Les aveux que Quinn voulait bien lui faire au sujet de son enlèvement étaient courageux. Cade en avait pleinement conscience. Il en avait croisé des victimes incapables de passer au-delà des faits, dans l’impossibilité complète de se relever malgré le soutien de la famille et des amis. Certaines d’entre elles moisissaient dans des structures psychologiques adaptées à leurs états d’esprit meurtris, avec pour seules visites les infirmières venant leur filer leur médoc quotidien. En pensant à ces personnes, Grimes n’avait plus le droit de se lamenter sur son sort et il s’était promis de les aider tout au long de sa carrière. Et bien que celle-ci soit en danger depuis plusieurs mois, il ne renonçait pas à ses dossiers, et même à mettre son nez dans de nouvelles affaires. « J'aimerais pouvoir vous dire que j'ai toujours été forte. Mais ce serait vous mentir. » Cade n’en doutait pas une seule seconde. On ne pouvait pas subir un tel traumatisme et en ressortir totalement indemne. La sensibilité de Quinn touchait l’agent fédéral. « La vérité est que j'ai longtemps été atteinte ce ce que l'on appelle la culpabilité du survivant. J'imagine que le terme vous est plutôt familier, compte tenu de votre travail. » Il hocha doucement de la tête pour confirmer. – Oui c’est plutôt courant dans ce genre d’affaires…Surtout pour de jeunes personnes. Cela pouvait arriver à des plus cieux, sans aucun doute. Mais lorsqu’on est adolescent, on grandit avec ce sentiment d’avoir eu beaucoup trop de chance, et d’être envie à la place de quelqu’un d’autre. Enfin, c’était ce qu’il s’imaginait, n’ayant pas vécu de tel drame. « Aujourd'hui, je vais mieux. Mais croyez-moi, il y a eu une période où… ce n'était pas beau à voir. » Il la regarde et répond à ce mince sourire, signe qu’il compatissait et qu’il comprenait.

Le parc était coloré en ces temps chauds. Un décor qui contrastait bien avec la noirceur de leur discussion. Un ravisseur derrière les barreaux, un potentiel complice reproduisant les faits, ou bien un fanatique déluré qui s’en prenait à des gosses innocents. C’était loin d’être réjouissant. Et pourtant, la jeune femme inspirait une certaine sérénité que Cade admirait beaucoup. Voilà pourquoi il tenta de la rassurer bien vite sur son agresseur et sur sa persévérance à ne rien laisser tomber et à ne rien négliger. Il lui avoua, avec des gants, qu’il n’était plus sur le dossier et qu’officiellement, il ne pourrait pas agir. Officieusement, l’agent fédéral était désormais trop impliqué là dedans pour que l’affaire lui échappe. D’autant plus depuis qu’il avait fait la connaissance de Quinn et qu’il avait et un réel témoignage de la fille qui avait survécu à son bourreau. « Vous avez ma carte. Je… Je ne sais pas comment je pourrais vous être utile, mais si vous avez besoin de m'appeler pour quoi que ce soit, si je peux aider même un tout petit peu, n'hésitez pas. » Il sourit et se perd dans ce regard plein de confiance qu’elle lui accordait. « Et j'espère que vous serez vite remis sur le dossier. Je ne peux pas me prononcer sur vos collègues puisque je ne les connais pas, mais vous… Vous ne lâchez rien, n'est-ce pas ? » Son sourire s’évanouit quelque peu, et il baissa la tête. Bien sur qu’il ne lâchait rien… mais son avenir professionnel ne dépendait plus de lui et il craignait pour la suite. « Peut-être au point de vous mettre vos supérieurs à dos… » Quoi qu’il advienne, il ne laisserait pas tomber. Il redressa la tête et la fixa un instant. – J’vous le promet Quinn. Je ferai tout ce qui est possible ! Il haussa les sourcils, renforçant ses mots par un regard prolongé et une mine assurée. « Est-ce que vous me tiendrez au courant ? Autant que possible, bien sûr… » C’était une évidence. Maintenant, elle devenait une alliée dans cette histoire. Il ne se voyait pas avancer sur l’enquête sans elle, ou sans l’avertir des avancées. – Si vous me promettez de n’pas défaillir à chaque fois qu’on se croise… ! L’ironie de cette phrase était ponctuée d’un sourire amusé. Il évoquait le petit malaise de Quinn, mais aussi ce côté Dom Juan qui se plaisait à faire tomber les femmes autour de lui que Grimes cachait en lui. « De toute façon, on sera amenés à se revoir. Je vous rappelle que je vous dois un café - un vrai ! » un double expresso bien serré, voici la promesse de Quinn. Et il ne disait pas non . – J’y compte bien !

Devant lui, le portrait de cette jeune fille fragile devenue une femme délicate et généreuse se dessinait petit à petit.  Sa présence et ses mots en étaient même apaisant, si bien que Cade se plaisait à poursuivre cette rencontre. « Du coup, vous êtes à Brisbane pour… des vacances forcées ? Vous avez de la famille ici ? » Il fourra ses mains dans ses poches de jean. – Ma sœur et mes deux frères vivent ici. Je suis venu fourrer un peu mon nez dans leurs petites vies bien rangées. Bien rangées ?! Milena n’était pas si blanche qu’elle ne le paraissait. Quant à Damien et Leonardo, ils avaient aussi eu pas mal de mésaventures d’après ce qu’il avait pu entendre. Mais comparé à ses péripéties à lui, il trouvait que sa fratrie était très sage. Il sourit et poursuivit. – Ca fait bien longtemps que je n’ai pas pris le temps de m’occuper de ma famille.






@Quinn Callahan   ;)

Abandonner, ce n’était pas du tout dans les habitudes de Cade. Dans le cadre de son boulot, il avait toujours fait preuve de persévérance et de détermination. Il ne prétendait pas être un héros mais il ne se sentait mieux qu’une fois les coupables derrière les barreaux quand il prenait une affaire en charge. Les discours des victimes, quand elles étaient encore de ce monde, avait toujours le don de le pousser à aller jusqu’au bout, sans rien lâcher. Et quand il s’agissait de pauvres personnes allongées sur la table d’autopsie, il y avait en lui une part de vengeance qui se mettait en place. Quoi qu’il arrive, il en faisait la promesse à Quinn, yeux dans les yeux. Il ferait son possible pour que d’autres fillettes ne subissent pas le traumatisme qui régissaient encore la vie de la jeune femme. Son avenir au sein des services fédéraux était incertain mais cela ne l’empêcherait pas de continuer de son côté pour empêcher d’autres enlèvements. Il ne fallait pas être flic pour se mettre entre un type et une gosse lorsqu’il le fallait !

A présent qu’ils se connaissaient dans cette partie plutôt dramatique, il était venu l’heure de se sourire et de plaisanter un peu. Cade était comme ça. Le boulot oui, mais l’humain aussi. « Pourtant, beaucoup d'hommes rêveraient de faire un tel effet aux femmes… » Pas faux. Faire tomber les femmes à la renverse c’était inespéré et très gratifiant. Surtout lorsqu’il s’agissait de femme avec la prestance de Quinn. Un sourire amusé et presque gêné vint illuminer le visage de Cade. – C’est encore mieux quand elles restent conscientes ! C’était certes bien plus agréable de la voir sourire plutôt que de tenter de lui redonner des couleurs avec un verre d’eau. Quinn était ce genre de femme qui n’était pas seulement sympathique, mais aussi très réconfortante et bienveillante. De ce fait, il n’avait aucun mal à prévoir de prendre ce vrai café avec elle. Au-delà de cette espèce d’admiration professionnelle qu’il lui vouait, sa curiosité voulait apprendre à la connaitre.

Elle semblait, elle aussi, profiter de ce temps libre pour amorcer une conversation plus personnelle.  Grimes n’eut aucun mal à lui répondre être là pour sa famille. C’était bien la vérité, avec l’autre partie. Celle qui concernait son renvoi temporaire du bureau fédéral. « Je vous ai cru Américain. Votre métier en plus de votre accent… J'avais peu de doutes. » Il marchait à ses côtés, souriant de la voir essayer de deviner ses origines. « Mais en réalité vous êtes Australien ? Et vous êtes parti vivre aux Etats-Unis ? » Elle y était presque. – Non, en fait je suis anglais. Mais j’ai passé toute ma vie, ou presque aux Etats-Unis. Ça laisse quelques traces. Son accent ? Ses habitudes parfois un peu rustres ? Son boulot au FBI ? Tout ça en même temps. Cade et sa famille avait déménagés de Londres vers New York alors qu’il était âgé de 15 ans. Il se considérait donc bien plus américain qu’anglais. « Je suis désolée. Il faut je prenne. L'école de ma nièce… »  Il hocha de la tête, presque déçu de ne pas pouvoir en apprendre aussi un peu plus sur elle…

« C'était le principal. Ma nièce s'est battue avec l'une de ses camarades de classe. Je dois y aller immédiatement. » Elle revenait avec une mine désolée. – Ces ados… ! Comme s’il y connaissait quelque chose… ! Il saluait néanmoins le dévouement de la tata qui vole au secours de sa nièce. « Cade… Merci. Pour tout. Pas seulement pour m'avoir aidée tout à l'heure, là-bas, mais… Pour votre soutien, d'une manière générale. Vos mots m'ont fait beaucoup de bien. Le monde aurait besoin de davantage de gens comme vous pour protéger nos enfants. J'espère que vos supérieurs le réaliseront vite. » Ces mots le touchèrent. Sincèrement. Mais ils le firent réfléchir aussi… pour la suite. Pour son poste qu’il laisserait à il ne savait quel abruti qui se prendrait pour un Captain America des temps modernes. Il pensait à tous ces gens qu’il avait aidé, et à tous ceux pour qui il ne pourrait rien. Ses yeux sur Quinn, il esquissa un faible sourire. « A bientôt, alors ? » Un hochement de la tete. – A très vite. Elle s’éloignait déjà en hâte alors qu’il restait planté là à penser à cette jeune fille sur les photos, et à la femme qu’elle était devenue. Jamais il n’aurait pensé la rencontrer un jour. Le festin voulait-il lui faire passer un message ?  







@Quinn Callahan   ;)