ça n'aurait jamais du arrivé. Je n'aurais jamais du me retrouver là, assis dans ce couloir de l'hôpital militaire, le regard rivé sur les pavés à me faire un sang d'encre quant au diagnostique que le médecin de l'armée posera à Nathan Atkins. Dans un soupire, mes yeux se posent sur la veste maculée de boue et posée à côté de moi appartenant au jeune soldat et me rappelle avec douleurs la scène qui m'amène ici.

L'hiver australien cette année me semble bien plus morose que d'habitude. Peut-être est-ce aussi à cause de mon moral qui est en berne depuis le départ de Myrddin, mais j'ai l'impression que la pluie ne cesse de tomber depuis des semaines. Malgré tout, j'ai dû remplacer Cian auprès des recrues cet après midi étant donné qu'il avait une urgence auprès de sa nièce ou je ne sais quoi, je n'ai pas forcément cherché à comprendre et j'ai accepté. L'exercice du jour c'était le parcours du combattant, Sullivan ayant décrété que nos hommes devaient être prêts physiquement et mentalement quoiqu'il arrive. Que ce soit sous 45°c ou sous la pluie battante, lorsqu'il s'agit d'aller au front, la météo est imprévisible et ça ne devrait atteindre rien ni personne. Chacun ici devrait être prêt. J'ai bien essayé de me plaindre, argumentant avec le fait que le parcours est bien trop vétuste et que la pluie constante de ces derniers jours l'a rendu bien plus glissant et plus dangereux qu'il n'y paraît. Mais mon supérieur n'a rien voulut entendre, disant que c'était tant mieux et que cela accentuera la difficulté, obligeant les militaires à se concentrer d'avantage. Je n'ai donc rien pu faire d'autre que de les obligé à aller de l'avant, leur indiquant toutefois de faire attention, expliquant les différents pièges.

Et tout se passait merveilleusement bien. Les gamins était alertes, s'entre aidaient comme ils devaient, était respectueux les uns des autres et faisait bien attention sans pour autant rechigner devant la difficulté. Franchement, je n'aurais pas pu imaginer meilleure équipe et j’eus un moment de relâche. Et c'est ce moment là qui a porté préjudice à Nathan. Je suis persuadé que si j'avais été attentif jusqu'au bout je lui aurais éviter l'accident. Il n'aurait pas glissé sur la plate forme et n'aurait pas chuté sur le gravier deux mètres plus bas. Je l'ai vu qui tentait de se rattraper, j'ai accouru mais je ne l'ai que vu s'éclater au sol. Fort heureusement son sac à dos a amortie un peu sa chute, mais il est quand même rester inerte pendant quelques secondes. Je n'ai pu que reprendre ma respiration lorsqu'il a rouvert les yeux et que je l'ai obligé à rester allongé, intiment aux autres d'aller appeler de l'aide. Je n'ai jamais quitter ses côtés, restant avec lui jusqu'à ce qu'il ne soit transféré dans la salle d'opération pour une intervention d'urgence. En plus d'une fracture du fémur, il se retrouve avec une rate éclatée et une hémorragie interne qu'il faut stopper au plus vite. Rien de forcément létal tant la prise en charge a été rapide et rien qui ne laissera des séquelles sur le long terme, mais ça reste le résultat d'un moment d’inattention pour lequel je ne saurais me pardonner de si tôt.

C'est donc là, assit sur la chaise non loin de la salle d'opération que je me trouve actuellement, k-way encore dégoulinant d'humidité et chaussures boueuses aux pieds, incapable de penser correctement et ne pouvant qu'imaginer le pire pour mon petit protégé. Je n'ai même pas la force de sortir mon téléphone pour prévenir sa famille et j'ose espérer que Sullivan l'aura fait, lui.

Penché sur mes différents croquis, je cherche le moindre défaut, la moindre erreur qui pourrait m’être fatal lors de la présentation de demain. J’ai travaillé très dur pour obtenir ce stage chez un couturier renommé de Brisbane, la bataille fut acharnée pour obtenir la dernière place disponible et c’est pourtant ma création – une belle robe blanc cassé faite des broderies et de sequins – qui a attiré l’attention du créateur. Il avait souhaité me parler et après une longue réunion avec une de ses stylistes, il m’avait alors demandé de recréer cette robe, en travaillant d’avantage les détails. La dentelle s'est toujours très compliqué, il s’agit d’un travail minutieux, fait à la main. Cela m’a demandé des heures et des heures de travail pour arriver à un prototype bien plus élaboré, mais il a aimé mon travail et souhaite désormais me tester sur d’autres idées. D’où l’importance des croquis qui s’étale un peu de partout autour de moi. Il y a des créations que j’ai présenté lors de ma dernière année d’Université, quelques croquis que je n’avais jamais su finir, mais qui ont fini par m’inspirer. Tout est préparé, je me dois juste de revenir travailler les derniers détails, mais j’ai un mal fou à me concentrer. Depuis un peu plus d’une heure, j’ai la sensation d’avoir la nausée, un mal de crâne perçant s’installe sous mon cuir chevelu, quelque chose ne va pas. Mais bien trop plongée dans mon travail, je n’entends pas mon téléphone sonner la première fois, ni la deuxième. C’est lorsque la sonnerie retentie pour la troisième fois, en moins de cinq minutes, que je me mets à chercher mon mobile de partout. Je le retrouve sous une chute de tissu et m’empresse de répondre lorsque je vois le prénom de mon frère sur l’écran. « Nate, je travaille là. » J’entends un raclement de gorge suivi d’une voix qui n’est pas du tout, celle de mon frère. « Euh… Salut Shiloh, c’est Andrew. » Andrew. Un des amis de mon frère à la base militaire, sa voix semble tremblotants et n’indique absolument rien de bon. « Qu’est-ce qui se passe ? » « Euh… Nathan a eu un petit accident, il est à l’hôpital. » Je l’entends à peine me décrire le reste de la situation. Derrière lui résonne une voix grave d’un certain Sullivan qui insiste pour me parler. Il me demande de prévenir mes parents lorsque je lui hurle de me dire où est mon frère. S’ensuit une conversation surréaliste où je finis par lui gueuler le numéro de maman avant de raccrocher. Mon cœur bat si vite que j’ai la sensation que je vais m’évanouir dans la seconde. Je tourne en rond sur moi-même avant d’appeler un taxi.

Le trajet jusqu’à l’hôpital militaire me semble durer une éternité, j’ai mal de partout et surtout ce besoin vital de voir mon frère. On me dépose six cent mètres trop loin, je cours sous la pluie battante sans réaliser que je suis trempée, mes converses abîmées par les années glissent sur l’asphalte lorsque je dérape pour monter les escaliers. On me refuse d’abord l’entrée, mais je crie si fort qu’un homme me conduit dans ce qui me semble être une salle d’attente. Et là plus rien. Juste le silence et cet homme assis dans un coin. Cet homme que je finis par reconnaître comme étant le supérieur de Nathan. « VOUS ! » Mes mains tremblantes cherchent à le pousser, mais mon manque de force ne fait rien contre un tas de muscle comme lui. « C’est à cause de vous tout ça ! » Il prendra ma colère et ma peur en pleine face, tant pis pour lui. « Nathan vous fait tellement confiance ! SI JE PERDS MON FRÈRE À CAUSE DE VOUS ! » Et cette fois, je le pousse assez fort pour le faire changer de chaise. « Il est où ? Il a quoi ?! » Il ne cesse de me regarder sans rien dire et je perds patience. « Mais répondez putain !! »

Je me sens minable et démunie, je ne sais pas quoi faire ni quoi penser. Le regard fixé sur les dalles de carrelage face à moi, je suis incapable de bouger, mon cerveau aussi engourdie que mes doigts qui tremblent. Le froid s'est installé dans la pièce, transperçant les mailles de mes habits et faisant couler des vagues froides dans mon dos, tétanisant mes muscles. Lèvres pincés, j'essaie de rester le plus impassible possible, mais c'est trop dur. Je tiens tellement à ce gamin, autant qu'à mes propres enfants. Dès son arrivé, je me suis juré de le pousser physiquement et mentalement pour qu'il parvienne à exploiter tout son potentiel possible et je me suis tout de suite attaché à lui. Ce garçon, sous sa carapace incertaine, est incroyable, talentueux et altruiste, il possède une force de caractère et un courage inégalable. Il n'est peut-être pas le plus musclé, il n'est sans doute pas le plus fort, il ne parvient pas à faire plus de 20 pompes à la suite, n'arrive à atteindre que le milieu de la corde, mais il se donne à fond et il travail sur lui. Je sais que dans le fond il en est capable, qu'il réussira sa carrière avec brio et merveille.

La porte qui s'ouvre de la salle d'attente me fait tressaillir et je lève mon visage, mon regard se posant sur Shiloh Atkins, la sœur jumelle de Nathan. Je ne la connais pas vraiment, mais je l'ai déjà vu quelque fois devant la caserne lorsqu'elle venait chercher son frère. Leur ressemblance est frappante, même lorsqu'elle est là, les traits tordus par une colère et une inquiétude que je ne comprends que trop bien. Toutefois, je n'ai que le temps de me redresser que déjà elle se jette sur moi, me pousse et me hurle dessus. Je suis incapable de soutenir son regard alors qu'elle déverse des monstruosités sur moi, rejetant toute la faute sur moi. Je déglutis difficilement et ferme un instant les yeux alors qu'elle continue de hurler et à me pousser avant de réitérer ses questions, me demande où il est et ce qu'il a.

 « Il est dans la salle d'opération numéro 3, c'est le Dr. Saad qui est entrain de l'opérer. Je me suis assuré que seul le meilleur des chirurgiens ici ne le touche» soufflais-je d'une voix rauque avant de toussoter et prendre une inspiration en relevant mon regard Shiloh  «Il a une fracture du fémur et ils sont entrain de lui retirer sa rate pour stopper une hémorragie interne » continuais-je d'expliquer, bataillant pour rester calme [color=darkblue] « Son pronostic vital n'est pas engagé, il va bien, il est stable. Il a été prit en charge à temps »[/ color] lui assurais-je.

 « C'était un accident. Une faute d’inattention sur le parcours du combattant » reprenais-je après quelques secondes de silence  «Je leur ai pourtant dit et répéter je ne sais combien de fois de faire attention à cette plate forme » je pince les lèvres et secoue la tête, baissant à nouveau le regard.

C'est une peur panique qui me tord le ventre alors que j'arrive dans cette salle d'attente où je ne trouverais que le supérieur de mon frère. Il est si pâle que je pourrais m'en évanouir. Un homme de sa prestance ne devrait pas sembler si inquiet s'il ne s'agissait que d'un bête accident, pas vrai ? Un million de questions me passe en tête alors que nul part, je n'aperçois la silhouette rassurante de mon jumeau. Tremblante comme jamais je m'avance vers le militaire, incapable de contenir mes émotions qui lui explosent alors en pleine figure. Je ne me reconnais pas à crier comme cela, mais c'est bel et bien la première fois qu'il arrive quelque chose à Nathan alors que je ne suis pas avec lui. Ma réaction est surréaliste autant que la peur que je ressens à cet instant précis. Je me sens malade comme complètement connecter au fait que mon frère va mal et dans l'incapacité totale de pouvoir agir afin de le soulager. Alors, c'est l'homme en face de moi qui reçoit toute cette incompréhension étrangement traduite dans des cris et des coups.

« Il est dans la salle d'opération numéro 3, c'est le Dr. Saad qui est en train de l'opérer. Je me suis assuré que seul le meilleur des chirurgiens ici ne le touche. » Le ton calme qu'il emploie jure avec son air triste, mais a finalement le don de me calmer net. Encore tremblante comme une feuille, je fixe l'homme face à moi. « Il se fait opérer ? » En rien, l'idée de savoir mon frère seul sur une table d'opération me rassure et il va devoir m'en dire plus. « Il a une fracture du fémur et ils sont en train de lui retirer sa rate pour stopper une hémorragie interne. Son pronostic vital n'est pas engagé, il va bien, il est stable. Il a été pris en charge à temps. » Je n'enregistre que la moitié de ses paroles, m'arrête lorsqu'il parle de retirer un organe. « Mais... Il... Il va pouvoir vivre sans sa rate ? » Et soudainement, je ne suis plus que cette jeune femme de 22 ans qui ne connaît trop rien des dangers de la vie. Il a parlé de fracturer aussi, je crois, je ne sais plus vraiment. Tout ce qui m'importe, c'est de savoir mon frère hors de danger. « Je peux pas le perdre... » que je bégaye les larmes aux yeux. « Je saurais pas faire sans lui. »[/color] Non, je serais incapable de fonctionner sans ma moitié.

« C'était un accident. Une faute d’inattention sur le parcours du combattant. » Et sa remarque m'énerve autant qu'il cherche à se rassurer en la formulant. « Sous cette pluie battante ça vous est pas venu à l'idée que ça pouvait être dangereux?! » Vraiment tous des décérébrer ces militaires, tout dans les muscles et vraiment rien dans la tête, je me demande encore ce que Nathan aime tant dans cette formation à la noix. « Je leur ai pourtant dit et répéter je ne sais combien de fois de faire attention à cette plate forme. » « Putain, mais mon frère c'est pas mettre un pied devant l'autre sans tomber... » que je réponds avec force malgré que mon corps semble encore trembler comme une feuille. Il est bon en sport Nathan, il l'a toujours été, mais clairement niveau équilibre parfois, on repassera. « Je jure si j'apprends que c'est l'autre abrutit qu'il l'a poussé, je le tue. » Et je me fiche que je sois en train d'adresser la parole à un gradé, Nathan m'a parler de cet autre soldat qui lui cherche des noises et j'enrage dessus depuis des semaines déjà. « De toute façon, c'est terminé les conneries ! » Je vais me battre avec lui s'il faut, mais l'armée c'est stop. Et je crois que j'ai la tête qui tourne...

Je comprends le désarroi de la jeune Atkins, bien plus qu'elle ne pourrait l'imaginer. J'ai moi même déjà souvent réagit avec la panique lorsqu'il s'agissait de mes frères ou ma sœur, alors je la laisse faire. Je la laisse me gueuler dessus, la laisse me pousser alors que je tente de rester calme et de ne pas perdre la face. Dans le fond, toutefois, c'est la tempête émotionnelle qui fait rage. Toutefois, je remercie mon entraînement militaire et ma rigueur envers et contre tout qui me procurent un mental d'acier et un sang froid en toutes circonstances, permettant à mon cerveau de continuer à réfléchir malgré tout. C'est donc avec automatisme que j'hoche la tête lorsqu'elle demande si Nate va pouvoir vivre sans cet organe qu'on est entrain de lui retirer puis lui adresse un sourire compatissant

 «Tu ne le perdras pas  » assurais-je en me levant, posant une main douce sur son épaule  «Les médecins sont très confiant, il n' a aucun antécédents médical qui pourraient le mettre à risque.Et puis il a une force de caractère incroyable, c'est un battant. Il ne va pas abandonner de si tôt » un petit sourire fier s'affiche sur mon visage  «Tu ne le perdras pas » je lui en fais la promesse solennelle.

Ça aurait pu bien finir, notre conversation aurait pu se finir là, mais je me sens obligé de lui fournir d'autre explications ce qui la refait partir au quart de tour.  « On ne peut pas toujours tout prévoir. C'était dangereux oui, mais nous faisons un métier dangereux» vaut mieux qu'il soit blessé là à l'entrainement qu'il ne meurt au front allais-je ajouter à haute voix, avant de me raviser, me doutant fortement que parler de mort n'est pas la chose à faire maintenant  «C'est l'argument de mon supérieur. Si ça ne me concernait que moi, je n'aurais pas envoyé les gamins sur ce parcours là » assurais-je  « Mais ce qui est fait est fait» il ne sert à rien de parler encore et encore de ce qui aurait pu arrivé, de ce que j'aurais pu faire de plus. Ressasser le passé n'est jamais bon de toute manière.

Et finalement, la mini Atkins commence à s'en prendre à son frère, ce qui me fait, moi, réagir au quart de tout  «Ton frère est bien plus fort que ce que tu ne penses » répondais-je du tac au tac  « Il le connaît ce parcours, ce n'était pas la première fois que je le lui faisais faire. Il est toujours prudent et il n'a jamais fait de faux pas avant ça. » expliquais-je plus calmement avant d'arquer un sourcil et laisser échapper un rire moqueur lorsque Shiloh dit que de toute manière l'armée s'est fini pour son frère  «Ah ben bon courage pour le lui faire comprendre hein » dis-je avec ironie avant de me redresser et reprendre contenance  «Plus sérieusement, tu sais aussi bien que moi qu'il a mit énormément de temps pour trouver sa voie » car Nathan il me parle, il m'a raconté toute sa vie  « Si tu lui enlève l'armée, il lui reste quoi ? L'art, ok, mais est-ce que tu crois réellement qu'après ces années parmi nous il aimerait se retrouver assit toute la journée à dessiner ? Il lui faut un métier qui bouge, un métier où il peut montrer ce qu'il vaut physiquement et mentalement, un métier qui allie passion et action. Ça lui briserait le cœur de devoir quitter l'armée» j'hausse les épaules en me réinstallant  «De toute manière, il s'est engagé pour 10 ans. Sauf cas de force majeur, l'armée ne le laissera pas partir.»

C'est bien la première fois que mon frère se retrouve à l'hôpital autre que pour un bras cassé et cette sensation de déchirure qui me brûle la poitrine ne cesse de me rappeler à quel point, on peut être connecté tous les deux. J'ai ce besoin viscéral de le voir, mais tout m'en empêche. Alors je tente de me raccrocher aux paroles de son supérieur, lui qui se veut rassurant malgré la tête qu'il ne cesse de tirer depuis mon arrivée. « Tu ne le perdras pas » C'est un rire nerveux empli de sanglots que je lui adresse, croisant alors son regard. « Il vaut mieux pour vous. » Elle n'est pas en l'air cette menace, il vaut vraiment mieux pour lui que mon frère s'en sorte indemne, car je ne sais de quoi je serais capable sinon. Je préfère ne pas y songer, me concentrer sur le fait que l'opération va bien se dérouler, que Nathan va s'en sortir et qu'il aura simplement besoin de se reposer pendant un moment. De toute façon, il en a bien besoin, je le sentais tellement fatigué ces derniers temps lorsque je l'avais au téléphone. J'aimerais qu'il puisse faire une vraie pause, qu'il prenne un peu de temps pour lui au lieu de foncer tête baissé pour satisfaire cet homme qu'il admire tant. Je voudrais comprendre, mais les propos de l'Amiral ne cessent de jouer avec mes nerfs. Il ne connaît que le Atkins gentil et docile, celui qui n'ose jamais trop se faire remarquer et désormais, il va découvrir l'autre moitié, celle qui a bien moins le temps de faire des rondes de jambe pour la bienséance. « Ton frère est bien plus fort que ce que tu ne penses. » Et déjà il n'a rien compris, jamais je n'ai sous-estimé les capacités de mon frère, j'estime simplement qu'il pourrait les mettre à profit autrement. Dans quelque chose de bien moins dangereux et qui ne l'éloignera pas de moi. « Ah ben bon courage pour le lui faire comprendre hein. » Sa réplique m'irrite autant par le ton employé que parce qu'il a parfaitement raison, Nathan ne m'écoutera pas, on c'est déjà assez disputer à ce sujet. « Plus sérieusement, tu sais aussi bien que moi qu'il a mis énormément de temps pour trouver sa voie. Si tu lui enlèves l'armée, il lui reste quoi ? L'art, ok, mais est-ce que tu crois réellement qu'après ces années parmi nous, il aimerait se retrouver assis toute la journée à dessiner ? » « Avec tout le respect que je vous dois, une année parmi vous, ne fait pas de lui un soldat par passion. » Par dépit certes, mais certainement pas par passion. « De toute manière, il s'est engagé pour 10 ans. Sauf cas de force majeure, l'armée ne le laissera pas partir. » « Ça vous arrange bien ça, hein. » Il n'est personne pour me dire ce dont mon frère a besoin.

Un silence s'étire alors que je repense à ce qu'il vient de dire. Je sais que Nathan pense avoir trouvé sa voie, je sais que malgré ce connard qui le cherche constamment, il aime ce qu'il fait, il aime apprendre et il aime les règles. Je le sais. Ça n'empêche que ma peur me transforme en cette fille égoïste qui voudrait garder son frère auprès d'elle pour toujours. « Vous avez des frères et sœurs monsieur ? » que je demande alors bien plus timidement, incapable de me rappeler de son nom alors qu'il est pourtant brodé sur sa veste, là juste sous mon nez. « Nathan... C'est pas juste mon frère. Il est mon jumeau, avant même de naître, il était déjà à côté de moi, tout le temps. Il est l'autre moitié de moi. » Je peine à trouver mes mots pour lui présenter quelque chose qui me semble si logique en réalité. « Je me suis sentie pas bien toute l'après-midi et maintenant, il est là en train de se faire opérer et j'ai ce poids sur la poitrine qui ne partira pas tant que je ne l'aurais pas vu. » J'ai besoin de le retrouver maintenant. « Alors, je sais qu'il aime ce qu'il fait, mais tout ça, ça nous éloigne et j'étais pas préparé à ça, pas préparer à ce qu'il mette sa vie en danger non plus. »

Je ne réponds pas aux piques de la jeune femme, je les ignore même. A quoi bon de toute manière ? Si j'envenime la situation, elle ne se calmera jamais. Alors je la laisse me couper la parole -même si, avouons-le, c'est quelque chose que je déteste par dessus tout- et continue mes explication comme si de rien n'était. Elle ne réagit qu'en me disant qu'une année parmi nous ne fait pas de lui un soldat, sujet sur lequel elle se trompe sur toute la ligne et que ça nous arrange bien, nous, l'armée, de le garder pendant dix ans.

Je laisse le silence s'installer et c'est sur un ton bien plus calme que Shiloh reprend la parole, me demandant si j'ai des frères et sœurs. Un doux sourire vient s'afficher sur mes lèvres alors que je hoche la tête prêt à lui répondre, mais elle continue, disant que Nathan est son jumeau et que depuis le début de leur conception, ils étaient là, ensemble, l'un sur l'autre. Mon regard se fait plus compatissant, plus compréhensif encore, lorsqu'elle m'avoue enfin le fond de sa peine.

 «Je ne te comprends que trop bien Shiloh » dis-je avec toute la sincérité du monde, posant mes yeux sur elle  « L'armée est un milieu rude, la guerre est quelque chose d'horrible. Aucun soldat que je ne connaisse ne cautionne la guerre et pourtant ils mettent leur vie en jeu» je prends une profonde inspiration, refoulant les images de mon frère tombé au combat avant de m'humecter les lèvres et reprendre  «Si ça peut te rassurer, en tant que marin, Nathan sera jamais en première ligne. En général on nous demande d'accompagner les soldats de l'armée de terre pour les approcher le plus possible des terres, mais nous avons toujours une certaine distance de sécurité. Sauf si l'armée de l'air décide d'attaquer par le ciels. »

Je pince les lèvres  « Tu sais, j'avais 4 frères et 1 soeur» le fait que je parle au passé devrait déjà mettre la puce à l'oreille de la jeune femme  «Un frère est décédé, son jumeau est toujours parmi nous.  » je lance un coup d'oeil vers la jeune femme  «Ian est tombé au combat le 12 décembre 2012. Et même 8 ans après la douleur est toujours présente, que ce soit pour moi, Sam, Ezra, James ou Kate » je me racle la gorge  « Il y a des risques dans tous les métiers, la vie est un risque en elle-même. L'entraînement par lequel passe Nathan est justement prévu pour palier à ces risques. On les entraîne pour affiner leur corps et leur esprit, pour qu'ils réussissent à prendre rapidement les bonnes décisions et suivre les ordres qui ne sont là que pour les protéger.» je soupire doucement et déglutis  «Crois moi, ce n'était pas voulut. Je tiens énormément à Nathan et ça me rend malade de savoir qu'il est là, dans la salle d'opération alors qu'il était sous ma surveillance. » je met mes émotions à nues face à Shiloh, je lui offre une porte d'entrée pour me critiquer et me traiter de tous les noms. Elle en fait ce qu'elle veut.

Si la première émotion qui m’a submergé fut la peur sous couvert d’une colère incontrôlable, désormais, c’est simplement la peur qui prend le dessus. Celle qui me tord le ventre et qui provoque des sanglots que je ne saurais contrôler. Tout va trop vite dans mon esprit, je saute sur des conclusions qui n’ont pas lieu d’être et c’est le militaire qui reçoit les coups les uns après les autres. En réalité, je suis tout simplement terroriser pour mon frère. Effrayée à l’idée de le perdre ou même de le voir sombrer, car une fois encore ce chemin de carrière qu’il s’était choisi lui échappe. Comme pour m’excuser, je tente de m’expliquer auprès de l’homme toujours assis à mes côtés. Je lui parle de ma relation avec Nathan et il semble peu à peu se détendre. « Je ne te comprends que trop bien Shiloh. » C’est un véritable soupire de soulagement qui s’empare de moi alors que je finis par me tourner complètement vers l’homme en uniforme pour l’écouter avec attention. Le fait qu’il évoque la guerre me provoque un véritable frisson, bien incapable d’imaginer mon frère sur un champ de bataille. Il tente de me rassurer en me parlant du rôle la marine, mais je reste bloqué sur l’idée même qu’un jour mon frère sera en première ligne pour défendre notre pays. « Il… Il va faire quoi exactement, Nathan ? » Butée comme je l’étais, je n’ai jamais réellement voulu m’intéresser au statut que mon jumeau vise au sein de l’armée. Aujourd’hui, je prends conscience que c’était une erreur de ne pas m’intéresser à cette carrière qui semble être devenue une véritable vocation pour mon frère.

Je ne sais pas s’il tente de me rassurer ou de m’effrayer à jamais, mais le militaire me parle alors de sa propre famille. « Un frère est décédé, son jumeau est toujours parmi nous. » « Mon dieu… » que je murmure ne pouvant imaginer le cauchemar que son frère doit vivre depuis tout ce temps. Perdre un jumeau ce n’est pas juste perdre un membre de sa famille, c’est perdre une partie de soi, la meilleure qui soit. Finalement, il évoque le but des entraînements, le fait que Nathan va devoir apprendre à écouter les ordres, mais surtout son corps pour se faire pleinement confiance sur le terrain. Rien de tout cela ne me rassure réellement, mais j’entends et je comprends les paroles de cet homme qui semble plus passionné que jamais. « Crois-moi, ce n'était pas voulu. Je tiens énormément à Nathan et ça me rend malade de savoir qu'il est là, dans la salle d'opération alors qu'il était sous ma surveillance. » Un soupire m’échappe alors que je relève les yeux vers lui. « Nathan vous fait confiance. » Il m’en a parlé souvent. Je me doute que cet homme n’est autre que Thomas Beauregard celui par qui Nathan ne cesse de jurer. « Il vous admire beaucoup, vous et un certain Atwood, je crois. » Un peu gelée par le vide de cette pièce, je rabats mes jambes contre ma poitrine et pose mon menton sur le haut de mes genoux. « Vous ferez attention à lui ? » que je demande sans même me soucier du grade de l’homme à mes côtés. « Il a trop galéré, Nathan et maintenant y a ce gars qui s’en prend à lui. » Et maintenant cet accident et soudain, je réalise. « Il va devoir rester en convalescence à la base ?! »

Ce serait mentir si je disais que je ne comprenais pas la réaction de la jeune Atkins. Bien au contraire, je ne peux que trop bien imaginer la panique qu'elle a pu ressentir, étant moi-même déjà passer par ce stade là. Avec 3 frères et une sœur dont trois qui étaient dans l'armée, il va de soit que les allez/retours entre les différents hôpitaux étaient relativement nombreux. Et en tant qu'aîné, je dois avouer que je m'inquiète tous les jours pour mes cadets, peu importe où ils sont ou ce qu'il font, j'ai toujours peur que quelque chose leur arrive. Avec le temps j'ai appris à gérer cette peur, mais fut un temps, quand j'avais l'âge de Shiloh et Nathan j'étais bien plus prône à la panique qu'actuellement.

C'est donc naturellement que je parle avec calme et tranquillité, sachant pertinemment qu'il ne sert à rien de m'énerver ou de surenchérir, ça n'aura que l'effet inverse. Ainsi donc, je permet à la jeune femme de se calmer d'elle même et une fois que le premier ressentiment passé, elle parvient à poser ses idées plus facilement et c'est un plaisir non dissimuler que je m'adonne à quelques explications concernant le futur métier de mon apprentis

 « Il va être les yeux bateau, en gros» expliquais-je en me redressant  «Son but à lui c'est qu'à chaque quart de garde il doit pouvoir dire où se trouve le navire sur le globe terrestre et ce que au centimètre près » je pose mon regard sur Shiloh  «C'est un métier d'une haute importance car sans le navigateur timonier le capitaine ne peut ni sortir du port ni amarrer et serait très vite perdu en mer » un doux sourire vient enjouer mes lèvres  « C'est mon métier actuellement et j'ai déjà formé pas mal de recrues qui pourront un jour prendre ma place» haussais-je les épaules  «Donc, voilà. Nathan c'est mon 5e apprentie je pense, mais c'est aussi le meilleur et celui qui, je le sais, ira vraiment loin dans sa carrière. Il en a les capacités physiques et mentales. »

Je lui parle ensuite ouvertement de la dangerosité de notre métier et du fait que j'ai déjà perdu un frère, décédé sur le terrain, avant de reprendre rapidement mon explication sur combien j'adore son frère. Dans un soupire, Shiloh me dit qu'elle ne sait que trop bien combien Nathan m'admire, moi et Cian. A l'évocation du nom de ce dernier je baisse un instant le regard en souriant avant de secouer la tête lorsqu'elle reprend. Toutefois, mes sourcils se fronce en l'entendant évoquer Louis, celui qui s'en prend à Nathan.  «Louis Walsh » soufflais-je en hochant le tête  « Leur relation à Nathan et a lui ressemble énormément celle que j'entretenais avec Cian» j'incline légèrement la tête sur le côté  «Atwood, comme tu l'a dit » précisais-je  « On se détestait tellement longtemps et d'une force incroyable. Il ne se passait pas un cours sans qu'on ne se prenne la tête, que ce soit physiquement ou seulement verbalement, nous avons, comme Louis et Nathan, bien souvent laisser jouer nos poings.» j'hausse les épaules  « Et maintenant ...nous sommes meilleur ami depuis plus de vingts ans déjà !» reprenais-je  « Nous nous sommes tout les deux rendu compte combien nous étions complémentaire tous les deux, mais nous avons du passé par le stade d'un stage commando ensemble» je pince les lèvres, lançant un coup d'oeil vers la salle d'opération  « Avec Cian, justement, on venait tout juste de décidé qu'on ferait de même avec Louis et Nathan pour leur prochain stage, mais ...Nathan va pas pouvoir le faire» je laisse échapper un petit soupire avant de reporter mon attention sur Shiloh.

 «Je ferais attention à lui, promis » et une promesse de contre amiral ça ne se brise pas aussi facilement  «Et non, il ne sera pas obligé de rester à la base. Il pourra rentrer à la maison s'il le souhaite  » lui assurais-je bien que ça me brise un peu le cœur de ne pas pouvoir garder un œil sur mon protéger.

« Il va être les yeux bateau, en gros. » Mon regard se lève pour croiser celui de l’homme assis à mes côtés. Dans une douceur infinie, l’Amiral Beauregard prend tout le temps du monde pour m’expliquer de manière claire et précise en quoi consiste le métier de mon frère jumeau. « C'est un métier d'une haute importance, car sans le navigateur timonier le capitaine ne peut ni sortir du port ni amarrer et serait très vite perdu en mer. » Je hoche la tête tentant – tant bien que mal – de comprendre tout ce qu’est en train de m’expliquer le militaire. Nathan a un rôle important, mais loin des premières lignes et déjà mon cœur semble bien plus rassurer. Il m’explique encore un peu plus, me parle de ceux qu’il a formé et de l’intérêt qu’amène Nate dans sa formation. « Donc, voilà. Nathan c'est mon 5e apprentie je pense, mais c'est aussi le meilleur et celui qui, je le sais, ira vraiment loin dans sa carrière. Il en a les capacités physiques et mentales. » Je hoche la tête, souriant malgré les quelques larmes qui restent nicher dans le coin de mes yeux. « C’est une force de la nature Nate. » que j’assure fermement. À mes yeux, personne ne peut-être meilleure que mon frère. « Il avait jamais pris le temps de m’expliquer tout ça. » que je murmure doucement. « Ou j’ai jamais pris le temps de l’écouter. » C’est peut-être cela le problème dans le fond. Je ne voulais pas vraiment écouter, je me cachais derrière ma peur.

Il est d’une patience infinie le brun, quand par la suite, il prend également le temps de m’expliquer la relation que mon frère entretien avec ce fameux Louis. Il m’en a parler un peu Nathan, enfin pas tellement dans le fond. Juste du fait qu’il y avait des tensions avec un autre soldat, mais rien de plus. Le militaire me parle de sa propre relation avec son meilleur ami et je ris un peu. « Pas sûr que Nate est vraiment envie de devenir ami avec ce fameux Louis. » Qu’importe ce qu’ils pourront pas manigancer. « Vous savez, on l’a déjà assez emmerdé comme ça mon frère. » je ne voudrais pas qu’on le force à faire quelque chose dont il n’a pas envie pour une quelconque histoire de cohésion de groupe.

« Je ferais attention à lui, promis. » Tout dans son ton m’apparaît sincère, alors je hoche la tête et lui sourit quelque peu. « Merci Monsieur. » Je ne suis toujours pas une grande fan de l’armée, mais il m’as quelque peu réconcilier avec le chemin qu’a choisi d’emprunter mon frère. « Et non, il ne sera pas obligé de rester à la base. Il pourra rentrer à la maison s'il le souhaite. » « Tant mieux, je vais pouvoir le chouchouter un peu. » Autrement dit ne jamais quitter son chevet, lui faire tous les repas qu’il aime et regarde tout ses films préférés même ceux que je jure à chaque fois ne pas aimer. Et alors, que je reprends mon souffle, un médecin s’approche de nous. Son visage est fermé et je recommencer à flipper. « Comment il va ? »