Elle n’aurait pas parié sur un changement de binôme en pleine course, aveugle et naïve qu’elle est ; mais voilà qu’elle se retrouve avec Jack, loin de son trio habituel avec Isaac et leur méduse en peluche, et ça lui convient tout autant. Elle avoue ne pas s’être séparée avec plaisir de son premier binôme devenu ami, mais si Jack est toujours aussi enclin à prêter ses clopes et son café le matin, elle ne peut pas dire non à ce genre de cadeaux.
Cela dit, elle n’aurait pas non plus parié sur une course à dos de chameau, mais apparemment, avec la production, tout est possible. Et pour le coup, elle se sent largement moins conne de ne pas y avoir pensé, parce qu’à en jauger par la réaction des autres binômes, ils ne sont pas plus informés qu’elle. Elle fait un rapide coup d’oeil autour de l’assistance pour ausculter les candidats restants : la fatigue se lit sur leurs traits et elle regrette un peu l’absence de Kane, toujours souriant, et de Kieran, qui la rassurait sur son propre état par son attitude pessimiste. L’étau se resserre, la pression monte, mais Grace se force à rester à l’extérieur : elle aura passé un mois, seule, loin de tout ce qu’elle connaissait. Et si elle venait à en perdre, elle aurait déjà relevé pas mal d’accomplissements en soi.

Hésitante, la jeune femme s’approche des chameaux, sourcils froncés en alternant entre les grandes bestioles et Jack. “Tu t’y connais en chameaux, toi ?” Parce qu’elle, non. Elle les rapprochait bien involontairement des lamas et autres vigognes, dans sa tête, et s’attendait à se faire cracher dessus au premier faux pas. “Génial, ils ont des noms”, s’exclame-t-elle en s’approchant de tous les panneaux indiquant les noms des grands mammifères. Bip Bip, Betty Boop… Et un animal apparemment très affectueux, à l’oeil crevé. “On prend Dalas ? Il est éclopé, comme moi.” Et forcément, entre handicapés, on se sent tout de suite une familiarité, et tout. C’est fortement vexant, mais c’est pas moins vrai. Elle se met à sautiller devant l'animal, nerveuse, loin de son élément : “Ou qui tu veux, en fait. Rassure-moi, ça crache pas, les chameaux ?”

@Jack Epstein

Encore une semaine de passée, et ça doit faire bizarre à tous ceux qui se font éliminer de me voir rester. J’aurais bien aimé que la brune insupportable, oui j’oublie toujours son prénom, se fasse éliminer pendant la première semaine. Ca, ça m’aurait fait vraiment plaisir. Qui a vraiment besoin d’une gamine qui ne s’arrête pas de gueuler ? Personne. Une nouvelle semaine nous attend et je me tiens aux côtés de Martin. On est déjà prêt à partir en courant, comme à chaque fois que May nous a lancé le top départ. Je m’assure d’un regard qu’il va bien, qu’il n’y a pas de problème de vue ou de jambe qu’il n’arriverait plus à contrôler.

Et je vois des chameaux, c’est quoi ce bordel encore ? Il peut pas y avoir une seule semaine tranquille dans cette aventure ? May a vraiment beaucoup trop d’idées à la con. Je lève les yeux au ciel, et je sens déjà que Martin va râler pendant toute la semaine parce qu’on aura le malheur d’utiliser un chameaux comme moyen de transport. Il va être insupportable, et je m’apprête à lui dire que je compte totalement utiliser ce chameau si ça m’évite de marcher quand May continue de parler. On échange les duos. Pardon ? J’ai certainement mal compris non ? Si, j’ai sûrement mal compris. Je regarde Martin en fronçant les sourcils. Je soupire et je ris quand je vois ma nouvelle partenaire. Ok, donc l’émission veut vraiment que je comette un meurtre avant la fin de cette aventure. “Oh non.” J’ai oublié son prénom mais pas sa tête. Quel dommage, elle pouvait pas rester avec son père ? Je vois que tout le monde échange et je regarde rapidement Martin qui s’éloigne lui aussi vers une nouvelle personne. La semaine va être longue, et si on se fait éliminer, ce sera forcément à cause d’elle. C’est elle le boulet, et certainement pas moi. “T’as pas intérêt à être chiante.”

Sienna était littéralement dégoûtée que la production se permette de la séparer de Greg. Lorsqu’elle a appris que les binômes allaient être modifiés (et pour le reste de la semaine, enfin elle espérait), elle avait lancé un regard de détresse à Gregory. Ils ne pouvaient pas faire ça. Quand bien même Greg était chiant, grognon et surtout râleur, il était le seul avec qui elle pouvait se projeter au bout de cette aventure. Le seul avec qui elle se sentait à l’aise, sa situation de confort. Mais non forcément, May Glitters était obligée de foutre son grain de sel partout. Et le pire dans tout ça, c’est qu’ils l’avaient mise avec Ivy. IVY. Oui oui, vous avez bien entendu. Ils se foutaient réellement de sa gueule. Josh a dû faire remonter à la production qu’une haine était instantanément née entre les deux jeunes femmes. Elle s’était éloignée de Greg sans le lâcher des yeux, des yeux emplis de désespoir alors que le rictus du bonhomme se formait d’un mélange de moquerie et de déception. Il ne pouvait s’empêcher de rire de la situation, mais elle espérait qu’il était aussi dégoûté qu’elle. Quoi que, il était avec Loan. La chance. Elle aurait aimé être avec Loan aussi. Mais non, elle se coltinait Ivy.

Elle était désormais à côté d’Ivy, leurs sacs devant elles. Puis, ces chameaux. Cette semaine s’annonçait glorieuse et La blonde peroxydée était déjà en train de pester et Sienna leva les yeux au ciel.  «  Entre toi et moi, c’est toi la chiante. » Enfantine, voilà comment on pouvait caractériser leur relation. « C’est moi qui choisis le chameau. On prend Betty Boop. » Et elle avait pas son mot à dire. Déjà son existence était de trop sur Terre. Puis c’était une boulet née. Elle n’avait pas intérêt à la ralentir. Déjà que les conditions de cette semaine était compliquée, il ne fallait pas qu’elle lui prenne la tête. Quelques minutes plus tard, Sienna était sur le dos de Betty Boop. Elle ne faisait pas du tout confiance en Ivy pour ce genre d’épreuves.

On échange les binômes.

La nouvelle tombe comme une étoile divine. Après mon altercation avec Kelly, je ne me voyais pas continuer l’aventure à ses côtés et j’avais peur qu’elle me fasse un coup de travers afin de m’évincer complètement de l’aventure. Du coin de l’œil, je la vois sourire à sa nouvelle partenaire. Elle n’aura pas à me supporter cette semaine.

Le week-end a tout simplement été affreux. J’ai passé tout mon temps enfermer dans la chambre de Martin et Ivy, refusant de sortir ou de participer à quelconque activité. Mon meilleur ami a été plus que présent pour moi, mais il avait beau me répéter que je n’avais rien fait de mal, la honte ne cessait de me ronger de l’intérieur. J’ai douté de moi, de la personne que j’étais et Samedi soir, j’étais à deux doigts de tout abandonner. Il ne l’a pas entendu de cette oreille Martin et après avoir passé une journée entière à me remotiver, c’est légèrement plus confiant que je me suis rendu sur la ligne de départ. Jusqu’à ce que l’on me pair avec Gregory et que je perde à nouveau ma confiance en moi face à cette masse géante et bougonne. Je me suis mis à craindre la moindre de ses réactions et au départ, mon sourire légendaire, n’était plus si présent.

C’est sans trop de mal, mais sans vraiment discuter, que nous sommes finalement arrivés à Uluru Kata. Et voilà qu’une nouvelle épreuve nous attend. « A dos de chameau ? Trop cool ! » Et je retrouve mon âme d’enfant alors que la production nous laisse nous balader près des animaux. Ils sont majestueux, nous regarde sans vraiment nous craindre et on l’air d’avoir tous un petit truc différent. Greg me suit tandis que je m’arrête pour lire les panneaux indiquant le nom des animaux. Je ne le vois pas, mais je mettrais ma main à couper que Martin est déjà en train d’affronter May Glitters en qualifiant cette épreuve de honteuse. Je pouffe dans mon coin avant de m’arrêter devant l’un des chameaux. « Il me plaît bien lui ! » Je me penche un peu pour lire la pancarte. « Bip-Bip. » Je me tourne vers mon partenaire. « Je te laisse l’honneur ? »

Il détestait laisser Colleen derrière.

Il détestait rien dans la vie Jack, d'ordinaire. Même pas les douleurs de merde qui lui lancinaient le nez, les yeux et la main gauche, pauvre connard qui avait décidé de s'amouracher de la femme de son (ancien) meilleur ami. Il goûtait encore le fer et le bitume dans sa gueule d'amoché, il se retrouvait à faire peur quand on le filmait à contre-jour, malgré les bons soins de sa binôme, bons soins dont elle aurait bien pu le priver tant à ses yeux il ne méritait pas qu'on s'occupe de lui tant il avait merdé. Elle était parfaite Colleen, elle écoutait sans juger, elle lui laissait la place de se noyer dans ses silences et dans ses grommellements d'ours mal léché, mais elle lui donnait aussi envie de se confier, de s'ouvrir un peu plus qu'il ne l'avait jamais fait.

Et donc, il la laissait derrière. Il grognait. C'est le visage rieur de Grace qu'il découvre quand on leur annonce l'échange de binôme, et même si le pincement au coeur de voir Sainsbury associée à une autre pour l'aventure reste bien ancré en lui, il souffle un brin, se rassure aussi. Elle est cool Grace, elle posera pas de questions sur sa tête que Saül a défoncée avec acharnement, acharnement partagé entre les frères Williams sortis de nulle part et leur vendetta totalement justifiée.

“Tu t’y connais en chameaux, toi ?” « Y'a une rumeur qui dit que leurs ancêtres viennent du grand nord canadien. » il pouffe, le gars et ses trois anecdotes pliées, calées, les seules qu'il connaît mais qu'il étale autant qu'on étale de la confiture en fond de pot sur ses rôties. Si elle lui demande s'il se connaît en ours polaire, il lui dira qu'ils sont tous gauchers et qu'ils crient quand ils ont besoin de chier, si elle lui demande s'il se connaît en trucs et astuces qui pourraient guider leur survie, là, il haussera bêtement les épaules en lui sortant un carpe diem qui veut tout comme rien dire. “Génial, ils ont des noms” elle est solaire Grace, son sourire avec. Il la suit des yeux alors qu'elle navigue entre les différents chameaux, le nom lui important peu au gars, lui qui risque de le rebaptiser quinze fois d'ici la fin de la journée seulement.

“On prend Dalas ? Il est éclopé, comme moi.” à son tour de pouffer, de tourner même sur lui-même, ridicule mais étrangement heureux, son « Comme nous. » qui précise qu'elle n'est pas la seule. Il ne lui posera pas la moindre question si elle n'a pas envie d'en parler, elle ne lui doit rien et il sera clair à ce sujet, autant que possible. Pourtant son visage tuméfié à lui il s'explique de lui-même, faut dire. “Ou qui tu veux, en fait. Rassure-moi, ça crache pas, les chameaux ?” Dalas - Texas? Houston? - lui va, il le lui fait savoir d'un hochement de tête de la positive, concluant avec malice, grimpant dans un regard complice de plus. « Juste si tu lui dis qu'il a pris du poids ou que la couleur de sa selle lui va pas au teint. » en clair, quand il se sent agressé, irrité.


@grace coughlin

Les binômes ont été changé et déjà ça, ça me fait chier. Au final je l’aime bien la petite Ivy. Nous avons tellement partagé ces dernières semaines que l’idée de devoir faire la course avec quelqu’un d’autre m’est presque insupportable. Puis il y a eu le clash entre Loan et la sale conne qui est sa coéquipière. Je l’ai retrouvé en pleurs le samedi et j’ai eu bien du mal à me contenir. J’avais envie d’étrangler Kelly mais je sais qu’il ne sert à rien de  parler avec ces personnes. Du coup j’ai simplement été là pour mon meilleur ami et j’ai essayé de le rassurer du mieux que j’ai pu.

Et puis il y a eu la première épreuve. Je me suis retrouvé avec Isaac ce qui m’a pas mal rassuré pour le coup. Je me suis dit qu’avec l’infirmier nos avons déjà fait une très bonne équipe à l’hôpital alors rien ne nous empêche d’en faire de même quand nous seront ensembles, là, dans la course.

Malheureusement cette course se résume en une course autour de l’ayers rock, endroit sacré et placé sous protection. L’approcher est donc contraire à mes principes. Mais ça encore ça peut passer. Le pire dans tout ça c’est que nous devons utiliser des animaux pour nos déplacer et ça c’est plus qu’inconcevable pour moi. J’allais déjà affronter May et toute la production, mais Isaac était pus rapide et s’est déjà dirigé vers un des chameaux. Pégase de son nom.

 «je te jure, je refuse de monter sur lui » dis-je en approchant ma main du museau du chameaux.  «ces écervelés de la prod m’entendront » grognais-je dans ma barbe avant de soupirer et poser mon regard sur Isaac  «du coup je te laisse l’honneur hein » dis-je froidement en mettant mon sac en place sur mes épaules et je réfléchis déjà à un moyen de contacter Jameson et mes autres camarades militants.

Ce fut le cœur serré que Colleen s’éloigna de Jack et s’approcha de son nouveau binôme. Non pas qu’elle ait quoi que ce soit à reprocher à Kelly, avec qui elle n’avait pas encore eu l’occasion de discuter en trois semaines d’aventure. Mais la perspective de passer une semaine sans son acolyte lui arrachait un pincement au cœur. Elle s’était tellement habituée à sa bonhomie, son humour, sa prévenance, qu’elle avait pris sa présence rassurante à ses côtés tout au long de l’aventure comme acquise. Seulement la production ne l’avait pas entendu de cette oreille et avait pris un malin plaisir à mélanger tous les binômes pour créer de nouvelles alliances qui, à n’en pas douter, viendraient bouleverser le cours du jeu.

Sans Jack elle se sentit démunie. Pourtant il fallait bien avancer, on ne lui laissait pas le choix. Avancer sur des chameaux, en plus de ça. Ils étaient cinq au total, et chaque binôme devait en choisir un. Il y avait Bipbip la tête de mule, Pégase l’ancien, Dalas l’éclopé, Betty Boop l’autoritaire et Loupiotte le gourmand. Colleen fut naturellement attirée par l’ancien de la bande, la mascotte de l’Ayers Rock. C’était comme un clin d’œil au binôme qu’elle formait avec Jack, leur duo de doyens. Sourcils froncés, elle coula un regard en direction de Kelly. « Que dis-tu de Pégase ? Il n’est sans doute pas le plus rapide de tous, mais il m’a tout l’air d’être une valeur sûre ». Le temps qu'elle se retourne vers le chameau, elle vit qu'un autre binôme s'en approchait déjà... Elle se mordilla la lèvre inférieure, déçue, et porta son attention sur le dernier chameau, Loupiotte l'estomac sur pattes. Elle se rapprocha de lui et tendit prudemment sa main devant son museau, comme pour chercher son approbation. Après tout, elle monterait sur son dos alors il avait tout intérêt à l’accepter et se montrer coopératif. Colleen n’était jamais monté sur un chameau de sa vie, elle qui avait une expérience somme toute assez limitée en matière d’aventure, mais elle avait déjà fait un peu d’équitation et elle espérait naïvement que les repères seraient plus ou moins similaires. « Salut toi » Chuchota-t-elle comme une idiote à l’adresse de l’animal. « Je suis Colleen. Tu m'as l'air d'être un sacré gaillard, je suis sûre qu'on va bien s'entendre toi et moi ». Le chameau continua de mâchouiller en la dévisageant d’un air parfaitement indifférent. Était-ce bon signe ? Apparemment oui, puisqu’il s’accroupit docilement une seconde plus tard. Stupéfaite, Colleen jeta un coup d’œil à Kelly puis elle contourna Loupiotte et non sans peine, parvint à se hisser sur son dos, se positionnant entre ses deux bosses. Mais ce n’était pas la partie la plus impressionnante, car quand le chameau se releva avec une rapidité fulgurante, elle dut se cramponner à la bosse devant elle pour ne pas vaciller dans le vide. La course en chameau, voilà une épreuve qui s’annonçait rocambolesque…

@Kelly Ward  

La semaine 4 de Race of Australia démarrait avec une nouvelle surprise : les binômes étaient remaniés. De toute évidence, la production de l'émission télévisée ne manquait pas d'idées pour rythmer leur production de multiples surprises. Si certains arboraient un minois impassible ou peu expressif quant à ce revirement de situation, je constatais que d'autres peinaient à voiler leur mécontentement ou déception. Pour ma part, bien qu'il était certain que la compagnie de Grace me manquerait grandement, j'étais assez impatient de découvrir la suite de cette aventure aux côtés de Martin. Je connaissais le jeune homme pour l'avoir pris en charge lors de son malaise survenu en avril dernier et j'étais admiratif de sa remise en forme intensive.

Des chameaux nous attendaient sur la zone de l'illustre Ayers Rock. J'avais beau être un australien pure souche, jamais n'avais-je eu la chance d'approcher ce mémorable phénomène et j'étais plutôt ravi que l'aventure m'offre cette opportunité. Je vouais une pensée pour Kieran et Elias, tristement éliminés la veille, avec qui j'aurais beaucoup aimé partager cette expérience.

Les différentes équipes choisissaient leur monture, prêts à mettre les pieds aux étriers. Je souris doucement en apercevant Jack grimper sur l'animal, l'imaginant bien dans le rôle du monteur de chameau avec l'habit traditionnel et des mocassins, comme on les voyait dans certains vieux films. A mes côtés, Martin signifiait sans gêne son opposition à participer totalement à cette étape de la course. Tant mieux, ça nous évitera un débat. « Je te jure, je refuse de monter sur lui. » « Pas de souci, » j'assurais, volontaire, ma bonne humeur et motivation intacte. « Du coup je te laisse l’honneur hein » J'offrais un sourire amical au garçon et gravissais la bête précautionneusement. « Allez, c'est parti ! » J'encourageais en dépit d'un Martin fulminant marchant à côté de moi et l'animal. Bien vite, un carambolage eu lieu devant nous, une des bêtes secouée prenant cette altercation comme un élan quelques secondes plus tard, à en dépasser un autre qui partait tranquillement mais sûrement. Cette épreuve promettait.

Apparemment, May a trouvé bon de m’éloigner de Sienna. On se regarde, tous les deux, et on se comprend : ni l’un ni l’autre n’avons envie de nous séparer. Voilà un mois qu’on partage tout, absolument tout. Qui va garder notre paquet de clopes commun à présent ? Et le reste de sous qui devait nous servir à ce qu’on se fasse plaisir avec un délicieux bobun en tête à tête ? Et qu’allons nous faire de la gourde commune qu’on a achetée ? Tant de questions m’assaillent alors que j’entends la présentatrice annoncer les nouveaux binômes, que je vois Sienna me lancer un dernier regard avant de me lâcher la main pour m’abandonner, tout seul, mon gros sac à dos sur les épaules et le regard triste du chat botté. Mon nom me parvient enfin à mes oreilles, et je découvre alors mon nouveau binôme : Loan. Je le cherche des yeux, balayant la tristesse de voir la séparation avec Sienna être effective et immédiate d’un clignement de cils exagéré . Il me semble que Sienna lui a déjà parlé, l’a déjà rencontré, Loan. Moi, j’ai l’impression que c’est la première fois que je le vois, et il a l’air tout peureux, le regard fuyard tel un chien battu. C’est avec lui que je vais me retrouver ? On me troque ma belle, courageuse, déterminée, affectueuse (oui, oui, tout ça) Sienna pour ça ? J’essaie de cacher ma déception d’un sourire, mais je suis pas le plus doué quand il s’agit de faire semblant.

Les jours qui suivent, la discussion courtoise est la seule qui nous unit, lui et moi. Inconsciemment, je me suis renfermé un peu plus, l’ours bougonnant à qui on a arraché sa partenaire est visiblement le plus désagréable de toutes mes facettes. Mais j’essaie de pas être trop chiant, après tout, il ne reste que deux semaines. Il parle pas beaucoup Loan avec moi, et c’est bien ainsi. On se contente du strict minimum, et au final, c’est suffisant. Nous arrivons à Uluru Kata sans trop de difficulté, dormons chez un veuf qui avait besoin de compagnie, et c’est tôt le matin que l’équipe de production nous dirige vers un gros rocher planté au milieu du désert, sans rien. L’épreuve consiste cette fois à réaliser une course à dos de chameau. Je sais pas où ils vont chercher tout ça, mais moi j’aurai jamais eu idée de foutre des candidats sur ces animaux à deux bosses. Et si l’un d’entre nous était allergique ? Il resterait sur le banc de touche ? Ou alors l’équipe médicale a prévu des seringues s’il y en a qui gonflent de trop ? Pourvu qu’il y en ait qui soient allergiques aux poils de chameau, svp, svp, svp, ça nous fera un binôme d’éliminé illico-presto. Et puis, ça court, ces trucs-là ? C’est pas plutôt soporifique de monter dessus ? Je suis carrément sceptique, mais Loan, lui, a l’air à fond. On se balade entre les différents chameaux, et je me rends compte qu’ils ont tous des noms. C’est vraiment une activité de bobo qui sait pas quoi faire de sa vie, ça, de monter sur un dos de chameau.

« Il me plaît bien lui ! Bip-Bip. »

Je m’en fous un peu duquel il choisit, je veux juste savoir si ça court vraiment moi. Alors je hausse les épaules, et m’approche doucement vers lui pour voir sa tronche toute pendante (au chameau, pas Loan, je suis pas si méchant). C’est vraiment moche, un chameau. Derrière l’animal, une pancarte nous décrit son caractère : tout ce que je retiens, c’est que c’est une tête de con. Finalement, Loan l’a peut-être pas choisi pour rien. Je hoche finalement la tête vigoureusement, satisfait. « Il est parfait ce chameau, gamin. T’as fait exprès de le prendre lui ? Parce que c’est une tête de mule, comme moi ? » Je m’en cache pas, je sais à quel point je suis têtu et borné quand je suis persuadé d’avoir raison, et comme j’ai toujours raison… Je me surprends à essayer de le caresser en souriant (toujours le chameau, je vais pas caresser Loan non plus), j’ai bien envie de tester sa robustesse. « Je te laisse l’honneur ? » Comme s’il avait décelé mon envie, il me propose de monter en premier. « Et comment, voyons voir ce qu’il a dans le ventre ce Bip-bip. Hein mon vieux ? » Je parle à l’animal comme si c’était mon pote, comme si c’était un humain, et je sens que le courant passe entre nous. Il s’agenouille alors devant moi, comme s’il avait compris qu’il fallait qu’il se mette au boulot. « Tête de mule qu’ils disent ? Il m’a l’air plutôt bien docile ce petit. » Je grimpe entre ses bosses, il se relève et j’ai l’impression que je vais me casser la gueule sur le gravier, et je lâche un rire, surpris. Loan est hors de mon champ de vision, tout ce que je suis en train de me dire, c’est qu’il faut que je tienne sans tomber.