Silencieuse, le couteau dans la main, je m'affaire à couper quelques bâtonnets de carotte sous les directives de mademoiselle Carter. L’enthousiasme de ma présence ici semble avoir été oublié à la maison. Je n'ai pas envie d'être ici, mais je n'ai envie d'être nulle part, alors... Les traits fermés de mon visage ont tout de même du mal à être dissimulé, nourrit par des contrariétés qu'il m'est impossible de dissiper. " Tu t'en sors?" Je relève le visage, comme si elle m'avait soudainement sorti de mes pensées, alors que toutes ces tâches sont effectuées comme si j'étais une véritable machine, parce que c'est ce que je m’efforce de devenir, un être vidé de toute émotion. Je hoche de la tête machinalement, tâchant d'ignorer ce regard insistant qu'elle m'impose. Je me refuse de penser, de parler, et la seule chose qui semble recueillir mon attention, c'est de pouvoir aider pour cette petite réception qu'elle a organisé. Il ne s'agit pas là d'un banquet, juste une petite soirée, avec une vingtaine de personne. Je n'en connais aucune, et c'est bien évidemment sous ce prétexte que j'ai tenté d'y échapper, en vain. Il faut dire que la discussion que nous avions eu quelques jours plus tôt avait soulevé une problématique à laquelle elle ne pouvait apporter de solution. J'étais arrivée chez elle, complètement chamboulée, incapable de me raisonner sur la situation. Mon côté optimiste s'était dilapidé, laissant place à une colère tellement prenante qu'elle me suivait, encore à l'heure d'aujourd'hui, s'assurant que la blessure soit encore bien béante. Positionnée en second plan, j'attends péniblement qu'elle vienne à disparaître, mais visiblement, le temps ne joue pas en ma faveur, me poussant à refuser tout contact qui serait synonyme de gaieté et de partage. Je n'ai pas envie de me mêler à ce groupe de personne qui s’octroie quelques rires irritants à mes yeux, alors que la musique qui provient du salon me pousse à rester cachée dans cette cuisine. Grace passe de nouveau la porte de la cuisine, après avoir été accueillir un nouvel invité visiblement. "Hmm...J'pense qu'il va falloir aller chercher une bouteille de vin" lance t-elle en observant dans l'un des placards. Un appel que je ne peux ignorer, devinant qu'il m'offrira quelques minutes à l'abri de tous ces inconnus qui ont envahi le salon. "J'm'en charge". Ce couloir que je remonte m'amène jusqu'à la cave, pièce maitresse de cette maison. Il faut dire que la jolie brune a de quoi envier les plus fins connaisseurs, et elle s'est arrangée pour mettre ces petits trésors dans ce sous-sol, à l'abri des regards. J'ouvre la porte, descendant les premières marches avec une certaine nonchalance. La lumière déjà allumée ne semble pas avoir suscité ma curiosité, mais ce n'est que lorsque j'ai une vision totale sur la pièce que j'y découvre cette silhouette plantée au beau milieu. Un coup de poignard supplémentaire en pleine poitrine, alors que je n'attends pas de savoir s'il m'a remarqué pour remonter précipitamment et énergiquement les marches. J'ai l'impression de suffoquer soudainement, et mon corps qui vient se précipiter sur la porte ne parviendra pas à la passer à nouveau. Ma main agite à quelques reprises la poignée de la porte, alors que cette dernière semble verrouillée. "GRAAAACE! Ouvre cette porte bon sang!"criais-je, sachant pertinemment que la localisation de cet endroit dans la maison n'est pas arpenté, et qu'il sera difficile de me faire entendre par cette ambiance festive. Ma main vient frapper lourdement cette porte, alors que tout semble se tracer dans mon esprit. Évidement...Ma présence ici n'a rien d'un hasard, tout ça était prévu, depuis le départ. Je soupire lourdement, baissant le regard vers les dernières marches en pierre qui m'amèneront inévitablement vers le problème. Cette colère reprend sa place, comme si elle n'avait fait que somnoler en attendant ce moment fatidique. Elle me fait mal, si mal que mes mâchoires serrées en deviennent victimes, en deviennent douloureuse à leur tour. Je n'étais pas prête pour ça, clairement. Je finis cependant par rejoindre la pièce, n'accordant pas même l'ombre d'un regard à un Grimes qui doit être pour le coup décontenancé. Et je m'en fous clairement, tout ce que je souhaite là tout de suite, c'est partir, être loin, loin de lui. La haine que je me voue intérieurement est indomptable, me poussant à effectuer quelques pas dans l'espoir qu'elle disparaisse. Je dois prendre sur moi, et peu à peu, un calme apparent semble vouloir s'imposer alors que j'ai le téléphone coller contre ma joue, appelant à plusieurs reprises le téléphone de Grace, qui bien évidemment m'amène à découvrir une messagerie détestable. Je grogne, espérant peut-être que ce besoin de sortir de cet endroit soit aussi ressenti chez l'ancien agent. "GRACE CARTER! Merci de venir ouvrir cette putain de porte!" Un message qu'elle n'appréciera pas, mais ça nous fera un point commun sur le déroulement de cette soirée. Mes doigts viennent un instant masser mes tempes, anticipant quelques maux de tête à venir. Mes paupières se ferment dans l'espoir de trouver une solution pour s'échapper de cet endroit, à l’éclairage pourtant tamisé et bien chaleureux. "J'peux aussi appeler les flics...Mais mentionner une séquestration alors qu'on se trouve dans un endroit rempli de bouteilles, au beau milieu d'une fête ne rendra pas ma demande très crédible". Je m'adresse à lui, où j'en donne l'impression, parce que je n'en ai pas la moindre envie. Je m'arrête finalement dans cette marche incessante, finissant par baisser les bras, alors que mon regard croise un instant celui de Cade. L'ambiance était toute autre comparée à celle que nous avions vécu plus d'une semaine auparavant, ou même suite à nos derniers messages, mais j'en avais mes raisons, et aujourd'hui, ce visage qui m'apportait une vague de sentiment enivrant se trouvait être celui de l'ennemi, ce visage que j'étais incapable d'observer sans être foudroyé par cette colère. Je fuis tout contact, tout échange visuel, n'ayant clairement pas envie de m'y soumettre, obnubilé par toute cette négativité que je m'affaire à nourrir. J'avance, venant finalement m'asseoir dans un recoin de la pièce,à même le sol, et  à une distance suffisante pour ne pas deviner les quelques notes masculines de son parfum. Un soupire s'extirpe de mes lèvres alors mes bras viennent reposer sur mes genoux repliés. " Toi qui arrive toujours à tes fins, t'as pas la solution pour nous sortir de là?" Cette remarque ironique dissimule un reproche, alors que ma gorge se nous à l'idée de devoir échanger avec lui.

Ce cours lui avait semblé interminable. Cade tournait la clé dans la serrure de la porte, sac de sport sur l’épaule, quand son téléphone se mit à vibrer dans la poche de son jean. Il était tard dans l’après-midi, mais très tôt en soirée et malgré ça, la seule occupation dont l’ex agent fédéral rêvait c’était de se prendre une douche et de se poser avec une bière dans son canapé. Une fois l’agence fermée, il sortit son portable et le colla à son oreille sans même jeter un coup d’œil au numéro affiché sur son écran. En remontant pour retrouver la Chevrolet garée non loin de là, il reconnu rapidement la voix de Grace à l’autre bout du fil. Une amie de Savannah qui l’appelait probablement pour lui donner quelques nouvelles, de quel autre sujet voulait-elle parler ? C’était une surprise et pourtant, Cade espérait vivement que Grace comblerait, par quelques mots, le vide que la jolie blonde avait laissé depuis quelques jours. – Là, ce soir ? Il atteint sa caisse et ouvrit le coffre pour déposer son sac. Grace voulait discuter. De quoi ? Elle omit volontairement de le lui préciser alors qu’elle évoquait une petite soirée chez elle qui serait l’occasion de papoter autour d’un verre de vin. Elle insistait et malgré un soupir, Grimes accepta. – Okay, j’serai là dans une petite heure. Le sourire de Grace s’entendait à travers l'appareil.

Une douche et un jean propre plus tard, Cade repartait. Sa curiosité était sans doute ce qui le motivait à subir les regards et les quelques politesses hypocrites de convives qu’il ne connaissait même pas. Quand il sonna à la porte, il n’attendit pas très longtemps. – Caaaade ! Grace l’accueillit avec une joie presque poussée, et elle le fit entrer après avoir jeté un regard suspicieux derrière elle. Etrangement, elle l’accompagna rapidement dans le salon en balançant quelques banalités qui ne réussirent pas à convaincre Cade que sa présence était indispensable. Et puis, sans lui présenter aucunes des personnes qui partageaient un apéritif gourmand, elle lui barra le chemin et s’immobilisa devant lui. – Ecoutes. Il est clair qu’il y a trop de monde ici alors… Elle saisit une bouteille de champagne vide sur le meuble près d’elle et la mit en évidence devant les yeux étonnés de Grimes. – Tu vas m’aider à remonter quelques bouteilles ! On en profitera pour… bavarder tranquillement en bas. Elle lui prit la manche de sa veste et le tira vers une porte au fond du couloir. – Vas-y, j’te rejoins tout de suite. J’en ai pour une minute ! Son attitude était tellement singulière. Pourquoi ne pas s’isoler dans une chambre ou dans la salle de bain si vraiment il y avait des secrets que nul ne devait connaitre ! tout ça était perturbant mais l’ex agent voulait maintenant connaitre le fin mot de cette invitation. Il haussa les sourcils en la regardant s’éloigner et descendit les marches de la cave.

La lumière éclaira une pièce assez vaste quand il poussa l’interrupteur. Woaw, il ignorait que Grace détenait autant de bouteilles et surtout qu’elle était amatrice de bons vins. Il marcha lentement et explora les rangements en passant parfois sa main sur l’étiquette d’une bouteille. Cette jolie réserve détourna son attention quelques minutes d’autant plus que la musique de la petite fête ne se faisait même plus entendre d’ici. Seul le bruit sourd de l’aération faisait écho depuis le fond de la cave. Et puis, la porte. Des pas qui descendaient probablement les escaliers. Grace allait mettre fin au suspense de sa soirée. Grimes revint au centre de la pièce et resta planté là en reconnaissant Savannah. La surprise est totale et elle se lit facilement sur le visage lisse de Cade. Il la regarde et elle le voit. Puis, elle fuit. Les sentiments se rentrent dedans dans son esprit. A la stupeur de la voir débarquer dans cette cave, se mêle le soulagement de la retrouver alors qu’elle n’avait pas répondu à tous ses appels. Des questions accourent aussi pour alimenter son incompréhension et il l’observe s’acharner sur la porte. "GRAAAACE! Ouvre cette porte bon sang!". Cade met rapidement de côté l’évidence qu’ils aient été tous les deux pris dans un piège visant à les faire se confronter. – Sav… Commence t-il sans comprendre pourquoi elle réagit comme s’il avait la peste. Elle n’ose même plus descendre et maudit l’hôtesse à l’origine de cette rencontre. "GRACE CARTER! Merci de venir ouvrir cette putain de porte!" Complètement paumé, il tente de faire quelques pas précautionneux vers les marches. – Calme toi, elle va revenir.  Savannah paraissait tendue, presque à cran, et loin de lui l’idée qu’il pouvait être à l’origine de cette réaction démesurée. La jolie blonde ne lui répond même pas… "J'peux aussi appeler les flics...Mais mentionner une séquestration alors qu'on se trouve dans un endroit rempli de bouteilles, au beau milieu d'une fête ne rendra pas ma demande très crédible" Et ne se préoccupe que de la façon dont elle pourrait sortir de là. – Grace va pas nous laisser là toute la nuit. A moins que tu ne m’aies pas tout dit à propos de ta copine… Etait-elle folle ? Etait-ce là son moyen de garder ses victimes au chaud ? Grimes en avait vu d’autre, mais dans leur cas, ça ressemblait plus à une tentative pour rabibocher une amie avec son mec. Et ils étaient tombés dans le panneau, comme des bleus. Pour autant, l’ex agent ne se précipita pas pour trouver une solution, voyant là le moyen idéal de faire face à Savannah sans qu’elle ne se défile. Il en avait assez de tomber sur sa messagerie vocale et de paraitre désespéré en la suppliant. – Sav…c’est encore moi. T’as pas l’air de vouloir me parler… j’t’en prie… rappelles moi.

" Toi qui arrive toujours à tes fins, t'as pas la solution pour nous sortir de là?" Son ton était autoritaire et dédaigneux. Loin, très loin du petit jeu de rôle Infirmière/patient auquel ils s’étaient adonnés avant qu’elle ne rompe tout contact. – Désolé, j’ai pas pensé à prendre mes super gadgets d’agent secret avec moi… Un peu d’humour mais au fond, l’impatience le gagnait. Après un silence pesant, il se décida. – Sav qu’est ce qui s’passe ? Tu m’évites…

Si je pensais que cette soirée serait définitivement affligeante, alimentée par des faux-sourires et autres convenances du genre, je n'avais pas envisagé une seule seconde que rejoindre la cave m'apporterait ma pire crainte du moment. Il est là, à quelques mètres de moi. Cet homme que je m'affaire à fuir depuis maintenant une semaine se retrouve à insuffler le même air que moi, et cette simple idée m'est presque insupportable. Je n'ai pas envie de le voir, pas envie qu'il puisse poser ses yeux émeraudes sur moi ou qu'il puisse vouloir m'adresser la parole, et malheureusement, la peur que cette souffrance ne se limite pas à une poignée de secondes s'est rapidement intensifiée face à cette porte close qui me fait face. La thèse de la maladresse est bien évidemment épargnée, il ne s'agit pas d'un malheureux hasard, un malheureux concours de circonstances...Grace sait exactement ce qu'elle fait, et bien que cette évidence soit de mise, les raisons pour justifier son acte restent pour ma part contestables. Je me sens terriblement mal, en proie à une sorte d'angoisse qu'il m'est impossible de chasser, et qui ne se résume pas uniquement à une claustrophobie passagère. Mes poings qui s'abattent sur cette porte me font mal, mais pas autant que cet organe logé dans la poitrine, qui semble en proie à des palpitations soudaines."– Sav…"Ce son est un supplice, et je ne souhaite qu'une chose, c'est de pouvoir passer outre, l'oublier, oublier ce qu'il représente, mais il me ramène pourtant à la dure réalité, celle que je n'aurais pu imaginer une seule seconde, je suis coincée avec lui. Découragée et visiblement consciente du contexte à venir, je finis par souffler en fermant les paupières, puisant au plus profond de moi pour trouver la force de descendre ces quelques marches qui me mèneront à lui, à défaut de pouvoir enfoncer cette porte par ma frêle silhouette. Et c’est dans une indifférence nécessaire que je m'y atèle, je piétine à travers la pièce, nerveusement, n'épargnant pas la messagerie de celle qui me servait jusqu'alors d'amie. – Calme toi, elle va revenir. Je l'ignore, tapotant sur mon téléphone pour donner le change. Il n'a pas idée un seul instant de ce qui peut se passer dans mon esprit, et si je me retrouve bloquée ici en sa présence, c'est justement parce qu'elle en connaît chaque détail. Il ne s'agit pas là d'une petite occasion pour rabibocher deux protagonistes, mais un moyen de libérer ce que je m'efforce de contenir depuis plusieurs jours, et qui semble pourrir mon être tout entier. Je me souviens parfaitement de ces précieux conseils, de sa suggestion à me tourner vers le principal intéressé pour en discuter, et de cette réponse catégorique que j'avais formulé avec vivacité."– Grace va pas nous laisser là toute la nuit. A moins que tu ne m’aies pas tout dit à propos de ta copine… "Cette réplique qui, auparavant, aurait été à l'initiative d'une réponse tout aussi sarcastique que la sienne reste vaine, et ce qui auparavant me faisait chavirer devient une torture insupportable. J'encaisse, préférant me terrer dans un coin dans l'espoir qu'il puisse m'oublier, juste un instant.

Je sais pourtant que mon ignorance ne tardera pas à attiser sa curiosité, et qu'une quelconque claustrophobie ne suffira plus suffisante pour la justifier. Alors je me décide enfin à lui adresser la parole "Toi qui arrive toujours à tes fins, t'as pas la solution pour nous sortir de là?" " Le ton est effectivement à l'opposé de nos précédents échanges, bien loin de ce petit quelque chose qui rendait notre relation singulière, et qui était parfois hors de portée des autres, mais malgré ma bonne volonté, il m'est actuellement impossible de prétendre à mieux. "– Désolé, j’ai pas pensé à prendre mes super gadgets d’agent secret avec moi…"Lui qui trouvait généralement des astuces insolites en était donc démuni au moment le plus attendu, quelle surprise. Ma tête vient reposer sur le mur, dans un agacement presque perceptible. "Évidemment..." soufflais-je doucement, ne laissant apparaître aucun amusement sur ce visage désemparé. " – Sav qu’est ce qui s’passe ? Tu m’évites…"Et voilà, nous y sommes, au préambule d'une discussion que je redoutais depuis le début. Mon pouce et mon index viennent pincer l'arête de mon nez un instant, alors que je prends quelques secondes pour lui répondre "Rien...il se passe rien" lâchais-je, ouvrant finalement mes paupières pour laisser mes iris bleues se chargeaient d'appuyer mes mots au travers d'un premier regard.  Ce simple échange suffit à resserrer mes mâchoires sans que je ne puisse le contrôler. Je relève les épaules, ajoutant finalement "Je vais parfaitement bien...." Mensonge. Je détourne finalement le regard, n'ayant pas la force de soutenir le sien plus longtemps "Alors épargne-moi le moment où tu prétends que ça puisse avoir de l'importance à tes yeux s'te plait...J'suis clairement pas d'humeur à jouer les hypocrites là tout de suite" Il l'avait pourtant prouvé, à travers quelques messages laissés sur mon répondeur, auxquels je n'avais donné aucune réponse, aveuglée par cette colère qui surpassait tout.

S'il était ravi d'éviter les embrassades peu chaleureuses et les regards curieux sur sa personne lorsqu'il arriva chez Grace, Cade se posait déjà bien des questions sur l'attitude de l'hotesse de maison. Il y avait bien une soirée ici, cependant, la jeune femme agissait comme si son dernier invité ne devait pas se trouver là, du moins pas trop longtemps pour être remarqué. Elle lui avait parlé d'une mystérieuse conversation qu'ils devaient avoir et voilà maintenant qu'elle cherchait à l'isoler comme s'ils pouvaient être sur écoute ou comme si des caméras risquaient d'être planquées dans toute sorte d'objets insolites et inconnus. Grace n'était pas du tout naturelle. Même s'il l'avait peu côtoyé avant ce soir, Grimes se souvenait d'une fille assez simple, quelque peu espiègle mais sans vraiment tombé dans de la folie piquante ou mystérieuse. A vrai dire, il ne s'était pas dit qu'elle pouvait être à l'origine d'un plan diabolique visant à le mettre face à Savannah de façon forcée et complètement volontaire. Car c'était bien la jolie blonde qui était descendu à la cave et il ne pouvait pas s'agir d'une coïncidence. Ce lieu était bien trop distinctif, Grace avait bien mené son jeu. Pendant que Savannah s'acharnait contre la porte et contre l'instigatrice de ce rendez-vous, l'ex agent fédéral l'observait en ayant compris qu'ils étaient là pour un petit moment, mais en s'interrogeant aussi sur l'ignorance qu'elle démontrait à son égard. Son hystérie pouvait être mise sur le compte d'une crainte fondée de se retrouver là, enfermée dans ce lieu sombre et lugubre. Néanmoins, elle ne lui donna aucun crédit et elle était si différente de la Savannah qui avait soigné son poing quelques semaines auparavant...fuyante, désarmante, en colère. – Calme toi, elle va revenir. Il tentait tout de même quelque chose bien qu'un gouffre amer se dressait automatiquement entre eux.

– Grace va pas nous laisser là toute la nuit. A moins que tu ne m’aies pas tout dit à propos de ta copine… L'humour ne réussissait même pas à dégriser l'ambiance. Savannah y était impassible et  un air de réprimande lui voilait les yeux alors qu'elle s'adressait enfin à lui sur un ton tout aussi désagréable. – Désolé, j’ai pas pensé à prendre mes super gadgets d’agent secret avec moi… Que s'était-il passé... ? Le dernier sms qu'elle lui avait adressé lui avait déjà semblé curieux, sa façon d'ignorer ses appels était inquiétante, mais là, quelque chose clochait véritablement. Puisqu'ils étaient face à face et profitant du programme décidé par Grace, Cade mit les pieds dans le plat. – Sav qu’est ce qui s’passe ? Tu m’évites… Impatient de l'entendre et d'enfin connaître la raison de cet éloignement soudain, il resta planté au centre de la cave, faisant totale abstraction du décor. "Rien...il se passe rien" Elle le regarde et il peut déceler son mensonge d'ici. "Je vais parfaitement bien...." Il haussa les sourcils, hoche une fois de la tête comme s'il allait se contenter de cette réponse surfaite. - Oh... Finit-il par faire dans un souffle rapide et évident qui transpirait l'ironie. Grimes était certain que Savannah pouvait le faire, elle pouvait poursuivre et le mettre sur une piste. "Alors épargne-moi le moment où tu prétends que ça puisse avoir de l'importance à tes yeux s'te plait...J'suis clairement pas d'humeur à jouer les hypocrites là tout de suite" Ça, il avait bien remarqué. Ce qui le décontenança pourtant c'était cette barrière. Cet énorme panneau STOP qui l'arrêtait alors que, depuis leur rupture, il avait tendance à vouloir appuyer sur l'accélérateur. Cette fois, il fronça les sourcils, abandonnant l'idée de la dérision ou du sarcasme. -Attends, j'suis pas sûr de tout comprendre...Il fit quelques pas lents et hésitants vers elle et il brisa à nouveau un silence pesant. - Okay, tu veux bien m'aider un peu... ?! Un jour tu m'propose un rencart et l'suivant tu m'fuis comme si j'étais contagieux. Ses yeux verts se figèrent sur elle. - Je t'ai laissé des tas de messages... ! Certains soirs, il l'avait appelé trois ou quatre fois et il était resté sur sa voix féminine et rassurante qui lui sommait gentiment de « laisser un message après le Bip ». - Excuse moi mais...j'suis un peu paumé Sav...

Tout ces efforts pour ignorer massivement ce flot d'émotions n'ont donc servi à rien. Enfermée dans cette cave auprès de cet homme qui parvenait encore il y a peu à soulever mon cœur, je me prends de façon vive et déchirante cette vague en plein visage, et il m'est difficile de garder la tête hors de l'eau. Je n'ai pas envie de me battre avec lui, pas plus que d'avoir une quelconque discussion. Tout ce que je veux, c'est oublier, et pouvoir aller de l'avant, parce que l'idée de devoir vivre avec cette colère permanente me détruit, et que je me refuse d'y céder. Je veux juste la laisser partir. Mais comment le tenir à distance sans lui fournir la moindre explication? Comment espérer pouvoir m'en sortir, alors que je me retrouve là, emprisonnée à travers ces murs qui me paraissent si étroits dans ce contexte? Cette douleur n'était donc pas assez suffisante pour me faire vivre un moment pareil? Cette voix qui auparavant rimait avec ironie et sécurité n'est plus, et je m’efforce presque à l'ignorer, incapable de vouloir lui accorder du crédit. Une attitude qui évidement ne passe pas inaperçu auprès de l'ancien agent, qui met pourtant tout en œuvre pour me soutirer quelques mots qui déboucheraient sur un semblant d'échange. "– Sav qu’est ce qui s’passe ? Tu m’évites…" Un euphémisme. Je ferme les paupières, ne pouvant reculer désormais. Une partie de moi espère pourtant encore un miracle pour me dispenser de répondre, alors que l'autre, beaucoup plus fougueuse et meurtrie, ne cherche qu'à déverser cette haine sans plus attendre et m'en libérer. Et je suis littéralement tiraillée entre les deux, incapable de faire mon choix.  Alors je mens "Rien...il se passe rien" . Il me connait assez pour le deviner, alors je reprends, avec un manque de considération flagrant. "Je vais parfaitement bien...."soupirais-je, suscitant sans plus attendre une réaction chez cet homme."- Oh..." Je ne suis pas d'humeur à supporter ses états d'âme là tout de suite, alors avant même qu'il ne cherche à s’apitoyer sur le vilain sort que je lui impose, j'emploie des mots durs, capables de le fermer à son tour, et de nous épargner une discussion qui , de toute façon, n’aboutira à rien. "Alors épargne-moi le moment où tu prétends que ça puisse avoir de l'importance à tes yeux s'te plait...J'suis clairement pas d'humeur à jouer les hypocrites là tout de suite" Contre toute attente, cette tentative échoue, ne faisant qu'attiser d'avantage sa curiosité.  "-Attends, j'suis pas sûr de tout comprendre..." Il s'approche vers moi, et ce simple fait me donne l'impression d'être d'autant plus vulnérable." - Okay, tu veux bien m'aider un peu... ?! Un jour tu m'propose un rencart et l'suivant tu m'fuis comme si j'étais contagieux." Un rictus détestable s'extirpe de ma bouche face à l'ironie de ces mots, qui résumaient pourtant assez bien les faits. Mon regard se plante dans le sien, laissant entrevoir une sorte de provocation indomptable. Et alors? L'espoir qu'il puisse être désemparé ne suffit pas à me faire sentir mieux pour autant, et bon sang que j'aimerais. "C'est le temps qu'il m'a fallu pour comprendre que c'était une erreur" Mon regard se pose finalement sur mes mains, m'épargnant une quelconque réaction dans son regard. "- Je t'ai laissé des tas de messages... !"Et je n'avais pas été capable d'en écouter un seul, préférant faire comme s'ils n'avaient jamais existé. "- Excuse moi mais...j'suis un peu paumé Sav..." Et la raison se trouvait là. Malgré toute cette colère, toute cette haine, il restait cet homme pour qui je vouais un attachement bien trop particulier, et qui était capable de remettre en question ma vision des choses. Je n'avais pas la force de supporter ça. Je n'étais pas en mesure de l'aider alors que j'étais moi-même incapable de savoir quoi en penser. Je me lève finalement, me frottant les mains en soupirant, avant de passer à ses côtés et de me tourner à nouveau vers lui. "Que veux tu que j'te dise Cade?" Mes épaules se relèvent un instant, mes lèvres se pincent, cherchant probablement à contenir ces mots qui souhaiteraient s'en échapper. "Je..." Mes sourcils se froncent finalement, face à la complexité que la réflexion impose. "J'pensais que devoir reprendre ma vie sans toi était probablement la chose la plus difficile à faire, et je réalise que c'est encore plus douloureux de t'avoir à mes côtés." Mon regard, sincère, vient appuyer ces mots. Nous avions vécu beaucoup de chose ensemble, et ce lien qui nous unissait rendait cette relation particulière à mes yeux, mais ne devais-je pas me faire une raison et tentais d'aller de l'avant? Je hoche finalement de la tête pour moi-même, me dirigeant finalement vers les différentes bouteilles, à la recherche de celle qui pourrait sans plus attendre apaiser mes maux. J'en attrape une, me réjouissant que Grace est bien voulu nous laisser l'ouvre bouteille à disposition, et alors que je m’attèle à l'ouvrir, mon esprit vagabonde, prête à lâcher cette bombe. Je lui tourne le dos, et inconsciemment, peut-être que c'est cette situation qui me pousse à vouloir finalement m'ouvrir. "J'suis venue..." Une pause, alors que le silence qui surplombe cette pièce semble rendre soudainement l’atmosphère particulièrement lourde. "J'ai fais gardé Mathis, et j'me suis baladée dans le centre ville en espérant peut-être t'y trouver." Et je l'ai trouvé. Accoudé à l'un de ces bars qu'il appréciait fréquenter. "Et avant même que je n'ai eu le temps de passer la porte du bar, je t'ai vu prendre la direction de la sortie en compagnie de cette fille." Sa main logée dans le bas du dos de cette dernière. Je prends une sorte d'inspiration nécessaire pour affronter la suite. "J'attends pas de toi des détails, crois moi que c'que j'ai vu était suffisant pour que les images s'imposent à moi."Je relève finalement les sourcils, malgré le visage baissé, le regard perdu sur ce bouchon en liège qui roule entre mes doigts et qui n'a plus le même intérêt face à ces aveux "Et tu ne me dois rien. Tu es libre de faire c'que tu veux, parce que si on en est là, c'est uniquement parce que je l'ai décidé" Quelques secondes avant de reprendre doucement. "Il n'empêche que ça fait mal" Cette simple idée me pousse à venir glisser mes lèvres sur le haut de la bouteille et d'en savourer quelques gorgées, comme si cela pourrait apaiser ma peine du moment.

Cette situation était inédite. La problématique et le plan envisagé par Grace aurait très bien pu faire naitre une colère noire en lui, pourtant Cade n'avait même pas tenté d'ouvrir la porte de la cave pour fuir ce face à face avec Savannah. Il acceptait presque totalement le sort qui lui était réservé ce soir là, puisqu'il avait attendu de pouvoir parler à la jolie blonde, après qu'elle eut refusé chacun de ses nombreux appels. Passer chez elle aurait pu être une solution mais il ne s'y sentait plus le bienvenu depuis leur rupture, et encore fallait-il qu'elle soit là, et qu'elle daigne lui ouvrir. Quelque chose l'avait braquée et complètement éloignée de la légèreté qui avait pu s'installer entre eux après le passage de Peter Grimes. La question, c'était quoi... ? Qu'est ce qui l'avait poussé à faire marche arrière si radicalement ? L'ex agent fédéral était paumé et des tas de questions flottaient dans son esprit d'autant plus que Savannah refusait foncièrement tout contact avec lui. Sa réaction quand elle l'avait aperçu au centre de la pièce sombre en avait été la preuve formelle. Alors maintenant qu'elle ne pouvait plus s'échapper, Cade en profitait pour lui faire part de son désarroi, très enclin à connaître la vérité. - Okay, tu veux bien m'aider un peu... ?! Un jour tu m'propose un rencart et l'suivant tu m'fuis comme si j'étais contagieux. Ça résumait bien le truc, si elle avait pu enfoncer la porte pour ne pas le voir, elle l'aurait fait sans un mot alors que quelques jours auparavant, elle se portait volontaire pour venir remplacer son bandage à la main, sobre prétexte pour passer une moment avec lui. "C'est le temps qu'il m'a fallu pour comprendre que c'était une erreur" Ouch. Une erreur. Voilà comment elle qualifiait désormais l'occasion qu'ils avaient eu de se retrouver un peu. Tout ça enfonça Grimes dans son questionnement, elle le torturait presque et il fronça les sourcils pour lui montrer qu'elle le perdait encore plus. - Je t'ai laissé des tas de messages... ! Excuse moi mais...j'suis un peu paumé Sav...

Il était évident qu'elle lui cachait quelque chose. Cade connaissait le caractère volcanique de Savannah, cette montagne russe qui régissait ses faits et gestes et qui lui était souvent peu supportable à elle même. Leur histoire en avait fait les frais de multiples fois, en accord avec l'impulsivité et la fureur de la personnalité de Grimes. Cependant là, il fallait qu'elle parle car il ne saurait endurer et souffrir d'un silence qu'il ne saisissait pas. L'espoir qu'il avait mit dans ce rencart qui n'avait pas eu lieu avait sans doute été trop conséquent...  "Que veux tu que j'te dise Cade?" Il déchantait. Elle n'avait pas le droit de lui répondre ça. "Je...J'pensais que devoir reprendre ma vie sans toi était probablement la chose la plus difficile à faire, et je réalise que c'est encore plus douloureux de t'avoir à mes côtés. " Figé, les yeux braqués sur elle, il encaissait ses mots. Cette séparation la faisait souffrir et sa présence la bouleversait. Savait-elle seulement qu'elle lui manquait  tout autant  et que les dernières semaines sans pouvoir se loger dans ses bras pour obtenir un réconfort certain avait été compliquées ? Sensible à cette déclaration, l'ex agent la regarda se diriger vers les bouteilles de vin et en choisir une comme si elle s'apprêtait à noyer ses prochains aveux dans de l'alcool onéreux qu'elle ne savourerait probablement pas. Sans qu'il n'ait pu commenter, elle lui tourna le dos et il ne bougea pas. "J'suis venue..." Finit-elle par lâcher. "J'ai fais gardé Mathis, et j'me suis baladée dans le centre ville en espérant peut-être t'y trouver." L'image de Savannah marchant vers ses petites habitudes de soirées lui vint en tête. Pourquoi ne pas l'avoir appelé pour qu'ils se rejoignent quelque part ? Il attendait la suite, tentant de retracer son propre chemin. "Et avant même que je n'ai eu le temps de passer la porte du bar, je t'ai vu prendre la direction de la sortie en compagnie de cette fille." Hé merde. Là voilà la raison. Là voilà sa connerie qui avait forcément ériger un mur entre eux. Grimes su immédiatement de quoi elle parlait. Un bar, une fille, il n'y en avait eu qu'une avec qui il était sorti ! Déviant péniblement le regard en réprimant un soupir las, Cade comprenait.

FLASHBACK
JANVIER 2022 – 20h02
La soirée était longue. Trop  longue. Et lamentablement déprimante. Comme il l'avait fait maintes fois, Cade avait poussé la porte de ce bar qu'il connaissait bien et où le barman n'aurait pas de mal à l'arroser autant de fois qu'il le souhaiterait. D'ailleurs, il ne fut même pas assit sur le tabouret haut du comptoir que celui-ci lui posa un verre devant lui et commença à verser le scotch ambré avec un petit sourire amusé et narquois. Son téléphone vibra dans sa poche de jean. Jon lui confirmait que sa petite était malade et qu'il restait à son chevet ce soir. Tant pis, il boirait seul. Ou pas. A peine avait-il entamé son verre qu'une jeune femme, brune, trente-trois à trente-cinq ans, s'installa sur le tabouret d'à côté. - Une journée chargée ou une gonzesse qui tape sur les nerfs ? Il l'avait regardé d'abord surprit, puis il avait esquissé un sourire. - Dans les deux cas, j'me serai écroulé d'épuisement dans mon pieu ! Il lui avait alors retourné la question et s'en était suivi une conversation tendancieuse tourné sur un semblant de drague qui, au fur et à mesure que les verres s'enchainaient, ne se cachait plus. Pour autant, le whisky n'eut aucun impact sur la décision de Cade. - Si t'es ok...on peut aller chez moi. Sourire provoquant sur les lèvres, regards sulfureux, l'ex agent voyait uniquement l'opportunité de s'amuser, lui dont le quotidien n'avait pas été brillant ces derniers temps. Cette fille était bien foutue et elle l'invitait clairement à passer la nuit avec elle... Ses vieilles habitudes n'étaient guère loin. Il était à peine 21h20 quand il passa derrière elle pour sortir du bar et  probablement 21h30 quand ils passèrent le seuil de cette grand baraque familial outrageusement vide et silencieuse. Sans un mot et sans même allumer la moindre lumière, la jeune femme qui répondait au prénom de Jessica retira sa veste et passa ses bras autour de son cou. Ses intentions étaient nettes et envahit par le moment, Cade répondit à un baiser sensuel, puis à un autre, et encore un autre...Il n'en avait rien à faire de qui elle était, ni du métier qu'elle exerçait. C'était comme avant. Comme quand il ne ressentait rien et que seul son plaisir comptait. Jessica l'avait entrainé dans une chambre doté d'un lit immense sur lequel il s'était assit. Elle semblait, elle aussi, impatiente et son corps tout entier brûlait lorsque Cade passa ses paumes le long de son dos. Assise sur lui, les genoux ancrés dans le matelas, elle retira son chemiser pour dévoiler un soutien gorge noire tout en transparence. Une sensualité qu'il ne pouvait nier et pourtant...Les pensées de Cade semblait prendre un autre chemin. Jessica lui retira son tee-shirt et dévora sa mâchoire, puis sa nuque, pendant que les yeux de l'ex agent se perdaient, se noyaient. Un mal de tête l'envahit, ce putain de démon lui hurlait de s'arrêter ou.. non.. ce n'était pas un démon ! C'était ce qu'on appelait les sentiments. La jeune femme le sentit s'immobiliser et de moins en moins entrainé. Elle coinça ses long cheveux bruns derrière ses oreilles et, un sourire presque évanouit, elle lui demanda... - Quoi.. ? Y'a un truc qui va pas.. ? Daignant la regarder, il se mordit les lèvres. Fait chier ! Il lui prit le bras et s'extirpa de ce piège. - J'suis désolé...Jessica... Il attrapa son tee shirt au sol. - J'dois y aller.

AUJOURD'HUI
FEVRIER 2022 – Chez Grace
La nouvelle l'anéantit de l'intérieur. Et même si ses yeux s'étaient posés sur la bouteille que Savannah tenait, Cade était ailleurs. Bordel, il s'en voulait. Sa culpabilité était palpable pourtant, la jolie blonde l'achevait. "J'attends pas de toi des détails, crois moi que c'que j'ai vu était suffisant pour que les images s'imposent à moi." Il essaya néanmoins – C'est pas c'que tu crois... Oh si ça l'était. Dans son intention, Grimes allait coucher avec cette fille ! "Et tu ne me dois rien. Tu es libre de faire c'que tu veux, parce que si on en est là, c'est uniquement parce que je l'ai décidé" Certes, il était libre puisque leur relation s'était terminée il y avait plusieurs semaines de cela. Au fond, Cade ne l'était pas et c'était bien ce qui l'avait retenu ce soir là. "Il n'empêche que ça fait mal" Serrant les dents, il ignorait comment il allait rattraper le coup et ce vin lui faisait drôlement envie aussi ! Craignant la réaction de Savannah, il leva la main comme si elle était prête à lui sauter dessus, et il s'avança de quelques pas tout en commençant... - Ecoutes...j'suis bien sorti avec cette fille, et on est allé chez elle après avoir bu quelques verres... Il ne mettait rien sur le compte de l'alcool, ce n'était pas le but. - Mais Sav...J'ai.. C'était difficile. Et il se sentait entouré d'un merdier qui serait bien compliqué d'effacer. - Bordel...il s'est rien passé de plus ! La tension  en lui était monstrueuse. - Je sais que ça va pas t'réconforter mais j'ai pas pu. Je suis... parti avant d'aller plus loin. La raison ? Si elle la voulait vraiment, elle l'aurait. Cade lui tourna le dos à son tour et fit les cents pas dans la cave sans retomber en pression.

Assise à même le sol, je tente de composer avec cette colère, qui, après un faux répit, semble décidée à me foudroyer à nouveau, se souciant peu du contexte alarmant qui pourrait me permettre de l'apaiser en le fuyant. Elle est forte, dévorante, m'empêche de faire preuve de lucidité et de détachement au moment où j'en ai le plus besoin. Et j'essaie. Le regard perdu un instant dans le vague, j'essaie inlassablement de la chasser, lutant dans mon for intérieur pour en échapper. Si mes émotions sont difficilement domptables, je me retrouve à devoir gérer celles de Cade, qui, sans grande surprise, peine à comprendre mon attitude depuis plusieurs jours. J'avais espéré que mes silences parviennent à le ramener à la raison. Que sa fierté légendaire le pousse à se fermer à son tour, qu'il se décide à baisser les bras comme je l'avais fait. Mais voilà que notre passage dans cet endroit intime et obscure nous force à devoir vivre ce moment, que j'étais parvenue à nous épargner par une indifférence complète depuis plusieurs jours. Qu'était-il arrivé à Grace pour qu'elle puisse en arriver à cette réflexion? Mesurait-elle un instant le chaos que je pouvais éprouver, et cette frustration de ne pouvoir l'exprimer librement à cet homme, qui troublait mon être par sa simple présence? Mon corps est ici, mais mon esprit vagabonde, tâchant d'échapper d'une façon ou d'une autre aux différents appels de Cade. J'ai besoin de m'échapper, j'ai besoin d'oublier qu'il est là, et malheureusement, tout me ramène inlassablement à lui. De ce parfum si familier qui vient chatouiller mes narines, à cette voix singulière...Il est là. Et cette idée me rend plus vulnérable que jamais. " Un jour tu m'propose un rencart et l'suivant tu m'fuis comme si j'étais contagieux." Je soupire, tâchant de me défaire de l'apparition soudaine de ce sentiment de culpabilité, que je n'avais pas su éprouvée sur l'instant, aveuglée par ma propre détresse. Et à ce moment, au lieu de trouver une excuse capable de justifier ce comportement, j'opte pour cette arme destructrice, capable de tout effacer sur son passage : l'attaque. "C'est le temps qu'il m'a fallu pour comprendre que c'était une erreur" Je n'ai pas envie de faire preuve de souplesse, et je sais pertinemment que plus mes propos seront acerbes, plus les chances qu'il abandonne grandiront, m'offrant l’échappatoire à toute cette histoire, en limitant la casse. Et pourtant, je suis incapable de le regarder à cet instant, incapable de lire la déception qu'il peut éprouver face à ce manque d'empathie. Malgré ça, il poursuit ses efforts, éprouvant probablement le besoin d'obtenir la réponse qui lui permettrait de passer à autre chose. Réponse que je ne suis cependant pas disposée à lui offrir. Et pourtant....Son appel à l'aide parvient un instant à me faire faiblir. Je suis désemparée, incapable de me raisonner, et voilà que je dois lui fournir les raisons capables de soulager ses maux du moment. Mes mains se relèvent, témoignant de ma vulnérabilité du moment et de cet échec que je semble assumer.. C'est donc ce qu'il voulait? Me voir dépérir sous ses yeux? Avoir la sensation qu'il n'était pas le seul à éprouver cette souffrance? "Que veux tu que j'te dise Cade? Je...J'pensais que devoir reprendre ma vie sans toi était probablement la chose la plus difficile à faire, et je réalise que c'est encore plus douloureux de t'avoir à mes côtés. "Ma gorge se noue à cette idée, révélant une vérité bien trop difficile à accepter, voir impossible. Peu importe ce que je fais, ce que je choisis, il n'y a que la souffrance qui m'attend au bout du chemin. Et par un besoin de me protéger, il me semblait plus raisonnable de m'en tenir à distance, et espérer que peut-être un jour, toute cette histoire serait derrière moi. Je me tourne vers les bouteilles, profitant de ce moment pour souffler faiblement et tenter de me reprendre. Je ne dois pas lâcher....Ces mots se répètent inlassablement dans mon esprit, alors que j'ai besoin presque vital de vouloir poursuivre, ruinant ce silence que j'avais à cœur de lui imposer afin d'éviter une discussion bien trop insupportable. "Et avant même que je n'ai eu le temps de passer la porte du bar, je t'ai vu prendre la direction de la sortie en compagnie de cette fille." Une scène qui pourrait être banale, qui aurait du être banale, mais qui se joue inlassablement de moi, me rappelant ces faits que je m'étais convaincu d'ignorer si souvent. Nous étions différents. Nous ne voulions pas les mêmes choses...Et s'il avait tenté de m'en dissuader, cette simple anecdote suffisait à me donner raison. Ca ne pouvait pas marcher. Ce n'était pas moi qu'il voulait, ce n'était pas cette vie parfaitement rangée qui le faisait vibrer. C'était terrible, mais ça nous dépassait simplement, au delà de cet attachement qui nous unissait l'un à l'autre. Cette scène que j'avais observée m'avait anéantie, avait brisée tous les espoirs que j'avais fondés dans cette relation. Je l'ai détesté si fort dans un premier temps. Dévastée du mensonge permanent qu'il avait été capable de mener, je lui en voulais terriblement, non pas pour vouloir profiter de sa liberté retrouvée, mais de m'avoir sauvagement arrachée la mienne par cette invitation innocente à nous retrouver après cette partie de billard quelques années plus tôt. Mais cette colère s'adressait finalement à la mauvaise personne... Je m'en voulais encore plus de ne pas avoir su me protéger du sort qui m'était réservé. J'avais eu la naïveté de croire, que peut-être, les choses pouvaient marcher. J'avais foncé, sans me soucier un seul instant que tout ça puisse un jour se retourner contre moi... Et aujourd'hui...Aujourd'hui, je payais le prix de mon insouciance. Plus rien était comme avant, mais je ne pouvais le blâmer plus longtemps de reprendre sa vie. Je me devais de le libérer de toute forme de culpabilité, n'ayant pas envie que ce moment se résume à un règlement de compte, basé sur une pseudo jalousie, parce qu'il ne s'agissait pas de ça. "J'attends pas de toi des détails, crois moi que c'que j'ai vu était suffisant pour que les images s'imposent à moi." commençais-je. "– C'est pas c'que tu crois..." Je relève les sourcils, encore surprise de voir à quel point il peut rendre les choses plus difficiles. "Et tu ne me dois rien. Tu es libre de faire c'que tu veux, parce que si on en est là, c'est uniquement parce que je l'ai décidé" Une précision qui une fois de plus méritait d'être évoquée, et qui je l’espérais pourrait ainsi le soulager. "Il n'empêche que ça fait mal" Cette vérité, qui dissimulait derrière cette immense colère, s’apparentait à une douleur poignante et insupportable. Douleur que je m'efforce de noyer dans cette bouteille, qui pourra m'offrir une vague de réconfort après quelques instants. Ou pas " - Écoutes...j'suis bien sorti avec cette fille, et on est allé chez elle après avoir bu quelques verres... " Je pivote légèrement, lassée de voir qu'il s'enfonce malgré tout dans un discours dont je souhaite le dispenser, et qui ne fera que rendre ce moment plus insoutenable. Je m'autorise à croiser son regard, alors que mécaniquement, mes mâchoires se sont serrées à nouveau à l'idée de devoir supporter ça. Avait-il saisit le moment où je lui demandais de m'épargner les détails de cette rencontre? "- Mais Sav...J'ai..  Mon regard se baisse finalement sur le sol, cherchant à dissimuler cette fragilité passagère. "- Bordel...il s'est rien passé de plus !" J'entends ces mots. Je les ai entendu oui, et pourtant, mon visage reste impassible, incapable de savoir si je dois prendre en considération. Cherchait-il à se défendre, quitte à se lancer dans un mensonge qui ne lui ressemblait pas, mais qui pourrait peut-être lui permettre de redorer son image?" - Je sais que ça va pas t'réconforter mais j'ai pas pu. Je suis... parti avant d'aller plus loin." Il persiste. Et ma naïveté du moment me pousse à vouloir l'observer pour jauger la véracité de ces mots. Parce que cette confiance que je lui ai accordé quelques années auparavant est toujours là, au plus profond de moi. Je me pince les lèvres, faisant à mon tour quelques pas dans cet endroit restreint et suffoquant, avant de lâcher finalement. "Pourquoi?" Cette réponse allait probablement lui arracher la bouche, mais j'avais besoin de l'entendre, j'avais besoin de m'assurer que tout ce que nous avions vécu n'était pas qu'une fabulation de ma part, et qu'au delà de nos problèmes, ce lien sincère et unique avait bel et bien existait, et qu'il persistait. Je m'arrête, mes pieds semblant s'enfoncer dans le sol à m'en faire perdre l'équilibre. Le temps semble soudainement se suspendre. Cette tempête déferlante se dissipe l'espace de quelques secondes, faisant abstraction de toute cette négativité. Et c'est un sentiment de chaleur qui s'empare de ma poitrine, m'offrant un moment de répit appréciable. Une sorte de silence, dans laquelle seul mon souffle parvient à me maintenir à cette réalité. Une accalmie passagère qui suffit à me faire rendre les armes. "Tu me manques" Il n'y a plus cette volonté de blesser ou de faire ce qui est juste. Et je n'attends pas de réaction ou de réponse de sa part, j'ai juste besoin de le dire à voix haute, parce que c'est là, en moi. C'est fort, limpide, évident. Et peut-être que l'occasion de lui en faire part ne se présentera plus. Au delà de tout ce qui semblait aujourd'hui détruit, perdurait ce sentiment, nourrit par de nombreux souvenirs, des éclats de rires, de douces caresses....Cade Grimes était parvenu à bouleverser ma vie, et il n'avait pas idée à quel point.

Combien de chances existait-il pour que Savannah tombe sur eux, juste au moment où ils sortaient du bar ? A quel degrés Cade avait-il la poisse pour que, la seule proposition qu'il eut accepté depuis sa rupture, fut observé par la seule personne qui ne devait pas se trouver là ? "J'attends pas de toi des détails, crois moi que c'que j'ai vu était suffisant pour que les images s'imposent à moi." Ce qu'elle avait vu ne se résumait qu'à une invitation accepté par l'ex agent fédéral, peut-être quelques sourires échangés avec la demoiselle en question et aussi un ou deux gestes qui laissaient deviner la suite des choses. Pour autant, Savannah ne connaissait pas la finalité de cette soirée. Cade avait bien grimpé dans la caisse de Jessica et il l'avait suivit chez elle en étant très au fait de ce que la nuit allait lui réserver. Et là-dessus, il ne pouvait pas blâmer la jolie blonde de penser pareil. Si la situation avait été l'inverse et qu'il s'était retrouvé à être témoin d'un binôme qu'elle formerait avec un type et qui allait sûrement passer plusieurs heures ensemble, chez l'un ou chez l'autre, il aurait forcément dessiner le reste des événements dans sa tête, et il en aurait blêmit de rage. Et si elle ne voulait pas de détails, Cade était certain de vouloir clarifier immédiatement la situation, bien qu'aux prémices de sa fuite, il y avait quand même l'intention de s'envoyer en l'air avec cette fille..."Et tu ne me dois rien. Tu es libre de faire c'que tu veux, parce que si on en est là, c'est uniquement parce que je l'ai décidé" Tout ça n'était pas faux, Cade était officiellement célibataire depuis plusieurs semaines et ses actes ne nécessitaient aucun justificatif. Néanmoins, ce rapprochement qu'il avait cru discerner après l'enterrement et au travers des quelques messages qu'ils avaient échangés avant le silence radio, embarquait avec lui son lot d'explication."Il n'empêche que ça fait mal"  Et voilà pourquoi ! Faire souffrir Savannah était la dernière chose qu'il voulait !

A mesure qu'il encaissait de s'être fait surprendre en chemin avec Jessica, Cade ne pouvait plus s'empêcher de s'en vouloir. Il avait été con. Il avait merdé ! Et il s'en était rendu compte bien avant que sa connerie ne fut consommé. - Écoutes...j'suis bien sorti avec cette fille, et on est allé chez elle après avoir bu quelques verres... Savannah buvait comme si elle cherchait à se rendre sourde à la moindre tentative de Grimes. Il insistait avec une hésitation qui trahissait sa naïveté de n'avoir pas prit conscience tout de suite des sentiments qui l'animait. Et d'ainsi avoir peut-être gâcher toutes ses chances de retrouver Savannah.- Mais Sav...J'ai.. Bordel...il s'est rien passé de plus ! La jeune femme restait impassible. A la fois détaché et suspendue à ses mots, sans doute parce qu'elle n'avait pas d'autre choix que celui de l'écouter. - Je sais que ça va pas t'réconforter mais j'ai pas pu. Je suis... parti avant d'aller plus loin. Le concret ? Il n'allait pas lui déballer là, dans cette cave, alors qu'il essayait d'abord de lui expliquer que cette fille ne signifiait rien du tout. Les pieds ancrés dans le sol, son regard verts figés sur elle, il attendait péniblement sa réaction face à cet aveu qui voulait tout dire pour lui...Cade Grimes qui avait refusé une partie de jambes en l'air assumée avec une jolie brune, cela relevait de l'inédit. Et de l'inédit, il y en avait dans tout ce qui l'avait poussé à sortir de cette maison ce soir là..."Pourquoi?"  Finit-elle par demander justement.

FLASHBACK
Janvier 2022 – 22h14
Sous les yeux ronds de Jessica, Cade s'était dégagé de son emprise et s'était rhabillé rapidement, sans regarder derrière lui. - Attends...j'comprend pas... Il n'y avait rien à comprendre. Il ne pouvait pas. A chaque fois qu'il fermait les yeux, c'était un autre visage qu'il imaginait. Un autre parfum. C'étaient les lèvres de quelqu'un d'autre qu'il s'imaginait se balader sur sa peau. Sa relation avec Savannah, leurs étreintes, leurs échanges sensuels demeuraient dans son esprit et il ne parvenait pas à s'en dégager l'espace d'une heure pour se laisser aller avec une autre femme. Il en avait conscience, et ça le faisait clairement chié car il n'était pas maître de ses sentiments et il maîtrisait encore moins leur avenir. Avant de fermer la porte de la chambre, il avait regardé Jessica, et avait baissé les yeux. Une fois seul dehors, Cade fronça les sourcils, laissa échapper un soupir libérateur et, les mains dans ses poches, il rejoignit le centre.


Sa bouche s'entrouvrit, c'était le moment. Le moment où il ne fallait pas se rater parce qu'une pile de reproches planait déjà dans cet atmosphère étouffante. Et surtout le moment d'être sincère s'il ne voulait pas qu'elle se complaise dans la décision qu'elle avait prise de l'avoir quitté. - Elle n'était pas toi. Son regard soucieux plongé dans celui de Savannah, Cade ignora le contexte, l'odeur de renfermé et cette bouteille de vin dans sa main. Il reprit. - J'ai cru que j'pouvais faire comme avant... m'amuser sans penser à autre chose mais... Voilà qu'elle ne pourrait lui reprocher son honnêteté à cet instant. - J'peux pas. J'peux pas... T'es toujours dans ma tête. T'es là, malgré tous mes efforts pour continuer en montrant à tout l'monde que j'en ai rien à cirer. Sa gorge se noua. Son corps était mou comme de la guimauve. Il cédait face à la véracité de ses propos et à la force de ce qu'il ressentait pour elle. Il baissa enfin le visage par terre, incapable de la laisser lire dans ses yeux cette émotion qui allait avec ses propos.

Un silence s'en suivit. Un moment qui lui paru durer une éternité et dont l'issue scellerait certainement leur futur commun. Quand il redressa la tête, Cade rencontra l'air relâché de Savannah. "Tu me manques" Bon sang ! Ces trois mots le traversèrent tout entier et avait tué au passage les quelques doutes qu'il avait sur la façon dont elle appréhendait le présent. Dans un soupir de soulagement, il esquissa un léger sourire et s'avança de quelques pas dans sa direction. Tout près d'elle, l'ex agent parvenait déjà à retrouver cette familiarité et ce réconfort qui émanait de son parfum et de ses jolis iris bleu. Si elle le lui avait permit, il aurait déjà dévoré ses lèvres tant elles lui manquaient aussi. A défaut, il saisit la bouteille de vin... - Ne dit pas ça avec une bouteille à la main ! J'pourrais ne pas te croire. Il avait haussé les sourcils, surfant sur le côté moins tendu de la conversation pour placer une petite touche d'humour bien à lui. Il observa l'étiquette de la bouteille qui indiquait peu distinctement « Saint Emilion, 2017 ». - Tu m'manque aussi. Plus que tu l'imagine. Ces révélations lui avaient donné soif et ce grand vin  lui faisait particulièrement envie là tout de suite. Il en prit une gorgée au goulot avant de jeter de nouveau un œil à l'inscription et au petit dessin illustrant le domaine. - Tout me parait compliqué alors qu'en vérité, c'est très simple. Ses yeux se posèrent de nouveau sur Savannah. C'était simple. Cade était amoureux. Amoureux de cette fille qui l'avait laissé en pensant que leurs différences n'étaient pas compatibles et pour qui il souffrait intérieurement et silencieusement. Un sourire jaune se logea sur son visage. - Ne m'regarde pas comme ça Savannah, j'ai l'impression d'être un de ses acteurs de série B... Et il remonta la bouteille dans l'intention de s'en reprendre un peu, juste pour se convaincre qu'il n'était pas l'un de ces types bodybuildés qui avait appris leur texte par cœur.

Prétendre que j'allais bien n'avait jamais sonné aussi faux que présentement. Enfermée dans cette pièce, je ne réalise que trop bien cet amas d'émotions qu'il m'est impossible de gérer, et dont j'avais nié férocement l'existence jusqu'alors. Il est là, à quelques mètres de moi, et ce simple fait me paraît juste insurmontable. Je manque d'air, je suffoque, en proie à ces images que je m'efforce à vouloir oublier, mais qui se jouent de moi, repassant en boucle dans mon esprit, particulièrement lorsque je croise son regard. Et si je m'étais décidée à me barricader dans le plus grand des silences, l'approche de Cade ne permet pas de m'y soumettre comme je l'aurai imaginé. La haine que je semble lui vouer est bien trop importante pour qu'elle somnole en moi, et bien vite, je lui lance quelques remarques désobligeantes. Pourtant, l'espace d'un instant, c'est avec une certaine sincérité que j'évoque ce dilemme perpétuel. Cet homme, qu'il m'est incapable de sortir de ma vie, me détruit parfois par sa simple présence. Je m'en veux d'éprouver ça, j'en veux à cette vie de me l'avoir à nouveau mit sur mon chemin, alors que l'issue de notre histoire était déjà toute tracée. Un sentiment d'injustice qui prône alors que je prends la direction des bouteilles, espérant pouvoir noyer mon amertume dans le fond de l'une d'elles. C'est pourtant l'ouverture de cette dernière qui va briser tout mes plans. Le regard faussement perdu sur l'étiquette, j'en viens à lui livrer les raisons de ce comportement probablement déroutant à ses yeux, non pas parce que je souhaite en parler librement et espérer avoir une explication à ce sujet, mais parce que notre histoire mérite plus de considération que de finir sur des non-dits déterminants, si douloureux soient-ils. Il ne s'agit pas d'une saute d'humeur passagère, mais d'une blessure bien plus profonde, et si par ailleurs, il éprouve encore une once de respect pour moi, il ne cherchera pas à en rajouter et respectera la distance que je semble vouloir nous imposer, depuis les derniers messages que je lui ai envoyé. Les choses étaient faites ainsi, il n'y pouvait rien, et je n'y pouvais rien. Il ne nous restait plus qu'à l'accepter, et passer à autre chose. "Il n'empêche que ça fait mal" Je ne cherchais pas à le culpabiliser, ou quoique ce soit, j'étais moi même responsable de cette situation, je n'allais certainement pas le blâmer de vouloir aller de l'avant. Mais le résultat était là, foudroyant, dépassant toute raison, et il a prit mon cœur en otage. Comme si ce n'était pas suffisant, Cade semble vouloir rentrer dans ce débat que je lui demandais auparavant de m'épargner. Je profite d'une bonne gorgée, tâchant de faire abstraction et de ne plus rien laisser transparaître. Pourtant, il y a un moment de flottement, alors que quelques mots viennent à retenir mon attention. "- Je sais que ça va pas t'réconforter mais j'ai pas pu. Je suis... parti avant d'aller plus loin." Je suis perdue, torturée par cette fierté qui me pousse à vouloir faire preuve d'indifférence. Un duel se met en place dans mon esprit, défiant les raison du cœur et cette volonté de m'en tenir à cette distance. Je finis cependant par céder, ignorant naïvement les conséquences qu'une telle question pourrait provoquer. "Pourquoi?" J'ai besoin d'entendre cette raison, besoin de me conforter que tourner la page est tout aussi douloureux pour lui, et que mon passage dans sa vie n'aura pas juste été synonyme de chapitre déjà clôt et enterré. Mon corps se trouve à quelques mètres du sien, et j'ai pourtant l'impression que tout ce qui s'apprête à sortir de ses lèvres risquent de ravager ce dernier. Un bref moment d'hésitation alors que mes yeux se perdent dans les siens, en attente de ces mots, que je redoute autant que je désire. Un moment décisif qu'il perçoit probablement tout autant que moi, et qui se transmet par la force de cet échange. "- Elle n'était pas toi." Un soulagement, pourtant inaudible, qui se distingue par le relâchement de mes épaules. Mon regard figé sur lui, avec cette vision pathétique de moi qui tient du bout des doigts cette bouteille hors de prix, il poursuit pourtant." J'ai cru que j'pouvais faire comme avant... m'amuser sans penser à autre chose mais... J'peux pas. J'peux pas... T'es toujours dans ma tête. T'es là, malgré tous mes efforts pour continuer en montrant à tout l'monde que j'en ai rien à cirer." Est-ce cet espace temps, durant lequel j'ai cessé de cligner des paupières, qui trouble ma vision, et qui s'accompagne d'un souffle coupé? Cette colère s'est littéralement dilapidée, faisant naître en moi une émotion bien plus forte, bien plus dévorante. Je l'observe baisser le regard, devinant des maux similaires aux miens. Il ressentait ça lui aussi. Les armes désormais lâchées au sol alors que le drapeau blanc semble s'être hissé pour le moment, je me laisse envahir par ce que j'éprouve au plus profond de moi, et qui surpasse ce que j'ai bien voulu laisser entendre jusqu'à présent. Ce manque qu'il a laissé, ce sentiment aussi destructeur qu'entraînant, et dont je ne savais que faire désormais. "Tu me manques" Et ça en était presque terrible. Que pouvais-je faire de ça? Le léger sourire qu'il esquisse suffit à retrousser légèrement mes lèvres à mon tour, assumant cette image absurde que je renvoie face à tant de contradictions en si peu de temps, et dont je ne suis peu fière. Les quelques pas qu'il fait en ma direction suffit à ôter les dernières barrières encore présentes entre nous. Il est près de moi, et sans même le toucher, je ressens cette chaleur réconfortante qu'il dégage, et dont je n'ai qu'une envie, c'est de pouvoir y succomber. "- Ne dit pas ça avec une bouteille à la main ! J'pourrais ne pas te croire." Mes doigts viennent frotter nerveusement le haut de ma tête, alors que j'ai ce léger sourire stupide sur les lèvres. Ce n'était pourtant pas ce breuvage qui m'avait poussé à faire preuve de lucidité et de discernement, mais bel et bien, lui et ce ras de marré de sentiments qu'il fait naître en moi depuis bien trop longtemps. Je ne bouge pas, comme si le moindre geste pourrait me porter préjudice, et pourtant, chaque partie de moi semble réagir à la proximité de nos deux corps. Le temps semble suspendu "- Tu m'manque aussi. Plus que tu l'imagine." Mon regard se relève sur les traits de son visage, ne pouvant m'empêcher de le fixer face à ces mots, de me laisser porter par l'authenticité de ces derniers. Un moment durant lequel les sentiments priment sur mon caractère souvent ingérable. "- Tout me parait compliqué alors qu'en vérité, c'est très simple." Je suis suspendue à ses lèvres, comme si chaque mot qui s'en échappait était fait pour alimenter ce que je ressens pour lui. Mes yeux ont finalement la chance de retrouver les siens, et cela ne suffira pas à dissimuler tout cet amour qui semble s'échapper à travers mon regard bleuté, toute la douceur et l'affection qui l'animent. "- Ne m'regarde pas comme ça Savannah, j'ai l'impression d'être un de ses acteurs de série B..." Je finis par sourire, haussant finalement les épaules face à cette attitude dont il semble vouloir se défaire, et qui pour ma part, me précipite vers lui. " Ils n'ont pas ton charisme.." m'amusais-je doucement, sachant qu'il éprouvait probablement le besoin de s'évader de toutes ces choses définitivement effrayantes qu'il venait d'avouer. Mes lèvres se pincent alors que mon corps s'approche encore plus du sien, nous soumettant à une proximité presque dangereuse et inédite après ce début chaotique. Le visage baissé, les paupières closes, je m’enivre de la délicieuse odeur qu'il dégage, alors que, presque fragilement, mon front se pose sur le haut de son torse, me laissant porter par cette vague avec toute la délicatesse nécessaire. Mes bras se replient contre lui, espérant pouvoir me perdre l'espace d'un instant dans la chaleur de ses bras. Le souffle qui s'échappe de mes lèvres est libérateur, dénotant le bien-être qu'il provoque par cette simple étreinte. Et sans même avoir le temps d'y songer, mon visage se relève, remonte prudemment, venant se perdre dans la chaleur de son cou et la douceur de sa peau, alors qu'un appel bien plus fort semble m'emporter sur mon élan. Je recule faiblement, assez pour désormais avoir à portée de main sa jolie bouche. Mes yeux l'observent avec envie un instant, mon regard remonte finalement dans le sien, comme si j'avais besoin de m'assurer qu'il ressentait tout ça lui aussi, et que ce besoin fou de vouloir succomber était partagé. Le souffle chaud que je ressens sur mes lèvres sonne comme un appel, et je n'ai aucun moyen, ni aucune envie d'y échapper. Je succombe,doucement. Mes lèvres s'apprêtent à rencontrer les siennes lorsqu'un bruit sourd, provenant du haut des escaliers, vient à se faire entendre. "Vous êtes là?" Je relève les paupières, rencontrant à nouveau ce regard émeraude alors que la frustration qui m'anime est à son comble. Une fois de plus. Est-ce ce fichu hasard qui se joue de nous? Ou le signal d'alerte pour arrêter tout ça avant un point de non retour? Nous avions été enfermé dans une sorte de bulle, la réalité était prête à reprendre ses droits, et l'arrivée soudaine de Grace à cet instant en était justement la preuve. Mes doigts effleurent par une certaine fragilité son torse, dans une sorte d'excuse, avant de me détourner de lui. Je remonte les escaliers, croisant le regard de mon amie dans le plus grands des silences, sans qu'elle ne puisse y lire quelque chose. N'ayant pas le coeur à poursuivre les festivités et fournir les détails de ce moment isolé, j'attrape ma veste dans le couloir et rejoins finalement l'extérieur, incapable de savoir quoi en penser.

Si Cade s'était d'abord senti tel un rat prit au piège dans une boite en attendant que l'on observe les résultats d'une expérience à dormir debout, il avait laissé sa surprise et son impatience de côté pour en profiter. Après tout, se retrouver face à Savannah était ce qu'il attendait depuis qu'elle avait finalement refusé d'honorer le rendez-vous qu'ils s'étaient fixés, sur un air léger et bien plus facile que précédemment. Elle l'avait snobé, lui et ses appels, pendant plusieurs jours et s'en était devenu presque insupportable. Préférant ne pas miser sur un changement d'avis radical au sujet de leur relation, Grimes avait quasiment attendu l'instant où elle serait forcée de lui donner quelques arguments à son silence. Et des arguments, il en avait eut. Du moins, il comprenait mieux désormais le pourquoi de ce retournement de situation. Nul doute que le voir s'éloigner en voiture avec Jessica avait du la mettre en rogne et, il la connaissait bien, Savannah était du genre à vite réagir. Ses émotions, dés qu'elle sont un peu titillées, ne tardent pas à régir ses actes. Et voilà qu'elle lui exprimait cette déception face à face, avec une sensibilité qui se mêlait à une colère évidente que Cade se devait de prendre dans la tronche. Cette soirée avec une autre fille lui avait pourtant été révélatrice sur les sentiments qu'il avait pour la jolie blonde. Ses sentiments qui l'avaient empêché de poursuivre sur sa lancée et qu'elle n'ignorait pas malgré leur rupture et leur éloignement récent.

- Elle n'était pas toi. Jessica avait certes un potentiel physique remarquable et une façon d'attirer les hommes que beaucoup de femmes pouvaient lui envier. Mais...elle n'était pas Savannah. C'était une nuance qui avait joué lourdement sur la folle nuit qu'ils s’apprêtaient à passer ensemble, et un fait que l'ex agent fédéral ne pouvait plus nier. Elle était dans sa tête. Constamment. Et le parfum alléchant d'une partie de jambes en l'air sans prise de tête ni avenir tracé avec une autre était désormais fade et sans saveur. C'était ses bras à elle qui le faisaient vibrer, sa peau qu'il voulait caresser et c'était dans sa nuque qu'il voulait loger son visage pour reprendre une bouffée d'oxygène. - J'ai cru que j'pouvais faire comme avant... m'amuser sans penser à autre chose mais... J'peux pas. J'peux pas... T'es toujours dans ma tête. T'es là, malgré tous mes efforts pour continuer en montrant à tout l'monde que j'en ai rien à cirer. S'en était presque cruel. Savannah l'avait largué et il ne maîtrisait pas du tout ce manque. Il se contentait parfois de le combler avec quelques verres de whisky, ou avec ce boulot et les quelques têtes d'ours a qui il devait enseigner l'art subtil de ne pas se prendre une balle dans le thorax. Voilà pourquoi il n'avait plus l'intention de lui cacher ça. Grimes laissa les mots sortir de sa bouche comme ils venaient et il espérait qu'ils seraient assez juste pour qu'elle saisisse le message. "Tu me manques" Cette phrase lui tira un sourire soulagé. Un léger soupir même. Cette réciprocité était aussi réconfortante qu'incompréhensible. Pourquoi l'avait-elle laissé s'il lui manquait tant ?! Elle se faisait du mal, tout autant qu'elle lui en faisait. C'était déconcertant !

- Tu m'manque aussi. Plus que tu l'imagine. Cade avait saisit la bouteille de vin que Savannah avait déniché. Ses aveux étaient de l'ordre de l'inédit, et ils seraient bien accompagnés par ce grand cru ! - Tout me parait compliqué alors qu'en vérité, c'est très simple. Ses yeux avaient depuis longtemps trouvé refuge dans les siens et un sourire faussement amusé vint illustrer cette phrase. Il n'y avait plus rien à comprendre. L'énigme était résolu. Il tenait à Savannah si fort que ça le ravageait intérieurement. - Ne m'regarde pas comme ça Savannah, j'ai l'impression d'être un de ses acteurs de série B... Après quoi, il goûta enfin à ce Saint Emilion comme pour appréhender ce qu'elle allait répondre à ça. Elle l'avait quitté quand il lui avait avoué ses sentiments, il était donc trop peu certain de ce qu'elle pouvait faire maintenant qu'il renouvelait sa déclaration. " Ils n'ont pas ton charisme.." Au moins, elle ne s'était pas retourné en hurlant pour que Grace vienne la délivrer de ce cauchemar... !

Cade dévie le regard, sentant ce silence gênant envahir la pièce. Ce vin était savoureux et il allait en reprendre une gorgée sans même s'en rendre compte. Sauf que Savannah s'approcha, visage baissé. Elle diminua la distance entre eux et son front se posa délicatement sur lui. Le cœur de Grimes allait éclater pourtant il était conscient que ce moment était parlant. La jolie blonde se blottit contre son torse et sans même y songer, le bras de Cade vint l'entourer et se poser dans son dos pour la serrer encore un peu plus...Il ferma les yeux juste pour apprécier vraiment, et sa bouche vint se coller contre ses cheveux blonds. C'était ça ! C'était ça qui lui manquait ! Ce parfum, cette douceur. Cet apaisement instantané qu'elle provoquait dans tout son corps. Woaw, il ne voulait plus la laisser. Ses lèvres remontent lentement et prennent la direction des siennes en lui donnant un léger frisson. Ses iris bleu croisent le vert des siennes avec une dangereuse intensité qu'il ne voudrait rompre pour rien au monde. Nom de Dieu, il en meurt d'envie. La bouche de Cade s'entrouvre avec espoir quand la porte de la cave, elle, s'ouvre bruyamment en anéantissant tout sur son passage. "Vous êtes là?"

Sans bouger, l'ex agent fédéral ouvre les paupières d'un coup et la seconde d'après, il les referme en soupirant. Non... Grâce ne pouvait pas être à la fois l'inquisitrice d'un tel plan, et celle qui le fait foirer ! Cette bulle dans laquelle ils s'étaient enfermés l'espace de quelques seconde avait éclaté subitement et la réalité était dure. Savannah le lui fait comprendre. Elle passe à côté de lui, sans un mot, et il serre la mâchoire en évitant de la suivre du regard. Qu'est ce que ça voulait dire ? Où en étaient-ils à cet instant ? Paumé, Cade finit par se retourner pour la regarder grimper les dernières marches vers la sortie, et s'en aller...sans même le guider vers ce que serait la suite...