le pas de la porte de notre coloc. On s’est pas choisi à l’époque, c’est notre proprio qui a fait ses sélections, qui nous a imposé l’un à l’autre mais dès la première soirée on a bien accroché, dès la première soirée Isaac savait tout de moi : de mon passé, mes parents qui m’ont abandonné, ma nouvelle famille, ma nouvelle vie chez les Jacobs. J’lui avait parlé de Nicolas et d’ Arthur, le prévenant qu’il les verrait souvent, qu’ils étaient mes meilleurs amis – j’avais précisé que j’étais sortie avec Nicolas et pourquoi je l’avais quitté comme une idiote devant tout le lycée. Je me sentais tellement en confiance et tellement bien avec Isaac que tout était sortie normalement et nous avions passé notre première nuit blanche tous les deux. C’est vrai que j’ai eu mal au cœur quand il m’a dit qu’il partirait pour aller vivre avec Chloé. Elle venait de plus en plus à l’appartement les dernières semaines avant qu’il ne s’en aille et je le sentais déjà si loin. Comme si elle avait tenté de nous séparer, tenter de nous éloigner. Ca avait été le cas, pendant quelques mois, quand il avait déménagé, on se voyait forcément bien moins et il me manquait beaucoup. J’avais fini par moi aussi quitté l’appartement, tournant en rond. Quitte à vivre seule, autant être là où je ne sentais pas la présence d’Isy chaque jour. J’aimais pas Chloé, je lui avait dit à plusieurs reprises que je la sentais pas, qu’elle jouait pas franc-jeu avec lui, mais elle s’y était si bien prise.
« J'ai pas tenté de me faire du mal. J'y pensais. Je pensais plus qu'à ça. Mais j'ai rien fait. » et mon cœur se serre à nouveau, ca me rend si triste de l’entendre dire qu’il y a pensé, pire, qu’il ne pensait plus qu’à ca. « J'ai toujours des tas d'arguments et de raisons qui se battent dans ma tête et qui m'disent que... » je respecte son silence, ca m’fait mal, je respecte le rythme auquel il veut me parler. Je sens mes yeux qui se brouillent et comme j’ai déjà tendance à pleurer pour un oui ou pour un non ces derniers temps, sa souffrance est largement suffisante pour faire couler quelques larmes sur mes joues. Je les sèches vite, j’ai pas envie qu’il culpabilise lui aussi de me mettre dans cet état. « Qui m'font du mal. Et j'arrivais plus ou moins à gérer, sauf que c'est constant, y'a jamais de répit, et ça m'a usé. Et j'ai pas su où était ma limite. Je croyais que je gérais jusqu'à ce que je gérais plus du tout, je me suis pas vu franchir le seuil et avec le recul, ça me fait flipper. Je savais que si ça allait vraiment pas, je pouvais t'appeler toi, ou Arthur, ou Loan, ou Max, ou plein d'autres qui sont dans la confidence, sont à Brisbane et se sont proposés. Mais je pouvais pas, j'étais plus capable de faire autre chose que d'avoir mes idées noires et résister à les mettre en exécution. Et puis mon cousin et Ginny sont arrivés par hasard et ils ont pris les choses en main. J'aurais aimé avoir su gérer et j'ai peur de retomber comme ça et de pas être capable d'appeler à l'aide à temps. Mais j'essaie de me rassurer avec ce nouveau traitement qui me donne vraiment l'impression que ça va mieux. » et je l’espère, j’espère si fort qu’il va mieux. Je prends sa main que je serre fort contre moi. « J’suis si désolée pour tout ça Isaac… t’as pas a hésité un seul instant si ca va pas… si tu te sens mal, tu m’appelle, on fera des trucs qui nous rappellerons la coloc, on fera des conneries… on dansera sur Michael Jackson et on chantera les Beattles. » et je souris en me rappelant tout ça. Je repasse une main sous mes yeux. « T’es ma plus belle rencontre depuis toujours Isaac, j’me remettrai pas de te perdre. » et j’accompagne sa main sous mon menton. « j’veux pas te perdre… j’espère si fort que t’ailles mieux… » et ca semble être grace à son cousin et Ginny et je comprends pourquoi ils étaient si proches, pourquoi il a envie d’être à ses côtés à présent. Et peut être bien que j’l’ai jugé trop vite avec ma jalousie, peut être bien qu’elle est une vraie bonne personne et que si elle avait pas été présente, j’me serai moi-même rendu compte de rien. J’serai toujours aveuglée par mon nombril. « j’vais faire plus attention à toi, j’vais prendre soin de notre amitié… » et c’est une promesse. « J’t’aime trop pour négliger tout ça. » et j’ai ce besoin de l’avoir contre moi, de le prendre dans mes bras avant de fondre bel et bien ne larme contre son torse. « c’est pas possible d’être une vraie pleureuse comme ça. » je souris et tente de reprendre mon souffle. Je me recule à nouveau et inspire un bon coup. « merci de m’avoir dit tout ça… j’crois qu’il est temps de boire un bon coup, non ? » je souris à nouveau et regarde vers la bouteille qui nous attend. « J’te sers ? » question rhétorique, me voilà entrain de remplir les deux verres assez généreusement. « On va chanter les Beatles ce soir, promis ! »  et je lui donne son verre avant de prendre le mien. Et voilà qu’il revient sur le sujet de Andy.
« C'est chill. Vous vous voyez souvent ? T'aimes bien ce genre d'arrangement ? » et j’ai bien besoin de boire avant de pouvoir répondre à cette question. Une, deux, trois gorgées. « c’est tout neuf pour moi… on s’voit assez souvent oui. » et quant à sa dernière question… la réponse est encore en suspens. « j’aime bien qu’il se pointe chez moi n’importe quand… qu’il prévienne pas, qu’il voit juste si j’suis là ou pas. C’est pas comme si j’avais un mec chez moi en permanence. J’vois personne d’autre… et j’ai un peu l’impression d’être spécial. Quand j’ouvre la porte et qu’il est là avec un sac de bouffe, ca m’fait du bien. » lui et la bouffe aussi !

Je tiens sincèrement à ce que Noa ne se sente pas coupable de ma dernière rechute. Il est vrai que nous avions passé moins de temps ensemble qu'à l'accoutumée, mais nous avions tous les deux de gros événements dans nos vies respectives et Noa traversait aussi quelque chose d'extrêmement difficile entre les fausses accusations d'homicide portées contre sa personne, son injuste incarcération et les conséquences qui en avaient découlé. Je songeais que l'important était que l'on restait présent l'un pour l'autre, qu'on savait se serrer les coudes, même si nous ne pouvions malheureusement pas effacer tous nos maux d'un coup de baguette magique. C'était peut-être un vœu pieu, mais j'espérais que ma meilleure amie ne se sente pas mal par rapport à mon mal-être tout comme je priais n'être jamais un fardeau dans sa vie. J'essayais de faire de mon mieux pour mieux me porter, lutter contre mes démons chaque jour, ces refrains constants dans ma tête qui me persuadaient sans cesse des milliers de choses dont la seule conclusion serait de m'ôter la vie pour m'en libérer enfin. Je luttais perpétuellement contre moi-même en tentant d'en accabler le moins de personnes possibles et de me rapprocher de professionnels car sans eux, je ne m'imaginais pas encore vivant non plus. Sans mes proches, je ne pouvais pas avancer, mais sans l'aide médicale, je ne pense pas que je pourrais m'en sortir non plus. Et ça, autant ça me démolissait de l'accepter, autant j'arrivais petit à petit à en venir aux termes. Je tolérais et j'assumais de plus en plus que j'étais malade, que je devais me battre et que je ne pouvais pas m'en sortir seul, comme j'avais pu le croire des mois plus tôt. J'étais bien loin du stade d'en parler ouvertement pour une multitude de raisons, mais je ne rejetais plus avec véhémence cette vérité qui était mienne.

Sélectionnant soigneusement mes mots, j'essayais d'expliquer le plus clairement possible ce que je ressentais à Noa, quand ma tête ne ressemblait souvent qu'à un vulgaire fouillis. Je ne voulais pas lui mentir ni minimiser la réalité, mais j'essayais aussi de ne pas l'émouvoir plus qu'il n'en était nécessaire. Je savais que mes paroles risquaient d'être difficiles à entendre, et je sentais l'émotion gagner ma meilleure amie, ce qui invoquait en moi un sentiment de culpabilité. Même si j'allais mal, je ne voulais absolument pas que Noa en pâtisse, je refusais que les gens que j'aime souffre à cause de moi. Je soupirais doucement, la Jacobs s'était rapprochée de ma personne de manière à reposer sa tête contre mon torse et ses joues étaient légèrement teintées de son maquillage qui avait coulé. « J’suis si désolée pour tout ça Isaac… T’as pas à hésiter un seul instant si ça va pas… Si tu te sens mal, tu m’appelles, on fera des trucs qui nous rappellerons la coloc, on fera des conneries… On dansera sur Michael Jackson et on chantera les Beatles. » Je souris doucement, sincèrement reconnaissant, la bienveillance comme la nostalgie me saisissant. J'avais conscience à quel point j'étais chanceux d'avoir Noa dans ma vie et je savais qu'elle était totalement honnête dans ses dires. « T’es ma plus belle rencontre depuis toujours Isaac, j’me remettrai pas de te perdre. J’veux pas te perdre… J’espère si fort que t’ailles mieux… » Je conservais mon sourire, déposant un léger et amical baiser sur la tempe de mon interlocutrice. L'atmosphère était lourde d'émotions. « Toi aussi, Noa. T'es ma meilleure amie. Je sais pas ce que je ferai sans toi. » Et au-delà de Loan et Jane, même si j'étais aussi très proche d'elles. Avec Noa, c'était différent, je la connaissais depuis plus de dix ans maintenant et je me confiais à elle bien plus facilement qu'aux deux autres filles de la bande. Il y avait cette complicité et confiance que j'entretenais avec la trentenaire que je n'avais pas de manière si développée avec les autres membres de notre crew. « J’vais faire plus attention à toi, j’vais prendre soin de notre amitié… J’t’aime trop pour négliger tout ça. » Noa se retourne de manière à m'étreindre et laisse filer de nouveaux sanglots. Je l'enlace doucement, lui assurant : « Je sais... Et t'as rien à te reprocher. » Je soulignais. « On fait de notre mieux. » J'annonçais. Je faisais de mon mieux pour prendre soin de mes proches et gérer mes problèmes, et j'étais persuadé que Noa en faisait tout autant. « C'est juste... » J'hésitais quelques instants, un rictus étirant mes lippes. « J'veux pas non plus devenir un fardeau ou un boulet... J'veux pas être celui qui fait peur aux autres ou qui ruine les journées. J'veux pas devenir trop lourd pour toi et les autres. » J'étais peut-être ridicule à parler ainsi, voire égoïste, mais cette optique me pesait et puisque le sujet était abordé, il était sans doute judicieux de continuer dans cette lignée d'aveux. Il y avait beaucoup d'éléments que je gardais encore pour moi de peur de trop accabler mes proches, de les déranger ou de les mettre mal à l'aise.

« Merci de m’avoir dit tout ça… j’crois qu’il est temps de boire un bon coup, non ? » J'effaçais une trace de maquillage sur la joue de ma meilleure amie, affichais un nouveau sourire. « Merci à toi de m'écouter et de comprendre et d'être là. Et ouais, j'crois que l'alcool est de rigueur... » Je la prenais une dernière fois dans mes bras avant de me distancer légèrement et lancer une playlist Beatles/Michael Jackson pendant que Noa remplissait généreusement deux verres d'alcool bien mérités. « On va chanter les Beatles ce soir, promis ! » « Twist and shout! » Je chantonnais un de leurs succès que je préférais avant de prendre le verre qu'elle me tendait. « Merci. A... Nous et notre bien-être ? » Je suggérais de trinquer.

J'abordais le sujet plus léger de mon voisin que Noa fréquentait de plus en plus. La jeune femme me développait les modalités de cette relation qu'elle entretenait avec le colombien et bien que cette dernière ne relève pas du même registre que les autres, il me semblait que cela convenait à Noa pour l'instant, et que tout du moins, elle prenait du plaisir avec Andy. « C'est cool. C'est un peu comme avoir les bénéfices sans la pression du couple ? » Le rêve de pas mal de mecs, en somme ?