PENNY STRINGER & @ISAAC JENSEN ☽ You may say you're walking all by yourself. Have no one else. Your life is deadly like a loaded gun, and you're shaking love. Don't shiver, don't give up, don't quiver, you're enough. You will be just fine tonight. Baby when it's cold outside. I will keep you warm. Save you from the storm. I will light a fire and the embers bright will guide you through the night. When it's cold outside I will light a fire. gifs(c)gwennifergifs & harley

La nouvelle année n’aurait pas pu mieux commencer. Isaac et toi étiez arrivés à Torquay le 30 au soir et vous aviez décidé de rester chez tes parents pendant quelques jours pour célébrer la nouvelle année, suite à quoi tu avais préparé un petit voyage le long de la Great Ocean Road dont Isaac ne connaissait encore aucun détail. Le réveillon avec tes parents avait été des plus simples, mais aussi des plus agréables et tu appréciais de pouvoir passer un peu de temps dans cet environnement plus que familier, auprès des tiens, tout en leur offrant la chance d’apprendre à connaître davantage l’homme avec qui tu t’apprêtais à fonder une famille. Ton frère te semblait plus calme qu’à l’habitude et tu chérissais les souvenirs que tu étais en train de te faire, considérant qu’il n’y avait pas meilleure façon de débuter cette nouvelle année qui s’annonçait riche en émotions. Jamais tu n’aurais pu concevoir d’accueillir ton premier enfant avant même le début de ta trentaine, mais tu étais déjà impatiente de rencontrer ce petit être qui prenait à tous les jours un peu plus de place sous ton nombril.

C’était votre dernière soirée complète à Torquay, demain annonçant votre grand départ à l’aventure et tu voulais vraiment accumuler autant d’instants auprès de ton frère que possible, ne sachant toujours pas quand est-ce que tu aurais l’occasion de revenir dans le coin. Professionnellement parlant, tu ne savais toujours pas avec précision de quoi l’année serait faite, mais tu te doutais que ta grossesse rendrait cela légèrement plus compliqué, et finirait aussi par éventuellement te réduire dans ta capacité à voyager comme tu l’entends. Tu avais suggéré à ton père qu’Isaac et toi preniez sa place pour la marche habituelle qu’il prenait à chaque début de soirée avec ton petit frère. David étant une créature d’habitude, tu connaissais parfaitement le chemin qu’il prenait avec votre père, celui qui menait à ce grand parc auquel il s’arrêtait très souvent. Ton frère aimait beaucoup les modules de jeux, même s’il était souvent bien trop grand pour ces derniers, mais c’est surtout dans les balançoires qu’il pouvait passer de longues minutes. Si ton frère était non-verbal, il n’en était pas moins bruyant pour autant et il n’était pas rare de l’entendre chantonner faussement alors qu’il se faisait aller aussi haut que possible. Tu avais toujours adoré ces moments avec lui, dans leur simplicité et dans le bonheur qui venait égayer le visage de ton petit frère et tu étais impatiente de pouvoir partager ce moment si spécial avec ton amoureux.

David marchait légèrement devant vous, tes doigts liés à ceux d’Isaac. « Alors est-ce que tu as une petite idée d’où on va demain? » que tu lui demandes, éternelle aguicheuse sur tes plans hyper secrets qui composaient votre deuxième semaine de vacances ensemble. Ta mère avait accepté de te prêter sa voiture pour quelques jours, et vous alliez descendre le long de la côte, demeurant éternellement près de la mer et vous arrêtant dans les différents attraits touristiques qui composent la Great Ocean Road, avant de terminer votre périple aux Twelve Apostles, à la jetée du Port Campbell. Il y avait longtemps que tu n’avais pas eu l’occasion de redécouvrir les différentes merveilles du Great Ocean Road, tout comme tu ne savais pas si Isaac avait déjà eu l’occasion de la découvrir par le passé. Tu étais impatiente de faire cette route avec lui et de pouvoir profiter des journées anormalement chaudes qui avaient été annoncé. Approchant enfin de votre destination du soir, c’est sans surprise que David se met à marcher plus vite jusqu’à l’entrée du parc et sans surprise, il se dirige vers les balançoires. Il y a encore quelques familles présentes, la plupart connaissant bien ton frère. Torquay étant une toute petite ville côtière, tout le monde connaissait un peu tout le monde et c’est sans surprise que tu reconnais la silhouette d’une jeune femme avec son petit garçon. « Lucy! » que tu t’exclames pour saluer la petite brune, alors que tu remarques le petit blond à ses côtés courir en direction de ton frère. Tu n’as pas encore remarqué qu’Isaac ne te suit plus, c’est à peine si tu remarques le regard troublé de la brune tant ton attention est porté sur son fils. « Ça fait une éternité que je t’ai pas vu toi, t’as encore grandi! » que tu souffles à l’attention de Jude, petit bonhomme que tu croises presque chaque fois que tu visites tes parents et que tu viens passer du temps dans ce parc, avec ton frère. « J’ai quelqu’un à te présenter Lucy, c’est - » C’est seulement à ce moment-là que tu réalises que Lucy dévisage Isaac et que ce dernier est resté légèrement derrière. Ton regard passe rapidement de l’un à l’autre avant que Jude ne réclame ton attention. « Je veux me balancer aussi haut que David! » qu’il te demande de sa petite voix tout en pointant vers ton frère, mais perturbée par l’échange silencieux qui se joue entre Isaac et Lucy, tu restes immobile, ne comprenant pas du tout ce qui se passe

Bien qu'une certaine appréhension s'était sournoisement immiscée en toi à l'idée de passer plusieurs jours chez les parents de Penny à Torquay, générée de la crainte de ne savoir éventuellement t'adapter aux habitudes des Stringers ou de créer quelconque faux pas et ne pas honorer de potentielles attentes, le stress avait toutefois rapidement fait place à un sentiment de contentement à mesure des heures que tu avais passées en leur compagnie dans la ville côtière australienne. Tu chérissais dorénavant cette période si particulière alliant fin d'année et entamant le début d'une autre que tu avais eu l'opportunité de savourer auprès de ta petite amie et de ses proches. Tu avais adoré en apprendre davantage sur ses parents et son cadet et t'inclure à leurs activités. Tu ne comptais plus les rires qui avaient franchis la barrière de tes lèvres devant les commentaires et remarques de la mère Stringer, dont l'esprit vif insatiablement enveloppé de bienveillance te laissait admiratif. Tu avais apprécié ces instants où tu avais pu prêter main forte au père de ton amoureuse sur certaines bricoles et réparations, parfois accompagnés d'un David et de son Ipad.
Et surtout, sceller cette année si exceptionnelle avec celle avec qui tu espérais en conclure des dizaines d'autres t'était inestimable. Tu t'étais senti réellement chanceux de pouvoir embrasser, dès le premier jour de l'an, celle que tu aimais inconditionnellement. Tu ignorais de quoi 2022 serait fait, mis à part la naissance de votre futur enfant, mais une chose s'imposait telle une évidence : tu trépignais d'impatience de continuer ta route avec Penny. Tu étais prêt à combattre toutes les épreuves que la destinée vous enverrez,  tu étais persuadé que votre duo solide saurait concilier avec toutes circonstances, comme vous l'aviez déjà prouvé l'an passé.

Pour votre dernière soirée à Torquay, ta petite amie avait proposé que vous vous rendiez avec David au parc de jeux qu'il appréciait tant, en place et lieu de son père. Le jeune adulte montrait la voie et Penny et toi concluiez cette marche, vos doigts entremêlés. « Alors est-ce que tu as une petite idée d’où on va demain ? » Tu réfléchis quelques instants, quittant David du regard que tu ne pouvais t'empêcher de surveiller discrètement comme si tu craignais qu'il ne trébuche sur une racine et se fasse mal, pour croiser l'éclat malicieux et joueur de la Stringer. Ton minois s'illumina spontanément, un léger rire amusé fila entre tes lèvres, ton pouce caressait tendrement le revers de sa main. « Je soupçonne qu'on ne va pas s'éloigner beaucoup de l'océan, » tu émets, connaissant l'affection que Penny dédiait pour la mer et augurant que la vingtenaire voulait en tirer un maximum profit avant que vous ne repreniez votre quotidien sur Brisbane qui ne vous offrait pas de tels paysages, située davantage dans les terres. Le reste, cependant, n'était que totales interrogations dans ton esprit, connaissant que très peu de cette région australienne et les activités y étant possibles. « J'ai très hâte à demain. J'ai hâte de découvrir ce que tu mijotes. » Tu avouais avec espièglerie. « Merci pour toute cette escapade. Je suis vraiment heureux de pouvoir vivre tout ça avec toi et découvrir où tu as grandi. » Tu présentais avec sincérité et gratitude, ton regard couvant d'amour ton interlocutrice qui te rendait chaque jour plus heureux. Tu portais tendrement la main de Penny à tes lèvres pour y déposer un baiser.

David accélère le pas pour investir l'une des balançoires, son enthousiasme te faisait sourire. Puis, Penny s'exclame : « Lucy! » Ton regard suit la direction vers laquelle les pupilles de ta petite amie sont rivées, capte la silhouette d'un petit garçonnet au passage, et se heurte durement sur la silhouette de ton ex fiancée. Tes doigts perdent spontanément tout leur tonique et glissent de la main de la Stringer, tes organes te donnent l'impression de sombrer lourdement au fond de tes entrailles, tels des roches écrasant des parties de ton âme au passage. Tes oreilles bourdonnent alors que Penny s'adresse, amicale, à l'enfant. Ton visage a promptement emprunté une teinte livide et tu sens ton cœur battre furieusement la chamade de douleur, de peur, les dernières notes de ta relation avec Lucy te happant à l'image d'insurmontables déferlantes qui te fracassent à mesure que les secondes, pesant comme des heures, agonisent. « J’ai quelqu’un à te présenter Lucy, c’est - » reprend Penny, qui te ramène au réel de ce pseudo cauchemar alors que tu perdais pernicieusement pied dans le carnage de tes émotions, dans l'étourdissement de tes souvenirs. Tu dévisages sans vergogne Lucy et assimiles difficilement, péniblement, les éléments qui s'imposent au sein de cette scène qui t'est d'une brutalité sans égale. Tes poings se serrent solidement, non par colère mais tel un mécanisme de défense contre les maux qui te tiraillent déjà et tous ceux qui s'amorcent. Ces nuages gorgés de foudres qui s'empressent déjà d'obstruer ton ciel encore si léger il n'y avait que quelques minutes.

« Je veux me balancer aussi haut que David! » Ton regard brillant de multiples émotions se pose sur le garçonnet, dont la ressemblance avec les anciens albums de famille que tes grands-parents feuilletaient traditionnellement à chaque réunion de famille te percute avec violence. A sa silhouette, tu supposes que le petit doit avoir dans les trois ans et le regard que tu adresses à Lucy sous ce constat change de nouveau. Il n'est plus question d'une innommable surprise ou des vestiges du chagrin que vous vous êtes infligé. Il transparait alors ce sentiment cuisant d'une inénarrable trahison et cette dévastatrice ire qui se développe brièvement en toi, à faire bouillir périlleusement ton sang ; tu es persuadé qu'encore une fois, la jeune femme t'a menti, et ce mensonge-là s'ajoutait assurément à la liste des agissements de Lucy que tu ne saurais jamais pardonner.

« Jude, tu viens s'il-te-plaît ? » appelle la brune, orientant sa main vers le garçonnet qui s'installe avec entrain sur la balançoire à côté de David. Le prénom retentit en toi, brisant sans merci les parois de ton être. Jude était le prénom sur lequel vous vous étiez arrêtés alors que votre couple se portait encore bien, au début de vos tentatives de fonder une famille. « Mais maman, on vient d'arriver ! » se lamente l'enfant, ses pieds touchant à peine le sol alors qu'il gigote sur le module pour essayer de prendre autant de hauteur que le frère de Penny. « Et tu ne partiras pas comme ça, » tu prononces, sur une intonation étonnement calme alors que l'orage menace fortement d'éclater en toi. « J'attends des explications, là. » Tu réclames, catégorique, ton organisme vibrant intensément à l'intérieur, tes yeux ne quittant pas la silhouette de Lucy, comme si tu voulais la clouer sur place pour ne pas qu'elle se dérobe sans qu'elle ait confirmé tes doutes, sans qu'elle t'ait à nouveau enfoncé ce nouveau poignard qu'elle gardait trois ans durant secrètement. Tes doigts tremblent dans tes poings, tu déploies toute la force que tu possèdes pour ne pas créer une scène alors qu'instinctivement, émotionnellement, tu as uniquement envie de beugler, de recracher cette colère qui croît toujours plus en toi, tant qu'elle te fait même peur. Ton palpitant tonne à l'injustice, à l'irrespect, au cruel, à l'égoïsme. « Tu m'as demandé de partir, Isy. Tu m'as dit que tu ne voulais plus me voir. » Une foudre furibonde te transperce, te déchire de long en large avec irascibilité, t'en faisant perdre le souffle. Tu sens les dernières couleurs de ton visage disparaître alors que le gel t'étreint, te suffoque, ton sang ne faisant plus qu'un tour. Tu devines peu à peu les motifs qui ont incité Lucy à agir de la sorte, mais en aucun cas ne les accepterais-tu un seul jour. Si l'australienne se berce de l'illusion d'avoir bien agi en obéissant à ta demande alors que tu venais d'attenter à tes jours, tu n'y adhéreras jamais, tu le sais au fond de tes tripes. « Non, non. Tu n'as pas le droit d'utiliser ça. Ca ne te donne pas le droit - » Tu te stoppes, réalisant ton ton qui s'est drastiquement haussé, attirant les regards. Au cœur de l'ouragan explosif qui sévit en toi et menace impitoyablement d'emporter toute ta contenance, tu es navré vis-à-vis de Penny et David qui sont témoins d'une telle scène, qui se retrouvent plongés au cœur de tes drames du passé. Tu es désolé aussi pour cet enfant, qui doit te percevoir comme un vulgaire homme à deux doigts de passer un savon à sa mère alors que ce parc ne devrait être scène que des cris amusés des enfants tintamarrant. « Il a quel âge ? » Tu t'entends demander, ta voix tremblante, alors que tu connais la réponse. Tu ne sais même pas pourquoi tu poses la question, est-ce pour tenter de te calmer un peu ? Pour te divertir de Lucy que tu as envie de foudroyer ? Tu as déjà fait les calculs et tu es intimement convaincu que tu ne te trompes pas. C'est même écrit sur leur visage - autant dans le regard de ton ex que sur les traits de Jude -, que cet enfant est le tien. Lucy avait beau te tromper, tu sais qu'il est ton fils. De plus, elle n'aurait pas choisi ce prénom, s'il n'était pas vôtre. « Trois ans. » Elle te confirme et ta tension prend des sommets. Trois années se sont écoulées pendant lesquelles tu avais un fils sans le savoir, pendant lesquelles ton enfant a grandi sans toi et ce que tu rêvais de lui apporter. Le sentiment d'avoir tant manqué de sa vie, d'avoir failli à tant dans son développement, te pétrifie de douleur comme de désolation. La rancœur que tu nourris envers la mère dépasse l'entendement. « Tu réalises ce que tu as fait, là !? T'avais pas le droit, Lucy. T'avais pas le droit de faire ça, de me le cacher. Et je t'interdis de me dire que je te l'ai demandé. » Tes ongles marquent sauvagement tes paumes, tu uses de tout le sang-froid que tu disposes pour ne pas exploser, alors que tout en toi vrille, jusqu'à ta voix rythmée de trémolos. De quel droit pouvait-elle insinuer que tu te complaisais de cette ignorance ? Tu croises le regard de Penny, auquel il te semble interpréter de la confusion comme une éclatante surprise. « Tu m'as menti. » Tu fixes de nouveau ton ex. Tu n'oses même pas imaginer ce qu'elle a pu répondre à Jude si jamais il l'a questionnée sur toi, sur ton absence, alors que tu ignorais tout de son existence, alors que ton ex t'avait assuré avoir avorté de votre enfant avant même que tu ne saches qu'elle était enceinte. Qu'a-t-elle dit sur ton compte à ses proches, pour justifier ton absence d'investissement dans la vie de ce fils ? Ta tête est lourde de toutes ces nouvelles vérités, ton cœur est gros et saigne de toutes les plaies que Lucy a occasionnées dans le passé et qu'elle vient violemment d'ouvrir pour en affliger de nouvelles, béantes. « Encore. » Tu souffles, les reproches acides et ton regard se pose sur Jude qui se balance à côté de David. Lucy t'a privé de ton fils et l'a privé d'un père qui était détruit à l'idée qu'il ne soit plus. Tu te mords sans cérémonie la lèvre, sachant pertinemment que tu si reprenais la parole de suite, tes mots seraient assassins. Tu es proche de virer fou et ce n'est pas le lieu pour vider ton sac. Par ailleurs, tu refuses ardemment que Lucy s'échappe et que Jude disparaisse de ta vie.

« Je soupçonne qu’on ne va pas s’éloigner beaucoup de l’océan. »
« Tu commences à me connaître un peu trop bien je crois. »

Tu es amusée et pas réellement surprise qu’Isaac ait pu déduire si facilement de quoi serait majoritairement composé les jours à venir. Ton amour pour l’océan n’était plus à prouver et tu trépignais d’impatience de pouvoir redécouvrir les beautés de chez toi et de pouvoir les partager avec Isaac. « J’ai très hâte à demain. J’ai hâte de découvrir ce que tu mijotes. » « Je pense que tu ne seras pas déçu. » que tu répliques, confiante des activités que tu avais préparé, tout comme tu étais particulièrement satisfaite des différents hôtels que tu avais loué, mélangeant à la perfection des activités de plein-air ainsi qu’un certain luxe et confort dans vos accommodations. Tu ne redoutais qu’une seule chose de ce voyage : les routes parfois sinueuses, celles qui tournaient parfois abruptement et qui avaient l’habitude de te causer quelques nausées. Et ça, c’était avant même que tu ne sois enceinte et que ta grossesse soit ponctuée quotidiennement de nausées que rien ne semblait en mesure d’apaiser. Tu craignais que cela ralentisse considérablement la vitesse de votre voyage, même si tu avais alloué amplement de temps et qu’il n’y avait aucune presse. Tu étais bien décidée à ce que cela ne ternisse pas votre semaine en amoureux, préférant penser que les nausées allaient enfin se dissiper et que vous pourriez profiter sans qu’aucun nuage ne vienne assombrir le ciel clair et lumineux qui s’était installé au-dessus de vos têtes depuis que vous étiez ensemble. « Merci pour toute cette escapade. Je suis vraiment heureux de pouvoir vivre tout ça avec toi et de découvrir où tu as grandi. » « Ça me fait plaisir. » Tu avais toujours pris beaucoup de plaisir et de satisfaction à surprendre et gâter ceux qui te sont proches, et tu considérais qu’Isaac méritait amplement toutes les petites attentions ainsi que ces vacances, lui qui donnait constamment le meilleur de lui monde au sein de tout ce qu’il entreprenait. Surtout qu’il prenait extrêmement bien soin de toi depuis l’annonce de ta grossesse, faisait absolument tout pour aider avec tes nausées constantes, allant même jusqu’à avoir en sa possession en tout temps les sucreries qui aidaient à calmer ton estomac retourné. « Tu mérites tout ça et bien plus encore. » que tu souffles avant de te tourner légèrement dans sa direction et puis tu déposes un baiser sur sa joue avant de reporter rapidement ton attention sur ton frère qui s’excite déjà d’être rendu au parc.

Le problème quand tout va un peu trop bien, c’est qu’il semble toujours y avoir un downfall à proximité. Même les ciels les plus clairs ne peuvent le rester éternellement, un lourd nuage noir venant assombrir l’image parfaite de ce qui devait être une année qui commence dans la douceur la plus complète. Le plus gros problème encore, c’est que tu es loin de te douter que tu viens de mettre les pieds dans un engrenage et que la bombe qui va exploser s’apprête à changer drastiquement ta vie, mais surtout celle d’Isaac. Toi, tu ne vois qu’une jeune femme que tu as appris à connaître dans les trois dernières années, depuis qu’elle s’est installée à Torquay dans une maison pas loin de celle de tes parents. Lucy, c’est une outsider, mais elle a rapidement su se faire une place dans la petite communauté. Tu ne la voyais pas souvent, surtout dans la dernière année puisque tes voyages à Torquay s’étaient espacés par manque de temps, mais tu avais vu Jude, son fils, grandir à une vitesse fulgurante entre chacune de tes visites, et il n’était pas rare que ta mère mentionne le duo puisque ton frère semblait s’être lié d’affection avec le petit garçon à la tête blonde, une affection qui semblait réciproque chaque fois que tu avais vu le duo Jude/David à l’œuvre. Pour toi, c’est tout ce que Lucy était. Une jeune femme sympathie, au passé un peu mystérieux. Maman célibataire qui tentait de faire son bout de chemin sans causer de vagues. Tu pensais sincèrement qu’Isaac l’apprécierait. Jamais tu n’aurais pu t’imaginer qu’ils se connaissaient déjà, mais c’est la réalisation que tu fais quand les regards échangés sont lourds de sous-entendus et que l’air ambient s’alourdit soudainement. Ton regard ne cesse de passer de Lucy à Isaac, et puis de Isaac à Lucy, s’arrêtant parfois sur Jude qui ne demande qu’à faire comme ton frère sans que jamais personne ne lui donne l’attention qu’il réclame. Tu te sens mal soudainement, terriblement mal. Un mélange de nausées et de mauvais pressentiment qui te cause bien du tourment alors que le silence s’étire encore pendant ce qui semble être une éternité.

« Jude, tu viens s’il-te-plaît? » Lucy évite maladroitement le regard d’Isaac alors qu’elle tend la main vers son fils, mais le garçon ne semble pas décidé à écouter sa mère sans négocier. « Mais maman, on vient d’arriver! » Il s’installe de peine et de misère sur la balançoire à côté de celle de David et il fait aller ses minuscules jambes, dans l’espoir de prendre un élan qui ne vient pas. À défaut de comprendre ce qui se passe, tu marches doucement en direction du petit garçon et lui donne quelques poussées, ce qui l’amuse aussitôt. « Et tu ne partiras pas comme ça. J’attends des explications, là. » Toi aussi, tu aimerais comprendre ce qui se passe, mais tu ne peux que tenter d’assembler les pièces du puzzle sans savoir à quoi ressemble l’image à créer et espérer pouvoir faire du sens des morceaux qui te sont durement présentés. « Tu m’as demandé de partir, Isy. Tu m’as dit que tu ne voulais plus me voir. » Ce que tu sembles saisir, difficilement, c’est que Lucy a fait partie de la vie de ton amoureux. À quel titre? Pendant combien de temps? Était-elle cette femme qui lui avait cruellement brisé le cœur par le passé? Il y avait tant de questions que tu aurais aimé pouvoir poser, mais ta présence est rapidement oubliée alors que tu vois le visage de ton amoureux se déformer d’une façon que tu n’avais jamais vu par le passé, la colère dans le fond de ses yeux terrifiante tant elle semblait être à des années lumières de l’homme que tu connaissais et que tu aimais. « Non, non. Tu n’as pas le droit d’utiliser ça. Ça ne te donne pas le droit, - » Jamais tu n’avais entendu Isaac levé le ton ainsi et tu figes légèrement sur place, surprise. Ton premier réflexe est de t’assuré que cela n’a pas perturbé Jude et David, qui sont tous les deux encore trop occupés à se balancer pour réaliser ce qui se passe. « Il a quel âge? » Pourquoi il demande ça? Tu fronces les sourcils, ton regard s’attardant plus longuement sur le petit garçon. C’est vrai maintenant que tu le regardes, certains de ses traits rappellent ceux d’Isaac. Non, non. Ce n’est pas ça. C’est impossible. Ton cœur se serre alors que Lucy répond d’une petite voix « Trois ans. » et tu les vois, les poings d’Isaac qui se serrent, ce qui n’invoque rien de bon à ton sens, même si tu refuses de penser que… Non. « Tu réalises ce que tu as fait, là!? T’avais pas le droit, Lucy. T’avais pas le droit de faire ça, de me le cacher. Et je t’interdis de me dire que je te l’ai demandé. » Tu fermes les yeux avec violence, les sous-entendus derrière les mots d’Isaac bien trop puissants pour faire croire à autre chose que ce que tu avais déjà deviné. Ce petit garçon que tu pousses sur sa balançoire, qui ne cesse de rire à chaque fois qu’il prend un peu plus de hauteur, il n’a pas la moindre idée qu’il se retrouve pour ce qui semble être la première fois de sa vie devant son père. Jude est le fils d’Isaac. Isaac a un fils. Et tu es persuadée que tu vas être malade, là, tout de suite, mais tu n’arrives pas à bouger, c’est à peine si tu arrives à penser. « Tu m’as menti. Encore. » C’est un haut le cœur qui te sort de ta torpeur alors que tu portes ta main à ta bouche, résistant par miracle au besoin d’être malade et puis tu arrêtes la balançoire de Jude. « On va aller jouer dans les glissades un peu nous, maman a besoin de parler avec Isaac, d’accord? » Le petit garçon te regarde l’air curieux, avant de tourner la tête vers sa mère, à la recherche de son approbation. « Ce sera pas nécessaire Penny, je - » « Je pense que c’est nécessaire, oui. » que tu répliques aussitôt, ne lui laissant pas le choix, mais voulant éviter que Jude attrape des morceaux de la conversation et comprennent ce qui se passe. « Viens David. » que tu souffles ensuite à ton frère qui s’arrête brusquement et qui se met à courir vers le module de jeu où se trouve les glissades, suffit d’un Jude qui est incapable de suivre la cadence de ton frère mais qui y met tout son cœur. Tu repasses à côté de ton amoureux et à défaut de savoir quoi lui dire dans l’immédiat, tu poses tes lèvres sur sa joue avant de t’éclipser à contre-cœur, sentant malgré tout que ta place n’était pas au milieu de la conversation à venir.

Un sourire satisfait étire tes lippes, l'éclat de tes yeux étincelant éhontément de fierté, complicité et tendresse alors que Penny te soumet que tu commences à un peu trop bien la connaître lorsque tu soupçonnes que vos prochains jours ensemble se déroule à proximité de l'océan que tu lui sais cher. Tes doigts viennent doucement s'entremêler aux siens, David vous guide avec enthousiasme jusqu'au parc où il lui est routinier de se rendre. Tu confies ton impatience de découvrir les plans que mijote Penny sur la suite de votre escapade, ton sourire s'élargit indéniablement quand tu entends ta petite amie considérer avec confiance que tu ne seras pas déçu. « Je pense que tu ne seras pas déçu. » « J'en suis convaincu. » Tu chéris chaque instant passé aux côtés de l'actrice et tu es intimement persuadé que créer ces souvenirs avec elle, peu importe les surprises qui pourraient potentiellement vous dérouter, demeurera gravé avec affection dans ta mémoire.

Si tu avais discrètement appréhendé ce séjour loin de Brisbane et ses repères, tes doutes et craintes s'étaient rapidement effacés et tu te considérais désormais extrêmement chanceux et heureux que vous ayez concrétisé ce départ à deux pour célébrer le nouvel an avec les proches de Penny. Tu avais adoré gagner à davantage les connaître et découvrir la ville côtière où ton amoureuse avait grandi. Tu avais savouré ces instants mémorables sans les responsabilités qui invoquaient à Brisbane. Et surtout, tu avais tant aimé en apprendre davantage sur cette femme qui s'était déjà imposée telle une évidence au sein de ton affection. Tu étais grandement reconnaissant de ce voyage qu'elle avait organisé, comme des prochaines destinations qu'elle avait planifiées dans un mystère indétrônable. Réellement, la Stringer semblait posséder les clefs de ton contentement, te déstabilisant toujours très agréablement par sa façon d'être et de faire qui te comblaient indéniablement. Penny te montrait à quel point il en fallait peu pour être heureux, elle te prouvait dans quelle mesure la vie pouvait être belle si on lui en donnait la chance et si on ne perdait pas espoir. Elle te livrait un sens comme des arguments pour poursuivre ton histoire, étreinte avec félicité à la sienne. « Tu mérites tout ça et bien plus encore, » la jeune femme te souffle avant de déposer un baiser sur ta joue, et tu ne peux que penser à quel point elle aussi, mérite tout le positif que le monde a à apporter. Qu'avais-tu fait, toi, pour mériter une telle personne ? « Je t'aime, » tu lui glisses, cœur battant triomphalement ton amour, alors que David accélère le pas, le parc de jeux se dessinant dans votre champ de vision.

L'endroit est quasiment désert, à l'exception de deux âmes que Penny approche naturellement, avenante. L'enthousiasme et le pétillant définissant toute la sociabilité de la vingtenaire jurent toutefois avec le ciel qui sombre brutalement sur ta tête. Bien vite, de puissantes déferlantes d'émotions te happent, à t'en faire perdre pied, à t'en voir la tête tournée. Ton regard contemple sans gêne le garçonnet, dont l'image demeurera sans nul doute imprégnée à jamais contre les parois de ta mémoire, pour que tes pupilles se rivent finalement sur cette femme que tu as su à la fois aimer et maudire. Une périlleuse colère s'immisce en ton être, résultat amer du sentiment d'injustice, de trahison et de rancœur qui t'envahissent à grand galop. Lorsque tu prends la parole, ta voix vibre sous l'intensité des émotions que tu t'évertues à contrôler tant bien que mal, quand bien même ton palpitant tonne de rage et te fait hausser le ton dès que Lucy argumente sa décision que tu juges impardonnable et égoïste. Tes ongles créent des sillons dans ta paume et tu as l'impression de vivre un véritable cauchemar, tu aimerais te réveiller et réaliser que tu n'as pas été impunément mis à l'écart de la vie de ton fils trois ans durant parce que tu l'aurais soi-disant demandé. Tu sens des fragments de ton cœur exploser dans ta cage thoracique de constater avec horreur que ce garçonnet a grandi sans père, en pensant dieu sait quoi à propos de ce dernier, et que tu as déjà perdu plusieurs années de son histoire. Trois ans que tu ne sauras jamais récupérer ni compenser, mais auxquels tu comptes bien n'ajouter aucune nouvelle journée. Tu t'en fais déjà la promesse, bouillant d'ire et de rancune, que tu évacues en accablant une nouvelle fois ton ex de la définition de menteuse.

Penny intervient, salutaire, se préoccupant de David et Jude et que ton échange avec Lucy ne tourne pas trop au vinaigre. Tu as conscience qu'il ne faut pas que tu plies sous tes pulsions et que si tu exploses, tu perdras gros. Tu sais à quel point se laisser contrôler par de telles fulgurantes émotions n'est pas judicieux et tu te sommes de reprendre ton sang-froid. Tu inspires péniblement, le baiser que te dépose la Stringer t'apporte la force nécessaire à reprendre sur toi, bien qu'une pointe lancinante de culpabilité te déchire à l'idée de penser que tu l'embarques dans un événement des plus bouleversants. L'angoisse s'installe en toi en songeant à tout ce que cette découverte occasionne et impactera, et encore une fois, tu n'as envie d'en vouloir qu'à Lucy et tu espères ardemment ne pas perdre Penny dans ce nouveau virage des montagnes russes de votre relation.

Tu inspires de nouveau, t'ordonnant intérieurement de prendre les choses une par une et de ne pas te laisser submerger. Il n'est assurément pas le moment, ni le lieu, de craquer. Tu balais le parc du regard, recueilles pieusement ta contenance, puis désignes d'un geste de la main une table de pique-nique assez loin du trio pour que Lucy et toi puissent parler ouvertement. L'australienne acquiesce et dans une ambiance qui t'apparaît presque solennelle, vous voilà assis face à face.

Ton cœur foudroie ta poitrine, rafiot de bonne fortune, consolidé de peines et de misères par les mesures du temps et les bons soins de Penny, épris à de dévastatrices tempêtes du passé comme du présent. Tes tympans résonnent de la mélodie de tant de désolations et le vague à l'âme, tu écoutes Lucy qui t'expose sa situation, tente d'exprimer et d'explicite ce qui lui paraît difficilement assimilable même pour elle. Tu reconnais ce même égarement qui la suffoquait au terme de votre relation et tu es chagriné de constater que plus de trois ans plus tard, ton ex nage encore dans un douloureux brouillard. Tu découvres au fil de ses mots l'histoire de ton fils, dont les rires vous parviennent aisément, mêlés aux exclamations amusées de David avec qui il semble entretenir une certaine complicité, Penny étant la cheffe d'orchestre bienveillante et encourageante de ce moment de jeu quand tu as pour ta part l'impression de sombrer dans les tréfonds de cette nouvelle réalité. Bien vite, ta fureur fait place au désarroi et tu ignores si un jour tu sauras avaler le secret qu'aurait tenu peut-être indéfiniment Lucy vis-à-vis de toi. Tu n'oses pas lui poser la question, n'es pas sûr de l'intérêt d'y avoir une réponse. Tes lèvres sont scellées et tu te concentres à avaler ce qu'elle te dit, ton corps comme ton cœur épuisés de tous ces à-coups qu'elle occasionne.

Les petites lumières solaires du parc s'enclenchent alors qu'un silence s'est installé entre vous deux. Ton esprit tente de faire sens de toutes les informations que t'as livrées Lucy avant de se consacrer sur le futur, sur les certitudes qui se confirment en toi dans ces myriades de chamboulements. Tu veux être présent dans la vie de Jude, tout en toi aspire à être son père, au même titre que l'enfant que porte Penny. Si tu ne peux rattraper le temps perdu, tu ambitionnes de faire compter celui que vous avez désormais et tu es prêt à engager toutes les mesures nécessaires pour y parvenir. Lucy ne semble pas réticente à cette idée, tu soupçonnes qu'elle reconnaît que son fils a le droit de connaître son père et que même si son choix était le sien et lui semblait meilleur à l'époque, il méritait d'être reconsidéré. Vous échangez vos coordonnées et comme pour prouver sa bonne foi et confirmer le fait que tu puisses lui accorder encore un peu de ta confiance, la jeune mère invite son fils à la rejoindre.

Essoufflé d'avoir largement abusé des modules de jeu, Jude trottine vers sa mère, bras ballants. Ses yeux brillants annoncent qu'il dormira assurément bien cette nuit mais son large sourire s'imprime en toi, allégeant derechef tes états d'âme. Tu sais qu'il est ton fils, tu l'as reconnu de suite, et pourtant, tu as encore du mal à le réaliser. Tu l'admires éhontément, lui dédiant déjà tant d'amour et de fierté alors que vous êtes tristement des inconnus, que seul le sang unit pour l'instant. « Jude, j'ai quelqu'un à te présenter, » Lucy passe une main dans les mèches blondes de l'enfant et tu quittes la table de pique-nique pour s'approcher du duo. « C'est ton papa. » Ca sonne si irréaliste, et tu ne sais pas à quoi tu t'attendais : il n'y avait pas quinze mille façon d'annoncer cette drôle de nouvelle au petit, qui étonnement, a son portrait encore plus illuminé. Tu lis dans son regard pétillant le bonheur, l'impatience, le jeu, la curiosité, sa bouche formant un " o " parfait traduisant sa surprise. Il sautille sur place et pose sa main sur la jambe de sa mère. Tu as l'impression d'être le cadeau d'anniversaire qu'il n'espérait plus obtenir et ça te fait chaud au cœur quand tu redoutais éventuellement de la méfiance ou de l'incrédulité de sa part. « C'est mon papa à moi ? » Il demande confirmation, plantant son index dans sa poitrine. Ca te fait doucement sourire et tu acquiesces, t'acroupissant pour être à la hauteur de l'enfant. « Oui, je suis ton papa à toi. » Tu ne parviens pas à décrocher tes yeux de lui et tu sais que quand vous vous quitterez ce soir, ça te déchirera. « On va pouvoir passer du temps ensemble, maintenant. Tu veux bien ? » Il acquiesce avec véhémence, toutes ses dents apparaissant derrière son radieux sourire. « C'est quoi ton dinosaure préféré ? » Tu laisses échapper un léger rire, ignorant si c'est la pression qui redescend ou l'amas de surprise qui te fait réagir de la sorte. « Mhhh. Le tricératops, » tu annonces et un sourire en coin apparaît sur le minois du garçonnet. « Moi j'aime bien le -térodactyl. » Tu hoches la tête. « C'est vrai qu'il est très bien aussi. Et il vole, en plus. C'est un excellent choix pour être ton dinosaure préféré. » Il n'en faut pas plus pour enflammer un Jude qui délivre tout son savoir sur le ptérodactyle en imitant le dinosaure avec passion. Il vous tourne autour puis s'arrête à ton niveau, farfouillant dans ses poches. Plusieurs jouets tombe de sa poche sur le gazon du parc : des petites voitures, des dinosaures, des bonshommes, des emballages de bonbons. « Tiens, c'est pour toi. » Il dépose dans ta main le tricératops de sa collection. « Pour quand on se reverra. » Son regard s'oriente sur sa mère. « On se reverra quand ? » Il interroge avec curiosité et impatience. « Bientôt, » promet Lucy. Le regard qu'elle te porte trahit ses émotions sincères et de nouveau, tu as envie de lui faire confiance. Jude, lui, s'exclame et saute de nouveau.

Vos chemins se quittent et ce n'est vraiment que lorsque ton fils disparaît de ton champs de vision dans la voiture de Lucy, après vous avoir salué de sa main en criant « A bientôt ! » que tu te concentres sur ta propre destination avec Penny et David. Sonné, tu suis machinalement le cadet Stringer qui vous montre une nouvelle fois le chemin, Penny précieusement à tes côtés. Tes lèvres sont solidement pincées, ton rythme cardiaque s'est ralentit et ton cœur est désormais encore plus gros d'une nouvelle addition. « Je suis désolé, Penny, » tu finis par doucement rompre le silence, ton regard croisant le sien. Tu étais navré que la journée ait tourné ainsi et que vos vies se voient une nouvelle fois sévèrement secouées par ta paternité tout juste découverte. Tu étais navré de lui imposer ça, quand vous aviez aussi déjà tant à gérer. Tu étais attristé qu'elle découvre ce volet de ton histoire de la sorte, quand réellement Lucy t'indifférait et tu ne lui avais pas accordé assez d'importance pour en parler à la Stringer plus tôt. La dernière chose que tu souhaitais était de déstabiliser ta petite amie, de lui causer du souci ou de la tristesse, et même si tu ne contrôlais pas cette situation, tu étais peiné que la femme que tu aimais puisse souffrir de ce changement dans ta vie - et tu l'espérais si fort que ton cœur prenait une chamade folle d'amour inconditionnel : dans vos vies. « On pourra en parler ? » Tu sollicites timidement, ton vœu étant d'avoir toujours Penny à tes côtés et, si elle le souhaitait, d'être exhaustif avec elle sur ce chapitre de ta vie.

Ce n’était qu’une sortie au parc. Ce n’était qu’un morceau de plus dans la routine de ton frère, un moment précieux à partager entre deux des hommes les plus chers à ton univers. Une chance de faire découvrir Isaac un peu plus les différents éléments qui complètent ton univers en dehors de ta vie à Brisbane. Ça ne devait être qu’un « Je t’aime » de plus soufflé avant un moment cruellement mondain, une fin de journée tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Pourtant, le film qui se défile sous tes yeux n’a absolument rien d’ordinaire. C’est tout le contraire même quand tu comprends finalement de quoi il en retient. Ton amie Lucy n’est pas seulement ton amie Lucy, non. Elle est aussi Lucy, l’ex d’Isaac. Lucy, qui a caché un énorme secret à Isaac. Lucy qui soudainement vient tout chambouler ce que tu croyais connaître, ce que tu croyais savoir et comprendre de l’année à venir. L’image, c’était Isaac, toi et ce bébé à venir, celui qui poussait tranquillement sous ton nombril. Mais l’image n’est plus aussi claire, elle n’est plus aussi nette et précise soudainement et c’est la faute de Lucy. Il y a la tête blonde de Jude qui s’impose de partout dans le portrait et tu voudrais sourire, mais tu peines à voir la place que tu es censée prendre toi, maintenant. Les pensées se bousculent dans ton esprit fatigué, ton regard se perd constamment vers cette table à pique-nique où Isaac et Lucy sont installés depuis de nombreuses minutes. Si tu es trop loin pour entendre ce qui se dit entre eux, tu n’entends pas non plus d’éclats de cris et tu présumes que c’est une bonne chance, compte tenu de la situation. Tu voudrais savoir toutefois. Il te manque beaucoup trop de détails pour pouvoir te faire une idée et tu ne comprends que l’essentiel : Jude est le fils d’Isaac et rien ne sera jamais plus comme avant.

Quand Lucy fait signe à Jude de s’approcher du duo, tu es tentée de t’approcher à ton tour, mais tu te contentes d’aider le petit garçon à descendre de la balançoire, là où vous êtes immanquablement retournés vu l’amour que ton frère porte pour cette attraction, et puis tu le regardes courir en direction de ses parents. Ses parents. Cette image-là, à défaut de celle que tu tentais de te faire de votre futur il y a quelques instants à peine, elle est tout ce qu’il y a de plus clair. Le portrait de deux parents avec leurs fils. Une famille. Unie. Non, tu sais que ce n’est pas le cas, alors pourquoi est-ce que ça te serre le cœur si fort, de voir Isaac si proche de Jude, de voir Lucy admirée la scène de près alors que tu as l’impression d’être une étrangère à cette scène bien trop intime, une voyeuse qui ne devrait pas être là pour assister à tout ça. Ce n’est pas ce que tu es pourtant, non? Ça te chamboule de partout, il y a une de tes mains qui se glisse contre ton ventre pour te rappeler une autre vérité que tu ne peux pas te permettre d’oublier. C’est Isaac et toi. Isaac et toi et ce bébé. Tu as ta place, juste pas dans ce moment précis. Ton frère doit ressentir tes émotions qui bouillent trop fort au fond de ton être quand il vient poser sa main dans la tienne. Tu te tournes vers lui, son attention est ailleurs mais ses doigts enroulés des tiens te rappellent une fois encore à quel point il est conscient de bien plus de choses qu’il ne le laisse savoir. Bientôt, tu aperçois Lucy qui prend Jude par la main pour l’emmener jusqu’à sa voiture et c’est toujours aussi hésitante que tu te rapproches d’Isaac, David à tes trousses, prêt à reprendre le chemin de la maison de tes parents. Tu ne quittes pas Isaac des yeux, mais son regard lui est concentré sur Jude qui s’exclame « À bientôt! » alors que Lucy s’installe derrière le volant de sa voiture et que bientôt, il ne reste que leur absence et la lourdeur des informations apprises aujourd’hui.

David s’impatiente et tu lui fais finalement signe que vous pouvez vous mettre en marche vers la maison. Isaac se place près de toi alors que vous retracez vos pas, mais plus rien n’est pareil, vous le savez trop bien tous les deux. Ton attention est portée sur l’arrière de la tête de ton frère, c’est plus facile de te contenir si tu fixes le même point, si tu t’efforces de ne pas trop penser à tout ce qui vient de se passer. Tu ne veux pas alarmer ton frère, et puis surtout, tu as besoin d’un peu de temps pour te faire à tout ça. Pour assimiler l’information de base avant d’être en mesure d’avoir une conversation quelconque autour de tout ça. « Je suis désolé, Penny. » Tu tournes légèrement la tête vers Isaac, presque surprise d’entendre sa voix alors que tu t’efforçais de te concentrer complètement sur le bruit de vos pas. Tu secoues la tête doucement. Il n’a pas besoin de s’excuser, ce n’est pas sa faute. Si tu es secouée, tu ne doutes pas une seule seconde qu’il doit l’être encore bien plus. « On pourra en parler. » Tu hoches doucement la tête. « Évidemment. » que tu souffles d’une petite voix, aussi douce que possible avant de reprendre : « Juste… pas tout de suite. » Pas alors que David est encore avec vous, pas avant d’être rapidement rentrée chez tes parents et d’avoir souhaiter une bonne nuit à ses derniers. Parce que tu ne sais pas comment tu vas réagir, dans quel état tu vas te mettre et tu ne veux pas alarmer ni tes parents, ni ton frère. « Comment tu te sens? » que tu ne peux t’empêcher de lui demander, malgré ton souhait de ne pas plonger directement dans le cœur du sujet. Ta main vient s’emparer de la sienne, tes doigts s’accrochant beaucoup trop fortement aux siens alors que ta main libre glisse à nouveau sur ton ventre, comme si tu tentais de protéger ce bébé de la tempête à venir.

Tu parviens à faire comme si de rien était de manière étonnamment convaincante, alors que tu aides à finir la routine de fin de soirée avec ton frère, que tu accumules le small talk avec ta mère et que tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est loin d’être le cas quand tu te sens prise au piège dans un tsunami d’émotions que tu ne saurais contrôler. Tu es soulagée quand vous pouvez enfiler vous faufiler hors de la maison sans attirer l’attention sur vous. Le soleil ne tardera pas à se coucher et tu l’utilises comme excuse parfaite pour te rendre à la plage avec Isaac. C’est là que tu veux être en ce moment, près de l’océan pour calmer la tempête dans ta tête. La distance entre la maison de tes parents et la plage est minime, mais le chemin te semble éternel alors qu’il se fait dans le silence le plus complet. Tu ne veux pas t’éloigner d’Isaac, mais tu as l’impression qu’elle est quand même là, la distance, et qu’elle s’installe sournoisement sans que tu ne puisses l’en empêcher. Tu abandonnes tes sandales dès que tes pieds se placent dans le sable et tu mets encore quelques secondes avant d’enfin oser te retourner vers ton amoureux dont la mine te semble particulièrement déconfite depuis le début de la soirée. « C’est Lucy, ton ex-fiancée? Celle dont tu m’as parlé quand tu m’as tout dit pour… » Ta tentative de suicide. Les mots restent coincés dans le fond de ta gorge. Tu fermes les yeux. Tu ne veux pas lui faire du mal, le replonger dans des souvenirs difficiles, mais t’as besoin de comprendre ce qui s’est passé, pour mieux savoir où vous allez, surtout.

Le véhicule de Lucy prend la route, quitte ton champs de vision, et à mesure des mètres qu'il parcourt, ton cœur comme ta gorge se serrent sans merci. Tu as la sensation qu'un vide complet vient ravager impitoyablement ton organisme, alors que ton cerveau se noie dans un brouillard complet, généré par des bribes d'émotions indéfinissables tant elles ne sont que le sinistre cocktail d'innombrables périlleux sentiments. Ton regard se porte sur Penny, puis David, qui après avoir reçu l'approbation de sa sœur, prend le chemin en sens arrière. Ce geste est si banal, si cohérent, et pourtant, tu ne peux t'empêcher de t'imaginer que vous marchiez dans les mêmes pas qui te conduisaient, une heure plus tôt, à la nouvelle que tu es père depuis trois ans sans le savoir.

L'atmosphère est lourde, pesante, le genre de silence que tu abomines et qui te fais broyer du noir en règle générale, sauf que tu es beaucoup trop sonner pour sombrer. Ton cœur, lui, bat de nouveau la chamade, martèle ta cage thoracique sans vergogne. Il saigne de culpabilité et de peur. Tu as conscience que ta petite amie est aussi impactée par cette nouvelle et même si tu ne contrôles pas cette situation, tu t'en veux de n'avoir su la protéger, la préserver de ce nouveau choc violent. Son teint te paraît plus pâle qu'à l'accoutumée, son visage fermé ; tu la devines concentrée. Peut-être a-t-elle enclenché le pilote automatique, comme toi. Des excuses sincères franchissent le seuil de tes lèvres, auxquelles elle répond, timorée, ce qui t'étreint davantage le palpitant. Tu présumes par ses gestes mesurés la dureté de ce qu'elle a à digérer, elle aussi, et tu te pinces les lèvres, priant pour que vos cieux ne s'assombrissent pas. « Évidemment, » elle te répond quand tu l'invites à ce que vous en parliez, décidé à purger ces circonstances bouleversantes aussi sainement que possible. « Juste… pas tout de suite. » Ton regard se porte vers David, compréhensif. « Oui, bien sûr, » tu murmures presque et ton regard se pose de nouveau sur la silhouette du jeune homme, tête d'un peloton atypique. Tu essaies de faire le vide dans ta tête lourde de réflexions étourdissantes, dans le but de maîtriser cette angoisse qui croît pernicieusement en toi. Tu es terrifié de perdre Penny, tu es horrifié à l'idée que tu lui portes peut-être la poisse, quand tu ne veux que son bonheur. Tu redoutes être finalement un homme à trop de bagages pour elle et que votre romance s'entache, se meurt. La nouvelle de sa grossesse avait constitué une surprise indétrônable, un événement arrivé bien plus tôt que même imaginé. Vous aviez décidé de garder cet enfant et tu en étais totalement comblé, mais Penny n'avait pas signé pour un bambin de trois ans en addition. Même si tu étais totalement convaincu qu'elle serait un parent idéal, même si tu espérais pieusement que la Stringer s'associe à toi pour élever Jude, ce dernier choix ne te revenait pas et ultimement, tu avais conscience à quel point l'apparition de ton fils dans votre tableau bousculait votre vie déjà excessivement mouvementée. Ce que vous avez appris aujourd'hui n'avait rien de dérisoire, il s'agissait encore d'une annonce qui redéfinissez votre avenir.

« Comment tu te sens? » Les mots te manquent pour lui répondre, tu déglutis discrètement. Tu n'es qu'une boule d'émotions, une mer agitée, un amas difforme de sensations épineuses. Tu ne sais pas l'expliquer et tes dents se plantent nerveusement dans ta lèvre inférieure. La main de Penny qui vient retrouver la sienne compose un énième geste de sa part qui te sauve, qui t'aide alors que tu te perds, et à défaut de savoir lui répondre verbalement, tu t'exprimes en solidifiant cette étreinte.

A mesure des dizaines de minutes qui défilent sous le toit des Stringers, tu peines à te raccrocher à la réalité. Ton esprit est en roue libre, tu es prodigieusement absent. Il te faut exécuter des efforts monumentaux pour te concentrer sur ce que le père de Penny te raconte et quand celui-ci te laisse seul dans la cuisine, ton esprit divague de nouveau, ton corps immobilisé dans la pièce sombre. Tu as l'impression d'être totalement déraillé, entre ces moments où tu es blessé par l'agissement de Lucy et tu lui voues tantôt de la rancœur, tantôt de la colère. Tu es effrayé quant à ce rôle de père que tu veux assumer dans la vie de Jude, sans savoir pour autant comment faire, que ce soit humainement et administrativement. Tu n'es personne pour lui, qu'un vulgaire inconnu que sa mère a défini de père qui n'est même pas reconnu aux yeux de la loi comme étant son géniteur. Même si tu avais accordé de la confiance en Lucy au parc avant que vous ne vous quittiez, à mesure des heures qui découlent, tu es de moins en moins sûr que ton ex tienne parole. Tu sais qu'elle n'est pas cruelle, mais tu n'exclus pas qu'elle puisse prendre la poudre d'escampette. Sa capacité d'adaptation est dangereuse et te fait peu profit. Puis surtout, à quoi cela rime désormais dans ton quotidien ? Dans cette vie que tu te plais à bâtir avec Penny ? Tu sais que vous vous aimez, mais quel sera le prix de cette nouvelle épreuve ?

Tu sursautes légèrement en sentant une présence à tes côtés et reconnais ta petite amie. Une escapade à la plage est optée et tu sais que le clair de lune constituera le témoin de profondes conversations. Tu as beaucoup à expliquer, autant que Penny acceptera d'entendre après cette journée riche en bouleversements. Il vous faut peu de temps pour que le sable se loge sous vos pieds et vous vous installez face à la mer, le flux et le reflux des vagues t'apportant un certain réconfort par son immuabilité. L'océan, bien qu'indomptable, te rassure dans ses mouvements perpétuels. « C’est Lucy, ton ex-fiancée? Celle dont tu m’as parlé quand tu m’as tout dit pour… » tu lorgnes vers Penny dont les yeux sont fermés et la honte brûle tes entrailles avec fulgurance, surpassant toutes tes autres émotions. Tu as honte de ce que tu as fait, de qui tu es, de ce que tu as manqué, de ce que tu n'as pas vu. Tes doigts creusent nerveusement dans le sable et le « oui » que tu émets traduit beaucoup trop franchement  - et malgré toi - les bris qui sévissent en ton être. Tu baisses les yeux, désemparé, démuni, malmenant distraitement ta lèvre alors que tu tentes de faire de l'ordre entre tes pensées et tes émotions assaillantes.

Tu as conscience que tu ne peux pas t'en sortir avec une simple affirmation. Tu sais vouloir en dire plus, désirer partager ce volet de ton histoire avec Penny, en espérant ne pas trop la heurter à ton tour. Tu ne t'autorises pas à aller mal, à faiblir ; ton futur avec la Stringer est peut-être en jeu et tu ne veux pas le compromettre, tu veux tout donner pour elle, pour vous. « Avant qu'on se quitte définitivement, Lucy et moi avons eu une période on and off. » Tu commences enfin, après avoir récolté les minutes nécessaires à dénicher le début d'un récit désormais si sinueux et confus à tes yeux. « Elle me trompait, quittait la maison, puis revenait en me disant qu'elle était désolée et qu'elle ne recommencerait plus. Mais elle continuait de me tromper, repartait, revenait... » Tu grimaces, perdu dans tes souvenirs, dans les méandres confuses de cette période crève-cœur. Tu passes sur les autres détails que tu avais déjà relatés. « Quand elle ne vivait plus chez moi, elle restait parfois chez sa sœur, entre autres. Ca a adonné un soir que j'ai été chez cette dernière et je suis tombé par inadvertance sur un pamphlet d'une clinique privée où il était possible de se faire avorter. J'ai confronté Lucy à ce sujet et elle m'a annoncé qu'elle avait été enceinte de moi et qu'elle s'était faite avorter. » Ton regard se lève sur la vague qui vient se briser sur les rochers. Tu as l'impression que la même chose s'opère en toi. « C'est à ce moment-là que je lui ai demandé de quitter la maison. » La douleur issue de ces conversations te revient tel un fantôme du passé. « Je ne pouvais pas tolérer qu'elle ait fait tout ça dans mon dos, sans rien me dire, » tu avouais. Tu respectais entièrement le fait qu'il avait été le choix de Lucy de poursuivre ou non cette grossesse, mais tu avais abhorré avoir été totalement évincé de cette situation et d'avoir appris que Lucy avait porté ton enfant par le plus grand des hasards. « C’était le non-dit de trop. Le mensonge de trop. » Tu avouais, avant de soupirer. « On essayait depuis plus de deux ans d’avoir un enfant et… » Tu marques une pause, hausses les épaules nerveusement. « Je sais pas. Ca m’a donné l’impression que ça ne valait rien, pour elle. Que j’étais rien, pour elle. » Tu baisses les yeux sur le sable. « J’aurais respecté qu’elle ne souhaite pas poursuivre la grossesse, mais j’aurais aimé qu’elle me dise au moins qu’elle était enceinte. » Tu expliques. « Ca m’a fait comprendre qu’elle ne m’aimait pas. » Tu inspires profondément. « Et plus tard, j’ai enfin cessé de l’aimer aussi. » Tu avais perdu toute confiance en elle et au fil des années, tu avais jugé que tu n’avais pas mérité ce traitement, même si tu savais que Lucy était aussi en souffrance à l’époque. « Quand je suis sorti de l’hôpital après avoir attenté à mes jours, » tu reprends, « elle est venue me rendre visite, chez moi. » Tu te rappelles encore la réaction courroucée de Josh et de Noa quand ils l’avaient appris. « Je lui ai demandé de partir et de ne plus revenir, parce que ça me faisait trop de mal de la voir. » Le secret de Jude reposait sur ces paroles que tu jugeais désormais de maudites. « C’était de ça, qu’elle parlait, quand elle a dit que je lui avais demandé de partir. C’est ça, la raison pour laquelle elle m’a caché l’existence de Jude. » Si ta réaction première était d’interdire Lucy d’utiliser cette demande passée comme argument, désormais, tu t’en sentais coupable. Tu t’en voulais d’avoir donné à ton ex un motif justifiant ton fils à naître et grandir sans père. « Elle voulait vraiment se faire avorter. Elle ne voulait pas d’un enfant alors que c’était le chaos dans sa vie, » tu révèles. « La procédure n’a pas fonctionné, ils ont tenté une IVG médicamenteuse qui ne l’a pas avorté. Elle n’a pas non plus fait de check-up après parce qu’elle n’allait pas bien mentalement, et quand elle a réalisé qu’elle était toujours enceinte, elle a décidé de l’assumer. »  

Tu as choisi de venir sur la plage parce que tu espérais que ce décor familier te permettrait de mieux gérer avec les nouvelles de la journée et toutes ces choses que tu allais encore apprendre sur le passé d’Isaac. Tu sais depuis longtemps que les précédentes relations amoureuses de ton petit-ami ont été périlleuses, particulièrement celle avec son ex-fiancée, une femme qui aujourd’hui n’avait ni nom, ni visage dans ton esprit. Tu n’avais jamais cherché à en apprendre davantage sur elle, ni même sur l’histoire qui la liait à Isaac parce que tu savais que tout cela appartenait au passé et qu’il n’y avait aucune raison de s’attarder sur des blessures en voie de guérison, de celles qui se portent mieux quand on ne les touche pas. Sauf qu’une nouvelle blessure avait été découverte aujourd’hui, plus grande et plus profonde que celles qui étaient en train de cicatriser et voilà que pour en comprendre l’origine, il vous fallait gratter le reste, risquer de réveiller des douleurs endormies et tu détestais la simple idée de devoir infliger tout ça à Isaac simplement pour comprendre cette partie de sa vie. Malgré tout, assis sur le bord de l’eau, tu l’écoutes attentivement relater les quelques faits pertinents entourant la fin de sa relation avec Lucy. Les nombreuses tromperies de cette dernière, les allées et venues qu’elle faisait sans gêne dans son quotidien, et puis tu vois ce qu’Isaac ne te dit pas à voix haute : la douleur qui vient automatiquement avec l’invocation de tous ses souvenirs passés. Tu es surprise lorsqu’il t’avoue que Lucy lui a dit avoir été enceinte de lui, mais qu’elle avait pris ultimement la décision d’interrompre la grossesse. Avait-elle menti à ce moment? Tu enroules tes bras autour de tes jambes et puis poses ta tête contre tes genoux, le regard toujours tourné vers Isaac qui ose à peine te regarder alors qu’il reprend la parole. « Ça m’a fait comprendre qu’elle ne m’aimait pas. Et plus tard, j’ai enfin cessé de l’aimer à mon tour. » Tu échappes un léger soupir, incapable de camoufler le fait que tu es ultimement soulagée de l’entendre prononcer de tels mots. Tu ne voulais pas avoir besoin d’être rassurée de la sorte et pourtant, après les avoir vu ensemble, tous les trois avec Jude, tu ne pouvais t’empêcher de te faire des scénarios dans lesquels ton rôle devenait bien trop rapidement désuet, inutile à la suite de l’histoire. « C’est horrible, ce qu’elle a fait. » que tu commentes malgré tout, d’une petite voix, ne cherchant pas à couper ton amoureux dans son récit, mais ressentant le besoin de le dire tout de même. « Je suis vraiment désolée que tu aies dû vivre tout ça, Isy… » Lui qui sait aimer si fort. Lui qui donne toujours tout ce qu’il a, tout ce qu’il est. L’image que tu te fais de Lucy diffère vaguement du peu que tu connais d’elle et tu peines à associer le passé au présent, même si jamais tu ne remettrais la parole de ton petit-ami en doute. Tu fermes doucement les yeux quelques secondes, le besoin de faire le vide quelques secondes avant la suite soudainement essentiel.

« Quand je suis sorti de l’hôpital après avoir attenté à mes jours, elle est venue me rendre visite chez moi. Je lui ai demandé de partir et de ne plus revenir, parce que ça me faisait trop mal de la voir. » Ton cœur se serre à l’entendre, et tu viens poser l’une de tes mains sur le genou de ton amoureux, dans un bien trop maigre geste se voulant réconfortant. « C’était de ça qu’elle parlait, quand elle a dit que je lui avais demandé de partir. C’est ça, la raison pour laquelle elle m’a caché l’existence de Jude. » « Non. » Tu secoues la tête vivement, tu refuses de l’entendre ne serait-ce qu’émettre la moindre parcelle d’opinion qui le rendrait coupable de quoique ce soit dans le bordel de cette histoire. « C’est elle et elle seule qui a pris la décision de ne rien te dire. Tu ne pouvais pas savoir qu’elle cacherait quelque chose d’aussi… » Tu ne trouves même pas le bon mot pour décrire l’immensité de ce secret, alors tu laisses le silence dire ce que tu ne saurais correctement exprimer. « Tu peux pas te blâmer pour ça Isy. Tu peux pas te blâmer pour quoique ce soit dans tout ça, si ce n’est de lui avoir accordé beaucoup trop de chances. » Mais ça, ce n’est évidemment que ton avis. Parce que tu ne comprends pas comment Isaac a pu tolérer de se faire traiter de la sorte pendant si longtemps. Est-ce que l’amour rend aveugle à ce point? Pourrais-tu accepter qu’Isaac te trompe de la sorte simplement parce que tu l’aimes et que tu veux faire ta vie avec lui? Non, non, tu sais bien que non. Mais tu sais aussi que tout le monde ne vit pas ses sentiments de la même façon et pour cette raison, tu t’efforces de ne pas porter trop de jugements sur le passé de ton amoureux. « Elle voulait vraiment se faire avorter. Elle ne voulait pas d’un enfant alors que c’était le chaos dans sa vie. La procédure n’a pas fonctionné, ils ont tenté une IVG médicamenteuse qui ne l’a pas avorté. Elle n’a pas non plus fait de check-up après parce qu’elle n’allait pas bien mentalement, et quand elle a réalisé qu’elle était toujours enceinte, elle a décidé de l’assumer. » « Sans te le dire. » que tu conclus, parce que c’est bien le seul bout de l’histoire que tu ne parviens pas à pleinement saisir. « Et sa famille, sa sœur, personne n’a pensé que tu méritais de savoir? » Tu échappes un soupir exaspéré, secoues doucement la tête avant de la reposer contre tes genoux, le regard tourné vers l’océan. Le coucher de soleil a laissé place à la lune et même les différentes teintes de roses dans le ciel ne parviennent pas à te procurer l’apaisement que tu espérais tant trouver auprès d’elles. « Tu vas faire quoi, maintenant que tu sais? » Ta voix se brise sur les derniers mots, c’est à peine si tu retiens les larmes qui te montent aux yeux. Tu connais assez Isaac pour savoir qu’il ne peut pas savoir ça sans prendre ses responsabilités. Mais Lucy est ici, lui à Brisbane, et toi… Elle est où ta place, dans tout ça? Tu te mordilles nerveusement les lèvres, peinant à soutenir le regard de ton amoureux. « J’arrive pas à y croire, alors j’imagine pas toi… » Tu resserres ta propre étreinte autour de tes genoux aussi fort que possible, tentant de te distraire comme tu le peux pour ne pas tout simplement fondre en larmes.

Le soleil se meurt à l'horizon, perçant le ciel de ses saillantes nuances estivales avant qu'elles ne se voient enveloppées par l'épais manteau de la nuit, lui-même parsemé d'innombrables étoiles. Ton regard est rivé sur le mouvement des vagues, extrayant force et courage à exposer cette part de ton histoire à Penny dans les pulsions perpétuelles de l'océan, ta voix se calant sur le tempo de la mer. Tu aimerais tant rejeter tes peines dans ces abysses maritimes, tes fautes, tes failles, tes échecs et que ces torts qui sont tiens et qui t'abominent et te font te haïr disparaissent avec autant de fatalité que les grains de sable aspirés par la mer. Tu sais ultimement que tu ne pourras jamais t'exempter des sombres méandres de ton passé. Tu as conscience également que ces épreuves-ci définissent l'homme que tu es aujourd'hui et t'ont permis d'être plus fort, plus juste, plus assuré. Tu mesures que ces tourments qui ricochent imperturbablement sur ton présent n'ont pas à être des malédictions, qu'ils t'apportent aussi inexorablement de puissants bénéfices pour mieux assimiler le sens de ta vie, trouver ta place, t'épanouir. Cependant, remonter les horloges de ton existence avec la donnée de ce nouveau et impardonnable mensonge que t'avait concocté Lucy te heurte inénarrablement. Tu te réjouis indubitablement de l'existence de Jude mais ton cœur se brise d'avoir été tenu à distance de sa vie, que ton ex t'ait menti éhontément une fois supplémentaire. Jusqu'où s'étendait sa malhonnêteté ? Tu redoutais d'autres secrets, tu étais effaré que ton ancienne réalité soit ainsi distendue de la véritable réalité. La déception amoureuse sur laquelle tu t'étais péniblement reconstruit était incomplète, des ombres sur le tableau de votre relation maintenues religieusement par la jeune mère. Tes repères devenaient abstraits, tu te sentais de nouveau perdre pied, spiralé dans une confusion tortueuse, où tu constituais un vulgaire dindon d'une horripilante farce.

« C’est horrible, ce qu’elle a fait. » Penny commente. Tu réalises à quel point tu es saisi d'horreur, à quel point tu es transi par le choc. Les émotions sont multiples et puissantes, elles menacent de te ravager sans merci, et tu ne t'autorises pas à les ressentir, de peur de t'y noyer. Tu poursuis sur un pilote pseudo-automatique, tes démons en trame de fond et toutes tes peurs quant à quoi demain sera fait. « Je suis vraiment désolée que tu aies dû vivre tout ça, Isy… » Tu ne sais te résoudre à exprimer que ce que tu redoutes pourtant, c'est le futur. Ta petite amie est à tes côtés et tu en es fortement reconnaissant, quand bien même tu la devines aussi ébranlée par la révélation de cet après-midi.
Tu crains la perdre, tu crains perdre Jude, tu crains te perdre.

Tu te mords nerveusement la lèvre avant de continuer ton récit, levant le voile sur la réponse de Lucy quand tu lui avais réclamé des explications, sa réplique décrivant que tu le l'avais demandé. Ses paroles résonnent encore en toi et fracassent les parois de ton cœur sans vergogne. Tu es abattu de cette interprétation qu'a eue ton ex et sur laquelle elle s'est basée pour te priver ton fils, et empêcher ce dernier de te connaître. Tu lui en veux tellement qu'elle t'ait ainsi tenu à l'écart, tu aurais autant envie de hurler de rage que de pleurer de désarroi ; le sentiment de trahison brûle tes entrailles et cette culpabilité qu'elle a immiscée en toi te ronge, férocité amère. Est-ce de ta faute ? Aurais-tu dû ne pas la chasser comme tu l'avais fait ? Le « non » catégorique de Penny te rassure, et tu sais au fond de toi que tu n'aurais pas survécu si Lucy était restée dans ton sillage, même si tu aurais pu alors connaître le garçonnet. Tu aurais de nouveau voulu t'ôter la vie, tu en étais persuadé. Vous étiez trop incompatibles, il y avait trop de passif nocif entre vous. De plus, tu ne serais jamais capable de passer l'éponge sur les peines qu'elle t'avait inoculées, tu ne pourrais jamais lui faire totalement confiance. En agissant ainsi, tu t'étais protégé, tu avais fait le premier pas vers un environnement paisible, en quête d'aller mieux.

« C’est elle et elle seule qui a pris la décision de ne rien te dire. Tu ne pouvais pas savoir qu’elle cacherait quelque chose d’aussi… » Tu baisses les yeux, tes paupières lourdes d'exténuation mentale. Tu viens poser délicatement ta main sur celle que Penny a appuyé son ton genou, gage silencieux de ta profonde gratitude, ses termes agissant tellement des pansements sur les plaies béantes jaillissant leurs horreurs dans ton organisme. Tu aurais envie de lui demander pourquoi elle aurait pu agir ainsi, qu'aurais-tu potentiellement fait pour mériter cet autre traitement ? Tu cherchais constamment ce que tu avais fait de mal pour récolter cette misère, quand la Stringer te l'avait pourtant affirmé : cette décision était uniquement celle de Lucy et tu n'avais pas eu d'influence sur cette dernière, plongé alors dans une ignorance aussi détestable que totale. « Tu peux pas te blâmer pour ça Isy. Tu peux pas te blâmer pour quoique ce soit dans tout ça, si ce n’est de lui avoir accordé beaucoup trop de chances. » Tu portes tes mains à ton visage, frottant ce dernier comme si tu voulais y gommer les émotions qui t'assaillent. Tu avais été naïf, si naïf. Et encore une fois, il t'était si naturel et aisé de t'accabler pour justifier les actes incompréhensibles de Lucy. Que pouvais-tu faire désormais de tous ces pots cassés ?

Dégageant ton visage de tes paumes, tu entreprends de continuer de confier à ta petite amie ce chapitre de ton histoire. Tu te retiens de t'excuser d'avoir tant de bagages à tes pieds, des boulets que tu traînes des jours plus laborieusement que d'autres, et qui viennent un peu étouffer le bonheur de Penny aussi, aujourd'hui. « Et sa famille, sa sœur, personne n’a pensé que tu méritais de savoir? » Tu hochais la tête à la négative, une pointe se plantant dans ton cœur. Lucy avait-elle indiqué à ses proches qu'elle ignorait qui était le père ? Avait-elle demandé à sa famille de garder le secret ? Leur avait-elle menti en justifiant que tu ne voulais pas assumer le garçon ? Etaient-ils même au courant de sa naissance ? Tu fronces les sourcils, toutes éventualités possibles à tes yeux. Dans quel foyer ton fils avait-il grandi ? Tu ne doutais pas des bons traitements de Lucy à son égard, mais quel monde connaissait-il ?

« Tu vas faire quoi, maintenant que tu sais? » La question est simple, la réponse évidente. Elle s'est imprimée en toi dès que ton regard s'est posé sur l'enfant. Pourtant, émise par Penny, avec sa voix qui faiblit sur les dernières syllabes à t'en briser le cœur, elle a l'effet d'une roche qui s'abat en toi et écraser tes organes dans le processus - le poids des possibles conséquences de ton choix. Ton regard vient la couvrir, trésor inestimable qu'elle compose à tes yeux. Cette femme que tu aimes sans compter, qui te rend heureux chaque jour et dont tu chéris chaque aspect qui la caractérise, dont tu ne changerais absolument rien. Cette femme avec qui tu veux vivre ta vie, bâtir un futur, fonder une famille qui s'est annoncée bien plus tôt que prévue. Cette femme avec qui tu veux braver toutes les tempêtes et enchaîner les fous rires, te crisper à mesure des hauts comme des bas de vos montagnes russes après quelques danses improvisées dans votre salon et des séries télévisées où tu te retiens de poser beaucoup trop de questions sur l'intrigue. Celle qui te fait craquer délicieusement, et qui t'apporte tant au quotidien, qui te met sur les rails de ta propre béatitude alors qu'ironiquement, c'était toi qui lui avais promis d'être à ses côtés sur le chemin de son bien-être.

« J’arrive pas à y croire, alors j’imagine pas toi… » Elle resserre son étreinte autour de ses genoux et tu viens doucement encercler ses épaules de tes bras, l'attirant précautionneusement contre ta personne. Tu l'enlaces de tout ton cœur, de toute ton âme, espérant presque devenir un gourou qui chasserait ses malheurs en caressant tendrement son dos et ses cheveux. « C'est de la folie, je n'arrive pas à y croire non plus. Je suis désolé de tout ça, de l'impact que ça a sur toi. » Tu concèdes à son oreille, n'émettant pas le moindre mouvement pour desserrer ton étreinte, tant que Penny ne te le fera pas comprendre qu'elle sollicite de la distance. Tu n'as certes eu aucun contrôle sur cette nouvelle surprise, mais tu étais navré de l'effet qu'elle avait sur Penny, que tu souhaitais pourtant chérir et protéger des potentiels maux. « Mais il y a des choses qui restent indubitables. » Qu'aucune nouvelle ne pourrait ébranler. « Je suis paumé, complètement confus sur les mensonges de Lucy, sur l'existence de Jude. » Ca ne fait pas encore totalement sens pour toi, même si les faits sont bien réels, indétrônables de leur véracité. « Mais rien ne changera quoi que ce soit à tout ce que je t'ai dit à Los Angeles, tout ce que je ressens pour toi, tout ce pour quoi je veux me battre pour nous, pour notre bonheur. Absolument rien ne changera quoi que ce soit au fait que je t'aime et que je rêve d'un futur avec la femme exceptionnelle que tu es. Je rêve d'une vie avec toi, Penny. Je veux être à tes côtés, autant que tu me le permettras. Tu es celle que j'admire de A à Z, celle que je veux choyer chaque jour, celle qui me rend tellement heureux que ça en frôle l'indécence. Tu es tout ce que j'aime dans mon présent et bien plus encore. Et ça, rien ni personne ne pourra y changer quoi que ce soit, en dehors de nous deux. Tu es mon évidence en tout temps. » Tu inspires profondément. « Il y a plein de choses que je ne sais pas et que je ne comprends pas. Mais ce que tu représentes pour moi, mon amour pour toi, mon vœu d'être avec toi, est immuable, inébranlable. » Tu marques une pause, caressant tendrement le dos de la jeune femme. « Vous êtes mon présent, vous êtes le futur que je rêve, vous êtes ma famille. » Penny et ce bébé actuellement de la taille d'une lime. Tu inspires profondément, conscient que les futures paroles que tu vas prononcer seront lourdes de sémantique, imposeront malgré toi possiblement un poids supplémentaire sur les épaules de ta petite amie et son lot de difficultés à venir, quand tu aimerais lui offrir que plénitude en toute simplicité. Mais tu es au pied du mur et tu ne peux pas reculer. « Et je veux aussi que Jude fasse partie de cette famille. » Tu veux beaucoup de choses, tu en as conscience. Tu devines que Penny comprendra, mais tu en demandes énormément, pour une journée déjà surchargée émotionnellement. « Je suis désolé. Je sais que c'est beaucoup. » Tu déglutis doucement. « Je ne veux pas te perdre, je ne veux pas vous perdre. C'est bien la dernière chose que je veux. » Exprimer tes peurs à voix haute te glace les sangs, rendant cette éventualité plus réelle. Ton rythme cardiaque tonitrue dans ta cage thoracique. « Mais je ne peux pas non plus fermer les yeux sur lui. Je veux être son père à lui aussi. »

Tu te sens terriblement impuissante alors qu’Isaac relate les souvenirs douloureux qui le lient à Lucy, ceux qui ont mené à ce moment précis, à ce mensonge conservé pendant plus de trois ans, celui dont la lumière a été fait de la plus inattendue et brutale des manières. Elles te font peur, les différentes conséquences que ce secret peut avoir sur ton amoureux, sur sa santé mentale que tu sais fragile et puis sur son quotidien, vos quotidiens qui se trouvent inévitablement chamboulé par l’existence d’un petit bonhomme qui ne doit pas encore saisir toutes les manières dont sa vie a changé aujourd’hui. Tu crains les conséquences que la présence de Lucy puisse engendrer, surtout que tu sais comment cette histoire s’est terminée désormais et qu’elle n’a en rien aidé la chute d’Isaac jusqu’à ce qu’il touche le fond, si creux qu’il se croyait incapable de remonter à la surface. Et puis, égoïstement, tu penses à toi et tu te demandes si tu es assez forte pour vivre un tel chamboulement. Tu ne peux t’empêcher de remettre en question ta place et ta légitimité dans la vie d’Isaac, comme si tu avais soudainement l’impression que la place à ses côtés était déjà prise, comme si cette dernière ne t’appartenait pas, de n’était plus légitime. Tu l’entends pourtant, quand Isaac dit ne plus aimer Lucy. Que cette histoire n’en soit qu’une du passé, mais ça ne parvient pas à gommer tous les doutes qui t’assailles, de faire disparaître ces failles dans ton être qui te rappelle encore et encore qu’elle était là avant toi et que peut-être, oui peut-être, elle gardera toujours un ascendant sur Isaac, un pouvoir et un effet que tu ne saurais comprendre, encore moins contrer. Toi qui pensais trouver confort dans le brut des vagues, c’est à peine si tu les entends derrière le bruit incessant de tes pensées qui se font toutes plus intrusives et cruelles avec chaque seconde qui passe, divaguant de tout bord et tout côté sans jamais t’offrir le répit dont tu as pourtant terriblement besoin.

Alors tu te perds peu à peu, entre ton envie d’être présente pour Isaac, de l’épauler dans tout ça alors que tu sais qu’il a besoin de toi autant que tu as besoin de lui, et ton incapacité à gérer toutes les émotions qui te martèlent de part et d’autre et qui te donne l’impression que tu vas bientôt manquer d’air. Quand les bras d’Isaac viennent t’encercler, te pressant contre lui, l’air te revient enfin, tu peux souffler un peu bon coup et les vagues de ton esprit semblent se calmer, ne serait-ce qu’un petit peu. Il est là. Il est toujours là. Ça ne change pas ça, malgré ce que les scénarios catastrophes qui se créent de toute pièce dans ta tête voudraient te faire croire. « C’est de la folie, je n’arrive pas à y croire non plus. Je suis désolé de tout ça, de l’impact que ça a sur toi. » « Arrête Isy, t’as pas à être désolé. » C’est toi qui es désolée, de gérer si mal avec tout ça alors que ce n’est même pas toi qui a été privé de cet enfant pendant si longtemps. Tu déposes ta tête contre son épaule, cherchant à te fondre en lui autant que possible, cherchant dans cette proximité la force de pouvoir faire face à la suite, peu importe comment Isaac se l’imagine. « Mais il y a des choses qui restent indubitables. Je suis paumé, complètement confus sur les mensonges de Lucy, sur l’existence de Jude. Mais rien ne changera quoi que ce soit à tout ce que je t'ai dit à Los Angeles, tout ce que je ressens pour toi, tout ce pour quoi je veux me battre pour nous, pour notre bonheur. Absolument rien ne changera quoi que ce soit au fait que je t'aime et que je rêve d'un futur avec la femme exceptionnelle que tu es. Je rêve d'une vie avec toi, Penny. Je veux être à tes côtés, autant que tu me le permettras. Tu es celle que j'admire de A à Z, celle que je veux choyer chaque jour, celle qui me rend tellement heureux que ça en frôle l'indécence. Tu es tout ce que j'aime dans mon présent et bien plus encore. Et ça, rien ni personne ne pourra y changer quoi que ce soit, en dehors de nous deux. Tu es mon évidence en tout temps. » Les mots d’Isaac te chamboulent autant qu’ils te réconfortent, venant solidifier une fois de plus ce que tu sais déjà : Isaac est celui avec qui tu veux être, celui avec qui tu veux vieillir, celui avec qui tu veux faire ta famille, quand bien même tout allait trop vite et que l’image que tu te faisais de cette dernière semblait en changement constant. « Il y a plein de choses que je ne sais pas et que je ne comprends pas. Mais ce que tu représentes pour moi, mon amour pour toi, mon vœu d’être avec toi, est immuable, inébranlable. Vous êtes mon présent, vous êtes le futur que je rêve, vous êtes ma famille. » Tu sens sa main qui caresse ton dos alors que ton cœur continue de battre la chamade. Les mots te manquent, comme c’est trop souvent le cas, et tu ne peux que tourner légèrement la tête pour venir poser tes lèvres tendrement sur celles de ton amoureux. C’est tout ce que tu veux aussi. Tu ne veux rien de plus que de pouvoir continuer d’écrire cette histoire folle qu’est la vôtre. De vivre avec lui toutes les plus folles aventures que la vie à vous offrir, comme elle sait si bien le faire depuis votre rencontre même. Tu ne veux rien de plus qu’être là pour lui, être son roc, sa constante comme il avait si souvent su être la tienne. Tu détestais la simple idée qu’il puisse en douter, pourtant bien incapable d’ouvrir la bouche pour partager tout ce qui se passait dans ta tête.

« Et je veux que Jude fasse partie de cette famille. » Les mots ne te surprennent pas, tu avais déjà deviné parce que tu le connais Isy, mais il y a quand même ce serrement dans le fond de ton ventre qui te rappelle à quel point c’est un changement massif qui s’annonce et que soudainement, plus rien n’est comme tu te l’étais imaginée jusqu’ici. « Je suis désolé, je sais que c’est beaucoup. Je ne veux pas te perdre, je ne veux pas vous perdre. C’est bien la dernière chose que je veux. » « Ça arrivera pas, d’accord? Tu ne vas pas nous perdre Isy, jamais. » Ta voix n’est qu’un murmure, tes joues se sont inondées de larmes que tu n’aurais su retenir, mais tu les penses sincèrement, ces mots-là. Tu ne veux pas le perdre non plus et jamais, jamais que tu le priverais de votre enfant de la même manière qu’il avait été privé de Jude pendant toutes ces années. Vous aviez décidé ensemble de garder ce bébé, et tu ne laisserais rien se mettre au travers de tout ça, même si tu avais déjà l’impression que Lucy était venue ébranler votre fondation, contre votre volonté. « Mais je ne peux pas non plus fermer les yeux sur lui. Je veux être son père à lui aussi. » « Je sais. » que tu souffles aussitôt, te distançant légèrement d’Isaac seulement pour mieux pouvoir le regarder. « Jamais que je te demanderais de choisir, c’est pas ça la question du tout. » Tu te mordilles légèrement la lèvre avant de venir prendre les mains de ton amoureux, d’entremêler tes doigts au sien alors que tu cherches encore à faire du sens de toutes tes pensées, mitigée entre le besoin de lui partager tes doutes et tes craintes et le besoin de le rassurer que peu importe la suite, tu serais là. « Peu importe la suite des choses, les décisions que tu dois prendre pour Jude et pour t’assurer de faire parti de sa vie désormais, je vais être là avec toi, à cent pour cent. » que tu commences doucement, maladroitement, toujours à la recherche de tes mots. « Je te mentirai pas, ça me fait peur de penser à tout ce qui va changer désormais et je sais que tu peux pas avoir réponse à tout, tout de suite, que tu réalises à peine ce qui vient de se passer toi-même, mais je peux pas m’empêcher d’être inquiète pour la suite. Pour toi, pour ta santé mentale, pour nous, pour les arrangements qu’on va devoir prendre pour Jude. Je veux dire, nos vies sont à Brisbane, mais lui il est ici. Est-ce que tu vas essayer de convaincre Lucy de retourner à Brisbane? Est-ce que tu veux qu’on s’installe ici? Mais ton boulot, et puis le mien, et puis la maison… Et ça me fait peur, après tout ce que tu viens de me dire, d’imaginer que Lucy puisse faire partie de ton quotidien à nouveau… » Tu réalises que tu parles soudainement bien trop vite, que tu poses bien trop de questions auxquelles Isaac n’a certainement pas de réponses à t’offrir encore et tu viens finalement camoufler ton visage entre tes mains, t’en voulant d’être partie ainsi sur une dérape alors que tu cherchais à réconforter Isaac, pas l’angoissé encore plus. « C’est moi qui suis désolée Isy. » De ne pas savoir mieux gérer, de ne pas savoir quoi dire, de ne pas savoir quoi faire. « Je t’aime tellement, je veux pas… je peux pas te perdre. » Et ça, c’est la seule évidence à laquelle tu peux encore te raccrocher au milieu de cette tempête.

Les impétueuses vagues se rompent contre les rochers, se lovent sur le sable, inlassables, immuables, et le cristallin de la voix de ta petite amie qui faiblit sur ses interrogations lourdes d'émotions retentit contre les parois de ton cœur accablé de puissantes déferlantes de sentiments. Tu migres périlleusement entre la colère, le désarroi, la confusion, le chagrin, la rancœur ; mais lorsque tu lis les émotions gagner ton interlocutrice, les tiennes s'estompent derechef, devenues dérisoires, secondaires. Tes bras viennent tendrement encercler ses épaules et tu l'attires précautionneusement contre ta personne, dans l'espoir de la rassurer, de la réconforter, de clamer la vérité qui tambourine en toi depuis que tu l'as rencontrée, véracité qui s'est précisée, consolidée, à chaque instant que tu passes en compagnie de l'actrice : Penny est ton évidence et tu désires vieillir à ses côtés, sous le soleil de sa personnalité et la chaleur de votre amour. Tu aspires à la chérir tel le trésor qu'elle compose à tes yeux et l'accompagner vers son épanouissement quand tu ne la soutiendras pas dans les épreuves de la vie. Tu rêves d'un futur lié au sien, au sein duquel vous élèverez cet enfant surprise qui régit déjà votre présent et dessine doucement votre avenir. Le secret qu'a conservé Lucy sur l'existence de ton fils a indubitablement ébranlé le socle sur lequel vous vous bâtissiez, et tu as conscience que les répercussions de cette nouvelle choc retentiront un certain temps avant que vous puissiez apporter de la sérénité à ce dossier. Néanmoins, ce changement drastique ne possède guère le pouvoir de remettre en question tes vœux comme tes sentiments à l'égard de Penny.

Tu es toutefois profondément navré d'embarquer la jeune femme dans cette nouvelle épopée inopinée, ce chapitre qui menace d'être semé d'embûches mais que tu te promets de tout faire pour adoucir autant que possible. Ta plus grande terreur réside dans le fait de perdre la Stringer dans les lignes de cette histoire, à laquelle tu veux voir Jude devenir également protagoniste, ce que tu formules à ta petite amie. « Ça arrivera pas, d’accord? Tu ne vas pas nous perdre Isy, jamais, » te murmure Penny et tu soupires doucement alors que tes lèvres viennent se fondre sur l'amer salé de ses larmes, ton cœur néanmoins plus léger de cette crainte. Tu es persuadé être capable de tout auprès de la brune. Elle t'insuffle cette audacieuse ténacité. « Je sais, » elle te répond lorsque tu lui expliques vouloir assumer ton rôle de père du garçonnet. « Jamais que je te demanderais de choisir, c’est pas ça la question du tout. » Penny se distance et ton regard se perd sur les sillons humides inondant ses joues pâles, avant de se plonger dans son regard embrumé de sentiments. Ses doigts s'entremêlent aux tiens, tels des liens qui t'empêcheraient de trop te perdre au loin, qui te ramènent à votre réalité mais surtout à votre union, votre équipe, votre duo et tout ce qu'il représente. Dans ce contact, tu puises la force de votre couple, envers et contre tout. « Peu importe la suite des choses, les décisions que tu dois prendre pour Jude et pour t’assurer de faire partie de sa vie désormais, je vais être là avec toi, à cent pour cent. » Tu lui souris faiblement, tes pouces venant caresser les tranches des ses mains. « Merci, » tu souffles, l'australienne t'adressant une nouvelle fois, dans sa précieuse magie, les termes précis que tu avais besoin d'entendre. Engaillardi, la suite des événements te paraît désormais surmontable. « Je te mentirai pas, ça me fait peur de penser à tout ce qui va changer désormais et je sais que tu peux pas avoir réponse à tout, tout de suite, que tu réalises à peine ce qui vient de se passer toi-même, mais je peux pas m’empêcher d’être inquiète pour la suite. Pour toi, pour ta santé mentale, pour nous, pour les arrangements qu’on va devoir prendre pour Jude. Je veux dire, nos vies sont à Brisbane, mais lui il est ici. Est-ce que tu vas essayer de convaincre Lucy de retourner à Brisbane? Est-ce que tu veux qu’on s’installe ici? Mais ton boulot, et puis le mien, et puis la maison… Et ça me fait peur, après tout ce que tu viens de me dire, d’imaginer que Lucy puisse faire partie de ton quotidien à nouveau… » Les interrogations de Penny fusent par vagues, tu devines son cerveau fonctionner à cent à l'heure, agir sur tous les fronts, taclant les volets sentimentaux, logistiques et médicaux de vos existences. Tu aimes encore une fois sa franchise, sa manière que Penny détient de te communiquer clairement ce qu'elle ressent, ce qu'elle anticipe, ce qu'elle constate, ce qu'elle redoute et appréhende. Ses doigts se dérobent des tiens pour couvrir son visage. « C’est moi qui suis désolée Isy. » Tu l'observes, tes neurones s'activant déjà à trouver des réponses aux questions qu'elle vient de te livrer. « Je t’aime tellement, je veux pas… je peux pas te perdre. » Ton cœur se serre douloureusement. Tu ignores si Penny a peur de te perdre vis-à-vis de Jude, de Lucy, ou même de ta santé mentale ; ou si ce n'est une combinaison morbide des trois ? Tu te pinces doucement les lèvres, retenant tes propres larmes alors que ton cœur comme ta gorge sont si serrés que tu crains être bientôt privé d'oxygène. Tu entends la mélodie de la mer et tu te rappelles comment, des années plus tôt, l'impression de te noyer jamais ne te quittait, jusqu'à ce que tu réalises que pour remonter à la surface, tu avais besoin d'aide.

« Tu ne me perdras pas, Penny. Jamais. Je t'aime trop pour te laisser me perdre, » Tu promets, tentant une touche nerveuse d'humour dévoilé par un sourire en coin. Tu partiras le jour où la Stringer optera pour continuer sa vie sans toi, tu partiras le jour où tu émettras ton dernier souffle, mais elle ne te perdra pas contre ta volonté, contre un combat de ta part. « Tu pourras te débarrasser de moi, mais tu ne me perdras pas comme ça, » tu poursuis, avant de prendre délicatement de nouveau ses mains. « Moi aussi je serai là pour toi, à cent pour cent, » tu assures. « Ne sois pas désolée. Tu as raison d'être inquiète, d'avoir peur, et je veux que tu me dises tout ça. Ca fait beaucoup à gérer, à comprendre, à apprivoiser, à accepter, d'un seul coup. » Et tant d'inconnues, tant de mystères. La route sera sinueuse, tu l'augures, mais tu n'en perds pas vaillance. « On va y aller une chose à la fois, d'accord ? Il est plus facile de gravir l'escalier quand on s'y prend une marche à la fois. » Tu proposes. « Je ne veux pas nous déraciner. Aujourd'hui, nos vies sont à Brisbane. Et celle de Jude est, même si ça me déçoit, ici. » Et ça te crève le cœur d'y songer, à cette indétrônable, bien trop longue, distance qui vous séparera. Tu as songé au fait que vous aviez des métiers qui vous permettraient de possiblement facilement trouver du travail si vous décidez de quitter Brisbane, mais tu ne veux pas qu'une telle opération s'active maintenant. Puis, il y a aussi cette maison, à laquelle tu es attachée. Cette demeure que Penny a transformé en foyer grâce aux touches chaleureuses qu'elle y a apportées. Tu sais que si vous le souhaitez un jour, vous pourrez l'embarquer ailleurs, mais c'était dans ces murs que tu rêvais de poursuivre votre histoire, élever votre enfant, sous ce même toit où tu as déjà tant de beaux souvenirs avec ta petite amie, ce théâtre de tant d'évolutions personnelles. D'autre part, tu ne veux pas provoquer de nouvelles ondes de choc, ébranler encore plus votre vie alors que vous avez tant à assimiler et concilier. « Quand j'ai pris la décision de m'en sortir, après ma sortie de l'hôpital, l'une des premières choses que j'ai faite a été de supprimer tout le pouvoir que Lucy avait sur moi. J'ai tiré un trait sur elle. » Tu avoues. Tu lui avais demandé de quitter ta vie, tu t'étais débarrassé de tout ce qui te la rappelait, tout ce qui avait lien avec votre histoire ensemble. Tout y était passé : les couleurs des murs, la vaisselle, les meubles, les photos et babioles ; toutes les reliques de votre histoire qu'elle quelles soient et que Lucy n'avait voulu elle-même conservées avaient intransigeamment disparu de ton nouveau présent. Ceci expliquait notamment tout l'impersonnel de ta maison, avant que Penny ne vienne la colorer. Tu avais fait table rase sur votre révolue relation, n'en gardant que les souvenirs de ton esprit pour les transformer en enseignements. « Elle m'est indifférente. Je suis en colère contre elle, aujourd'hui, mais ultimement, elle est juste une personne de mon passé de qui je n'ai plus d'attachement, sauf Jude. » Tu baisses les yeux, inspires profondément. Tu portes doucement les mains de Penny à ta bouche pour y déposer un baiser. « Pour l'instant, ce que j'aimerais, c'est que Jude passe du temps avec nous pour qu'on apprenne à se connaître, qu'on puisse avoir une nouvelle dynamique l'intégrant sans que ça nous heurte, et que ça devienne idéalement routinier. Découvrir son existence est déjà un véritable tremblement de terre dans nos vies, je ne souhaite pas provoquer encore plus de secousses. Je veux protéger et préserver ce qu'on a. C'est important, pour moi. » Tu as conscience que vous apprivoiser et créer des liens ne se fera pas en une journée, que c'est l'ouvrage de mois ou même d'années qui s'ébauche. Même si tu aimerais rapidement avoir Jude à tes côtés et rêves de découvrir ce petit bonhomme que tu aimes déjà inconditionnellement, tu refuses que tout ce que tu as projeté avec Penny, sur le court comme le long terme, et tout ce qui compose votre quotidien en règle générale que vous avez construit élément par élément s'en voit ébranlé ou bafoué. Tu veux férocement maintenir vos bases, vos repères, vos piliers dans tous leurs étages, car ils te sont précieux et vous en aurez besoin au creux de cette nouvelle tempête et des suivantes qui pourraient s'amorcer. « Et je veux le reconnaître, je veux être son père aussi au nom de la loi. » Tu as la sensation de ne cesser dire que tu veux ci et tu veux ça, mais tu refusais qu'il y ait une ligne vide sur le carnet de Jude en ce qui concernait son paternel, et encore moins qu'un autre vienne prendre cette place alors que tu désirais ardemment assurer ce rôle.

Si tu sais que rien ne pourra se régler comme par magie ce soir, sur le bord de l’océan, tu te sens tout de même un peu moins lourde alors que tu partages avec Isaac le flux de peurs et de doutes qui submergent la moindre de tes pensées depuis l’instant où tu as compris ce qui se passait au parc. La nouvelle est encore trop récente pour que des décisions soient prises sur un coup de tête, pour que clarté sur les semaines et les mois à venir vous soit offerte, mais de savoir qu’Isaac te supporte autant que tu promets d’être là pour lui te conforte dans la force que votre couple possède déjà, malgré le fait que votre histoire soit encore jeune. Une fois que ton tourbillon de questionnements et d’appréhensions existent entre vous, tu te permets de souffler un peu, de laisser aller tes émotions, de ne pas les retenir. Ce soir, sur cette plage, vous n’avez pas besoin d’être forts, vous n’avez pas besoin d’avoir réponses à tout. Il a besoin de savoir que tu es là et tu as besoin de savoir que l’inverse est tout aussi vraie. Tu as besoin de lui dire encore et encore combien tu l’aimes, comment il a changé ta vie, pour le mieux. Que sa présence et toutes les surprises qu’il a amené avec lui depuis le jour où tu l’as rencontré, c’est ce qui te rend le plus heureuse, ce qui semble enfin donner un sens à ton quotidien en dehors de ton travail qui a si longtemps dicté le moindre de tes faits et gestes. Alors tu es terriblement sérieuse, quand tu lui souffles entre deux sanglots que tu ne peux pas le perdre. Maintenant que tu as goûté à toutes les saveurs qu’il a su donner à ton univers, tu ne veux pas t’imaginer de quoi serait faite ta vie sans lui, sans tout ce qu’il y apporte. Ce soir, vous n’avez pas besoin d’être forts, vous avez tout simplement besoin d’être rassurés.

« Tu ne me perdras pas, Penny. Jamais. Je t’aime trop pour te laisser me perdre. » Tu échappes un léger rire entre deux sanglots, tout aussi rassurée d’entendre ces mots que tu l’étais de lui en offrir des similaires quelques instants auparavant. « Tu pourras te débarrasser de moi, mais tu ne me perdras pas comme ça. » Tu secoues vivement la tête avant de t’emparer de ses lèvres. « Je me débarrasserais jamais de toi. » que tu promets dans un murmure, ta bouche toujours collée sur la sienne. Elles sont puissantes, les vagues de surprises qui parsèment votre quotidien depuis plusieurs semaines, depuis vos tout débuts même, mais tu es convaincue que vous êtes assez forts pour braver toutes formes de tempêtes, mais s’il vous faudra parfois, souvent, vous rappeler l’un l’autre de quoi vous êtes capables, et combien vous vous aimez. Le reste, ça ne pourra jamais avoir raison de vous. « Moi aussi je serai là pour toi, à cent pour cent. Ne sois pas désolée. Tu as raison d’être inquiète, d’avoir peur et je veux que tu me dises tout ça. Ça fait beaucoup à gérer, à comprendre, à apprivoiser, à accepter d’un seul coup. » Tu acquiesces d’un mouvement de la tête, rassurée une fois de plus de voir qu’il ne voit pas tes inquiétudes comme une marque de doute vis-à-vis des sentiments que tu lui portes parce que ton amour pour lui est bien la seule chose dont tu ne doutes pas dans toute cette histoire. « On va y aller une chose à la fois, d’accord? Il est plus facile de gravir l’escalier quand on s’y prend une marche à la fois. Je ne veux pas nous déraciner. Aujourd’hui, nos vies sont à Brisbane. Et celle de Jude est, même si ça me déçoit, ici. » Tu hoches la tête. Tu n’oses pas prétendre comprendre toutes les émotions qui doivent heurter Isaac face à ce fait, mais tu sais combien la distance entre Brisbane et Torquay, bien que minime en soit, puisse paraître immense lorsqu’une partie de vos vies se trouvent toujours hors de portée de main. « Quand j’ai pris la décision de m’en sortir, après ma sortie de l’hôpital, l’une des premières choses que j’ai faite a été de supprimer tout le pouvoir que Lucy avait sur moi. J’ai tiré un trait sur elle. » Tu te mordilles légèrement la lèvre inférieure. Tu n’es pas certaine que tu as envie d’en entendre sur le sujet, comme tu sais que tu as besoin que le doute qui habite dans ton esprit quant à sa présence dans vos vies et l’effet qu’elle pourrait potentiellement avoir sur lui a besoin d’être irradier. « Elle m’est indifférente. Je suis en colère contre elle, aujourd’hui, mais ultimement, elle est juste une personne de mon passé de qui je n’ai plus d’attachement, sauf Jude. » « Tu dis ça maintenant Isy, parce que ça fait des années qu’elle n’a pas fait partie de ta vie… » Tu te pinces les lèvres, baisses le regard, honteuse ne serait-ce que de penser ce que tu t’apprêtes à dire, mais incapable de garder la peur pour toi. « De vous voir tous les trois ensemble tantôt, ça m’a secoué. Pendant un instant, je me suis demandé si j’avais vraiment ma place, dans cette image. » Et tu sais que c’est ridicule de penser ainsi, parce qu’elle a brisé Isaac, et tu le crois quand il te dit qu’il a fait une croix sur elle il y a longtemps et pourtant, elle restera éternellement la mère de son fils, cette femme avec qui il a longtemps rêvé de fonder une famille, celle qu’il a voulu épouser. C’est beaucoup de bagages et tu peines à concevoir que tout ce qu’il a pu ressentir pour elle par le passé puisse vraiment être disparu. « J’ai peur d’être une remplaçante. » que tu conclus dans un murmure, le regard figé sur le sable s’étendant autour de vous.

« Pour l’instant, ce que j’aimerais, c’est que Jude passe du temps avec nous pour qu’on apprenne à se connaître, qu’on puisse avoir une nouvelle dynamique l’intégrant sans que ça nous heurte, et que ça devienne idéalement routinier. Découvrir son existence est déjà un véritable tremblement de terre dans nos vies, je ne souhaite pas provoquer encore plus de secousses. Je veux protéger et préserver ce qu’on a. C’est important, pour moi. » « Pour moi aussi. » que tu confirmes, osant finalement croiser le regard de ton amoureux. Tu ne savais pas encore comment vous parviendrez à vous protéger tout en vous ouvrant au changement imminent dans vos vies, mais tu voulais croire qu’ensemble, vous parviendrez à trouver l’équilibre nécessaire pour faire face à tous les fronts. « Et je veux le reconnaître, je veux être son père aussi au nom de la loi. » Tu ne t’attendais pas à moins de la part d’Isaac. « Alors on entreprendra les démarches nécessaires pour le faire. » Peu importe le processus, peu importe le prix, tu lui avais promis que tu serais là pour chaque étape et ça en faisait partie. « On fera tout ce qui est nécessaire pour que tu puisses créer un lien avec Jude aussi rapidement que possible. » Tu laisses ta tête tomber contre son épaule, ses bras t’enroulant dans une étreinte réconfortante. Tu caresses la peau de ses bras du bout de tes doigts, te perdant temporairement dans les dessins que tu sillonnes distraitement. « C’est vraiment un bon petit garçon. Très brillant, allumé et coquin. Tu vas l’adorer. » Ça te fait bizarre de réaliser que dans l’immédiat, tu connais mieux Jude que son propre père. Ce n'était qu’une question de temps avant que ça ne change, toutefois. « Est-ce que tu veux annuler notre voyage? Rester ici cette semaine plutôt que partir? » Isaac ne savait toujours pas ce que tu avais prévu pour cette deuxième semaine de congé qu’il avait obtenu et soudainement, tu te demandais si partir à l’aventure était la meilleure des idées, compte tenu tout ce qui s’était passé ce soir.

Les derniers événements du passé s'impriment progressivement en ta mémoire, nuancés de ces cinglantes touches de réel alors que la surprise de la découverte de l'existence de ton fils retentit encore en trombe dans tout ton être. Les interrogations aussi cuisantes que perçantes se rejettent contre les parois de ton cerveau, ricochent contre ton cœur malmené d'avoir été tenu à l'écart de l'éducation de ton enfant trois ans durant. Tu ne saisis encore pas les choix de cette femme que tu as jadis aimée, crue connaître, et tu n'es pas certain de savoir un jour même lui pardonner cet injuste secret qu'elle a pieusement conservé.

Des évidences s'imposent déjà en toi. Tout ton être hurle ton infaillible désir de faire désormais partie intégrante de la vie de Jude, quand bien même plus de trois heures de route séparent vos domiciles respectifs. Tu désires être un père pour le jeune, assumer pleinement ce rôle qui t'a été privé beaucoup trop longtemps selon toi.
Néanmoins, tu redoutes aussi l'impact que ce fracassant changement aura sur le couple que tu formes avec Penny, tout comme l'histoire que vous écrivez à vive allure, comme si le destin s'amusait éhontément à renverser incessamment l'encrier de vos existences. Si tu n'éprouves aucune crainte quant à l'amour que tu portes à l'encontre de la Stringer, si tu as intégralement confiance en la solidité de votre couple, aussi récent soit-il, si tu es intimement persuadé que vous pouvez ensemble braver tous les ouragans que l'univers s'amusera à rejeter en votre direction, tu es également conscient que ces épreuves ne vous laisseront pas indemnes. Vous en serez indéniablement changés.

Tu entends les craintes et les peurs que te dévoile ta petite amie et ressens une profonde reconnaissance quant au fait qu'elle te les formule. Tu valorises ses aveux, car en t'exposant ainsi ses états d'âme, tu t'armes dans l'optique de contrer ses terreurs, tu t'engages à déployer les moyens nécessaires pour la rassurer et la protéger. Tu l'embrasses amoureusement, ta main caressant chèrement son dos, lorsque vous vous certifiez qu'il n'est pas question que vous vous perdiez en dépit de ce nouveau et imposant projet qui s'impose dans vos quotidiens. Puis, épris de franchise, tu la soutiens dans sa position, présentes tes intentions, décris ce que Lucy représente pour toi à l'heure actuelle. « Tu dis ça maintenant Isy, parce que ça fait des années qu’elle n’a pas fait partie de ta vie… » Penny te réplique après que tu lui aies signifié l'indifférence que tu voues à l'égard de ton ex. Tu ressens son malaise, par ses dents qui se plantent délicatement dans sa lèvre inférieure, l'éclat de son regard qui s'affaisse sur le sable. « De vous voir tous les trois ensemble tantôt, ça m’a secoué. Pendant un instant, je me suis demandée si j’avais vraiment ma place, dans cette image. » Tu assimiles alors la position confuse que la vingtenaire s'attribue, à juste titre, dans cet atypique tableau. Penny n'est pas la mère de Jude. Si vos rôles étaient inversés, tu serais tout aussi indécis quant au potentiel rôle que tu aurais à jouer, te demandant même si tu en avais réellement un, si ce n'est que le partenaire d'un de ces protagonistes, issu d'un tableau différent tout autant en construction. « J’ai peur d’être une remplaçante. » Tu cilles, ton attention se rivant entièrement sur ton amoureuse. Avec une grande délicatesse, tu caresses sa joue, l'invitant à relever le regard vers toi. « Tu ne seras jamais une remplaçante, Penny. Tu as ta place totalement et uniquement à toi. » Tu assures spontanément, la conviction enrobant affectueusement chacun de tes termes. « Tu es la femme que j'aime, celle avec qui je fais ma vie, celle avec qui je bâtis ma vie. Tu es la mère de notre enfant. » Tu décris, ta main se posant tendrement sur le ventre légèrement arrondie de ton interlocutrice. « Jude est issu d'une union passée et cette union n'influe en rien ta place dans ma vie. Jude a sa mère, mais il est aussi mon fils. » Alors, il faudra composer dans le contexte pas toujours évident des fameuses familles recomposées. « You're my better half. Il y a que toi qui a cette place-là et je t'aime à mes côtés. » Tu sais que vos capacités d'adaptation risquent d'être mises à rude épreuve, il faudra concilier la place de chacun avec l'inclusion du garçonnet dans vos histoires. « Ca fait un énorme changement, qui va bousculer les lignes et demander de l'adaptation. » Tu n'oses toutefois surtout pas demander et encore moins imposer quoi que ce soit à Penny, qui a à tes yeux déjà beaucoup à encaisser avec ta paternité tout récemment dévoilée. Dans ce tremblement de terre que tu as décrit plus tôt, tu veux minimiser les dégâts, mettre le bien-être de Penny et Jude autant à l'abri que possible. « Tu as toute ta place propre à toi, que tu pourras déterminer vis-à-vis de Jude et que tu pourras créer avec lui. » Tu déposes un doux baiser sur sa joue. « Je te le garantis. » Tu laisses filer quelques secondes, avant de tenter un peu d'humour : « Faut pas croire que tu deviendras une doublure aussi facilement, c'est pas de ma faute si t'es une star dans plusieurs volets de ta vie. »

Les vagues se meurent sur le rivage, se rompent sur les rochers. Les hautes températures s'amenuisent timidement, le soleil agonisant à l'horizon, se délestant en offrandes un ciel de teintes orangées. Ta main vient doucement couver cette de ton amoureuse et après avoir pris une profonde inspiration, tu lui confies ton vœu d'inclure ton fils progressivement dans vos vies, tout en procédant avec prudence pour ne pas ébranler dans ce processus vos piliers à tous. La dernière chose que tu souhaites est de rendre foncièrement malheureux qui que ce soit, même si tu reconnais que ce projet s'annonce plus que délicat. « Pour moi aussi. » Penny te rejoint et tes épaules se décontractent, son soutien t'apportant toujours un réconfort inestimable. Tu poursuis en lui déclarant souhaiter être légalement reconnu comme le père de l'enfant. « Alors on entreprendra les démarches nécessaires pour le faire, » Penny te répond, absolument pas l'air surpris, et son affirmation t'apporte vaillance. « On fera tout ce qui est nécessaire pour que tu puisses créer un lien avec Jude aussi rapidement que possible. » Tu souris, les paroles de la jeune femme agissant comme un réel baume sur ton cœur meurtri par les dernières nouvelles, l'amour que tu lui voues religieusement exponentiel. Penny te démontre toujours, par ses paroles, ses réflexions, ses gestes, à quel point tu pourrais naturellement la qualifier de la femme de ta vie. La jeune femme reprend place contre toi, ses doigts caressant ton bras. « C’est vraiment un bon petit garçon. Très brillant, allumé et coquin. Tu vas l’adorer. » Un rictus étire faiblement la commissure de tes lèvres, un douloureux pincement s'imposant dans ta cage thoracique. Ca te chagrine dans d'inénarrables mesures que tu ne composes qu'un vulgaire inconnu aux yeux de ton enfant, tu en viendrais même à envier Penny d'en connaître infiniment plus que toi sur lui, bien que tu considères réellement ceci comme une très bonne chose, en addition que Jude paraissait adorer Penny au parc. Tu as conscience qu'il ne te sert à rien te t'apitoyer sur ton sort, ou à en vouloir à Lucy. L'un comme l'autre ne réparera pas ton absence dans la vie de Jude. Il te faut te concentrer sur l'avenir, aussi intimidant celui-ci puisse s'amorcer. « Il doit tenir de son père, » tu émets dans un souffle, dans une timorée tentative de légèreté. « Est-ce que tu veux annuler notre voyage? Rester ici cette semaine plutôt que partir? » Tu te mords nerveusement la lèvre, la réponse toutefois claire pour toi. « Non. » Si tu ne démordras pas d'être un véritable père pour ton fils, tu maintiens ton vœu de ne pas créer plus de chamboulements qu'il n'en est requis. Penny a consacré beaucoup de cœur et d'énergie à votre prochaine semaine, tu refuses rejeter ses efforts d'un revers de la main : tu veux les honorer. De plus, la situation avec Jude ne se réglera pas imminemment ni en quelques jours. « T'as mis beaucoup d'attentions à ce voyage, je ne veux pas l'annuler, sauf si tu ne souhaites plus partir, » tu développes ta réponse. « La situation avec Jude ne changera pas dans les jours qui suivent, les démarches prendront aussi du temps. Et puis il doit également se faire à l'idée que j'existe. » Tu exprimes avec ce même pincement au cœur, difficilement voilé par un sourire en coin. « Je vais contacter Josh, après. Il est avocat, il saura me dire quoi faire et comment faire, pour les démarches. Question d'être sûr de faire les choses dans les règles de l'art. » Tu marques une pause. « Et je vais voir avec Lucy comment elle voit les choses, pour que tout se fasse à l'amiable. Elle a déjà reconnu le fait que Jude devait me connaître et méritait de passer du temps avec moi, pour reprendre ses termes. » Tu relates un extrait de ton échange avec ton ex.

Les évidences nouvellement bâties de cette année à venir s’écroulent les unes après les autres avec le choc du jour. Les choses que tu pensais acquises, que tu pensais comprendre, connaître se retrouvent indubitablement changer par l’existence de Jude et de son lien avec Isaac. Si tu sais que la découverte est complètement bouleversante pour ton amoureux, qu’elle vient chambou son existence en entier, que les trois dernières années lui ont été volé de la plus égoïste des façons, les éclaboussures de l’explosion viennent néanmoins faire beaucoup de dégâts chez toi, dans ce futur que vous dessiniez peu à peu ensemble et qui changent à nouveau de forme sans que tu ne parviennes à réellement t’imaginer la suite. Il est trop tôt pour supposer de quoique ce soit, trop tôt pour savoir précisément de quoi sera faite la suite, et tu veux vraiment croire que tant qu’Isaac reste à tes côtés, tu peux tout surmonter, les angoisses et les doutes qui feront automatiquement partis de votre quotidien alors que vous tentez de vous ajuster à la nouvelle situation. Néanmoins, tu ne peux pas faire abstraction de cette peur qui t’a habité quand tu les as vu ensemble tous les trois, le portrait de cette famille qu’ils auraient peut-être dû être dès le départ. Tu n’aurais jamais cru te retrouver dans une telle position et la vérité c’est que tu peines à gérer toutes les différentes émotions que cela t’invoque. Les doigts d’Isaac viennent doucement relever ton regard dans sa direction et tes yeux brillent une fois de plus de larmes que tu ne saurais retenir.

« Tu ne seras jamais une remplaçante, Penny. Tu as ta place totalement et uniquement à toi. » Tu voudrais tellement pouvoir le croire sans jamais le remettre en question, mais le doute est planté dans ton esprit et il est difficile de le taire. « Tu es la femme que j’aime, celle avec qui je fais ma vie, celle avec qui je bâtis ma vie. Tu es la mère de notre enfant. » La main de ton amoureux se glisse sur ton ventre et tu baisses les yeux légèrement. Est-ce qu’il dirait la même chose si tu n’étais pas enceinte? Oh, tu t’en veux d’avoir cette pensée et tu veux la chasser, tu veux t’en débarrasser et te concentrer seulement sur ce qu’il te dit, ces mots que tu sais pourtant si sincères. Pourquoi est-ce si difficile de t’y accrocher, soudainement? « Jude est issu d’une union passée et cette union n’influe en rien ta place dans ma vie. Jude a sa mère, mais il est aussi mon fils. You’re my better half. Il y a que toi qui a cette place-là et je t’aime à mes côtés. » Tu hoches doucement la tête. C’est là que tu veux rester aussi, à ses côtés, à braver les tempêtes qui se placent sur votre chemin. Tu te sais plus forte avec lui. « Ça fait un énorme changement, qui va bousculer les lignes et demander de l’adaptation. Tu as toute ta place propre à toi, que tu pourras déterminer vis-à-vis de Jude et que tu pourras créer avec lui. Je te le garantis. » Isaac dépose un baiser sur ta joue et tu laisses ta tête tomber contre son épaule. Tu ne sais pas encore quelle sera réellement ta place auprès de Jude, tu crains de ne pas posséder les bons outils pour être ce dont il pourrait avoir besoin, mais tu veux apprendre et surtout, tu veux épauler Isaac dans tout ça. « Faut pas croire que tu deviendras une doublure aussi finalement, c’est pas de ma faute si t’es une star dans plusieurs volets de ta vie. » Tu échappes un léger rire et puis tu viens déposer un baiser sur les lèvres de ton amoureux, légèrement soulagée malgré la tempête qui persiste dans le fond de ton esprit. « Merci pour tout ça. D’être là et de me rassurer alors que ton monde a toi aussi est complètement chamboulé. D’être toujours aussi plein de sagesses et de toujours trouver les bons mots pour me faire du bien. » Tu viens glisser ta main dans les cheveux de ton amoureux et restes ainsi pendant quelques instants, ressentant le besoin de simplement être là, dans le silence, près de lui.

Peu importe de quoi sera fait la suite, tu sais que Jude en fera partie et qu’il vous faudra tous faire les efforts nécessaires pour que cette transition se fasse aussi doucement que possible, tout particulièrement pour le petit garçon. Tu ne sais pas encore si le fait que tu le connaisses déjà un petit peu sera un avantage ou un inconvénient dans les mois à venir, mais tu préfères croire que cela pourra se tourner à ton avantage. « Il doit tenir de son père. » glisse Isaac avec une voix qui se veut légère mais qui trahit la peine que tu sais qu’il ressent quant au fait qu’il ne le connaisse pas encore comme il le voudrait, comme il le devrait. « J’en doute pas une seule seconde. » Tu voyais déjà tellement de Isaac en Jude, maintenant que tu savais, et tu espérais vraiment que cette impression augmente au fur et à mesure qu’ils apprendraient à se connaître. C’est d’ailleurs avec cette idée en tête, celle qui se veut d’offrir autant de temps que possible au duo pour apprendre à se connaître, que tu demandes à Isaac s’il préfère annuler votre départ du lendemain pour cette semaine de vacances que tu as prévu sur la Great Ocean Road. « Non. » La rapidité et l’assurance avec laquelle Isaac répond te surprend légèrement, mais tu dois admettre que ça te soulage. Tu avais hâte de vivre cette aventure avec lui et tu ne savais pas quand l’occasion se représenterait de sitôt, vu tous les changements à venir. « T’as mis beaucoup d’attentions à ce voyage, je ne veux pas l’annuler, sauf si tu ne souhaites plus partir. » Tu secoues la tête à la négative. « Non, non, je veux toujours y aller. » que tu le rassures. Pire même, tu penses vraiment que vous en avez besoin tous les deux, même si tu aurais parfaitement compris s’il avait préféré rester dans le coin pour Jude. « La situation avec Jude ne changera pas dans les jours qui suivent, les démarches prendront aussi du temps. Et puis il doit également se faire à l’idée que j’existe. » En effet, ça doit être tout un choc pour lui d’enfin rencontrer son père. Tu ne sais pas ce que Lucy a pu lui dire jusqu’ici, mais ce sera certainement une énorme adaptation pour le petit bonhomme aussi. « Je vais contacter Josh, après. Il est avocat, il saura me dire quoi faire et comment faire, pour les démarches. Question d’être sûr de faire les choses dans les règles de l’art. Et je vais voir avec Lucy comment elle voit les choses, pour que tout se fasse à l’amiable. Elle a déjà reconnu le fait que Jude devait me connaître et méritait de passer du temps avec moi, pour reprendre ses termes. » « C’est déjà ça. » Tu soupires légèrement, rassurée de savoir qu’il n’aurait pas à se battre pour avoir le moindre droit auprès de son fils, surtout après tout le temps perdu. « Alors on part demain matin, comme prévu. » que tu annonces avec un léger sourire aux lèvres, préférant terminer la soirée sur cette note, quand bien même tout le reste ne disparaîtrait pas en un claquement de doigt.

* * *

« Tu penses qu’elle te l’aurait dit un jour, si on ne l’avait pas croisé au parc? » Ça fait trois jours que vous êtes partis sur le Great Ocean Road et trois jours que vous avez réussi à éviter le sujet autant que possible, même si tu ne doutes pas que vous y pensez tous les deux constamment. Les routes qui mènent jusqu’aux Twelve Apostles ne sont pas les plus douces et c’est Isaac qui conduit cette fois-ci puisque tes nausées te font des misères encore plus qu’à l’ordinaire. Malgré tout, ils ont fait du bien, les trois derniers jours, à t’émerveiller devant les paysages, à profiter de cette proximité avec l’océan, à faire découvrir ce petit bout de toi à ton amoureux et tu es impatiente de passer les deux prochains jours à Port Campbell. Vous avez encore une petite heure de route devant vous, et peut-être bien que tu aurais dû retenir la question, ne pas laisser le sujet de Lucy s’immiscer entre vous à nouveau, mais c’est la curiosité qui l’avait remporté quand les questions ne cessaient de s’accumuler dans un coin de ton esprit.

Penny t'expose ses doutes, sa confusion, son indécision et son malaise vis-à-vis des nouvelles circonstances qui s'imposent dans ton quotidien, et par répercussion si elle l'autorise, le sien également. Tu es reconnaissant qu'elle t'exprime ses peurs et ses peines, qu'elle soit si transparente et communicative sur les maux qui viennent anéantir son sourire et sur les nuages embrumant son regard jadis pétillant. Tu es rassuré de son honnêteté car tu sais désormais contre quoi militer pour épauler la jeune femme et te battre pour son bonheur qui représente l'une de tes priorités. Néanmoins, même si ta volonté est de fer pour rendre épanouie ton amoureuse, tu ne disposes pas forcément toujours des bons outils, ou tu ne sais pas comment les manier adéquatement. Mais une chose est sûre : tu as le cœur valeureux à faire de ton mieux.

Tu t'efforces avec toute la sincérité dont ton être est composé de convaincre Penny qu'en aucun cas, elle ne sera une remplaçante de Lucy. Ton ex fait partie de ton passé, les sentiments que tu lui dédiais ont été éradiqués lorsqu'elle a meurtri ton cœur des années plus tôt ; et Penny est celle que tu aimes indubitablement, celle avec qui tu veux bâtir ton avenir. Cependant, Lucy est désormais aussi liée à ton présent en étant la mère de ton fils. Tu reconnais que tu fais partie d'une nouvelle dynamique avec la présence de Jude dans ta vie que tu désires indéniablement, un tableau qui s'additionne au couple que tu formes avec Penny, et même si tu ignores quel rôle exactement l'actrice pourra avoir vis-à-vis du garçonnet, tu ne doutes absolument pas qu'elle a toute sa place. « Merci pour tout ça. D’être là et de me rassurer alors que ton monde à toi aussi est complètement chamboulé. D’être toujours aussi plein de sagesses et de toujours trouver les bons mots pour me faire du bien. » Tu déposes avec délicatesse un baiser sur la tempe de Penny, rassuré d'entendre que tes mots ont su lui faire du bien, amoindrir un peu l'orage qui semble tonner en elle. « Tu peux compter sur moi. Et ma sagesse issue de l'expérience de mon vieil âge, » tu fais en poursuivant sur ta lignée de légèreté, armé du puissant vœu de chasser cette bruine qui habite le regard de la Stringer depuis bien trop longtemps, d'apposer quelques couleurs à son joli portrait même si cela ne se fait que par un timide sourire un peu amusé. Ta main caresse doucement son dos lorsqu'elle se blottit davantage contre toi, dans un silence que tu pourrais qualifier à ton sens de réparateur.

Une masse difforme s'est pernicieusement immiscée en ton être dès que ton regard s'est posé sur Jude, quelques heures plus tôt. Une entité composée d'une inénarrable dose de chagrin et regrets, doublée d'une acerbe rancune et colère que tu voues entièrement envers Lucy et son choix arbitraire de t'avoir tenu à distance de la vie du garçonnet. Tu t'évertues à ne pas te laisser happer par cette ire innommable comme ce désarroi épineux et profond, te refusant à adresser ces émotions que tu qualifies de dérisoires et aucunement productive. Tu réfutes l'idée d'imploser, même temporairement, quand tout autour de toi est sévèrement ébranlé par cette nouvelle. Tu veux être le roc dans cette tempête, malgré les vagues qui te frappent sans merci.
Alors tu t'essaies à l'humour, à ces petites phrases qui se veulent fières malgré le fait que ton cœur se serre face à cette situation, à ce passé que tu ne pourras jamais rattraper, et sur lequel tu te focalises quand bien même tu as conscience que l'essentiel est l'avenir. C'est avec une distance préservatrice que tu entends Penny soutenir tes mots comme quoi Jude te ressemble, comme si elle voulait te conforter sur cette route qui est un risible pansement sur une jambe de bois mais dont tu as émotionnellement besoin, qui représente ta manière de garder ta tête hors de l'eau. Tu lui souris faiblement, grandement appréciatif de son geste, prenant sur toi pour tolérer tous les tenants et aboutissants de ce contexte quand il y a tant de choses qui te déplaisent.

Tu indiques spontanément que tu souhaites maintenir votre excursion préparée par Penny si elle y est elle aussi toujours favorable, soulignant que l'actrice avait mis beaucoup d'attentions à préparer ce voyage et que la situation de Jude ne changera pas en quelques jours. Beaucoup d'adaptations, de démarches, de réflexions et d'adaptations s'augurent et c'est une route sérieusement sinueuse qui se dessine dans tes prédictions. Mais tu ne démords pas de ton ambition de t'investir dans la vie de Jude et tu as déjà programmé contact ton ami Josh pour requérir ses conseils juridiques. De plus, malgré tout, Lucy n'est pas réfractaire à ce que tu assumes ton rôle de père auprès de votre fils, ce qui, comme le dit si bien Penny : « C’est déjà ça. » Tu acquiesces doucement, te raccrochant au faible rictus sur les lippes de ton amoureuse pour t'inspirer un peu de force alors qu'elle conclut : « Alors on part demain matin, comme prévu. » « Oui. » Tu affirmes. La vie poursuivait son cours et tu tenais à préserver ce qui était et le chérir et en profiter un maximum, à défaut de connaître ce qui sera. D'autre part, tu étais persuadé que toute accalmie était bonne à prendre et ce séjour avait vocation d'en être une pour votre couple.

* * *

La Great Ocean Road compose une singulière parenthèse. Tu chéris sans limite ces instants précieux partagés avec Penny, au cours desquels tu découvres l'environnement de son enfance et adolescence. Tu admires ces paysages, tu choies ces souvenirs, et même si souvent tes inquiétudes pour l'avenir te percutent de plein fouet, tu parviens à dénicher de la sérénité dans les aléas de ce voyage. Le plus difficile, c'est réellement quand vous êtes à l'arrêt. Tu n'arrives absolument pas à grapiller quelconque sommeil réparateur lorsque la lune trône dans les cieux australiens, ta tête lourde de soucis, ton cœur gros d'émotions. L'impression de t'approcher d'un houleux court-circuitage t'étreint régulièrement et de plus en plus, tes nerfs se trouvent à vif, même si tu t'efforces de prendre immanquablement sur toi. Alors que tu te frustres intérieurement de ne pas être en mesure de totalement te concentrer sur la route quand tu rumines les agissements de Lucy et toutes leurs conséquences en trame de fond, Penny te rappelle à la réalité : « Tu penses qu’elle te l’aurait dit un jour, si on ne l’avait pas croisée au parc? » As-tu pensé à elle trop fort ? Est-ce que ça se lit sur ton visage, toute la contrariété qui t'habite vis-à-vis d'elle ? Tu inspires discrètement, n'osant pas croiser le regard de ta petite amie parce que tu n'assumes pas les sentiments intenses qui s'y lisent. « Non. » Ta voix est aussi douce que calme mais ton intonation sans appel ne laisse aucune place au doute. Tu connaissais ton ex et vous deux aviez un défaut proéminent en commun : vous étiez affreusement bornés. « Elle était paumée et s'est persuadée que c'était la meilleure chose à faire. » Pour qui ? Pour elle, sans doute. Comme elle te l'avait soumis au parc, tu lui avais demandée de sortir de ta vie, et elle s'y était appliquée avec une odieuse obéissance, potentiellement heurtée dans son orgueil, qui n'était assurément pas applicable à la  survenue de votre enfant. « Puis plus le temps avançait, plus ça lui semblait trop tard de changer les choses. » Tu te permets de l'affirmer parce que tu la connais si bien, Lucy. Tu connais le meilleur et le pire d'elle et tout ce qui repose entre, pour l'avoir fréquentée si abruptement plusieurs années. Présentement, son égoïsme t'horripile.

Tu pinces tes lèvres, tes doigts serrent un peu plus le volant du véhicule, tes pupilles se fixent à l'horizon de cette longue route droite. Ton cœur martèle douloureusement ta poitrine alors que tu rejettes les déferlantes d'émotions qui tonnent en toi. L'orage de colère parce que tu juges cette situation cruellement injuste, les pluies de chagrin parce que Lucy t'a privé de l'un de tes rêves, elle t'a privé de ton fils comme elle l'a privé de toi aussi. Ca te blesse plus que tu n'oserais l'avouer le fait que tu n'es qu'un piètre inconnu aux yeux de Jude, et même si cela peut se résoudre avec le temps, c'est une pilule que tu ne parviens pas de suite à avaler. Tu l'avais tant désiré et cela faisait plus de trois ans qu'il existait, dans ton secret. Tu ne pardonnerais jamais ton ex de sa décision et dans tes plus sombres moments, tu te faisais peur, parce que de ça aussi, tu t'en jugeais responsable.
Avait-elle décidé de t'évincer comme un sombre pestiféré, un dangereux vérolé, un abominable galeux à cause de qui tu étais, des troubles mentaux desquels tu souffrais ? L'un de ces arguments reposaitt-il sur sa conviction que tu n'aurais pas été un bon père parce que tu étais trop instable en termes de ta santé mentale ? Tu te confortais dans l'idée qu'elle avait peut-être changé d'avis, puisqu'elle t'avait affirmé qu'elle voulait que tu prennes place dans la vie de votre fils. Mais tu ne peux pas t'empêcher de te remettre en question et de nourrir cette haine viscérale que tu entretiens naturellement à ton égard pour expliquer son geste.
Et si Penny en venait au même constat ? Si ta condition devenait trop pesante, malgré toute l'énergie que tu déployais pour te soigner ? Si elle perdait confiance en toi ? Et si c'était déjà le cas ? Tu avais beau la rassurer, elle avait beau te rassurer, il te semblait parfois te réduire à émettre des coups d'épée dans l'eau. Tu pouvais toutefois facilement la comprendre. A vingt-neuf ans, dans ses souliers, les paroles de celle que tu aimerais apaiseraient difficilement ton angoisse et ton malaise. C'est quelque chose qui doit venir d'elle, un déclic qu'elle doit avoir, et tu ne sais pas comment la mener jusque là. Tu te sens démuni, insignifiant, impuissant et plus malade que jamais. « Je suis désolé de te rendre malheureuse, Penny, » tu souffles, allant même jusqu'à abominer toutes ces excuses que tu savais lui formuler. Tu étais navré de toutes les épreuves que le destin mettait sur votre route, tu le lui avais dit tant de fois et en réalité, qu'est-ce que cela apportait bien ? Rien, sans doute. Aujourd'hui, tu étais désolé d'être toi et d'être en partie responsable de son désarroi. Ca ne changerait rien non plus, de nouvelles paroles futiles dans le vent, et tu t'en mordillais déjà la lèvre inférieure. Soldat de pacotille.

Tu t'en voulais de ne pas savoir la protéger davantage, de ne pas pouvoir la rendre plus épanouie. Tu t'en voulais de ne pas l'accompagner autant que tu l'aimerais, de ne pas l'abriter davantage contre les méandres émotionnelles qui l'assaillaient, même si tu sais qu'il était indispensable qu'elle vive toutes ses émotions entièrement et comme elles venaient et qu'elles étaient toutes importantes et justifiables ; et tu restais si reconnaissant qu'elle se confie à toi comme elle le faisait, que vous ayez ce lien de confiance et proximité. Tu étais désolé de pas avoir les outils, les armes nécessaires pour l'aiguiller, même si c'était aussi un cheminement qui était sien. Tu t'en voulais de lui porter tant la poisse, d'être ce qui te semblait être un affligeant nuage noir, un sinistre corbeau, dans sa vie.

Tu l'aimais tellement, de toutes tes forces, de tout ton cœur et de tout ton âme : de tout ce dont tu étais fait ; et tu t'abominais tant de ne pas pouvoir en faire davantage pour protéger son bonheur.

Il devait n’y avoir aucune ombre sur votre tableau. Ce devait être le commencement d’une belle année qui se ferait sous le signe de votre famille à venir, de ce petit être qui grandissait rapidement sous ton nombril et qui viendrait rapidement prendre toute la place dans vos vies. Ça devait être le grand chamboulement de l’année, la grosse vague à prendre, la grande nouvelle à laquelle s’ajuster, sous un bonheur qui dépassait largement l’anxiété qui persistait tout de même chaque fois que tu pensais au fait que tu allais devenir mère dans quelques mois à peine. Tout ne devait tourner qu’autour de ça, c’était la nouvelle, votre nouvelle, ce bébé, Isaac et toi, rien d’autre. Mais tout a changé quelques jours plus tôt et même si vous faites de votre mieux pour vous concentrer sur les routes qui se dessinent devant vous depuis que vous avez pris le chemin de la Great Ocean Road, tu sais qu’il y a le fantôme de Lucy un peu partout, qu’importe où vous êtes, qu’importe ce que vous faites. Elle est là, avec Jude, avec cette vérité qui pèse bien trop lourd sur les épaules de ton amoureux. Avec tout le temps perdu, avec tous les moments arrachés, des dizaines de premières fois qu’Isaac ne pourra jamais vivre auprès de son fils. Moments volés sans le moindre scrupule. Tu aimerais tant croire qu’elle n’est pas là Lucy, que vous l’avez laissé loin derrière pour profiter pleinement de ce voyage, mais elle est là, elle est partout et ça te rend complètement folle. Elle est dans chaque mouvement tendu qu’Isy effectue en conduisant, elle est dans chaque regard trop sérieux qu’il lance sur la route, elle se cache dans le fond de ses yeux alors qu’il hésite à tourner la tête vers toi pour te regarder, de peur que tu devines ce que tu sais déjà pourtant. Et tu lui en veux terriblement à Lucy, tu lui en veux si fort et tu n’as pas la moindre idée de ce que tu es censée faire avec tous ses sentiments, tout comme tu ne sais pas du tout ce que tu es censée dire, ce que tu es censée faire pour tenter d’alléger ce fardeau qui prend tant de place, qui laisse le cœur et l’esprit de ton amoureux bien plus amoché que tu ne l’as jamais vu par le passé.

Tu aurais aimé avoir la force de ne rien dire. De ne pas parler d’elle. De pouvoir faire comme si sa présence un peu partout ne te dérangeait pas. Mais tu en étais tout simplement incapable. Des jours que les questions s’accumulaient dans un coin de ton esprit, des jours que tu tentais de faire comme si tu n’avais pas besoin de connaître les réponses, des jours que tu fermais les yeux sur l’état d’esprit de plus en plus éloigné de ton petit-ami sans jamais parvenir à lui apporter le moindre soulagement. Tu ne pouvais plus persister sur cette lancée plus longuement, persuadée que cela n’aidait en rien à réellement profiter de ce que ces quelques journées loin de tout avaient à vous offrir. « Non. » Tu fermes les yeux. Il est sûr de lui, Isaac, quand il affirme qu’elle n’aurait rien dit si ça n’avait pas été de ce hasard et ça te tord le ventre davantage, incapable d’imaginer la logique derrière de tels gestes, de telles décisions. « Elle était paumée et s’est persuadée que c’était la meilleure chose à faire. » Tu secoues la tête. Tu ne comprends même pas qu’il soit capable de justifier les choix de la jeune femme d’une quelconque façon alors qu’à tes yeux, tout cela relève d’un égoïsme sans nom. « Puis plus le temps avançait, plus ça lui semblait trop tard de changer les choses. » « Elle avait pas le droit. » C’est bien tout ce que tu trouves à répondre à ça, un maigre commentaire qui n’apporte absolument rien à personne, une simple opinion qui ne change en rien le sérieux de la situation. Pourtant, c’est bien tout ce que tu peux lui offrir à Isaac, avec une main qui se pose sur sa cuisse, tes doigts qui serrent un peu pour lui rappeler ta présence, que tu es là dans cette épreuve, dans toute la tempête d’émotions dans lequel il se retrouve prisonnier et que ça ne va pas changer tant et aussi longtemps qu’il voudra de toi à ses côtés.

Le silence reprend place entre vous et tu soupires légèrement, t’en voulant de ne pas savoir être plus proactive dans tout ça, autant que tu t’en veux de venir prendre un rôle de victime dans tout ça alors que vraiment, tu fais simplement partie des dommages collatéraux dans tout ça, que c’est Isaac qui se retrouve avec les pires blessures et mis au pied du mur à devoir prendre des décisions et entreprendre des démarches qu’il n’aurait même jamais imaginé devoir mettre en place il y a une semaine à peine de cela. « Je suis désolé de te rendre malheureuse, Penny. » Tu mets quelques secondes avant de réaliser qu’Isaac a ouvert la bouche. Quelques secondes de plus pour comprendre qu’il te parle et encore quelques-unes de plus pour enfin comprendre ce qu’il vient de dire. « Quoi? » Tout va soudainement trop vite et trop lentement à la fois alors que tu tournes la tête vers Isaac qui lui s’efforce de fixer la route devant vous. « Non Isy, voyons. » Tu secoues la tête, à la recherche de son regard, mais rien n’y fait. Tu tournes ton regard vers la route et remarque à quelques mètres une aire routière à laquelle s’arrêter et tu t’empresses de pointer dans cette direction. « Arrête-toi là, s’il-te-plaît. » Tu as besoin que la voiture s’arrête. Tu as besoin d’en sortir. Tu as besoin de te retrouver face à Isaac, de croiser son regard et de pouvoir lire dans le fond de ses yeux tout ce qu’il est incapable de te verbaliser présentement. Une fois la voiture mise en arrêt, tu t’empresses de sortir du véhicule et tu viens ouvrir la portière d’Isaac, lui tendant la main pour l’inviter à sortir à son tour. « Viens, s’il-te-plaît. » Tes doigts s’emparent des siens et bientôt, il se retrouve debout à tes côtés et tu viens glisser ta main libre contre sa joue, le forçant ainsi à doucement relever le regard vers toi. « Tu me rends pas malheureuse Isy, je t’interdis de penser ça ne serait-ce qu’une seule seconde. » Le simple fait qu’il puisse croire une telle chose te brise le cœur, va jusqu’à te rendre molle sur tes jambes alors que tu t’accroches à lui comme tu ne t’es jamais accrochée à qui que ce soit par le passé. « Tout ce qui passe en ce moment, c’est une grosse secousse. Ça fait des ravages, oui, mais ça ne change absolument rien à ce que je ressens pour toi, ni au bonheur que je ressens depuis que tu fais partie de ma vie. » Tes lèvres tremblent légèrement, tu n’as jamais été très douée pour parler avec ton cœur et pourtant, tu as besoin qu’il sache là tout de suite, plus que jamais, à quel point tu l’aimes et à quel point cette certitude-là ne sera jamais en danger. « Je suis là, Isy. Je ne vais nulle part. Et tu ne me rends pas malheureuse, pas du tout. » Tu viens passer tes bras autour de son cou, niche ta tête contre son torse, le serrant aussi fort que tu le peux pour lui rappeler que ça va aller. Que c’est difficile, là tout de suite, mais que ça va aller.

Qu’ensemble, vous pouvez passer au travers n’importe quelle tempête.