@Flora Constantine

(s. hill → queensland police) Dans la voiture, sa jambe bouge nerveusement et son index par-dessus sa cuisse en fait de même. Il est en tort mais pas aux yeux de la justice, du moins pas totalement, mais il ne peut pas s’empêcher de penser qu’il existe un monde dans lequel il est celui qui se fait punir pour tous les maux du monde. Pire encore, il craint que l’influence de Saül Williams s’étende jusqu’à la justice et qu’on lui rigole au nez, là-bas, au poste de police où il ne souhaite pourtant que déposer plainte. Que. Il a longtemps repoussé l’idée, il s’est longtemps caché dans son quotidien en estimant qu’avoir fait paraître un premier article puis, rapidement, un second, était suffisant. Il a voulu y croire, jusqu’à ce que ses proches lui fassent enfin comprendre qu’il était dans le tort. Il ne peut pas se contenter de pointer Saül du doigt parce qu’il est méchant alors qu’il est surtout un homme qui mériterait de se retrouver derrière les barreaux, pour ce qu’il a fait subir à autrui autant que pour des histoires de corruption. Il a joué et s’est brûlé à bien des niveaux: Ambrose apporte la lumière sur l’un d’eux seulement. Et il fait bien. Il a eu besoin de temps pour le comprendre, mais il fait bien.

« Merci de t’être proposée. » Ils l’ont tous fait à leur façon, la fratrie autant que James, et il les remercie tous pour cela. Mais pour l’heure, il est auprès de Flora et c’est donc à elle qu’il dédie ses mots, la ceinture de la place du passager semblant presque l’étouffer. Il a perdu de sa superbe à la seconde où il est rentré dans la voiture, sans que ce ne soit une surprise. « J’étais pas encore certain d’aller au bout y’a cinq minutes, mais je voulais pas te faire perdre ton temps. » Alors cela l’a poussé à se mettre deux claues (littéralement) et à prendre sur lui-même pour enfin accepter l’idée qu’il est capable d’aller au bout des choses. Il en a la force, il en a le courage et, surtout, il en a la détermination. « Je suis désolé de te mêler à tout ça. Toi et les autres, d’ailleurs. » Il est désolé de leur avoir imposé cette annonce dans un article, tout comme il est désolé d’avoir annoncé ses fiançailles d’une façon tout aussi pathétique. Ils ne savent pas que les deux sont liés et tant mieux, mais pour Ambrose cela ne fait qu’ajouter une pincée de culpabilité à un plat qui en déborde déjà depuis longtemps. « Avec le recul, je me dis qu’on a vraiment pas assez profité de ce road trip ensemble. » Il avoue dans un rire timide, mais qui a au moins le mérite d’exister. Ce voyage en voiture avec sa sœur était le bon temps et il a l’impression que tout remonte à des années en arrirèe alors que cela ne se compte qu’en mois. Qu’importe. Il aimerait remonter le temps pour retrouver l’insouciance qu’était la sienne à ce moment-là.

« Ne le sois pas, s'il te plaît. » Elle lui demande de ne pas la remercier et elle lui demande de ne pas être désolé non plus, ce qui pousse Ambrose à serrer les lèvres et imposer un certain silence entre eux. Il fait de son mieux, évidemment, mais rien n’est simple d’un côté comme de l’autre et il voudrait lui faire comprendre qu’il fait lui aussi de son mieux aujourd’hui, à défaut d’avoir su le faire à l’époque. Maintenant qu’il ramasse les pots cassés, il se rend compte de son erreur. Il y a au moins un point sur lequel ils s’accordent tous les deux sans mal, c’est qu’ils n’ont pas assez su profiter des moments de vie passés ensemble. « Non, c'est clair. » Flora sourit et il s’autorise donc à en faire de même. Ce road trip est un bon souvenir, à n’en pas douter. S’il pouvait remonter le temps et choisir un jour sur lequel s’arrêter, celui-ci ferait partie de la liste, à n’en pas douter. « On devrait réitérer. Pour ce que ça vaut, pour le bien que ça nous apporterait - j'ai plus de temps libre que je n'en ai jamais eu. » Mais face à cette seconde remarque, il ne pense pas un seul instant à sourire, et encore moins à s’en réjouir. « Il fait moins chaud mais c'est pas comme si on allait passer tout notre temps à barboter. » Elle continue et parle seule d’un sujet qu’il a pourtant été le premier à lancer. Maintenant, l’attention du brun a été déviée ailleurs, et le sujet lui importe trop pour qu’il fasse semblant de rien et passer à autre chose.

« Tu me le dirais s’il s’était passé quelque chose avec James ? » Qu’elle quitte Weatherton du jour au lendemain est une véritable surprise mais, après tout, il est sûrement le seul de la fratrie Constantine à entretenir une relation aussi fusionnelle avec leur aîné. Pour tous les autres, cela va avec son lot de hauts et de bas. « Ou avec Norman ? » Il est déjà à peu près certain que non puisque leur oncle n’est pas celui qui a donné ce caractère de feu à James, mais il mime néanmoins d’être totalement perdu au milieu de ses suppositions. Tout ce qu’il cherche, en réalité, c’est un début de réponse sur lequel trouver le moyen de s’appuyer pour faire en sorte que toute la famille ne vole pas en éclats. Il nourrit déjà l’impression d’en avoir fait assez, il ne veut pas que la faille s’étende plus loin encore. Personne ne sait pour leur père pour le moment encore ; ils doivent au moins rester unis jusque-là, puisqu’il craint qu’après cette annonce les choses ne puissent plus jamais être pareilles. « Pas que je serais pas le premier à sauter de joie si on pouvait repartir juste tous les deux, mais je sais à quel point t’aimais ton travail. » Ce serait comme s’il annonçait du jour au lendemain ne plus suivre Camil et remballer tous ses arguments politiques: cela ne ferait aucun sens et, surtout, cela inquiéterait le plus grand nombre. C’est exactement ce qu’il est en train de se passer pour sa grande sœur, dont il a l’impression de voir faiblir la flamme un peu plus à chaque jour écoulé. De toute évidence, ce n’est pas un constat pour lui plaire, et bien loin de là. Surtout, penser à Flora lui permet de ne pas penser aux prochaines minutes et heures, ce qui a tout pour l’arranger.

L’ambiance est pesante dans la voiture et il ne sait pas quoi penser, Rose. Il a envie de sortir de là pour respirer un peu d’air nouveau, mais il sait que s’il le fait alors ça sera aussi synonyme d’entrer dans le poste de police. Il échangerait la peste pour le choléra, à la seule différence qu’il refuse de qualifier sa propre sœur comme la peste. Il comprend bien que Flora est hésitante de son côté aussi et qu’elle ne passe pas une bonne période de son existence. Simplement, Rose aurait aimé être capable de mieux le comprendre, pour mieux l’appréhender et pour mieux être présent pour elle plutôt que de subir l’arrivée successives des mauvaises nouvelles, une fois que le mal a été fait. « J’ai pris la décision de démissionner. Moi-même, seule, sans que personne ne me donne son avis ou ne m’y encourage. » Il fait de son mieux pour garder son regard posé sur la route parce qu’il ne veut pas imposer ses prunelles interrogatoires à Flora. Il n’en pense pourtant pas moins, bien incapable de comprendre comment elle a pu passer d’une jeune femme pleine de rêves et d’ambitions à celle qui démissionne d’un métier pour lesquels beaucoup seraient prêts à tuer. « James n’a rien fait, c’est moi et moi seule. Ça va nous deux, c'est promis. » Il hoche la tête, voulant plus que jamais croire en ce mensonge. Tout va déjà bien trop mal dans sa vie pour qu’il observe en plus de ça sa famille se déchirer. James et Flora font partie des personnes qu’il aime le plus en ce monde et les savoir en froid le rendrait réellement malade. « C’est juste que… j’y serais jamais arrivée. Si j’aurais dû réussir dans le milieu, à mon âge, ça aurait déjà été le cas. J’ai juste eu une prise de conscience. » Elle répond à la question qu’il gardait encore au fond de sa gorge et lui en est reconnaissant. Ambrose n’est généralement pas un partisan du moindre effort mais il faut bien avouer que le contexte présent est particulièrement différent, comme le prouve le stress montant en lui malgré la discussion aidant au moins à le distraire de l’objectif initial de cette sortie en voiture. « Tu vas faire quoi maintenant Flo ? » Il n’est pas conseiller d’orientation et il n’est pas là pour juger ni même donner son avis. Ce qu’il veut savoir, cependant, c’est ce qu’elle compte faire maintenant si elle ne donne plus tout son temps et toute son énergie à Weatherton. Qui en héritera ? Sera-t-elle aussi heureuse ailleurs, au moins ?

« C’est comme ça. Shit happens. » Il rigole malgré lui parce que oui, effectivement, shit happens et c’est la raison de leur visite au foutu commissariat de police. « Je sais pas si je vais continuer la musique non plus. » Il avoue sur un ton égal, sans doute parce qu’il a à coeur de lui faire comprendre qu’ils peuvent tous changer d’avis et de voie, même s’il est plus jeune et que la société dirait que c’est bien plus normal pour lui que cela ne l’est pour elle. N’empêche qu’il y pense et qu’il ne sait pas quoi faire, un peu trop habitué à suivre deux rêves diamétralement opposés depuis longtemps. Il aurait l’impression de perdre une part de lui à en abandonner un. « Ou arrêter la politique, j’sais pas. Cette histoire a ruiné toutes mes chances, de toute façon. » Il est un homme ayant offert des faveurs sexuelles à un autre homme, et la société déteste ce fait bien plus qu’elle déteste l’abus de pouvoir sous-jacent à toute cette histoire. Il le savait très bien, raison pour laquelle sa sexualité n’a jamais été clamée plus fort qu’un simple chuchotement. Ambrose ne l’a pas cachée, il a toujours refusé de s’enfoncer dans ce piège, mais il a toujours fait en sorte de ne pas l’afficher de trop non plus. « Je te propose qu’on élève des foutus chevaux dans le Bush, j’en sais rien. » Il a un rire nerveux, sans doute le début d’une véritable crise existentielle qui ne devrait pourtant pas exister à son âge. « Tu pourrais habiller les selles et harnais pour les concours, ça ferait fureur. » Il sourit un peu plus tendrement et sincèrement cette fois son regard déviant doucement contre le profil de sa soeur pour qui il souhaitera toujours le bonheur et le meilleur.

« Je ne sais pas du tout, Rose. Je ne sais pas du tout » Et cette réponse le terrifie, parce que Flora a toujours su ce qu’elle voudrait faire. Elle a toujours été talentueuse, elle a toujours eu la tête plein d’idées. Comme beaucoup de membres de cette famille - tout le monde à l’exception de Malone, à dire vrai. Ils ont tous toujours imaginé leur chemin bien tracé, et il a toujours réussi à se retrouver dans Flora, dans ses sourires, dans sa douceur. Ce n’est pas une coïncidence si c’est avec elle qu’il a voulu faire ce chemin si symbolique et sa grande soeur avec qui il a voulu aller jusqu’au poste de police, parce qu’il sait qu’à ses côtés au moins il n’aurait jamais la moindre envie de faire demi-tour et ainsi risquer de la décevoir. Il doit parler, si ce n’est pour lui alors pour bien d’autres personnes qui auraient pu se trouver à sa place, ou le pourraient encore. « Tu trouveras. Donne toi le temps. » Il répond avec conviction, certain de ce qu’il avance. Ambrose est bien plus assuré de l’avenir de sa sœur que du sien, en réalité. Et maintenant que le sujet est lancé, il ne sait pas faire autrement que s’y engouffrer à son tour, lui assurant qu’il n’est plus sûr de rien en ce qui concerne la musique. Autant que la politique. « Je pensais que tu prenais plaisir sur scène ? » - « Comme toi tu aimes dessiner. » Ce n’est pas un reproche mais bel et bien un constat: ils arrivent à des moments de leur vie où le simple fait de prendre plaisir aux choses ne suffit plus. Il aime être sur scène, oui, mais c’est tout le reste qui l’embête et, au-delà de ça, a aujourd’hui commencé à le faire douter. Il ne sait plus qui il est, il ne sait plus où il en est non plus.

« Si tu renonces à la politique, ce n’est pas pour cette affaire - ou alors ce sera l’excuse derrière laquelle tu te cacheras. Mais cette histoire ne te met pas hors jeu. » Il souffle un instant. Elle pose le regard d’une novice, d’une personne qui ne vit pas au quotidien dans ce monde et bien qu’il n’y ait rien de plus normal à cela, cela signifie par extension qu’Ambrose ne peut pas croire ses mots à la hauteur de ce qu’il aimerait. Il aimerait toujours donner raison à sa grande soeur et il aimerait d’autant plus que ce soit le cas en cet instant parce que sa version de la réalité lui fait ô combien plaisir, mais en même temps il refuse de laisser son avenir se reposer davantage sur des chimères. « Aucune décision n’est prise. » Il contourne le problème et tout le débat qu’il ne veut pas avoir avec elle, surtout pas maintenant. Il n’abandonne pas la musique et il n’abandonne pas la politique non plus. Il continue de voguer au milieu des deux comme s’il en avait réellement la possibilité, reléguant éternellement à plus tard le moment où il devra faire un choix, parce que cela représente bel et bien une nécessité de sa vie. Il ne peut pas tout avoir, et il refuse de se retrouver au pied du mur pour cette raison, à ainsi vouloir briller dans tous les milieux, même ceux qui ne se concilient pas.

Alors, il détend un peu l’atmosphère. Il perd son sérieux, il pense à autre chose, il laisse ses épaules se détendre et son dos épouser un peu plus naturellement les formes du siège de la voiture. « À la seule condition qu’on achète un petit poney tout hirsute et qu’on l’appelle Malone. » La blague de Flora rencontre son public et, avec lui, un rire aussi simple que sincère de la part du benjamin Constantine. Se moquer de leur frère est toujours une source sûre, évidemment. « Vendu. » Il serait sans doute même très mignon, ce petit poney. « Et toi tu monterais à cheval pour aller valoriser tout ça dans les shows. » Il propose des idées farfelues et elle surenchérit dessus, ce qui est sans doute le meilleur test génétique qui soit. « Dans les shows de cowboy. » Il s’imagine déjà à tenter d’attraper des vaches surexcitées en lançant son lassot, évidemment le tout en étant torse nu pour les besoins du spectacle. L’image est amusante, à défaut d’avoir le moindre pourcentage réaliste. « On en arrivera pas là, tu n’en arriveras pas là. Pas de boue sur tes santiags petit frère. » Pas de boue sur les santiags, ça serait une belle devise alternative pour leur famille, s’ils étaient tous nés un peu plus à l’ouest sur ce grand pays qu’est l’Australie. Ambrose se contente de sourire, bien conscient que leur rêve fugace ne sera jamais autre chose qu’un rêve et qu’une idée rapidement abordée en voiture - et autant dire qu’il se permettra d’omettre la raison même de ce trajet lorsqu’il repensera à leurs mots.

Le poste de police se dessine au bout des routes trop longues et trop droites de ce pays et Ambrose sent son rythme cardiaque s’accélérer peu à peu, parce qu’il anticipe déjà tout ce que ça signifie. « Tu as les capacités pour y arriver, Ambrose. Ne les laisse pas te persuader du contraire. » Elle est douce, Flora. Elle est délicate. Il se surprend à penser qu’elle ferait une bonne mère, si jamais elle décidait d’en devenir une. Sa réponse trouve un silence de complaisance chez son petit frère, qui se contente de penser à ses mots sans trop savoir quoi y répondre ou en dire à son tour. Il veut croire qu’il en a les capacités, oui. Il veut croire qu’il peut arriver à tout ce qu’il désire, justement parce qu’il travaille très dur pour ça, oui. Mais parfois, dans la vie, des obstacles s’immiscent, et toute cette histoire autour de Saül Williams en est un, et pas des moindres. « Je t’aime. » Il se contente finalement d’énoncer lorsqu’elle se gare sur le parking du commissariat, lui qui embrasse rapidement sa tempe, à la même vitesse que le ferait un adolescent dont sa mère lui aurait ordonné de l’embrasser devant tous ses copains. Il ne veut simplement pas s’attarder sur ce geste parce qu’il sait que cela le ferait changer d’avis et lui enlèvera toute force de passer le seuil de cet endroit. « Rentre chez toi, ok ? Je sais pas combien de temps ça va prendre, je vais me débrouiller pour rentrer. » Et s’il voulait être accompagné sur le trajet aller, il anticipe déjà que ce ne sera pas le cas du retour. Flora en a déjà bien assez fait pour lui, il le remercie pour ça. Elle peut retourner à sa vie, maintenant. Elle le mérite bien.