the last quarter time (mason&naomi)

Emmitouflée dans un peignoir en éponge, Naomi faisait face à sa garde-robe, les bras croisés sous sa poitrine. D’ordinaire, s’habiller était pour elle un jeu : elle commençait toujours par choisir la pièce qu’elle porterait, pour ensuite l’associer avec une paire de chaussures. Le maquillage, bien que réalisé dans un premier temps, découlait forcément de ces deux premiers choix stratégiques ; elle adaptait ses produits et coups de crayon en fonction de ce qui l’habillait.

Elle fit défiler les cintres, et hésita devant une robe noire. Elle marquait sa taille, mettait son décolleté en avant, et arrivait au-dessus de ses genoux. Elle savait qu’en étant ainsi vêtue, elle attirerait les regards — même si elle parvenait à se faufiler dans une zone des tribunes réservée aux privilégiés. Bien qu’elle n’ait aucune légitimité pour le faire, elle avait suffisamment de contacts et de bagout pour qu’on la laisse s’y installer sans lui demander son reste. Voilà comment Naomi Carlson s’imposait, sans en avoir l’air. Un maigre sourire étira ses lippes et, avec une assurance un peu plus affirmée, elle s’empara du cintre et se dirigea vers sa salle de bain pour poursuivre sa préparation.

À la fin du match, elle avait volontiers accepté la coupe de champagne qui lui avait été tendue par un membre du staff de l’équipe de basket. Elle avait pris son temps pour siroter le breuvage, souriant à tout ceux qui la saluait de loin, discutant avec ceux qui étaient venus l’aborder. Naomi était, avec le temps, devenue une figure connue sans pour autant que son rôle ne soit clairement identifié. Elle était souvent là, on la soupçonnait d’entretenir une relation avec un membre de l’équipe, mais ça s’arrêtait là. Seuls les coéquipiers de Mason, qui commencèrent à arriver après avoir festoyé dans les vestiaires et pris une douche salutaire, osaient parfois quelques remarques déplacées. Si elle avait charmé le staff, les financiers et quelques basketteurs, elle ne faisait pas pour autant l’unanimité. Elle déposa sa coupe sur une table, s’excusa et prétexta une urgence pour s’éclipser. Mais au lieu de quitter les lieux, la brune dévala les marches d’un escalier qui menait sous le terrain. Elle était persuadée que Mason serait encore là, en bas : il avait l’habitude de prendre tout son temps, après les matchs. Elle ne l’avait jamais interrogé à ce sujet, mais elle le soupçonnait d’avoir besoin de ce temps de solitude, pour décompresser et revenir sur terre. Naomi continua de déambuler dans le couloir, et s’arrêta face à la porte des vestiaires. Il y a quelques semaines, elle n’aurait pas hésité à franchir la porte pour aller à la rencontre de son amant. Aujourd’hui, elle préféra sagement attendre dehors.

Ça ne dura pas. À peine Mason avait-il ouvert la porte que, déjà, son regard croisait brièvement celui de l’escort. Elle ne sut pas dire s’il était surpris, content, ou profondément agacé. Mais le regard qu’il laissa couler sur son corps lui fit penser, à tort ou à raison, que sa présence ne le laissait peut-être pas indifférent. Et ça, c’était une petite victoire. Elle se félicitait d’avoir pris le temps de réfléchir à sa tenue de retrouvailles. « Bonsoir, Mason. » Dit-elle avec une voix de velours, faisant fi de l’inquiétude qui pouvait la ronger. Elle s’attendait à toutes les réactions possibles et imaginables de la part du basketteur, eu égard à leur dernière entrevue. « Je tenais à te féliciter pour ton match. » Déclara-t-elle en inclinant légèrement la tête. Elle se fichait du basket, en réalité. Ce match n’avait été qu’un prétexte, une bonne excuse — mais elle n’avait pas boudé son plaisir devant le spectacle qui lui avait été offert, à elle ainsi qu’à l’ensemble du public. La victoire n’avait pas été acquise ; l’équipe avait dû se battre à chaque minute. Mais l’issue avait finalement été favorable à l’équipe de Brisbane, ce qui n’avait pas manqué de ravir les supporters. Les tribunes avaient exulté, et Naomi s’était volontiers jointe à la fête — se redressant pour applaudir les héros du jour, lors de leur traditionnel tour d’honneur, à la fin du match. « C’est de bonne augure pour la suite de la saison. » Ajouta-t-elle. Même si elle n’y connaissait pas grand-chose en basket, elle savait qu’une victoire collective, surtout arrachée dans la difficulté, aiderait à la cohésion d’équipe. Sans jamais être complètement rentré dans les détails, Mason lui avait confié que les relations dans le vestiaire n’étaient pas toujours lisses, pas toujours simples. Les égos, les frustrations, les espoirs… Tout cela mélangé pouvait créer un cocktail détonnant. « Je suppose que tu as des obligations. » Traditionnellement, Mason et ses coéquipiers allaient célébrer leurs victoires dans un des clubs de la ville. Elle le savait mieux que quiconque, pour les avoir déjà non-officiellement accompagnés — ou plus exactement, retrouvés ‘par hasard’ sur place. Le rythme de la soirée était souvent le même : une arrivée triomphante de l’équipe, une place réservée dans un carré VIP, de l’alcool qui coule à flot et des filles qui viennent s’agglutiner aux sportifs en espérant attirer leur attention. Ça marchait souvent, mais ça ne durait jamais tellement en longueur. L’escort-girl s’approcha du sportif, et jeta machinalement un coup d’oeil derrière elle : elle n’avait pas tellement envie de leur entrevue soit scrutée, de près ou de loin, par un des coéquipiers du basketteur. « Encore félicitations. » Murmura-t-elle, avant de se hisser sur la pointe des pieds pour déposer ses lèvres à l’orée de la commissure de celles de Mason. En d’autres circonstances, elle se serait pendue à son cou et aurait réclamé bien plus qu’un baiser chaste et délicat. Contrairement à ce que l’on pouvait croire, elle ne jouait pas avec lui : simplement, elle tâtonnait, sans savoir où étaient fixées les limites. Tout était flou avec lui. Elle avait eu le temps de s’en rendre compte, suite à leur précédente rencontre.

@Mason Bradford

.up to no good.

You sit there in your heartache, Waiting on some beautiful boy to, To save you from your old ways, You play forgiveness, Watch it now, here he comes, He doesn't look a thing like Jesus, But he talks like a gentlemen, Like you imagined when you were young.

« the last quarter time» @naomi carlson & mason bradford.

Dire qu'il n'avait pas été contrarié lors de sa précédente entrevue avec Naomi serait mentir. Il ne comprenait pas lui-même les raisons de ce sentiment qu'il éprouvait pour elle, toujours un peu plus profond que les fois précédentes, il avait néanmoins conscience que les choses n'aboutiraient jamais comme lui le voudrait pleinement - à condition déjà de connaître ses propres limites. Elle avait été claire dès le départ quant à ses potentiels clients et la place qu'ils prennent dans sa vie - sans savoir si il accepterait tout ça ne serait-ce qu'un quart de ce qu'il savait déjà, mais demeure cette liaison et cette attirance indéniable - quand bien même leur précédente entrevue s'est soldé par un échec et une moue boudeuse de sa part, préférant dormir sur son canapé que dans son lit auprès d'elle. Rare sont les occasions manqués mais de toute évidence, aurait-il le droit de prétendre davantage quand elle-même semblait désorientée et perdue ? Mason n'a jamais profité de la situation plus encore quand elle heurte dans son égo, une fierté sans aucun doute mal placée. Il n'avait jamais vu l'Escort avec ce sentiment impuissant comme ce soir-là, et n'avait pris qu'une fois de ses nouvelles depuis son départ précipité au petit matin sans attendre de réponse de sa part : ça tombe bien, puisque visiblement, elle ne comptait pas lui en donner elle aussi. C'est donc avec une conscience mise à rude épreuve que le Bradford était déjà sur le terrain, et qu'il multipliait les entraînements jusqu'à ce que son propre corps lui hurle d'arrêter. Fuir sa vie actuelle et ses problèmes pour se plonger corps et âme dans son travail, ça il sait faire avec une perfection innée. Retombant dans ses travers, oubliant pour un temps sa peine et cette solitude qui le pèse mais qu'il ne reconnaîtra jamais de vive voix. Parce qu'il est bien plus facile de paraître fort et intouchable dans ce domaine et qu'il refuse que ses sentiments ne prennent une fois de plus un ampleur démesuré. Mason préfère s'assurer de laisser loin ses souvenirs, et rien de mieux qu'un match officiel pour s'épargner quelques instants cette vie chaotique et instable dans laquelle il demeure pourtant aujourd'hui.

Ses pieds foulent le terrain déjà rempli de supporter. Brisbane se retrouve à domicile mais ce n'est probablement pas la seule qualité pour gagner un match. Et sans surprise, sa hargne sur le terrain et son esprit compétiteur finissent par payer : Mason récupère plusieurs ballons de la défensive et la plupart restent sans aucun échec de sa part : il marque des points devant une foule déchaînée, qui ne manque aucun geste de leur héros du jour - comme ça n'était pas arrivé depuis longtemps. Il a certainement repris du poil de la bête penseront les plus fervents passionnés, il veut croire que sa bonne étoile a enfin tourné. Qu'on ne lui en veut plus pour le laisser enfin autant jouer et surtout pour le revoir en haut de l'affiche. Halston a visé juste dans son nouveau poulain, un poulain qui manque pourtant de reconnaissance. Il semblerait que même si le pompier volontaire ne veut pas le remarquer, une femme de plus dans sa vie ne lui apporte que du bien dans ses propres choix et ses réelles intentions. La fin du match éveille en lui une fierté, et il admire les mains de ses partenaires qui viennent saluer celles de l'attaquant. Il lui faut du temps, beaucoup de temps pour rejoindre le couloir qui mène directement au vestiaire. Du temps pour réfléchir et se refaire la scène. Ils ne sont pas passés loin de la correctionnelle et Mason s'en serait voulu de n'avoir pas su tirer les bonnes cartes pour remporter la manche. Probablement parce qu'il refuse l'échec, parce qu'il a encore tout à prouver, être le fils d'un vieux basketteur devenu coach pour sa même équipe n'est évidemment pas le plus facile fardeau à porter, et il le savait dès le départ. Qu'on ne lui ferait aucun cadeau, qu'on serait intransigeant avec lui. Plus qu'avec n'importe quel autre sportif. Il inspire profondément cet air pur qui se trouve encore en extérieur, fixant avec attention ce qui se passe autour de lui et ses silhouettes qui disparaissent au fur et à mesure des gradins. Il ne devrait probablement plus être là mais Mason est né pour le basket. Il est né pour apprendre de ses erreurs et dans le basket, il peut au moins se targuer de retenir de ses erreurs. Pas dans sa vie sentimentale mais on ne peut pas tout avoir n'est-ce pas ? Son choix est vite fait. Il met alors un certain temps avant de quitter le terrain pour rejoindre le vestiaire. Un certain temps qui lui permet toutefois de se retrouver seul lorsque la poignée s'enclenche avec précision sous ses doigts. Seul, finalement pas autant qu'il le voudrait. Ou peut-être finalement qu'elle ne le dérange pas tant que ça, et qu'une part de lui est satisfait de la voir dans ce vestiaire. « Bonsoir, Mason. » Elle lui offre un sourire et toute son attention. Il serait mentir que de dire qu'il n'est pas surpris. Elle ne lui a finalement donné aucun signe de vie depuis plusieurs jours. Depuis qu'il lui a tourné le dos après leur précédente conversation. Naomi Carlson. Elle a toujours été là, dans la défaite comme dans les meilleurs combats. Il est forcément plus disposé à parler après une victoire et une fois n'est pas coutume : cette fois-ci avec. « Naomi ?! Que me vaut ta visite dans ce vestiaire ? » La porte se referme malgré lui après son passage comme si dans le fond, il savait qu'elle resterait. Pire encore, il aimerait qu'elle reste auprès de lui. Très vite, Mason vient ouvrir son casier pour récupérer deux ou trois affaires qui lui appartiennent. « Je tenais à te féliciter pour ton match. » Comme toujours, sa présence attire que le positif en lui et il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Pour ne pas s'en rendre compte. « C'est de bonne augure pour la suite de la saison. » Elle a sans doute raison et il peut enfin le dire à voix haute. Il peut enfin en prendre conscience malgré les difficultés qui lui reste encore à franchir. « Je suppose que c'est mieux que rien, ma nouvelle agente ne s'est pas totalement trompée. » Mason allait éveiller la curiosité de Naomi, il en était persuadé. Et même si il n'était pas encore prêt à reconnaître l'excellent boulot de Halston, il pouvait au moins en faire part devant celle qui est la plus importante à ses yeux. « Je suppose que tu as des obligations. » Il hausse les épaules, récupérant quelques affaires avant de refermer le casier. « Encore félicitations. » Il se tient droit, immobile lorsqu'elle passe à côté de lui pour s'arrêter un court instant et se mettant sur la pointe des pieds, son bisou est chaud mais ne dure que quelques secondes. Rien qui puisse la retenir de toute évidence, pour autant quand ses pieds retouchent le sol entièrement et qu'elle recule de quelques pas, bien décidée à ce qu'il poursuive sa route, Mason retient son bras de sa main. « Tu veux peut-être m'accompagner ? » Ses yeux qui se posent dans les siens et finalement dans un murmure, il vient à lui rappeler, « comme au bon vieux temps. » Un temps désormais révolu à en croire ce qu'il pense être aujourd'hui perdu à jamais. Un monde dans lequel il n'est plus sur qu'elle ait encore sa place, tout comme lui dans le sien, il ne parvient tout simplement pas à tourner la page aussi facilement et à faire comme si elle n'avait jamais compté. « Je ne compte pas m'éterniser trop longtemps. » Naomi est plutôt bien placé pour savoir qu'il suffit de sa présence au Basketteur pour s'en contenter.

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