27 février. Il semblerait que le clown qui était prévu pour la fête d’anniversaire de l’enfant ne soit pas en mesure de venir. Je vois la maman qui a organisé l’événement débité et décontenancé. Il est certain que les enfants allaient certainement être très triste. Me vient alors l’idée de proposer à Jax ou plutôt, d’essayer de le convaincre, de se glisser dans la peau du clown pour sauver la mise. Et puis, vu qu’il n’a pas trop le moral, c’est aussi une bonne idée pour se changer les idées. Je rame, je sors tout sorte d’arguments, d’abord en utilisant celui de son fils, puis des enfants. Et comme je sens que même cela n’est pas suffisant, je lui propose de l’accompagner en étant l’assistante. Il lance un soupir et finit par se lever pour aller discuter avec la maman. Un énorme sourire s’affiche sur mes lèvres, heureuse de l’avoir convaincu.
« Alors, c’est réussi ? ». Je tente du mieux que je peux de me retenir de rire, acquiesçant d’un signe de tête « Très réussi… » Et puis je finis par exploser de rire. Je dégaine mon téléphone portable pour immortaliser la scène « Non, vraiment… Je ne pensais pas que c’était Halloween ». Je continue de rire alors que j’enfile un simple nez rouge et une perruque de cheveux bouclés de toutes les couleurs. « Ca devrait faire l'affaire… enfin… j’espère » je lance entre deux gloussements. Je l’attrape par la main et nous sortons. La mère est horrifiée « Mais… Jax ?! ». Je grimace alors à la réaction de la maman. Le maquillage est vraiment très mal fait, les enfants n’y croiront pas une seule seconde. Et il est fort probable que la magie n’opère pas comme elle se devait. « Bon tant pis on va faire avec. Les enfants ?! ». Elle est pas très rassurée, Jax et moi la suivons alors « Et voilà… le clown ! ». Les enfants courent de partout en attendant le mot clown. Mais leur réaction est tout autre quand ils voient Jax. J’échange alors un regard avec mon frère, craignant qu’il ne m’en veuille encore plus de lui avoir demandé de se déguiser de la sorte quand, inévitablement, c’est un fiasco total.
J’aime ces moments de complicité qui viennent désormais naturellement entre Jax et moi. Cette relation que nous sommes parvenus à construire au fil des mois, bien que les débuts ont été compliqués. Il n’y a plus d’hésitations, la confiance est là et nous parlons facilement de nos vies respectives. Et aujourd’hui, tout particulière, quand lui se confie sur sa situation amoureuse et que j’en fais de même. Pourtant, je me dois aussi de lui mentir dès sa première question au sujet d’Alec. Et c’est là où, malgré tout, ma relation avec lui me fait réfléchir, m’obligeant à me rendre compte que, tant qu’il aura cette vie-là, je ne pourrais pas toujours être honnête avec mes proches à son sujet. Quant à l’éventualité qu’il puisse un jour rencontrer des membres de ma famille ou des amis… C’est un sujet que nous n’avions pas encore abordé ensemble « Je ne peux rien te promettre ». Je viens donner une petite tape sur l’épaule de mon frère quand il n’exclut pas l’idée de faire passer à la casserole Alec s’il venait à le rencontrer. Je souris mais au fond, l’idée m’effraie aussi.
Notre attention se reporte sur les enfants qui sont entrain de s’amuser comme des petits fous en cette après-midi d’anniversaire. Les jeux gonflables donnent très envie et mon âme d’enfant refait surface quand je propose à Jax d’aller les rejoindre « Va y ; je t’en prie, je garde les affaires ». Je lève les yeux au ciel, soupirant « T’es vraiment pas fun, Jax ! ». Je dis ça sérieusement, même si je guette sa réaction du coin de l’œil, non sans un sourire amusé au bout des lèvres. Il y a cette différence de caractère entre lui et moi, malgré ce lien qui nous unit. Lui étant certainement plus posé que moi. C’est même certain. Une maman vient à avoir une discussion au téléphone. Je comprends alors que le clown qui était prévu ne pourra pas venir. L’idée est assez immédiate dans ma tête « De quoi ? J’ai pas écouté ». Je lui explique alors que le clown ne pourra pas venir et que c’est donc la panique à bord. Je l’invite alors à prendre la place de la personne qui devait assurer ce rôle, en jouant sur la carte sensible, celle de son fils, Virgil « T’as pas le droit de te servir de mon fils comme cela. Vraiment Mia, j’ai pas envie ». Le tirer par la main ne sert à rien, je m’épuise plus qu’autre chose. Je me poste alors devant lui, les deux mains sur les hanches « Je te demande pas d’en avoir envie, je te demande de faire ça pour les enfants… Ils l’attendent avec impatience en plus. Imagine leur déception quand on va leur dire qu’il n’y aura pas de clown finalement ». Je m’approche à nouveau pour le secouer par les épaules « Alleeerrr !!!! Je peux même faire ton assistante si tu veux ! On sera deux à se ridiculiser. Ça peut être fun ! Alleerrrr Jax !!! ». Je le supplie du regard, je le prends de nouveau par la main, tentant de le tirer de toutes mes forces, mais évidemment, le mastodonte qu’il est face à mon poids plume ne fait pas vraiment l’affaire. Mais, même si physiquement, je ne peux pas le trimbaler jusqu’à là-bas, ce n’est pas ce qui va m’empêcher de faire tout pour le convaincre.
« Si t’es heureuse, c’est le principal ». Je lui souris pour appuyer son affirmation. Même si cela ne fait pas un mois que je suis avec Alec, il y a cette présence réconfortante que je ressens quand il est à mes côtés. Rassurante aussi quand je sais que nous nous retrouverons après une nuit passée ensemble, qui n’est pas un simple moment d’égarement, un simple moment de plus que l’on s’est accordé. Comme cela a pu être le cas ces derniers mois. Il y a peut-être aussi l’illusion dans laquelle je me trouve, me disant que nous pouvons trouver un juste équilibre entre la vie qu’il mène et la mienne… « Il bosse dans quel resto ? ». Le retour à la réalité est immédiat. Je me mords la langue, comme pour me punir d’avoir trop parlé. Parce que les prochains mots qui sortiront d’entre mes lèvres ne seront que mensonge… Un court moment de silence durant lequel Jax se précipite pour rectifier sa question « Non pas que je veuille me précipiter là-bas pour voir à quoi il ressemble, c’est juste pour savoir si la fois où je serai invité chez toi pour le rencontrer, on mangera un bon repas ! ». Je ne peux m’empêcher de rire doucement, levant les yeux au ciel « Il est sur un nouveau projet actuellement donc son restaurant est fermé. Mais, je peux t’assurer que tu n’as aucun souci à te faire, il cuisine vraiment à la perfection. J’ai droit à de bons petits plats à chaque fois. Je suis sûre que tu aimeras ». Un sourire moqueur apparait cependant sur mon visage pour ajouter « Promets-moi d’être sympa avec lui le jour où je te le présenterai et de ne pas jouer au frère trop lourdingue qui va l'assassiner de questions ? ». Je fais part un peu plus en détails, mais sans trop en dire non plus, de notre background avec Alec, et notamment en lui disant que, cette fois, j’ai envie d’y croire « Il faut y croire, sinon ça sert à rien ». J’acquiesce simplement d’un signe de tête.
« Regarde Virgil, il a l’air de bien s’amuser avec ses copains ». Je reporte mon attention sur le petit garçon qui, en effet, semble vraiment passer un bon moment. « Tu sais on peut aller s’amuser avec eux aussi, je suis sur qu’on s’éclaterai tout autant », je fais en le regardant du coin de l’œil. Mon attention se reporte sur cette maman au téléphone. Et des mots que je saisis, il semblerait que le clown prévu ne puisse pas venir. Le groupe de maman semble un peu débité. Je donne alors un coup de coude à Jax « Tu veux pas te proposer Jax ? Aller ! Fais ça pour les gosses au moins ! ». Mon regard est suppliant, me levant, déterminé à l’entraîner dans mon idée « Et puis tu as besoin de te changer les idées, ça tombe à pic. Et pense à Virgil. Il sera tellement fier de son papa ! ». Je lui tends alors une main pour qu’il la saisisse et se lève à son tour.
Jax entre dans le récit de sa rencontre avec sa petite amie au doux nom de Niamh. Il me parait épanouie, heureux et plus propice à parler qu’il n’a pu l’être parfois avec moi. Il m’explique notamment cette rencontre où elle s’est retrouvée KO suite à un entrainement de boxe « Ah oui, j’aurais pas aimé le prendre ce coup là » « Tu parais moins gentleman d’un coup ». Je ris doucement avant de le taquiner sur le fait qu’il ait pu être inscrit sur Tinder. Jax a cette allure de mec propre sur lui, très peu enclin à ce genre d’application « Et ça a été un carnage. Je m’étais dit à l’époque que ça me permettrait de rencontrer quelqu’un mais en fait, je ne me suis absolument pas senti à l’aise. Cette façon de liker ou pas une photo, on dirait qu’on fait son marché. J’ai pas aimé du tout ». J’acquiesce doucement d’un signe de tête « Tu n’as pas tort. Après, il y a parfois du bon dans ce genre d’appli. Ca dépend ce que tu recherches ». J’ai ce petit air malicieux, lui donnant un petit coup de coude, sourire aux lèvres. Sa première rencontre avec Niamh par le biais de cette application a été un véritable fiasco, certes, mais ils se sont retrouvés quelques mois plus tard et désormais, tout semble allait pour le mieux entre eux « Oui c’est ce qu’on s’est dit aussi et je crois que maintenant, on est prêt ». Un large sourire apparait sur mes lèvres, vraiment heureuse pour lui.
Et parce qu’il y a cette confiance réciproque désormais, qu’il m’a parlé de sa vie sentimentale, je me sens suffisamment à l’aise pour en faire de même de mon côté. Je lui avoue alors, sans le regarder, que j’ai moi aussi quelqu’un dans ma vie « Vas-y raconte. Il s’appelle comment ? Il a quel âge ? Faut que je sache s’il est digne de ma sœur ». Ce dernier commentaire me fait un peu tiqué quand je me rends compte que je vais devoir sûrement mentir en partie à mon frère sur celui que j’aime. Je ne veux laisser rien transparaitre, tournant ma tête vers lui « Il n’y a pas que moi qui suis curieuse visiblement » je ne peux m’empêcher de lui dire d’abord avant de poursuivre « Alec. Il va avoir 38 ans. C’est un chef cuisinier » et membre d’un gang mais, ça, je m’abstiens de lui dire. « Il me rend heureuse donc je suppose qu’il est digne de moi ». J’hausse les épaules, sourire toujours aux lèvres avant de regarder à nouveau les enfants s’agitaient dans tous les sens. « On a été ensemble en août dernier et puis, nous nous sommes séparés. Et il y a quinze jours, il est venu frapper à ma porte pour m’avouer ses sentiments… Je me sens bien avec lui Jax ». Je fais en retournant mon regard vers lui « J’ai envie d’y croire aussi, de me dire que c’est le bon. Mais on ne sait jamais de quoi la vie est faite… ». Il y a des doutes, des craintes exprimées à travers ces mots. La crainte surtout de perdre Alec, que cette vie, dont nous rêvons tous les deux, ne soit finalement pas faite pour nous, pour ce couple que nous formons depuis peu. Un amour pourtant qui existe depuis bien plus longtemps, depuis des mois durant lesquels nous nous sommes interdis d’être ensemble.
« Niamh ». Le voilà le prénom de celle qui fait chavirer son cœur. Et rien que dans la manière dont il prononce son nom, il est indéniable qu’il est heureux. Mon sourire est toujours présent sur mes lèvres, contente de voir qu’il semble épanoui. Le prénom de la jeune femme ne m’évoque rien, ce n’est en tout cas pas quelqu’un que je connais. Jax se livre sur sa relation avec la jeune femme, et me parle de son opération suite à un cancer. Il s’inquiète pour elle, ce qui est normal. Il lui reproche notamment d’être trop positive. Cela me fait rire quand il est exactement pareil, ce que je ne manque pas de lui faire remarquer. Il me bouscule un peu de sa main « Qui se ressemble s’assemble ! » « Je suppose », je lâche en grimaçant, haussant les épaules non sans sourire un peu moqueuse. Il semble avoir des doutes ou plutôt des craintes à ce que la jeune femme ne lui cache pas des choses à propos de sa maladie, relativise trop quand peut-être cela peut s’avérer plus grave « J'espère pas, vraiment. C'est pas tant le fait qu'elle puisse me cacher quelque chose mais plus le fait que ce soit plus grave que prévu. Tu sais, ça fait longtemps que j'ai pas été heureux, amoureux même. Toutes mes relations n'ont jamais débouché sur grand chose et j'en ai plein le casque. J'ai vraiment envie que ça marche cette fois et j'ai pas envie que ce foutu cancer gâche tout ». Mes lèvres s’étirent à nouveau, ma main venant se poser sur son bras, comme pour le rassurer. Car il avoue être amoureux de Niamh et être très attaché à elle « Tant que tu es là pour elle, sans lui donner la sensation d’étouffer, tout ira bien. Laisse-la venir vers toi si il lui faut du temps à cause de son cancer et sois patient. Je suis certaine que ça marchera entre vous deux ».
Je joue les curieuses et souhaite en apprendre un petit peu plus sur leur rencontre « A la salle de boxe. J'étais en train de souffler après une séance et elle était sur le ring et sa coach lui a décocher un uppercut qui la mise ko. Je suis allé prendre de ses nouvelles, on a discuté ». « Quel gentleman tu es », je fais en joignant mes deux mains que j’apporte sous mon menton et en faisant en clignant des yeux. Je ris doucement « Mais ça a dû faire mal. Pour elle » fais-je en grimaçant. « On s’est rendu compte qu’on se connaissait déjà. On avait eu un date tinder six mois plus tôt où ça s’était assez mal passé ». Mes yeux s’écarquillent alors et, une fois de plus, mon sourire est un peu moqueur « Toi ? Sur Tinder ? Vraiment t’a essayé l’application ? Tu me surprends ». Je ris avant de redevenir un peu sérieuse « Mais si votre chemin se croise à nouveau c’est un signe. La preuve, maintenant, vous êtes ensemble. Vous n’étiez juste pas prêt à l’époque ». J’hausse les épaules et reporte mon regard quelques instants sur les enfants qui s’agitent dans tous les sens autour des mamans qui gèrent l’anniversaire, un peu pensive. Sans poser mon regard sur Jax, j’ajoute « J’ai quelqu’un moi aussi ».
Je le sens à sa manière d’agir et à sa manière de parler d’elle, qu’il y a plus que de la simple amitié pour cette fille. Jax semble avoir de l’affection pour cette fille. Bien plus qu’il ne veut bien le dire. « On est ensemble depuis un mois ». J’ai donc vu juste, elle est sa petite amie. Un grand sourire étire mes lèvres alors que je viens le bousculer avec ma main sur son épaule « Je suis heureuse pour toi, Jax. Et je peux savoir comment elle s’appelle ? ». Je suis curieuse, avide d’en savoir un petit peu plus sur cette histoire naissance entre la jeune femme et mon frère. En tout cas, le sourire qui s’affiche sur son visage le trahit et je suis encore plus contente pour lui. Il le mérite. « Tu as certainement raison mais je sais aussi qu’elle a tendance à tout prendre du bon côté. Et j’ai peur aussi qu’elle me cache des choses pour pas que je m’inquiète ». « Tiens donc, quelqu’un qui prend tout du bon côté… je ne sais pas toi, mais… je n’arrive plus à me souvenir à qui cela me fait penser ? ». Je fais mine de réfléchir, index positionné sous le menton, regard en l’air alors que j’ai ce petit sourire au bout des lèvres « Tu penses qu’elle te cacherait quoi ? Que c’est plus grave que ce qu’elle veut bien l’avouer ? ». J’essaye d’être cette oreille attentive pour lui, quand il a des doutes et des craintes au sujet de Niamh et sa santé. Être cette oreille attentive comme lui a su l’être lors de notre dernière rencontre où il a su m’écouter et me rassurer. Les rôles s’inversent aujourd’hui et j’apprécie aussi de prendre ce rôle de sœur, présente pour son frère. Alors je lui prodigue quelques conseils, comme celui de ne pas la brusquer et d’avoir des petites attentions à son égard en attendant qu’elle accepte de le voir, sans paraitre trop envahissant non plus. « Je vais faire cela. Merci Mia ». J’hausse les épaules « De rien », je lance alors en souriant. « Je ne veux pas que tu hésites Jax, si tu as besoin, tu sais où me trouver » fais-je en agitant mon téléphone sous son nez. Je dépose celui-ci sur la table alors que je reporte mon attention sur mon frère « Bon, maintenant, racontes-moi, comment vous vous êtes rencontrés tous les deux. Je veux tout savoir ! ». C’est peut-être à cet instant qu’il va regretter de m’en avoir parlé mais ça m’est bien égal. Il va devoir faire avec cette sœur qui peut se montrer bien curieuse à certains moments.
« Oui, c’est sûr que c’est une bonne chose ». J’acquiesce d’un signe de tête. Il est certain que le choix que Pete a fait de vouloir se faire aider est une bonne chose quand il a à ce point touché le fond. Quand il a failli y passer, idée qui, rien qu’en y repensant, me fait trembler. Car je n’aurai jamais pu me pardonner de l’avoir laissé si l’issue en avait été fatale. Je chasse ces pensées vite de ma tête cela dit, pour me reconcentrer sur Jax, assis à côté de moi. Je le trouve un peu ronchon et pas particulièrement souriant aujourd’hui. Ce n’est pas très coutumier chez lui, et donc, je me permet de lui demander ce qui ne va pas. Rien que le fait qu’il commence par soupirer avant même de prononcer un mot ne fait que confirmer que j’ai raison « J’ai une amie, une très bonne amie… » Il marque une pause et un de mes sourcils s’arque car je comprends que cette amie doit certainement être plus importante qu’il ne veut l’avouer « qui s’est fait opérer d’un cancer hier. Tout s’est bien passé mais elle préfère que je ne passe pas la voir ». Un air désolé apparait sur mon visage, désolé pour la jeune femme qui ai à traverser une épreuve pareille. Je reste silencieuse quelques secondes avant de lui dire « Je suis vraiment désolé pour elle. Mais si les choses se sont bien passées, alors c’est déjà rassurant ». Parce que je sens bien que Jax est inquiet à son sujet. « Ca fait longtemps ? ». Je marque une pause avant d’enchérir « tous les deux ? ». Mes paroles sont accompagnées d’un mince sourire, parce que j’ai très bien compris que Jax et cette jeune femme étaient plus que de simples amis. Et je ne pense pas me tromper « Tu sais, elle a peut-être pas envie que tu la vois dans cet état, elle veut certainement t’épargner ça ». Mon sourire se veut rassurant. « Mais je comprends aussi que tu ai envie de la voir mais il ne te faut pas la brusquer. Rien ne t’empêche cela dit de te montrer attentionnée à son égard… des petites fleurs, des petits gâteaux que tu peux lui envoyer. J’en suis sûre qu’elle en sera ravie ». Et je ne doutais pas que Jax serait tout à fait capable de faire ça, si ce n’était pas déjà fait.
« Salut Mia ». Nous échangeons une étreinte avant que je ne le taquine un peu, suggérant cette idée qu’un costume de clown lui aurait été comme un gant. Surtout à une fête d’anniversaire où une dizaine de gamins aurait été ravi de le voir débarquer accoutrer de la sorte. Mais je connais aussi suffisamment Jax désormais pour savoir que ce n’était certainement pas le genre de choses qu’il faisait. « Le jour où tu me verras déguisé n’est pas encore arrivé ». Je souris, car je le sais très bien « La dernière soirée qu’on a faite, j’ai réussi avec Erin à te faire danser. Alors, tu sais, je me dis que j’arriverai sûrement à te faire porter un costume ridicule un jour ou l’autre ». Je lui lance un clin d’œil et ne prête pas encore attention à cette mine un peu fermée qu’il porte sur son visage. Non, car, pour le moment, mon regard est un peu accaparé par les enfants qui courent et crient dans tous les sens, alors qu’ils ont eu le feu vert pour aller sur les structures de jeux. Et, même si j’ai toujours adoré les enfants, prenant toujours un plaisir de m’occuper de ceux de mes amis les plus proches, je ne me sentais pas le courage d’en gérer autant aujourd’hui. « Non t’inquiète, y’a les mamans qui gèrent tout mais j’avais aucune envie de me joindre à elle ». Ma tête tourne alors vers mon frère, un peu surprise par son manque d’enthousiasme, ce qui me fait arquer un sourcil. Il s’installe à la table où il était avant mon arrivée, j’en fais de même en prenant place à ses côtés. Je lui demande alors comment il va « Ca va. T’as des nouvelles de Peter ? ». je trouve sa réponse précipitée et elle me laisse clairement perplexe. Je décide cependant de répondre en premier à sa question, mon regard porté au loin, la mine préoccupée « Il est sorti de l’hôpital quelques jours après… son coma. Il a décidé de se faire aider et il est en cure de désintoxication. Du coup, je n’ai pas eu de nouvelles depuis… ». Et, même si je le sais entre de bonnes mains, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour mon ami d’enfance « Mais je suis contente qu’il ai décidé de se reprendre en main. C’est le principal, finalement ». Même si j’ai eu peur. Très peur lorsque j’ai appris la nouvelle. Parce qu’elle n’est pas sans me rappeler ce que j’ai moi-même vécu à la fin de mon adolescence… Mais aussi que la vie était bien trop courte. Je soupire avant de reporter mon regard sur Jax « Bon, tu as une sale tête… Je sens qu’il y a quelque chose que tu ne me dis pas. Je me trompe ? ». J’affiche un mince sourire au bout des lèvres malgré tout, comme pour le rassurer mais aussi l’inciter à ne pas contourner le sujet.
27 février. Ce mois m’a semblé durer une éternité. Pourtant, si je devais en faire un bilan, celui-ci est plutôt positif. Positif quand les tensions avec mon meilleur ami se sont apaisées et qu’il a enfin accepté de se faire soigner. Et même si ce n’est pas évident tous les jours, qu’à chacune de mes visites, j’ai la boule au ventre parce que je ne sais pas comment je vais le retrouver, je suis rassurée de le savoir entre de bonnes mains. Positif aussi quand les tensions se sont apaisées également avec Pete, avec Geo mais aussi avec mon père… Avec les deux derniers, j’ai fait ce petit pas en avant en allant moi-même vers eux. Parce que je me suis rendue compte que ma rancœur me desservait plus qu’autre chose et parce qu’avec les événements récents, je ne voulais plus avoir de regrets… Et puis les mots de Jax ont aussi raisonné dans ma tête, ces mots bienveillants où il m’a conseillé de laisser ma fierté de côté et d’arriver à pardonner. Pardonner ce père partit pendant quinze ans, ce même père qui est le sien et qui l’a abandonné à sa naissance. Il a une force que j’admire, celle de voir le positif partout, même dans les moments difficiles. Alors, oui, ses mots ont fait leur petit chemin et ont très certainement contribué à ce que je retourne vers notre père quand j’en ai senti le besoin.
Ce frère que je découvre un peu plus chaque jour, avec qui une réelle relation fraternelle s’est construite. Alors, quand je reçois son invitation pour me joindre à lui pour cette fête d’anniversaire à laquelle Virgil, son fils, est convié, c’est avec plaisir que j’accepte. Me voilà donc en ce samedi après-midi, où le soleil et la chaleur sont encore au rendez-vous, à Kangaroo Point. Au loin, je reconnais sans difficulté Jax. Je m’approche alors jusqu’à arrivée à sa hauteur, posant doucement ma main sur son bras car il me tourne le dos « Salut Jax ». Un sourire étire mes lèvres alors que je me mets sur la pointe des pieds pour l’étreindre et lui déposer un rapide baiser sur la joue « Je pensais que tu serais déguisé en clown ou truc du genre. Je suis déçue. Ça t’aurait été à merveille ce rôle ». Je le taquine, évidemment, lançant un clin d’œil alors que je regarde le petit groupe d’enfants non loin de là, tous plus énergique les uns que les autres « Rassure-moi, on est pas censé chaperonner tout ce petit monde ? Non parce que je suis pas sûre de me sentir d’attaque ». Je ris doucement, faisant un petit signe de la main à Virgil qui s’est retourné vers nous. « Bon comment tu vas ? » je demande alors à Jax, tournant mon regard vers lui.
Je me rends compte que cette relation qui est entrain de naitre entre Jax et moi se fait naturellement. Aucun de nous deux ne se sent forcé à parler, à se livrer à l’autre. D’ouvrir ses blessures qui resteront sûrement à jamais graver en nous. La sienne, est celle de son père adoptif disparu bien trop tôt, à qui il est indéniablement attaché. Une personne qui lui a apporté une stabilité et une tranquillité d’esprit certaine. Le fait qu’il m’en parle montre qu’il me fait désormais confiance et cela me touche d’autant plus. J’aime ce lien qui est entrain de se construire entre nous, une chose que je n’aurai jamais pensé possible quelques mois plus tôt, quand il était hors de question pour lui de m’inclure dans sa vie.
« En tout cas, s’il est parti c’est à cause de moi. Je sais pas ce qui a pu lui faire croire que j’étais à l’autre bout du monde mais c’est pour me retrouver et tu dois trouver la force de ne pas trop lui en vouloir ». Il a toutes les raisons de détester cet homme, celui qui l’a abandonné à la naissance. Et pourtant, il a cette force de passer au-dessus, quand, moi, au contraire, j’ai eu droit, j’ai eu la chance de grandir avec mon père… notre père. Mais son départ à mes quinze ans, une période où j’avais le plus besoin de lui, est quelque chose sur laquelle je n’arrive pas à passer totalement. Oui, il est parti pour retrouver Jax, maintenant je le sais. Comme je sais aussi que Jax a raison. Maintenant, je connaissais les véritables raisons de son départ, je pouvais comprendre aussi les motivations de mon père pour l’avoir fait. Pourtant, son absence a laissé un trou béant tel, que je peine à faire ce pas en avant, celui de laisser ma rancœur de côté et profiter désormais de son retour… « Je comprends son choix, Jax. Cette motivation qu’il a eu de partir à l’autre bout du monde pour te retrouver. Mais, j’aurai préféré ne pas vivre dans le mensonge durant tout ce temps, qu’il ait le courage de me le dire, qu’il ne me laisse pas en dehors de tout ça, en me laissant croire que c’était moi, le problème… ». Parce que cette relation fusionnelle avec mon père était pour moi indestructible. Et bien sûr, lorsqu’il est parti, je me suis sentie délaissée, pas importante.
Jax me pousse néanmoins à voir le positif là-dedans, et j’énumère tout ce que cela a pu avoir de bon pour moi… « Tu ne serais peut-être pas celle que tu es aujourd’hui sans cela et c’est pourquoi il faut réussir à passer l’éponge ». J’acquiesce doucement d’un signe de tête. « Je sais… » je souffle alors en guise de réponse. « Ca viendra » j’ajoute alors en haussant les épaules. Il est certain que ce n’est pas ma prochaine rencontre avec mon père qui va nous mener sur le chemin de la totale réconciliation, surtout lorsque je vais lui balancer encore des choses qui, je sais, vont le blesser au plus profond. Mais des paroles que je ne pourrais retenir, notamment sous le coup de la colère. Peut-être est-ce finalement ça que je devrais tenter d’apprendre à canaliser ? En tout cas, une chose dont je suis certaine c’est que quelle que soit la décision de Jax à propos de mon père, je le soutiendrai toujours. Il vient alors me prendre dans ses bras et cette étreinte marque un pas de plus vers cette relation fraternelle qui s’établit entre nous. Mes bras s’enroulent autour de lui, le serrant un peu plus fort. « Je regrette qu’on ne nous ait pas laissé la possibilité de grandir ensemble. Mais je ne regrette pas cette possibilité qui nous est offerte désormais de rattraper le temps perdu ». Je me détache pour le regarder « Et je vais avoir définitivement besoin de toi pour apprendre à canaliser mes excès de colère » je lance alors en riant doucement.
La tristesse et, peut-être aussi, les remords étaient entrain de prendre le dessus. Jax pouvait le voir mais aussi l’entendre dans ma voix lorsqu’on vient à aborder ma relation actuelle avec Knox. Ce meilleur ami atteint d’une grave maladie et qui refuse de se faire soigner. Je ne peux me résoudre à le voir refuser les soins et donc me dire que son état va se dégrader jusqu’à qu’il ne puisse plus faire face. Jax sent bien ma détresse et il vient à m’attraper les mains, ce qui me fait rehausser mon regard sur lui. « Tu regretteras toute ta vie si tu ne profites pas de ces instants ». Il a raison, je le sais. Ses mots m’apaisent, ce geste à mon égard aussi. Je me contente d’acquiescer d’un signe de tête. « Mon père est mort deux ans après que je sois arrivé chez les Collins. La semaine avant sa mort, je lui ai fait la tête pour une broutille et je lui ai pas parlé pendant deux jours, j'ai refusé qu'il vienne me voir à mon compétition de judo. ». Il n’a jamais abordé ce sujet avec moi et je sens que ce n’est pas quelque chose dont il parle facilement. « Si j’avais su qu’il pouvait lui arriver quelque chose, j’aurais mis ma colère de côté pour profiter du temps avec lui ». Je sens les regrets dans sa voix, la tristesse aussi et instinctivement, mes mains viennent serrer un peu plus les siennes. « Mais je suis sûre que, quoi qu’il en soit, il est fier de toi Jax. Tu es un homme formidable, d’une gentillesse inégalable et, même si nous nous connaissons que depuis quelques mois, c’est un point sur lequel je n’ai aucun doute ». Et ses paroles laissent une empreinte indélébile dans un coin de ma tête… Que ce soit vis-à-vis de Knox, vis-à-vis de Pete ou vis-à-vis de mon père. Parce que je sais que les regrets peuvent vite arriver, et souvent, quand il est trop tard. Ma gorge se serre alors que mes yeux s’humidifient sans pour autant laisser échapper une larme. « Merci » je lance alors dans un murmure. Merci parce qu’il a accepté de me laisser entrer dans sa vie, merci parce qu’il est présent pour moi, comme je le serai désormais pour toujours, pour lui.
« Ce que je veux pas, c’est que tu en veuilles à ton père. Tu en as qu’un, tu étais proche de lui enfant et je veux pas que vous perdiez cela à cause de moi ». Même si j’ai montré un certain agacement lorsqu’il m’a reproché ma fierté, celle qui m’empêchait de faire un pas de plus vers mon père, de lui pardonner son départ, il a encore ce pouvoir fort sur moi que je ne saurais expliquer. Celui qui m’oblige immédiatement à me taire, à l’écouter et surtout à réfléchir à ce qu’il vient de me dire. « Ne pense pas que ce n’est qu’à cause de ce qu’il t’a fait subir. Il y a bien plus que ça, Jax ». Mon ton est plat, ne montrant aucune animosité cette fois. Je reste cependant surprise qu’il parvienne à pardonner à notre père, qu’il parvienne à pardonner son abandon, lui qui a du subir l’orphelinat, et la difficulté de trouver une famille qui l’accueillerai définitivement « Je vois les bonnes choses que cela m'a apporter. J'aurais jamais connu les Collins, je serais peut-être jamais devenu l'homme que je suis aujourd'hui, on aurait peut-être pas cette complicité ». C’était donc ça, son secret. Voir le positif. Voir le positif dans la pénombre, voir cette lueur, ces lueurs que cet abandon lui avait apporté. Oublier le négatif, ce qui aurait pu être et se concentrer sur ce qui a été. « J’aime ta façon de voir les choses Jax… je suppose que, si je devais voir du bon dans le départ de mon père, c’est que je suis devenue, depuis, une jeune femme forte et indépendante. J’ai réussi à m’en sortir malgré tout, à vivre des choses formidables, à poursuivre mes rêves… Et, surtout, j’ai pu me rendre compte de la chance que j’avais d’être aussi bien entourée ». Parce qu’il y avait des personnes qui étaient toujours là pour moi, avec qui rien n’a jamais changé. Adam, Knox, Pete, Dylane, Danika… Des disputes, certes, ont eu lieu avec mes amis proches. Mais notre amitié a toujours fini par reprendre le dessus, laissant notre rancœur de côté. Et même si j’étais fâchée actuellement avec deux d’entre eux, une lueur d’espoir renait, me disant que nous parviendrons à surmonter cette mauvaise passe. « Cela ne veut pas dire que je veux qu’il entre dans ma vie, que j’ai envie de parler de tout cela avec lui ». J’acquiesce doucement, « Quoi que tu décides, tu sais que je te soutiendrai coûte que coûte ». Parce que j’ai pu montrer un peu le contraire en m’emportant un peu plus tôt, lui reprochant notamment ma dispute avec Pete, des paroles encore prononcées sur le coup de la colère.
« Arrête de te lamenter sur ton sort et sur ce que tu aurais du faire. Ressassez le passé n’est pas toujours une bonne chose ». Je suis surprise par la manière dont Jax s’adresse à moi, mais en même temps, pour la première fois, il a les paroles d’un grand frère. Celui qui n’hésites pas à dire à sa sœur les vérités qu’elle doit entendre, à la conseiller sur ce qui est bon et pas bon. Etonnée, je ne réponds même pas et me tais tout simplement, parce que je me rends compte qu’il a raison aussi.
« T’as essayé d’être là pour lui ou t’as essayé de lui faire entendre raison ? ». Et là j’ai un petit temps d’hésitation. Un petit temps d’hésitation où mon regard vient chercher celui de Jax, comme pour l’appeler à l’aide. Je baisse le regard à nouveau cependant avant de répondre « J’ai essayé de lui faire entendre raison… ». Et c’était au final ce qui me causait le plus de tort. Bornée, je campais bien souvent sur mes positions et au vue de mon caractère, finalement, ma réponse n’aura rien d’étonnant pour Jax. Je soupire, un peu las de tout ça, regrettant peut-être aussi mon comportement. Que ce soit avec Pete. Que ce soit avec Knox. « Ton meilleur ami ne veut pas se faire soigner ? C’est son droit, tu dois le respecter. Maintenant essaye de profiter de lui, de profiter du temps que tu as avec lui sans prise de tête ». Je ne peux pas l’entendre. Je ne peux pas entendre ses paroles, me résigner à accepter la décision de Knox de ne pas accepter ses soins, quand je sais ce qui se passera au bout. « J’en suis incapable Jax ! Je ne peux pas me résigner à me dire qu’il lui reste peu de temps. Je ne veux pas le voir… » Je ne poursuis pas, ne prononçant pas ce dernier mot qui me reste coincé dans ma gorge. Parce que Knox est bien plus que mon meilleur ami, il est mon pilier, celui qui a toujours été présent dans ma vie, celui avec qui je partage tout, avec qui je vis depuis plus de trois ans désormais. « Je ne peux pas » je souffle alors.
Tout ce mal et ce caractère au final que je me suis forgée au fil des années est en grande partie dû au départ de mon père et j’en fais part à Jax. Ce sentiment d’être constamment abandonné qui me pèse et ne cesse de se répéter depuis. « Alors pourquoi tu ne fais pas en sorte que cela change ? Des fois, il faut savoir mettre un peu sa fierté de côté pour être heureux ». Mes sourcils se froncent alors « Tu penses sincèrement que c’est qu’une question de fierté ? Que c’est juste pour cette raison que j’agis de la sorte ? » Je hausse le ton à mesure que mes mots sortent d’entre mes lèvres. « Je ne cherche pas à prouver que j’ai raison si c’est ce que tu penses Jax. Je cherche juste à me protéger », je termine alors un peu sèchement. « Ton père est parti pendant de nombreuses années. A quoi cela sert-il de lui en vouloir ? ». Mes yeux s’écarquillent alors que je tourne à nouveau le regard vers lui avec un air ahuri. « Profite plutôt de son retour pour passer du temps avec lui, retrouver ta complicité avec lui. Tu perds encore plus de temps à vouloir lui faire payer ». A ce moment même, j’aurai bien besoin de quelqu’un qui vienne me pincer pour me réveiller. Parce que j’ai l’impression de rêver en entendant Jax dire cela à l’égard de mon père, ce même père qui est le sien, qui l’a abandonné trente-cinq ans plus tôt. Ce père dont il prend finalement la défense. Je viens décoller mon dos du canapé, m’asseyant un peu plus au bord de celui-ci afin de me pivoter vers lui et lui faire plus face « Je ne comprends plus rien… Est-ce que je dois comprendre que tu ne lui en veux pas de t’avoir abandonné ? Non vraiment, Jax, là, je ne te suis plus du tout ». Comme plus tôt lorsqu’il m’a avoué ne pas en vouloir à Pete d’avoir balancé la vérité.
Il ne répond pas. Il ne répond pas lorsque je lui demande s’il est sûr de vouloir confronter mon père, ma mère… notre père, notre mère. Nos parents. Il semble se perdre quelques instant, son silence parlant pour lui. Il est inexpressif, il n’y a rien qui transparait et je me dis que le doute doit l’emparer à ce moment-là. Tout est arrivé finalement soudainement. Notre rencontre, cette ressemblance frappante entre nous qui nous a fait très vite nous interroger chacun de notre côté. Cette volonté de ma part de vouloir en savoir plus sur lui, où je reconnais que j’ai voulu aller trop vite aussi. Et puis, le retour de mon père qui a tout accéléré encore lorsqu’il m’a avoué les raisons de son départ. L’existence de ce fils, ce frère qu’il a recherché pendant des années en vain. En vain, car celui-ci se trouvait pendant tout ce temps sous ses yeux… Alors, je n’insiste pas, je pourrais parce que la colère est encore grande, je pourrais le pousser à me dire plus que ce que son silence veut bien révéler. Pourtant, je ne le ferai pas, parce que je m’en prendrai injustement à lui…
On revient sur Pete, celui qui est à l’origine de tout ça. Celui qui a eu la langue trop pendue, parce qu’il a appris que mon père fréquentait Tessa sa petite sœur. Et même si je comprends son point de vue, sa colère, je ne l’excuse pas pour autant d’avoir jeté la vérité en pleine face, alors que c’était le choix de Jax. Qu’il n’avait pas le droit de l’utiliser contre notre père juste pour le blesser, lui rendre la pareille. Alors oui, je n’ai pas ménagé mon ami d’enfance en le rencontrant plus tôt dans la journée, lui disant à quel point j’étais déçu par son comportement, à quel point il merdait dans sa vie… Au point de mettre fin à cette amitié qui datait depuis… toujours. Ça me déchire le cœur, parce que je sens qu’il y a quelque chose qui cloche chez Pete, mais qu’il ne m’a jamais laissé l’occasion de l’aider, qu’il a toujours été comme ça. Qu’il n’a jamais accepté de s’ouvrir, de dire réellement ce qu’il avait sur le cœur. Je ne sais plus quoi faire pour lui, j’ai baissé les bras finalement, le laissant se démerder tout seul. A regret sûrement quant on entend le ton que j’emprunte, demandant à Jax ce que je pouvais faire de plus pour l’aider « Tu n’y arrivera pas. Tessa a déjà essayé sans succès. Il a pas conscience de son problème. Je n’ai pas de solution miracle sinon je lui serai venu en aide comme Tessa m’a demandé ». Alors que je me suis levée pour reprendre un peu de calme en regardant par la fenêtre, je reporte mon regard sur mon frère, me rendant compte qu’il a essayé à son tour, en vain « Je ne l’ai pas aidé… Surtout ces derniers temps. A chaque fois qu’on se voyait, je n’ai fait que l’enfoncer encore plus. Avec ma franchise légendaire et à boire avec lui… ». Les regrets sont là, je ne les cache plus… « Je pense juste qu’il faut être là pour lui et qu’il faudra l’être lorsqu’il va se rendre compte de tout ce qu’il est en train de faire. Il a besoin de toi Mia même s’il ne le dira jamais ». Je retourne finalement m’assoir à côté de mon frère, me laissant tomber mollement sur le canapé, le regard triste, fixant le sol « J’en ai assez de me battre pour les autres Jax… Knox, mon meilleur ami avec qui je vis, a une maladie grave qu’il refuse de soigner, préférant profiter du temps qui lui reste plutôt qu’à être à nouveau cloitré dans une chambre d’hôpital pour s’en sortir… J’ai essayé d’être là pour lui et au final, il m’a claqué la porte au nez… Pete, même avec toute la bonne volonté du monde agit pareil. Il continuera à prétendre que tout va bien. Et regarde où ça l’a mené… Il se retrouve seul et malgré tout, il n’acceptera pas qu’on revienne vers lui et qu’on lui tende la main. Je m’en sens pas capable Jax, vraiment pas… ». Comme épuisée par tout ça, une larme finit par perler sur ma joue que j’efface d’un revers de main rapide, n’empêchant pas pourtant d’autres de suivre le même chemin. « J’ai toujours cette impression de perdre les personnes qui comptent le plus dans ma vie… Ca a commencé par mon père et depuis ça n’arrête pas… Après Knox, maintenant Pete.... ». Un cercle vicieux qui ne semblait vouloir se refermer, un schéma qui se répétait sans cesse… j’étais épuisée de tout ça.