Passant la porte de chez moi, je viens m'appuyer contre cette dernière après l'avoir soigneusement refermée. J'ai le souffle coupé, l'echo de ce palpitant en moi, que je ne parviens définitivement plus à maîtriser, malgré les quelques minutes écoulées. Me pinçant les lèvres, et fermant les paupières, j'ai cette étrange sensation qui m'anime. Je suis complètement paumée. Cette soirée, riche en émotions, est venue altérer mon jugement. Elle a foutu en l'air toutes ces idées dont j'étais parvenue à me convaincre depuis plusieurs semaines. Mes retrouvailles avec Cade n'étaient pas au programme, pas plus que ces quelques revelations qu'il avait prit à cœur de révéler, et qui avaient suffit à inverser la tendance. Il n'avait pas tourné la page. Cet homme que j'avais préféré haïr ces derniers jours me bouleversait une fois de plus, et j'étais tout bonnement incapable de prendre du recul sur la situation. Les mots qu'il avait employé se répétaient en boucle dans mon esprit et peu à peu, les raisons qui m'avaient tenu loin à distance tendaient à se dissiper. Le souvenir de mon corps qui se rapproche du sien pour y chercher du réconfort est particulièrement perceptible. C'est plus fort que moi, cet homme qui met mes émotions à rudes épreuves se trouve être le seul capable de me faire oublier ces maux l'ombre d'un instant. Son parfum agit comme un sortilège, les battements de son cœur comme une mélodie rassurante, je sens la douceur dans chacun de ses gestes, et j'aimerais que ce moment perdure à tout jamais. Au delà des problèmes réels qui nous entourent, ce moment ne peut nous être ôté. Il est fort, invincible, et bien plus sincère qu'il n'y paraît. Il me dépasse, et je suis désormais incapable de m'en détacher. Cette proximité, bien trop forte, m'amène jusqu'à la chaleur du souffle qu'il laisse échapper, mon regard se relève dans le sien, dénotant une perte de contrôle totale. Je succombe, n'ayant désormais plus qu'une envie, pouvoir exprimer à travers ce baiser tout ce que je semble incapable de pouvoir accepter. L'intervention de Grace va cependant m'en empêcher alors que mes poings se resserrent à la seule idée de n'avoir pu céder à cette envie. C'est un supplice, et je me sens tout bonnement incapable de pouvoir garder la tête haute après un moment aussi fébrile. J'ai besoin d'air, besoin de prendre du recul pour comprendre ce que ça signifie.

Feignant de m'intéresser aux images qui défilent sous mes yeux, je n'accorde finalement que peu d'attention à ce qui est actuellement diffusé sur l'écran TV. Mon esprit est ailleurs. Mon regard ne cesse d'observer ce téléphone délaissé sur la table basse face à moi, comme si ce simple fait suffirait à le faire sonner, et dans un moment de faiblesse, je viens l'observer une fois de plus, constatant que rien à changer depuis la dernière fois que je l'ai fait, soit quelques minutes auparavant. Mon index glisse sur l'écran tactile, s'arrêtant quelques secondes sur le nom qui s'y affiche. L'envie est forte, dévorante, et me donne cette impression d'être face à un choix crucial. J'ai essayé de lui envoyer un message, de l'appeler, mais ce sentiment de ridicule m'empêche d'aller au bout de l'action Comment pouvais-je en être arrivée là? Cet épais brouillard que je traversais se dissipait, et si j'avais tenté de me convaincre que ce rapprochement dans cette cave n'était qu'un acte purement impulsif, il semblait encore plus évident qu'il reflétait une vérité insoutenable. Cet attachement pour lui est toujours plus fort, et je suis tout bonnement incapable de savoir comment le gérer. J'avais passé la journée à faire comme si ça ne voulait rien dire, mais plus le temps passait, et plus il m'était difficile d'ignorer cette évidence plus longtemps. Quelques secondes d'hésitation avant que je me relève avec entrain du canapé, déterminée à faire taire cette voix qui m'implore de le retrouver.

Je monte les quelques marches qui mènent à sa porte d'entrée, en proie à quelques doutes maintenant que le moment fatidique semble être arrivé. Cet état de panique est perceptible, et se materialise par ce souffle imparfait que je laisse échapper. Bon sang, je suis complètement folle... Je piétine sur place, observant légèrement derrière moi comme si la fuite pouvait être encore envisagée, mais mon esprit refuse de s'y soumettre. Qu'allais-je pouvoir dire? Je l'avais littéralement abandonné, que ce soit par cette rupture brutale, ou encore en le laissant seul dans cette cave la veille, sans chercher à lui fournir la moindre explication, la moindre excuse. Mon poing se lève, s'apprêtant à cogner la porte alors que l'ouverture soudaine de cette dernière me prend au dépourvu, et semble figé mon geste dans le vide. L'apparition de son visage dissipe instantanément tout mes doutes, alors qu'un sourire gêné prend possession de mes lèvres "Hey" lâchais-je simplement. Cette approche est bien différente de celle que nous avions partagé la veille, mais la douceur de ma voix marquait sans plus attendre le ton que je souhaitais imposer. La surprise perceptible sur son visage me pousse à mordiller un instant ma lèvre inférieure. "J'suis passée prendre à emporter dans le coin, et comme je suis toujours du genre à prévoir bien plus que ce qu'il ne faut, je me disais que peut être je pourrais t'en faire profiter " Le sachet blanc que je tiens dans les mains, qui contient les différentes barquettes en aluminium, est l'excuse parfaite pour pouvoir débarquer chez lui. Il sait pourtant pertinemment que le restaurant chinois se trouve plus près de chez moi. Ma pudeur m'empêche cependant de lui révéler que c'est bien ce besoin oppressant de le retrouver qui m'a amené jusqu'ici. Mes yeux se baissent un instant sur le bout de tissu qu'il tient entre les mains, et qui n'est pas sans rappeler ce foulard, délaissé chez lui lorsque nous étions encore ensemble. Une satisfaction agréable m'inonde à l'idée qu'il ait ressenti ce besoin lui aussi, et qu'il s'apprêtait probablement à y céder. "Mais...Tu partais peut-être?" Malgré toute la bonne volonté du monde, je ne parviens réellement à dissimuler cet amusement.

- Est-ce que ça va ? Est-ce que ça allait ? Personne ne saurait le dire, pas même le protagoniste de l’histoire. Cade croisa très rapidement le regard gêné de Grace en remontant les quelques marches de la cave qui menaient à la sortie. Et à la fin de cette entrevue pour le moins complexe et indécise. Fermé, complètement déstabilisé par ce qui venait de se passer avec Savannah, il ne prit pas la peine de répondre à l’hôtesse de maison, qui mourrait probablement d’envie de savoir si ces deux- là s’étaient rabibochés ou si au contraire, ils s’étaient encore plus déchirés. Il n’allait pas prendre part au reste de la soirée, préférant quitter les lieux aussi vite qu’il y était venu, mais avec beaucoup plus d’interrogations en tête. Au volant de la Chevrolet, sur le chemin vers chez lui, l’ex agent fédéral s’était refait la conversation et le moins que l’on puisse dire, c’était qu’il était en partie soulagé de savoir que ses sentiments et son manque était partagé par la jolie blonde. Qu’elle ait tourné la page, voire même qu’elle se soit remise avec quelqu’un lui aurait foutu un drôle de coup en pleine poire. Et nul doute que Grimes aurait préféré disparaitre plutôt que de s’acharner s’il n’avait plus ressenti aucun attachement, ni aucune marque de tendresse de sa part. Il n’en était rien. Savannah n’avait rien pu dissimuler en manquant de l’embrasser, cédant sous le poids de toute l’envie et l’affection qu’elle avait en elle et qui restait aussi vivace qu’auparavant.

Ce presque-baiser, Cade y avait repensé plusieurs fois après ce soir. Tout comme les quelques mots révélateurs qu’elle avait su lui lâcher pour illustrer le combat qu’elle menait contre elle-même. Dés le lendemain, en passant par le quartier de BaySide, sa route s’était légèrement modifiée pour le faire passer dans sa rue, et devant la maison qu’il connaissait bien pour y avoir passé beaucoup de temps avec elle et Mathis. Grimes constata en roulant au pas que de la lumière émanait du salon. Il hésita. Hésita. Et la Chevrolet noire continua tout droit, sans s’arrêter. Il accéléra de nouveau. Il s’en était mordu la lèvre, avait serré son volant de toutes ses forces pour ne pas se maudire d’être tombé dans ce tourbillon infernal, indubitablement soumis à ce qu’il ressentait pour Savannah et à la définition incertaine de leur relation. Les quelques heures suivantes passèrent sans qu’il ne réfléchisse à une quelconque possibilité de la revoir, volontairement ou non, tellement prit par les quelques gugusses qui s’étaient présentés au centre de formation et qui avait subit malencontreusement son humeur peu flexible. Cade avait même bâclé son dernier entretien, et y avait mit fin en prétextant qu’il était déjà tard et que la séance était peine perdue. Quand il était rentré, il avait jeté son sac de sport au sol, et ses clés sur le mini-bar qui séparait la cuisinette du petit salon. Quand il se laissa littéralement tomber sur son canapé, il attrapa la télécommande et s’y réadossa mais avant que la télévision ne s’allume sur un quelconque navet de science-fiction ou sur une discussion politique bâtarde, ses yeux s’étaient posés sur ce foulard. Cet accessoire posé juste là sur le dossier du fauteuil qui dessina instantanément le visage de Savannah sur un rideau invisible.

Il la revoyait le porter gracieusement et lui retirer lui-même un soir où le ciel était encore clair. Le foulard avait eu le temps de s’imprégner de son parfum si subtil qu’il était capable de ramener Cade dans des souvenirs très précis de moments passés ensemble. L’ex agent fédéral posa la télécommande, se leva lentement et attrapa l’objet du délit. Il le fit glisser entre ses doigts en songeant à cette opportunité qui se présentait de s’en servir comme excuse. Au mieux, Savannah lui ouvrirait sa porte et ils pourraient échanger quelques mots qui lui en dirait plus sur la façon dont elle prévoyait l’avenir de leur binôme. Au pire, elle y verrait cette intention inexacte de se séparer de tout ce qui pouvait lui rappeler sa présence chez lui. Tant pis pour le pire, il agirait en fonction. Cade, enfila sa veste sans lâcher le foulard et saisit ses clés de voiture, fermement décidé à s’arrêter devant cette maison cette fois. La main sur la poignée de sa porte, il l’ouvrit sans détour et constata avec stupéfaction que Savannah se trouver derrière. La surprise se lit d’abord sur son visage. Et puis, ses yeux dévièrent aux alentours comme s’il doutait de sa seule présence. Passée la confusion de cette rencontre inopinée, il reposa son regard sur elle et réalisa que cette connexion qui existait entre eux depuis plusieurs années maintenant, perdurait. "Hey" Cette voix douce posait le décor. Le simple fait qu’elle le saluait excluait le flot de reproches qu’elle avait pu déverser dans cette cave. – Hey. Répondit-il avec encore un soupçon d’air étonné. Il s’aperçut qu’elle tenait un sac en papier blanc. Ses affaires qu’il aurait oublié de récupérer ? Seigneur… il espérait avoir tort. "J'suis passée prendre à emporter dans le coin, et comme je suis toujours du genre à prévoir bien plus que ce qu'il ne faut, je me disais que peut être je pourrais t'en faire profiter " C’était bien la vérité. Une odeur alléchante provenait de ce sachet. Mais c’était surtout cette attention que Cade retenait et sur laquelle il s’attarda d’abord silencieusement. Il suspectait là une bonne excuse pour débarquer et il s’en sentait enchanté intérieurement. Un sourire quasi-soulagé se logea sur ses lèvres. – Oh… eh bien... c’est sympa d’avoir pensé à moi. Abruti ! Cade n’avait même pas la moindre idée de l’heure qu’il pouvait être et se cuisiner un truc n’avait pas été dans ses projets. "Mais...Tu partais peut-être?" C’est vrai, le foulard se trouvait toujours dans sa main. Il l’avait presque oublié. Tout comme cette veste qu’il portait pour se rendre à l’extérieur. – Non je… Il se frotta naïvement le front. Comment pouvait-il s’en sortir comme ça ? - Enfin.. j’allais passer te rendre ça. Je m’disais que tu pouvais en avoir besoin. Avoir besoin d’un foulard ? Ce soir ? Quel con. – Ca sent divinement bon ce que t’as là… Sentant la débilité de ces réponses, Grimes ouvrit la porte un peu plus grande et montra son salon d’un geste. – J’t’en prie. Tu connais la maison.

Voir Savannah franchir le seuil de son modeste appartement sans une once de rancune à venir lui réchauffait l’esprit et le cœur. Et la perspective d’une soirée placée sous le signe de l’échange cordiale, voire de sourires échangés l’emballait beaucoup. Grimes referma la porte et se déshabilla. – Laisses moi deviner ! Sushis saumon, makis avocat-crevette et quelques yakitoris de poulet ! Il misait sur du japonais bien que la cuisine asiatique ne surpassait pas son gout pour l’italienne ou la purement américaine. En vérité, peu lui importait réellement. Dans son frigo, quelques bouteilles de bières livraient un combat acharné avec quelques œufs et quelques tranches de bacon. Pourtant, ce n’était pas vraiment le repas qu’il allait savourer.

Je suis à la croisée des chemins. Cet échange avec Cade dans la cave semble avoir remis en question cette décision prise après une nuit entière de réflexion, quelques semaines auparavant. Les éléments étaient là, il y avait un tas de raison pour lesquelles cette relation ne fonctionnerait pas, et pouvait nous mener à notre perte. C'était un fait. Ces projets que nous ne partagions pas pour l'avenir, nos caractères respectifs, souvent ingérables, voire destructeurs, qui nous avaient souvent amené à des moments critiques de notre histoire, à nous déchirer sans ménagement. Nous étions différents, probablement incompatibles selon la science. Et pourtant... Il y avait cette raison, capable d'effacer à elle seule toute ces incompatibilités sur lesquelles je m’efforce de me focaliser. Une seule, mais bien trop imposante pour pouvoir l'ignorer. Cet amour qui continue de nous lier malgré tout, et ce, peu importe les événements que nous pouvions rencontrer. C'était déroutant, complètement insensé, mais c'était là. C'était beau, envoûtant et si sincère à la fois. Ces excuses derrière lesquelles je me cachais pour me protéger manquaient de poids face à cette vague qu'il soulevait en moi depuis toujours. Cette rupture aurait dû nous pousser dans une forme d'indifférence, chacun de nous aurait dû se faire à l'idée et accepter sagement la sentence, mais aucun de nous ne semble y parvenir, comme si ça nous dépassait, rappelés par la force de ces sentiments et de ces souvenirs que nous partageons. J'ai essayé de me convaincre, de le laisser partir, mais je n'y parviens pas. Une fois de plus, tout me ramène systématiquement à lui, et ce ne sont pas les quelques aveux qu'il aura pris à cœur de me livrer au sein de cette cave qui vont me ramener à la raison. Je n'y parviens pas, je n'y parviens plus, et je n'en ai pas plus envie. Mais quelles solutions s'imposaient à moi pour sortir de ce tourbillon infernal dans lequel j'étais pris au piège depuis bien trop longtemps ? Etais-je seulement prête à faire le grand saut, sans être paralysée par ce vide qui se trouve sous mes pieds? Tout passe en boucle dans mon esprit, comme si l'instant était décisif. Le temps qui passe ressemble véritablement à une course contre la montre, dans laquelle ma patience est mise à rude épreuve. Épuisée par l'acheminement de mes pensées, la seule chose qui m'importe c'est de pouvoir le retrouver et d'arrêter de torturer mon esprit, et ce uniquement pour tenter de me préserver.

Face à la porte de son appartement, l'idée qu'il puisse ne plus être dans le même état d'esprit que la veille fait son entrée. Et si mon départ précipité l'avait poussé à se raisonner, à se renfermer à nouveau? Je ne l'ai pas épargné, les différentes attitudes que j'arbore depuis quelques temps ont très bien pu le laisser décontenancé, et la possibilité qu'il puisse en avoir baisser les bras, lassé par ces sautes d'humeur perpétuelles, n'était pas à exclure. Mais je suis là, et je suis prête à affronter ce qui pourrait se résumer à un rejet de sa part. Si je m'accorde quelques secondes pour réorganiser cet esprit tourmenté, l'ouverture précipité de la porte va me précipiter sur le devant de la scène. Le seul mot qui sort de ma bouche s'apparente à quelque chose de si banal, alors que la dernière fois que nos regards se sont croisés, la tension était palpable, soumise à ce trouble et cette envie irrépressible de vouloir partager bien plus. – Hey. C'est un bon début, même si cet air surpris installé sur ces traits m'intimide durant quelques secondes. N'ayant pas envie de rentrer dans le vif du sujet, je m'affaire à lui exposer la raison de ma venue, qui bien évidemment se résume à un simple prétexte pour pouvoir passer un moment en sa compagnie. Le léger sourire suffit à effacer l'ombre d'une certaine rancœur tant redoutée. "– Oh… eh bien... c’est sympa d’avoir pensé à moi." Mes traits s’étirent, me retenant bien de lui préciser que c'est ce que je ne cesse de faire depuis ce baiser manqué. La vision de lui dans cette veste s'impose à moi, passé le trouble de ces retrouvailles, et c'est en baissant le regard que je remarque qu'il tient entre ses doigts ce foulard, qui s'avère être le mien. "Mais...Tu partais peut-être?" Peut-être avait-il dans l'idée de s'en débarrasser, de l'amener loin de son appartement, pour lui éviter cette image de moi persistante? – Non je… Je relève les sourcils, ne parvenant à dissimuler l'amusement sur mes traits, qui ne fait que s'accentuer par la gêne que je perçois en lui. "- Enfin.. j’allais passer te rendre ça. Je m’disais que tu pouvais en avoir besoin." Je relève le regard vers le ciel dégagé, m'emparant d'un faux air sarcastique pour répliquer "C'est sûr que le temps s'y prête, ça commençait à être compliqué pour moi de sortir." Même à cette heure-ci, les températures sont particulièrement douces en cette période de l'année, ce bout de tissus n'est vraiment pas indispensable. Ce manque de crédibilité est d'autant plus apprécié qu'il me rappelle qu'il avait été lui même moqueur lorsque je m'en étais servi comme excuse pour pouvoir le revoir, alors qu'il s'apprêtait à m'abandonner au beau milieu des pierres tombales une semaine auparavant. "– Ca sent divinement bon ce que t’as là… J’t’en prie. Tu connais la maison." Il libère l'entrée, me permettant de retrouver cet intérieur avec un sentiment des plus agréables, encore plus dans un tel contexte. Pas de père désobligeant pour faire monter la pression, ni d'obligation à partager cet endroit confiné désormais. Nous étions là, ensemble, de notre propre gré, et je dois avouer que ça me plaisait particulièrement. Je retire ma veste, la déposant avec une certaine aisance sur le canapé, alors que presque machinalement, mon regard balaye la pièce pour remarquer le moindre changement dans cette dernière. – Laisses moi deviner ! Sushis saumon, makis avocat-crevette et quelques yakitoris de poulet ! Je balance la tête faiblement pour marquer une hésitation dans ma réponse. "Il y a un peu de ça..." avouais-je, croisant son regard avec un léger sourire malicieux " Mais j'ai pas oublié les nems, le riz cantonais, et quelques biscuits chinois pour le dessert". Si j'étais du genre à me laisser littéralement tenté par ce genre de nourriture, le choix que j'avais fait n'était pas tout à fait innocent. Je me charge de sortir les différentes barquettes du sac sur la table basse du salon. "Comment peux-tu préférer un burger et une paire de frites à ça!" Je prends une grande inspiration, appréciant cette agréable odeur qui flotte autour de nous. "Bon okay, faut savoir manier cette histoire de baguettes, mais ça vaut le coup!" Pour ma part, après bon nombre d'années d'expériences, j'avais fini par abandonner l'idée, préférant ne pas prendre de risque en optant pour des couverts. Ma main vient s'emparer d'un nem, observant finalement Cade avec un fin sourire sur les lèvres. "Tu as passé une bonne fin de soirée?" En évoquant la soirée de la veille, je ne mettais pas les pieds dans le plat, je plongeais littéralement dedans. Je l'avais abandonné, lâchement, et voilà que je débarquais comme une petite fleur le lendemain ça méritait peut être d'être évoqué, même si ça allait forcément inclure quelques reproches capables de semer le trouble. Je n'avais pas envie de lancer les hostilités à nouveau, juste de m'assurer qu'il ne m'en tenait pas rigueur, et qu'il avait plus ou moins comprit mon départ précipité. "Tu m'excuseras, j'ai toujours eu tendance à agir avec agitation face à cette légère claustrophobie." La colère, le rejet, le désir qu'il avait fait naître....Impossible de déceler à quelle partie je faisais référence.

Cette scène dans la cave avait au moins prouvé à Cade que l'attachement que Savannah lui vouait était toujours présent. Malgré le début chaotique de ce face à face et les révélations peu glorieuses que l'ex agent fédéral avait du faire, la jolie blonde avait rapidement baissé les armes et hissé le drapeau blanc. Mieux, elle lui avait, elle aussi, fait l'ultime confidence. Celle qui l'avait rassuré. Il lui manquait. Elle n'était donc pas passé à autre chose, en foutant en l'air la moindre trace de lui qui demeurait encore chez elle, et en effaçant le moindre message de son téléphone portable avec une rage indéfinissable. Il n'en était rien. Et Grimes l'avait tellement bien compris que ce baiser manqué, quasiment volé par Grace ce soir là, trottait encore dans sa tête le lendemain. Le boulot n'avait pu le distraire que quelques temps avant qu'il ne soit de nouveau envahit par l'image de son visage, de ses iris bleu dans lesquels il pouvait se plonger pour partir très loin, et surtout de sa nuque que ce foulard pouvait dissimuler subtilement et sensuellement. Cet accessoire qui ne payait pas de mine et qui aurait pu rester au fond d'un placard était devenu l'objet de leur récente réconciliation et Cade comptait bien l'utiliser comme tel, cette fois encore ! Il s'en empara, décidé à le lui ramener en prétextant passer dans le coin, ou en inventant une autre excuse qui aura changé de version de multiples fois pendant qu'il serait au volant de sa voiture, en route vers chez elle. Il avait seulement envie de la voir. Non, il en avait besoin.

D'un geste franc, il avait ouvert se porte, se voyant déjà enfoncer la clé dans le contact de la Chevrolet noire pour l'entendre vrombir. Sauf qu'il fut arrêté net avant même d'avoir franchit le seuil. Sa surprise était lisible. Il priait pour que les battements de son cœur ne puisse pas s'entendre aussi facilement. Savannah semblait elle aussi étonnée mais son mince sourire était tout ce qu'il voyait et complètement prit sur le fait, Grimes ne su comment répliquer dignement. – Non je… Enfin.. j’allais passer te rendre ça. Je m’disais que tu pouvais en avoir besoin. Le temps qu'il aurait pu avoir pour affiner son excuse sur le trajet ne lui avait pas été donné. Il passait donc pour un abruti fini. Pourquoi aurait-elle besoin de ce foulard, il faisait une chaleur à crever ! "C'est sûr que le temps s'y prête, ça commençait à être compliqué pour moi de sortir." Okay. Il l'avait mérité. Et au vu de tout ce qu'il avait pu lui balancer auparavant, c'était légitime. Cade baissa la tête, retint un léger rire en observant le foulard dans sa main. - Ouais... Murmura t-il sans conviction de redorer son image. Une gêne s'installa mais il ne tarda pas à la faire entrer. Après tout, elle proposait de partager son dîner, et il ne comptait pas passer à côté de l'opportunité de passer un moment avec elle. - J’t’en prie. Tu connais la maison. C'était après tout ce qu'il cherchait...

- Laisses moi deviner ! Sushis saumon, makis avocat-crevette et quelques yakitoris de poulet ! Il retirait sa surchemise en misant sur le cuisine asiatique. Son pressentiment, il le basait sur l'odeur qui émanait du sac que Savannah tenait. "Il y a un peu de ça..." Le repas, en réalité, lui importait peu. Mais il savait qu'elle n'était pas très fan de ses sandwichs maison dont la seule garniture se résumait parfois aux restes qu'il y avait dans son frigo. " Mais j'ai pas oublié les nems, le riz cantonais, et quelques biscuits chinois pour le dessert" Elle déballait tout sur le table basse et il s'approcha, la mine plus radieuse que jamais. Ce tableau ressemblait à ceux qu'il avait connu quelques moi auparavant. Et ça lui apportait une sorte de bien être intérieur palpable. "Comment peux-tu préférer un burger et une paire de frites à ça!" Un sourire amusé se logea sur son visage, il haussa les sourcils. - T'oublies la sauce barbecue et le donut fourré à la crème avec glaçage chocolat ! Pas de doute. Cade venait bien du pays de la malbouffe. Le pire c'était que ce mode de vie lui correspondait bien. "Bon okay, faut savoir manier cette histoire de baguettes, mais ça vaut le coup!" Dans un soupir, il s'assit sur le canapé et s'empara d'un étui pour en sortir les baguettes. - Ça demande des années d'entrainement. Il plaça les baguettes correctement entre ses doigts et les observa avec une fausse attention. - J'devrais songer à ajouter cette spécialité à mon parcours professionnel. Ça peut intéresser quelques clients... Sans attendre, il attrapa un makis sans une ombre de faiblesse, les baguettes ne tremblèrent pas une seconde. Il adressa un sourire fier à Savannah avant de l'engloutir. -Hmm... La satisfaction de remplir son estomac.

"Tu as passé une bonne fin de soirée?" En finissant d'avaler sa bouchée, Cade posa ses yeux sur la jolie blonde, et puis sur le riz cantonais dans lequel il plongea ses baguettes pour pousser quelques grains par ci par là. Le sujet était délicat. Voulait-elle parler de l'épisode de la cave ? Et première ou deuxième partie ? Ou bien désirait-elle savoir s'il était resté chez Grace après ça ? Une petite tension refit surface, et Cade hésitait sur le sujet à évoquer. - Tu veux dire « est-ce que je suis resté pour m'expliquer avec Grace à propos du piège qu'elle nous a tendu » ? Son regard vert se redressa sur Savannah. - Non. Même si c'était un peu barbare comme façon de faire, elle a quand même réussi son coup. Et là-dedans, il voulait bien sûr évoquer les sentiments que cette conversation dans le noir avait fait resurgir, sans possibilité d'aller contre ou de fuir. Le reste de sa soirée n'avait été que réflexion, et assoupissement sans avoir trouver de réponse. "Tu m'excuseras, j'ai toujours eu tendance à agir avec agitation face à cette légère claustrophobie." Etait-ce une excuse à cette réaction qu'elle avait eut quand elle s'était aperçu que la porte de la cave était bien fermée à clé ? Ou  à cette envie qui l'avait envahit quand elle s'était perdue dans ses bras ? Cade ne voulait pas croire qu'il s'agissait d'un effet de la peur d'être enfermée. Sans attendre, il redevint sérieux et ne pu retenir la question...- Est-ce que tu regrettes ? Le bout de ses baguettes trempaient toujours dans la barquette de riz cantonais. - Je pensais tout c'que j'ai dis en bas... Son regard se reposa sur la nourriture, craignant qu'elle ne fasse marche arrière désormais.

Ma présence devant la porte de son appartement pourrait paraître surprenante, alors que moins de 24 heures auparavant, je souhaitais me trouver le plus loin possible de lui, terrassée par la haine que je lui vouais depuis plusieurs jours, et qui était alimentée par cette scène à laquelle j'avais assisté, dévastée et si impuissante à la fois. Mais j'étais bien là. Et si je m'étais torturée l'esprit durant les heures qui avaient suivi nos retrouvailles au sein de cette cave, je parvenais à retrouver peu à peu cette notion de lucidité, qui, aux yeux de certains, sonnerait pourtant comme un instinct de folie. Les raisons? Les maux qu'il était parvenu à panser par quelques déclarations aussi surprenantes qu’enivrantes. Si je m'étais convaincue d'une non réciprocité certaine, notamment en le voyant disparaitre au bras d'une autre femme, ses explications avaient suffit à rééquilibrer la balance. Peut-être étais-je complètement insensée d'oser y croire, mais la force de ce lien qui nous unit me poussait à aller dans ce sens, sans que je ne parvienne à me raisonner. C'était là, ça me dépassait, il m'était impossible d'aller à contre courant, et les signes de faiblesses déjà observés précédemment, notamment lorsque mon regard s'était perdu dans le sien après avoir soigné sa blessure, se voyait marqué par ce nouvel événement, alors que j'éprouvais le besoin soudain de me perdre dans ses bras. L'effet de réconfort avait été immédiat, se percutant dans chaque parcelle de mon corps avec une force et un bien-être indescriptible. Cade Grimes parvenait une fois encore à nourrir d'une douceur infinie cet organe, qui s'agitait chaque fois qu'il osait poser son regard sur moi. Ce sentiment était libérateur, apaisant, et bien trop précieux pour vouloir l'ignorer, et il m'avait vite amené à cette envie , ce besoin absolu de succomber à l'appel de ses lèvres. Le destin s'était cependant chargé de nous arrêter en chemin, comme un terrible rappel à l'ordre. Dépassée par ce flot d'émotions contradictoires qui se jouaient de moi, j'avais ressenti le besoin de prendre du recul, sachant pertinemment qu'un baiser entre nous ne pourrait se résumer à une simple pulsion physique, guidée par des hormones en folie. J'avais besoin de m'assurer que ce n'était pas le pouvoir de cette bulle, protectrice et affectueuse, qui m'avait poussé à passer outre ces raisons qui me tenaient à distance de lui. Et l'évidence était là...Bien sûr que non! Chaque pensée était dirigée vers lui et ces souvenirs qui tournaient en boucle dans mon esprit, me rappelant inlassablement le bonheur que je pouvais ressentir à ses côtés. Et si face à cette porte, je suis en partie terrifiée par ce que j'éprouve, l'apparition de son visage va suffire à dissiper le moindre doute qui ose encore me hanter.

Ce foulard qu'il tient entre les mains semble être le prétexte idéal pour amorcer un nouveau tournant dans notre relation, bien que ridicule, et possiblement cliché lorsqu'il s'agit d'une rupture entre deux personnes, il s'apparente dans notre cas à la possibilité de pouvoir revoir l'autre, sans avoir à écorcher cette fichue fierté qui nous empêche d'exprimer à voix haute des mots que nous serions incapable d'assumer. Ce simple bout de tissu suffit à m'enivrer d'une vague de réconfort considérable, soulagée de voir que nous puissions éprouver le besoin de se retrouver au même moment. "C'est sûr que le temps s'y prête, ça commençait à être compliqué pour moi de sortir." La gêne est perceptible sur le visage de l'ancien agent, lui donnant un air définitivement craquant, bien que je parais surtout m'en amuser sur le moment. Il faut dire que monsieur Grimes a souvent éprouvé le besoin de me pousser dans mes retranchements lorsqu'il s'agit de me mettre face à mes sentiments, c'est donc avec une certaine malice que je l'observe perdre furtivement ses moyens. Heureusement pour nous, mon prétexte à moi semble bien plus travaillé, élaboré assez longtemps pour m'assurer qu'il ne se limitera pas à quelques phrases bateau balancées sur le pas de la porte. Je retrouve cet endroit, avec cet étrange sentiment de ne l'avoir jamais quitté, et après quelques secondes, cette aisance se répercute jusque dans mes gestes, alors que je me charge de sortir chaque barquette du sac en papier. Sa silhouette à mes côtés, j'ai cette étrange impression de revivre un moment du passé, dans lequel les soucis ne trouvaient pas leur place, délaissés pour la légèreté qui pouvait en émaner. "Comment peux-tu préférer un burger et une paire de frites à ça!" Inutile de se forcer, les échanges avec Cade avait souvent le don de me rendre particulièrement à l'aise, surtout lorsqu'il était question de rentrer dans des débats qui nous opposait, pour des sujets plus puérils les uns que les autres." - T'oublies la sauce barbecue et le donut fourré à la crème avec glaçage chocolat !" Je feigne une grimace avec exagération. "J'ai pris trois kilos rien qu'à t'en entendre parler" Je ne connaissais que trop bien les mauvaises habitudes du jeune homme, bien que je m'étais souvent imposée de devoir corriger. Mon regard croise le sien, l'occasion parfaite de lui adresser un sourire un brin provocateur. "Bon okay, faut savoir manier cette histoire de baguettes, mais ça vaut le coup!" J'avais pour ma part oublié définitivement la possibilité de me servir de ces drôles d'instruments, qui n'avaient rien de pratique à mes yeux. "- Ça demande des années d'entraînement." Lui les avait sans nul doute derrière lui, de quoi créer quelques complexes chez moi. "Et une agilité que je n'ai visiblement pas hérité!" Je hausse les sourcils, m'emparant malgré tout d'une paire de baguettes à disposition pour les observer attentivement, un air perplexe sur le visage. "Comment tu peux savoir te servir de ça et être incapable de m'accrocher un collier autour du cou?" Un souvenir qui avait provoqué un amusement certain alors qu'il s'était livré dans une bataille sans fin avec le fermoir de ce collier, qu'il m'avait offert, et que je portais encore à ce jour. "- J'devrais songer à ajouter cette spécialité à mon parcours professionnel. Ça peut intéresser quelques clients..." Mon attention est surtout portée sur le placement de ses doigts, que je ne semble pas savoir imiter. Après quelques secondes, je les abandonne en soupirant, guidée par une forme d'impatience certaine alors qu'il s'est lancé à l'assaut de la dégustation.

"Tu as passé une bonne fin de soirée?" Cette question pouvait susciter quelques interrogations, mais j'étais prête à m'embarquer sur ce sujet périlleux et effacer quelques doutes au passage. - Tu veux dire « est-ce que je suis resté pour m'expliquer avec Grace à propos du piège qu'elle nous a tendu » ? Mon regard scrute sa réaction, alors qu'il éprouve visiblement plus de gêne à vouloir en parler. Je n'avais pas prit la peine de répondre à l'appel de Grace la veille, incapable de savoir quelle position prendre, la haïr pour me pousser à affronter cet homme qui m'avait blessé, ou la remercier pour avoir permit l’apaisement de la situation ensuite? Je m'étais juste chargée de la rassurer à travers un message, sans apporter un quelconque détail, et surtout sans savoir si Cade avait joué les prolongations pour lui faire un résumé de ce qui s'était passé durant cette phase d'enfermement. "- Non. Même si c'était un peu barbare comme façon de faire, elle a quand même réussi son coup." Je hoche brièvement de la tête, forcée de reconnaître que sans son aide, je ne me trouverais peut-être pas ici ce soir. Je me serais sûrement contentée d'ignorer avec persévérance toute tentative de l'ancien agent pour rétablir le contact. "Tu m'excuseras, j'ai toujours eu tendance à agir avec agitation face à cette légère claustrophobie."  Cette remarque laisse planer le doute sur les actes en question, mais peut-être que je veux simplement m'assurer qu'il n'éprouve pas de rancœur à mon égard, particulièrement après ce baiser manqué. “Est-ce que tu regrettes?” Le sujet reste incertain. Fait-il allusion à ce rapprochement que j’avais provoqué dans un moment de possible égarement? Ce baiser qui n'avait trouvé sa place malgré une tentative? Cette rupture que je nous avais imposée, ou alors encore cette histoire dans son ensemble, et la souffrance qu’elle incluait aujourd’hui en étant plus? L’évidence est peut-être là, mais je profite de ce semblant de doute pour ne pas m’exprimer clairement sur le sujet. Profitant de devoir déglutir pour m’accorder quelques secondes avant de répondre, avec un air plus sérieux “ Je regrette pas mal de chose” C’était un fait. “Si j’avais la chance de pouvoir changer les choses, je le ferais certainement…” Ces quelques mots qui passent mes lèvres me poussent à une réflexion qui semblait pourtant toute faite. “Ou peut-être pas….On en serait quand même là” Et où en étions-nous? C’est une question qui ne trouvait pas encore sa réponse, mais sur laquelle je décidais enfin de me positionner en débarquant chez lui. Mes yeux bleus se figent sur lui, comme si les prochaines secondes pouvaient être décisives. “J’pensais tout c’que j’ai dis en bas” . Sans plus attendre, ses mots me reviennent à l’esprit, comme s’il s’agissait d’un signe d’encouragement sur lequel je ne pouvais passer. “C’était plus facile pour moi de prétendre que ce n’était pas le cas” lâchais-je en haussant les épaules, posant mon regard sur la nourriture qui ne trouve plus tant d'intérêt à mes yeux. “Cette histoire de grossesse…Ta réaction…La possibilité que tu puisses repartir pour les États-Unis..” Je ne cherche pas à le culpabiliser, et l’expression de mon visage rappelle combien ce passage avait été compliqué à gérer pour moi. Un léger sourire d’apparence pour pallier à cette fragilité qui semble s’emparer de moi. “J’ai eu la trouille.” Je me pince les lèvres, glissant, dans un moment de nervosité, une mèche derrière mon oreille “J’avais arrêté de faire des projets, depuis bien trop longtemps, et puis t’es arrivé dans ma vie…Je me suis mise de nouveau à imaginer un avenir dans lequel je ne serais plus seule, avec des envies que tu partagerais toi aussi…Mais ta façon de faire marche arrière face à la première difficulté m’a ramené à la réalité.” La possibilité que nous voyons pas les choses de la même façon avait été l’élément déclencheur. Peut-être que cet amour qu’il éprouvait pour moi ne serait un jour plus suffisant, et jamais à la hauteur de mes propres sentiments. “Si un jour tu ne t’en sens plus capable, tu retrouveras ta vie toi, tes vieilles habitudes….Mais moi, qu’est ce que je deviendrais?” Mon regard se perd dans le sien, exprimant une authenticité à toute épreuve. “J’ai été si souvent un véritable chaos face aux difficultés que la vie m’a présenté , j’ai juste peur d’être victime de mes émotions une fois de plus.” Ne l’étais-je pourtant pas malgré tout? Cette séparation m’avait-elle permise de retrouver un sentiment de confiance et de paix? Pas le moins du monde. “J’suis désolée de t’avoir infligé mes différents états d’âme…Tu n’mérites pas ça” Mon regard quitte finalement le sien, souhaitant échapper à cette ambiance un peu étrange que j’avais soufflée en faisant preuve d'honnêteté alors que je me penche par dessus la table basse, cherchant faussement la prochaine chose que je pourrais me mettre sous la dent. “Tu veux que j’te dise. On devrait demander à Madame Irma de s’joindre à nous, j’ai vraiment prit pour un régiment!” m’amusais-je, espérant ne pas avoir casser l’ambiance par ces quelques révélations. Madame Beckman, alias Madame Irma, cet étrange personnage, se trouve être une des voisines de Cade. Cette dame d’un certain âge , qui voue un culte à ses quelques chats, était du genre un peu intrusive. Elle m’avait interpellé deux-trois fois, notamment un matin, lorsque je quittais l’appart de l’ancien agent, éprouvant le besoin de me parler de sa vie, et de me proposer un tirage de cartes, puisqu’à ses heures perdues, cette veuve pratiquait la médiumnité, d'où ce fameux surnom.

Quel abruti ! Comment se faisait-il que, là, face à Savannah, il perdait ses moyens alors même qu’il avait pensé à elle une bonne partie de la journée ? Il se maudissait, lui et son impulsivité qui l’avait poussé à attraper ce foulard et à sortir sans même réfléchir à ce qu’il allait bien pouvoir inventer une fois qu’il serait face à elle. Bien sûr qu’elle n’avait pas besoin de cet accessoire par ce temps d’été. Bien sûr qu’il ne s’agissait que d’un prétexte pour se rendre chez elle et prendre la température. Car depuis qu’ils s’étaient quittés à la sortie de cette cave, Cade ne cessait de se demander si ce presque-baiser était un accident dû à l’enfermement et à la proximité soudaine, ou bien s’il y avait encore chez Savannah, un peu d’attachement à son égard. Son comportement face à ce qu’elle avait prit pour un coup d’un soir permettant de passer à autre chose, le confortait sur la deuxième option. Elle n’aurait probablement pas réagi de façon si extrême si elle avait tiré un trait définitif sur lui et sur leur histoire. Et voilà qu’il balbutiait comme un adolescent se retrouvant brutalement devant le sujet de ses rêves les plus fous, les boutons sur la tronche en moins, et quelques années d’expérience en trop. Prit la main dans le sac, il ne pouvait plus cacher son intention d’aller frapper à sa porte ce soir…C’était finalement elle qui l’avait fait la première avec une excuse bien mieux construite et surtout très bien venue. Cade tentait de ne le montrer que partiellement mais il était ravi de la faire entrer, un peu comme au bon vieux temps de la légèreté…

Il s’en était pourtant passé, des choses qui bafouait lamentablement cette ambiance désinvolte. Les difficultés rencontrées n’avaient pourtant pas altéré les sentiments, bien au contraire. Au lieu de tourner rapidement la page comme Grimes avait l’habitude de le faire quand ça devenait trop ambitieux et complexe, il s’accrochait parce qu’il n’y pouvait plus rien. Il lâchait prise et s’adonna volontiers à quelques notes d’un humour qu’ils avaient perdu depuis un petit moment. - T'oublies la sauce barbecue et le donut fourré à la crème avec glaçage chocolat ! La gourmandise faisait partie de ses défauts. Cade remerciait souvent ses parents pour la seule chose positive qu’ils lui avaient transmise : Un physique pour le moins conciliant. S’il avait pratiqué le baseball au lycée, et s’il s’était un peu entrainé pendant sa carrière chez les fédéraux, aujourd’hui, il ne débordait pas d’activité. "J'ai pris trois kilos rien qu'à t'en entendre parler" Cade croise le sourire narquois de Savannah et sa chaleur lui envahit l’intérieur. Comme au bon vieux temps…

"Bon okay, faut savoir manier cette histoire de baguettes, mais ça vaut le coup!" La jolie blonde avait sorti les barquettes et les avait déposés sur la table basse. Elle ne pouvait plus nier, la quantité relevait forcément d’une intention de partager son repas avec quelqu’un ! - Ça demande des années d'entraînement. Les baguettes chinoises n’avaient plus de secret pour lui. Il avait trop de fois commandé pour manger dans sa voiture, en s’autorisant une petite pause. Et bien sûr, certains restaurants asiatiques jouaient la carte du total local. Aucune fourchette, pas même une cuillère en bois pour attraper le riz. Il avait dû s’y faire. Alors qu’il tapait dans les makis, il observait les doigts de Savannah essayant de se positionner sur les baguettes. "Comment tu peux savoir te servir de ça et être incapable de m'accrocher un collier autour du cou?" Immédiatement, ses yeux se posèrent sur son cou, orné de ce collier qu’il avait choisit à la bijouterie en pensant à elle. Nul doute qu’il y avait là un petit message. Elle le portait toujours. Peut-être même qu’elle ne s’en était jamais séparé. Un léger sourire sincère s’empara de ses lèvres. – J’te l’ai dit… une question d’habitude. Il termina par un haussement de sourcils et un dernier coup d’œil sur ce cœur qui signifiait beaucoup dés le jour où il le lui avait offert. C’était certain, Grimes avait eu bien plus d’occasion de manger avec des baguettes asiatiques que d’offrir des bijoux à des jeunes femmes…

La discussion prit un ton un peu plus réservé et réfléchi quand ils revinrent sur le piège de Grace. Cade ne lui en voulait pas. Même si ça avait été maladroit, l’amie de Savannah était partie d’une bonne intention et du bon en avait découlé. Dans son opiniâtreté, qui sait si la jolie blonde lui aurait révélé un jour avoir été témoin de son rapprochement physique avec Jessica ? Aurait-elle fini par décrocher son téléphone alors qu’il l’appelait pour la énième fois ? Savannah possédait un caractère fort qui laissait planer des doutes et il était temps désormais de la faire parler. - Est-ce que tu regrettes? Il la regardait comme s’il attendait la réponse, autant qu’il la craignait. “ Je regrette pas mal de chose” De l’avoir rencontré ? De l’avoir revu et d’avoir succombé à une relation exclusive et dangereuse pour son avenir ? Ces mots ne le rassurèrent pas. “Si j’avais la chance de pouvoir changer les choses, je le ferais certainement…”  Immobile, les pupilles de Cade vacillaient entre ses iris bleutées. Il était difficile de comprendre, et il attendait qu’elle lui en dise plus. “Ou peut-être pas….On en serait quand même là” Ca par contre, c’était plutôt pessimiste. Grimes dévia le regard et ses baguettes patouillaient dans le riz cantonais. L’aspect dramatique remontait à la surface alors qu’elle prétendait que leur séparation était inévitable. - J’pensais tout c’que j’ai dit en bas. Il fallait qu’il le lui rappelle. Juste pour éviter que tout ne paraisse officiellement tragique. “C’était plus facile pour moi de prétendre que ce n’était pas le cas” C’était difficile d’imaginer que Savannah ne demandait qu’à être rassurée sur la nature des sentiments de Cade alors que désormais, elle se forçait à croire qu’il avait mieux à faire et à penser. Il redressa un regard interrogateur sur elle, prêt à entendre et à tirer les choses au clair. “Cette histoire de grossesse…Ta réaction…La possibilité que tu puisses repartir pour les États-Unis..” Revenir sur cette histoire de bébé était douloureux pour l’ex agent fédéral. Avec le recul, et après avoir passé des nuits à y repenser, il s’était rendu compte de la sévérité de son attitude, et de ses accusations injustes. Et il s’en voulait sans avoir pu lui avouer avant que la rupture ne soit sous son nez. Il baissa la tête, accablé. “J’ai eu la trouille.” Les grains de riz qui se collaient les uns aux autres ne parvinrent pas à le dérouter. – Il était pas question que j’reparte. Pas sans t’avoir parlé. La possibilité qu’il lui demande de l’accompagner si l’envie de rentrer aux Etats-Unis était trop forte était plausible. Sa vie à Brisbane, et son lien avec Savannah n’était plus un détail à négliger. Cependant, il comprenait son point de vue maintenant qu’elle voulait bien le lui exposer.

“J’avais arrêté de faire des projets, depuis bien trop longtemps, et puis t’es arrivé dans ma vie…Je me suis mise de nouveau à imaginer un avenir dans lequel je ne serais plus seule, avec des envies que tu partagerais toi aussi…Mais ta façon de faire marche arrière face à la première difficulté m’a ramené à la réalité.” Cette peur qu’il fasse machine arrière, qu’il l’abandonne elle et tous ses projets, Savannah lui en avait déjà fait part à travers son envie de faire évoluer leur relation. Elle avait été si enthousiaste quand elle avait acheté la maison, il revoyait son sourire enjoué à l’explication des travaux à faire et elle lui avait demandé son avis comme s’il s’agissait d’une affaire commune. L’ex agent avait aussi bien remarqué cet œil bienveillant qu’elle posait sur le lien qu’il tissait petit à petit avec Mathis. Cade était pourtant certain d’avoir fait des efforts considérables pour lui montrer que leur histoire lui importait et que, même s’il lui fallait du temps pour s’accommoder d’un tel mode de vie, il l’acceptait. Cela n’avait vraisemblablement pas été suffisant. “Si un jour tu ne t’en sens plus capable, tu retrouveras ta vie toi, tes vieilles habitudes….Mais moi, qu’est ce que je deviendrais?” Elle ne lui laissait pas le droit à l’erreur dans ce schéma de vie totalement inédit. Savannah était brisée par son passé et Cade ne pouvait rien arranger. Du moins jusqu’ici, il n’avait pas réussi. “J’suis désolée de t’avoir infligé mes différents états d’âme…Tu n’mérites pas ça” Face à ses révélations sensibles et authentiques, Grimes n’avait cessé de la regarder. Perceptiblement Touchante, délicate, et si vulnérable. Il voulait la prendre dans ses bras et alors que sa culpabilité grandissait. – Dis pas ça, je n’t’ai pas épargné. Sa personnalité inatteignable avait eu raison de beaucoup d’éléments dans la situation. – J’sais pas vraiment comment on doit faire…quand on ne veut pas perdre la personne a qui on tient le plus. Elle savait que c’était elle. – J’ai pensé qu’à moi toute ma vie et depuis le jour où j’ai réalisé que j’serai pas le pantin de mon père alors… c’est un état d’esprit qui a tendance à me rattraper bien trop souvent. Sa psychanalyse, Cade l’avait faite. Mais cela n’avait pas suffit à calmer ce feu qui l’animait au fond et qui se ravivait à la moindre occasion. – J’essaie de changer ça Sav. C’est compliqué. Mais j’essaie. Et j’t’assure que tu m’aide beaucoup. Les sentiments le portaient, c’était une certitude. – J’ai pas envie de te perdre. C’était dit. Et se perdant dans ses yeux, il se sentit fébrile. Savannah détendit l’atmosphère, le laissant quelque peu décontenancé mais serein face à ce qu’il avait à dire. “Tu veux que j’te dise. On devrait demander à Madame Irma de s’joindre à nous, j’ai vraiment prit pour un régiment!” Reprenant peu à peu un sourire de circonstance, il observa la table remplit de victuailles et repensa à cette vieille femme qui, sous prétexte qu’il n’aimait pas les chats, lui annonçait toujours une semaine merdique quand il la croisait. – N’y pense pas, elle serait capable de prédire ma mort dans les sushis…ou pire, de porter la poisse sur ma caisse ! Cette vieille folle a encore récupéré un chat de la rue l’autre jour… Parfois, les félins trainaient non loin de sa porte et l’envie n’y manquait pas de leur coller un coup de pieds au derrière pour accéder à son entrée. Cade laissa tomber ses baguettes dans la barquette et se leva pour aller se servir dans son frigo. – Tu veux un soda…ou une bière ? Il en avait déjà attrapé une pour lui et garda la porte du frigo ouverte.

 
Ma venue ici pourrait sonner comme inédite pour lui, alors qu’elle était presque prévisible. La force qui émane de ce besoin de le retrouver me dépasse, me poussant à balayer toute cette fierté qui m’empêchait jusqu’alors de m’y soumettre. Cet homme parvient à faire naître un flot d’émotions en moi qu’il m’est parfois impossible d’affronter. Et cette rupture, qui à mes yeux sonnait comme la solution, n’aura été qu’une complication supplémentaire, suffisant à malmener cet organe logé dans ma poitrine. Rien à changer, pire que ça, mon attachement à son égard n’a fait que se confirmer par cette réaction excessive en le voyant au bras d’une autre. Je ne veux pas le perdre, et la possibilité qu’il puisse vouloir tourner la page et me donner raison avaient été une sorte d'électrochoc pour moi, bien que j'avais été à l'initiative de ce renouveau. Peut-être avais-je espéré secrètement qu’il n’aille pas dans mon sens, qu’il me prouve que mes idées étaient infondées, et que la seule chose qu’il souhaitait, c’était mon retour auprès de lui, et ce, peu importe les difficultés que nous allions devoir affronter, parce que c'était tout ce qui comptait. Un besoin d’être rassuré qu’il n’avait su m’apporter sur le moment, mais qui, par quelques confessions au sein de cette cave m’avaient laissé comprendre qu’il tenait encore à moi, et que ces efforts pour m'oublier étaient restés vains, pour lui aussi.

Assise à ses côtés, le naturel semble de vigueur, alors que la simplicité de nos échanges me rappellent bon nombre de souvenirs que nous avons en commun. A croire que les obstacles que nous avions traversés ces derniers temps n’ont pas été en mesure d’altérer cette complicité entre nous, même lorsqu’il s’agit de taquiner l’autre."J'ai pris trois kilos rien qu'à t'en entendre parler" Nos différences, qui se répercutent jusqu’à nos habitudes alimentaires, n’ont finalement jamais eu gros impact sur notre entente, parce que même si il était facile pour moi de les lui faire remarquer, je l’avais accepté tel qu’il était, lui, et ses terribles envies de s'empiffrer les choses les plus grasses et caloriques dans le coin. Mon regard croise le sien, et je ressens cette chose qui perturbe à nouveau mon être tout entier alors que je tente de ne rien laisser paraître. Son aisance pour manipuler les baguettes sonne presque comme une provocation, à laquelle il m’est impossible de répondre, parce qu’avec la meilleure volonté du monde, ce geste n’est visiblement pas inné chez moi.- Ça demande des années d'entraînement. Années que je n’aurais probablement jamais au compteur puisque je baisse les bras dès la première tentative à chaque fois."Comment tu peux savoir te servir de ça et être incapable de m'accrocher un collier autour du cou?" Cette phrase qui sort spontanément n’est pas un appel à lui faire remarquer que ce bijou qu’il m’a offert auparavant habille toujours subtilement et élégamment mon cou, bien au contraire, mais en sentant son regard figé sur moi, je comprends bien qu’elle attise sa curiosité. Je n’ai pourtant jamais eu la force de m’en séparer jusqu’à présent, sans que je ne parvienne réellement à en expliquer la raison. Il dénote un sentiment de sécurité et une image significative à laquelle il m’est impossible de renoncer. Un sourire presque timide flirte avec mes lèvres, alors qu’il m’est difficile de croiser son regard durant plusieurs secondes. – J’te l’ai dit… une question d’habitude. Il pouvait y lire là un message. Ce bijou s'apparente innocemment à notre relation. Une chose précieuse qui ne peut être délaissée.

- Est-ce que tu regrettes? Un petit silence avant de daigner lui offrir cette réponse, qui nécessite malgré tout une légère réflexion “ Je regrette pas mal de chose. Si j’avais la chance de pouvoir changer les choses, je le ferais certainement…” Cette rupture, cette façon de le pousser à se surpasser, à quitter sa zone de confort, la sévérité de mes mots dans certaines situations… “Ou peut-être pas….On en serait quand même là” Non pas à cette rupture inévitable, et tous les problèmes qui l'alimentaient, mais plutôt à ma venue ici, et le message qu’elle impose. Peu importe mes efforts, tout me ramène à lui, à nous, comme s’il m’était impossible d’échapper à notre histoire. - J’pensais tout c’que j’ai dit en bas. Cet aveu m’apporte à nouveau cette vague de réconfort, appuyant sur la véracité de ces différentes confessions qu’il avait bien voulu m’accorder au sein de cette cave, et qui tournaient en boucle dans mon esprit depuis. Le moment semble des plus opportuns pour m’exprimer à mon tour, chose qui me paraît souvent difficile face à lui, alors que je m’affaire à être la plus sincère possible pour poser des mots sur mon comportement, qui l’a souvent décontenancé par sa complexité “C’était plus facile pour moi de prétendre que ce n’était pas le cas” La colère que Cade avait pu me vouer pour l’avoir laissé tombé avait été de mise au départ, mais bien vite, nous avions été rattrapés par nos propres démons. “Cette histoire de grossesse…Ta réaction…La possibilité que tu puisses repartir pour les États-Unis…J’ai eu la trouille.” Avouais-je avec fragilité, ayant l’impression de m’ouvrir littéralement à lui par cette simple confidence qui justifie bien des choses. J'ai peur, terrorisée par cette perte de contrôle que provoque l'amour. – Il était pas question que j’reparte. Pas sans t’avoir parlé. Je baisse le regard, retenant un soupir. “Pourquoi ne pas partager cette information avec moi dans ce cas? J’pensais qu’on pouvait tout se dire.”  Son silence avait sonné comme une forme d'indépendance que j’avais déploré, ayant le sentiment que son avenir ne concernait que lui, et que la possibilité qu’il puisse s’envoler pour le continent américain n’était pas liée à notre histoire. “Si un jour tu ne t’en sens plus capable, tu retrouveras ta vie toi, tes vieilles habitudes… Mais moi, qu’est ce que je deviendrais?” Mes précédentes relations avaient connu toutes le même sort, cet échec, cette solitude écrasante,...La possibilité que cette histoire puisse connaître le même sort était inenvisageable, alors c'est moi qui en avait prit la décision, préférant rester dans l'incertitude infinie de l'issue de cette histoire, la nôtre. “J’suis désolée de t’avoir infligé mes différents états d’âme…Tu n’mérites pas ça” J'avais été dure, insensible, aveuglée par mes propres peurs, oubliant que ce chemin frayeux que nous avions emprunté était encore plus redoutable pour l'ancien agent. – Dis pas ça, je n’t’ai pas épargné. Mon regard se perd dans le sien, ayant le souvenir de ses mots parfois cruels, auxquels j'avais souvent trouvé bon de réagir avec ferveur. – J’sais pas vraiment comment on doit faire…quand on ne veut pas perdre la personne à qui on tient le plus. J'ai cette impression d'avoir cessé de respirer, m'enivrant de la chaleur que provoque ses mots. – J’ai pensé qu’à moi toute ma vie et depuis le jour où j’ai réalisé que j’serai pas le pantin de mon père alors… c’est un état d’esprit qui a tendance à me rattraper bien trop souvent. Je savais. Je savais que trop bien qu'il subissait les revers d'une enfance douloureuse, qui l'avait poussé injustement à se construire une forteresse, sur laquelle je faisais pression souvent avec une idée de l’avenir bien précise. – J’essaie de changer ça Sav. C’est compliqué. Mais j’essaie. Et j’t’assure que tu m’aide beaucoup. Cette envie de venir attraper ses mains entre les miennes me brûle de l'intérieur, mais… j'ai les mains grasses, et lui s'affaire à se battre avec son riz, ce qui n'offre pas la possibilité de se laisser aller à un quelconque geste d’affection – J’ai pas envie de te perdre. Je le regarde, et mes yeux semblent désormais incapable de se détourner des siens, démontrant la force de ce moment " J'n'ai pas envie de te perdre non plus" . La simple idée qu'il puisse vouloir se perdre dans les bras d'une autre m'avait permis de le comprendre, malgré la douleur que ça avait engendré. Ce besoin de me rapprocher de lui physiquement me prend au dépourvu une fois de plus, alors que nous sommes clairement dans l'incapacité de pouvoir succomber en plein repas. Quelques secondes de flottement avant d'esquisser un sourire que je tente de dissimuler faussement derrière un pincement de lèvres. Et me voilà à relancer un sujet complètement débile pour éloigner le sérieux de ce moment, et peut être ainsi me permettre de finir le dîner sans succomber à cette envie de me jeter sur lui. “Tu veux que j’te dise. On devrait demander à Madame Irma de s’joindre à nous, j’ai vraiment prit pour un régiment!” Dans un réflexe commun, nos yeux se portent sur la table basse, qui revendique clairement une gourmandise accrue de ma part. – N’y pense pas, elle serait capable de prédire ma mort dans les sushis…ou pire, de porter la poisse sur ma caisse ! Cette vieille folle a encore récupéré un chat de la rue l’autre jour… Je souris, finalement peu étonnée par cette nouvelle alors que je m'empare de quelques aliments. "Je te trouve dure avec elle…Elle est quand même pas si terrible" Oh si elle l'était, et malgré l'empathie qu'elle me vouait, j'avais toujours eu cette étrange impression, qui me pousser à regarder si elle se trouvait dans les parages lorsque je venais rendre visite à ce cher Grimes. "Moi, elle m'a prédit un avenir radieux, une brillante carrière…Et l'acquisition future d'un moulin"  Un léger rire s'échappe de mes lèvres, revoyant très bien le moment où je lui répétais avec hésitation "Un moulin?" pour m'assurer que mon audition ne me jouait pas des tours. "P't'être qu'elle est folle…ou peut-être qu'elle en pince simplement pour toi et qu'elle de refuse de se l'avouer…"  lançais-je en haussant les épaules alors que je l'observe s'éloigner vers le coin cuisine. " Non parce que t'es plutôt pas mal"  rappelais-je, comme si c'était à la limite de l'acceptable, alors que je relève le regard avec une certaine malice pour l'accompagner – Tu veux un soda…ou une bière ?Bien que je n’en étais pas une grande amatrice, le choix semblait plutôt clair pour ce soir. “Une bière s’te plait”  Je me frotte les mains, reprenant finalement après quelques secondes. “Tu as eu des nouvelles de ton père?”  Le sujet était délicat, mais leurs retrouvailles avaient peut-êtr provoqué quelques échos dans la famille Grimes qui lui avaient été rapportés

L’atmosphère était toute autre. Etait-ce dû au fait qu’ils n’étaient plus enfermés dans une cave à vin, pris au piège, et que la simple possibilité de pouvoir s’échapper à tout moment pour fuir une quelconque discussion gênante leur était donnée ? Non. Il y avait dans cette visite surprise l’ombre d’un passé commun qui se basait sur l’aisance, la volonté de se retrouver ensemble et encore mieux, sur l’envie de partager un moment avec l’autre. Voir Savannah dans son modeste salon rappelait à Cade combien il appréciait sa présence et combien elle le réconfortait dans ce quotidien qui était plus rude que tout ce qu’il avait pu traverser aux Etats-Unis. Même si les choses avaient évolué entre eux, elle restait la figure principale de bons moments passés, et la seule qui parvenait en un instant à conduire ses émotions vers une certaine positivité. La légèreté dont elle faisait preuve ce soir là le menait sur un chemin qu’il pensait peut-être avoir perdu. Alors Grimes ne passait pas à côté. Il saisissait la chance qu’elle lui donnait, et c’était bien au-delà d’un banal, mais néanmoins succulent, repas qu’elle prétendait avoir commandé pour elle seule. “ Je regrette pas mal de chose. Si j’avais la chance de pouvoir changer les choses, je le ferais certainement…” La conversation avait rapidement pris un tournant plus grave sans pour autant qu’elle ne se transforme en attaques dissimulées ou reproches fondés ou non. Là-dessous, sous ces mots, il n’y avait que sincérité et bienveillance. Savannah mentionnait des regrets en laissant le doute planer sur la nature de ceux-ci et Cade jugeait volontiers qu’ils étaient en rapport avec leur relation en dents de scie. Lui aussi en éprouvait. Des regrets forts qu’il se privait maladroitement d’avouer mais qui lui pourrissaient l’intérieur et jouait sur son avenir proche. “Cette histoire de grossesse…Ta réaction…La possibilité que tu puisses repartir pour les États-Unis…J’ai eu la trouille.” Voilà précisément l’un des regrets les plus déterminants. L’éventuelle grossesse surprise. Et sa réaction face à une annonce qui aurait pu changer sa vie, mais aussi celle de Savannah. Son égoïsme avait pris le dessus, le rendant aveugle à tout autre chose. Ce même égoïsme dont il lui parla avec honnêteté par la suite.

– J’ai pensé qu’à moi toute ma vie et depuis le jour où j’ai réalisé que j’serai pas le pantin de mon père alors… c’est un état d’esprit qui a tendance à me rattraper bien trop souvent. La voilà la triste vérité. Cade s’était enfermé dans ce désir de vengeance, et il se traduisait par un égocentrisme a toute épreuve, qui subsistait, qui se réveillait bien trop souvent et bien trop facilement maintenant que les années étaient passées. – J’essaie de changer ça Sav. C’est compliqué. Mais j’essaie. Et j’t’assure que tu m’aide beaucoup. Son passé n’expliquait pas tout et pourtant, Cade en était aussi coupable que victime. Ses yeux verts s’étaient posés sur la jolie blonde, tentant par tous les moyens de lui prouver qu’elle jouait un grand rôle dans sa prise de conscience. Les sentiments qu’il lui portait et qu’il assumait désormais, le guidait à chaque fois plus vers un comportement moins sauvage. – J’ai pas envie de te perdre. Là était la raison. Cade n’aimait pas l’idée qu’elle puisse tirer un trait sur lui, malgré tout ce qui s’était passé. Il détestait l’idée qu’elle puisse voir quelqu’un d’autre, sortir avec quelqu’un d’autre, et même penser à un autre. C’était difficile. Douloureux. Et ça avait le don de le mettre dans un état qu’il n’avait pas l’habitude de gérer. " J'n'ai pas envie de te perdre non plus" Elle était là, ce soir, ça suffisait de le convaincre. Ses yeux se perdit sur sa bouche rosée. Il mourrait d’envie de l’embrasser, il en crevait. Et ce n’étaient pas ses baguettes qui pataugeaient dans le riz collant qui allaient l’en détourner. Le visage de Savannah était si parfait, encore plus sous cette lumière artificielle et quand elle perdait pieds. Il le voyait bien. Elle était sur le point de céder elle aussi à cette envie physique bien trop imposante…

Mais ce pincement de lèvres annonçait une réticence qui le torturait et il fit bonne figure en passant à autre chose, comme elle le voulait. “Tu veux que j’te dise. On devrait demander à Madame Irma de s’joindre à nous, j’ai vraiment prit pour un régiment!” Ah… Madame Irma. Ou cette vieille peau qui avait probablement un problème avec lui. Ou c’était lui qui avait un problème avec ses sympathiques félins. - … Cette vieille folle a encore récupéré un chat de la rue l’autre jour… Il ne les comptait plus. Ces animaux étaient décidément bien trop nombreux à son goût et c’était tout juste s’il retenait sa respiration à chaque fois qu’il passait devant la porte de sa chère voisine. L'odeur ? Oui, et aussi le moindre mouvement qui attirerait l’un de ses chats dans ses pattes, frottant sa queue lascivement à ses mollets ! "Je te trouve dure avec elle…Elle est quand même pas si terrible" Il haussa les sourcils. Non, il n’exagérait rien cette fois. "Moi, elle m'a prédit un avenir radieux, une brillante carrière…Et l'acquisition future d'un moulin" Un moulin ? La surprise ou… l’incompréhension se lisait sur le visage de Grimes. Il avait cessé tout mouvement en essayant de piger le lien entre Savannah et…un moulin. – Oh oui, j’te vois parfaitement bien avec tes sabots, ta petite tenue d’Heidi et tes sacs de farine dans les mains. Heidi n’étaient pas blonde, mais Savannah pourrait en faire une version plus moderne, et bien plus sexy. – Charles Ingalls bosserait trois fois plus, c’est certain ! Encore une référence qui imageait la situation de façon ironique mais bel et bien valorisante. Elle serait probablement la meunière la plus jolie de tout le comté !

"P't'être qu'elle est folle…ou peut-être qu'elle en pince simplement pour toi et qu'elle de refuse de se l'avouer…" Cade se lève et ouvre son frigo en souriant, amusé de l’entendre spéculer au sujet de Mme Irma. " Non parce que t'es plutôt pas mal" Il se retourne brièvement pour lui lancer un petit regard malicieux. – Désolé pour elle, j’donne pas dans les sciences occultes. Même avec un sachet sur la tête, c’était négatif !  Il revint vers elle avec deux bouteilles ambrées de bière à la main et un décapsuleur. “Tu as eu des nouvelles de ton père?” Cette question...Les images de son altercation avec son paternel face à Savannah lui revinrent en pleine tronche. Il s’assit lentement et posa une bouteille sur la table, encore silencieux. Tout en décapsulant l’autre bouteille, il ouvrit enfin la bouche. – Il est rentré à New York. Bon débarras ? Il le pensait réellement, inutile de le préciser. Il posa la bouteille ouverte devant elle et saisit la deuxième. Un « pssssshht » se dégagea et il reprit posément. – Pas sans aller s’plaindre auprès de ma sœur et en remettre une couche sur mon comportement « virulent et excessif ». Enfin, ses yeux se reposèrent sur Savannah et cette lueur rouge qui avait tendance à s’animer quand il parlait de son père, s’apaisa quelque peu. – Il est comme ça. Il ne changera jamais. Il engloutit une bonne gorgée de bière qui lui traversa l’œsophage comme la boule que représentait cet élément de sa vie. – Les Grimes sont pas tendres, t’en a eu la confirmation… Un sourire amusé vint amoindrir la gravité de ses mots. Et Savannah n’avait pas encore rencontré ses deux frangins. Il y avait encore à découvrir. – J’suis désolé pour ce qu’il a pu te dire d’ailleurs. Il raconte connerie sur connerie quand les gens ne l’intéressent pas. Cade avait reposé sa bouteille sur la table basse et se surprenait à pouvoir tenir dans cette conversation sensible. – Et crois moi, s’il avait appris pour toi et moi, ça aurait été pire. « toi et moi ». Ou l’autre façon de parler de leur couple-montagne-russe. Si Papa Grimes avait réalisé l’importance de Savannah dans la vie de son ainé, il aurait forcément pris son pied, et peut-être qu’il aurait mené sa petite enquête officieuse sur elle pour mieux revenir foutre sa merde.

 Le combat avait été tumultueux, mêlé à des idées contradictoires, une fierté incommensurable, et une peur persistante, mais je suis là, à ses côtés, et tout semble soudainement si évident, si singulier. Je ne veux plus fuir plus longtemps, je n’en ressens plus l’envie, pire, ça me semble désormais impossible. Nous avions traversé tant de choses, et je réalise pourtant que rien a changé, cet amour que j’éprouve pour lui reste inchangé, et anime chacune de mes réactions. Le caractère excessif de la plupart d’entre elles se résume justement à la force de ces sentiments que je refuse de nier plus longtemps. Alors peut-être qu’il y aura des moments tout aussi douloureux à venir, peut-être que nous n'emprunterons pas le chemin idyllique commun à toutes ces histoires d'amour, mais je suis prête à prendre le risque, parce qu’il est bien le seul avec lequel je me sens prête à affronter l’avenir, si compliqué et incertain soit-il, le seul qui vaille la peine de prendre ce risque. La communication n’a jamais été notre fort, et étrangement, nous nous retrouvons à évoquer les raisons qui nous ont poussées à notre perte avec une facilité presque étrange. Cette pudeur que je ressens si souvent lorsqu’il s’agit de mettre des mots sur ce que je ressens pour lui s’est effacée, et comme il a prit le risque de le faire avec moi dernièrement, je lui livre les raisons de mon absence à ses côtés qu’il n’est pas sans ignorer. Cette peur a été dévastatrice, bien trop prenante pour que je ne parvienne à m’en libérer alors qu’il se trouvait à cet instant être cet homme qui semblait prêt à me tourner le dos dès lorsque la situation lui échappait. Alors je l’ai écoutée, parvenant à me convaincre que c’était la meilleure chose à faire, ignorant inlassablement toutes ces choses si agréables qui me ramenaient inlassablement à lui. Et c’est contre toutes attentes Cade qui a su trouver les mots pour me ramener à lui, écrasant cette fierté qui le caractérisait si bien, contrant un argumentaire qui était parvenu à tenir durant un certain temps, me prouvant l'intérêt qu’il me portait toujours. Il y avait eu des faux pas, certaines maladresses, beaucoup de non dits, mais inutile d’être Einstein pour calculer le résultat de nos cette équation. Cette discussion relevait de l’inédit, alors qu’étrangement, aucun de nous ne semblait prêt à vouloir y échapper, comme s’il nous était désormais vital d’obtenir certaines réponses, afin de peut être pouvoir appréhender un possible futur ensemble. Je ne cherche pas plus à l’effrayer par des sujets importants au sein d’un couple, il n’est pas question de lui rappeler combien j’aspirais à une véritable vie de famille, parce qu’aujourd’hui, cette simple envie se trouve relayée au second plan. Il m’est bien plus important de l’avoir auprès de moi, et ce, peu importe les conditions et les sacrifices que cela me demandera.

“– J’ai pensé qu’à moi toute ma vie et depuis le jour où j’ai réalisé que j’serai pas le pantin de mon père alors… c’est un état d’esprit qui a tendance à me rattraper bien trop souvent.” Mon regard se perd sur la douceur de ses traits. Je connais son histoire, assez pour qu’un sentiment de culpabilité s’empare de moi face à de tels aveux. Je savais tout ça, et au lieu de lui montrer mon soutien et le forcer à affronter ça avec moi, l'accompagner, je n’avais pas eu la force de porter ce poids pour deux sur mes épaules. J’avais succombé moi aussi face aux craintes qui persistaient, et qui s’expliquaient par un passé éprouvant. .” – J’essaie de changer ça Sav. C’est compliqué. Mais j’essaie. Et j’t’assure que tu m’aide beaucoup.” Il suffisait de nous observer présentement pour le confirmer. Jamais je n’aurais pensé que cet homme, qui fuyait presque la moindre discussion sérieuse puisse vouloir s’ouvrir à ce point et exprimer ses faiblesses sans sourciller.” – J’ai pas envie de te perdre.” Voilà une chose sur laquelle nous semblions d'accord. Nos différentes péripéties avaient peut-être fragilisé quelque peu ce lien, mais elles avaient aussi permis de réaliser que le noyau était bien plus solide que ce nous voulions bien l’imaginer, et qu’il était inconcevable de faire sortir l’autre de notre vie." J'n'ai pas envie de te perdre non plus" Cela devait être suffisant pour vouloir succomber. Et ce n’est pas la force qui émane de cet échange de regards qui dira le contraire. Je me laisse entraîner par ses iris particulièrement envoûtantes, ayant l’impression l’ombre d’un instant qu’il prend plaisir à en jouer, attendant peut-être un signe de faiblesse de ma part pour en apprécier la signification. Alors je détourne le regard, jurant intérieurement contre moi-même alors que cette envie terrasse mon être tout entier. Une occasion manquée que je me devrais de rattraper, mais qui pour le moment doit être relayée au second plan pour éviter de foutre en l’air le tapis sous nos pieds par de la nourriture chinoise. Et quoi de mieux qu’une petite dose de légèreté pour nous ramener à la réalité, celle dans laquelle il est forcé de croiser à plusieurs reprises une voisine des plus…originales. "Moi, elle m'a prédit un avenir radieux, une brillante carrière…Et l'acquisition future d'un moulin" Peut-être que cette femme décelait des envies que j’ignorais encore jusqu’alors, ou peut-être était-elle simplement folle! Ce sourire s’intensifie face à la réaction de Cade, qui parait tout aussi perplexe par cette idée.” – Oh oui, j’te vois parfaitement bien avec tes sabots, ta petite tenue d’Heidi et tes sacs de farine dans les mains.” Je ne peux retenir un rictus. “Un fantasme pour tous les hommes du coin, sans aucun doute!” Une ironie perceptible. Il faut dire que l’image prêtait plus à rire qu’autre chose.” – Charles Ingalls bosserait trois fois plus, c’est certain !” Je hoche négativement de la tête, préférant nettement une jupe crayon et une paire d’escarpins pour mener à bien une carrière, et pour laquelle la réussite serait davantage à la clé dans mon cas."P't'être qu'elle est folle…ou peut-être qu'elle en pince simplement pour toi et qu'elle de refuse de se l'avouer…" Ce n’était pas impossible. Peut-être que ce cher Grimes représentait un fantasme non-avoué qu’elle reniait, particulièrement lorsqu’il n’exprimait aucune empathie envers ses compagnons à quatre pattes. “– Désolé pour elle, j’donne pas dans les sciences occultes.”

Un sujet bien plus sérieux mérite d’être évoqué “Tu as eu des nouvelles de ton père?” Je savais qu’il n’allait pas être particulièrement enjoué à cet instant. “. – Il est rentré à New York. Pas sans aller s’plaindre auprès de ma sœur et en remettre une couche sur mon comportement « virulent et excessif ».Un roulement des yeux qui laissent entrevoir une pensée peu positive sur cet homme, mais qui ne parvenait même pas à m'étonner. Ca restait conforme à l’image qu’il m’avait laissé entrevoir la dernière fois.”– Il est comme ça. Il ne changera jamais.” J’aurais tendance à dire que ce dicton ne s’applique pas à tous, et fort heureusement. Mon optimisme me pousse parfois à croire que les gens puissent être bien meilleur s’ils font preuve de volonté, j’ai malheureusement peur que cela ne touche pas tout le monde…"J’suis désolé pour ce qu’il a pu te dire d’ailleurs. Il raconte connerie sur connerie quand les gens ne l’intéressent pas.” J’avais pourtant eu l’impression qu’il m’avait accordé un peu trop d’importance justement, et que ses propos avaient eu pour simple but de toucher l’aîné de la famille, au delà de vouloir me foudroyer. “ – Et crois moi, s’il avait appris pour toi et moi, ça aurait été pire.” Je feigne un léger sourire qui se veut rassurant. “J’suis pas sûre qu’il serait parvenu à grand chose…Si ce n’est récolter un coup amplement mérité cette fois.” Ce n’était pas tant pour moi que les attaques avaient été douloureuses, mais la dureté des mots envers Cade. Est ce que cela aurait pour autant eu un impact sur ce lien si fort qui nous unit? Certainement pas. Et même dans ce passage chaotique de notre histoire, nous avions ressenti le besoin de nous lier pour le contrer, naturellement. Je délaisse finalement la nourriture, ayant l’impression de ne pas pouvoir encaisser une bouchée supplémentaire. Je m’empare de la bière après m’être frotté les mains, posant mes lèvres sur le bord de la bouteille alors que je viens attraper le dessert avec un certain amusement. “Quand j’étais petite, je prenais ces gâteaux uniquement pour le concept, alors que je trouvais le goût pas terrible” m’amusais-je en saisissant l’un d'eux. Et aujourd’hui? Rien avait vraiment changé, mais l’idée était la même, particulièrement amusante, bien que les messages à l’intérieur étaient la plupart du temps assez décevant. Un air joueur, presque enfantin alors que je le pousse à en prendre un à son tour. “J’sais pas si ca sera plus censé que ce que dit ta voisine, mais sait-on jamais.” Je souris, croisant son regard pétillant au passage. Une bouchée avant d’en sortir le petit bout de papier que je m'attèle à déplier en même temps que lui. La déception est à son comble en découvrant la phrase qui l’y est inscrite. Peut-être que Cade a eu plus de chance. Je me penche, réduisant cette distante entre nous pour tenter d’observer sans gêne le papier entre ses doigts, en vain, puisqu’il le détourne de ma vue. “C’est si terrible que ça?” m’amusais-je, presque déçue qu’il veuille garder ça pour lui. "Allez dis-moi!" le suppliais-je avec air faussement attendrissant. "Promis, je me moquerais pas!" Je hausse les sourcils, sentant pourtant déjà un amusement s'emparer de moi sans même savoir de quoi il s'agit.

Si elle était là…Si Savannah était là ce soir, c’était qu’il y avait encore quelque chose. Un sentiment qui la retenait et qui la poussait jusqu’à lui alors même que plusieurs évènements auraient pu les séparer définitivement. Sa dépression, la difficulté de Cade à se poser dans une relation stable et durable, cette possibilité d’une grossesse surprise qu’il avait préféré prendre comme un piège tendu pour qu’elle le garde auprès d’elle, son ex actuel patron qui s’était interposé en dépassant le professionnel. Tous ces obstacles avaient été réels et les avaient poussés à ériger des barrières l’un contre l’autre. Et pourtant. Il y avait forcément un attachement considérable, profond, qui les ramenait toujours l’un face à l’autre et faisait tomber n’importe quel mur. La jolie blonde pouvait prétendre être de passage dans le coin et avoir commandé une ration bien trop importante pour elle seule, Cade préférait penser que, comme lui, elle ne pouvait pas l’effacer de sa vie.

Il avait bien failli la perdre cette fois. Quand elle était venue dans ce même appartement pour, gentiment, « lui rendre sa liberté » quelques semaines auparavant, l’ex californien ne se doutait pas que la page serait aussi difficile à tourner et que ses sentiments ne feraient que l’empêcher d’aller de l’avant. Il avait pourtant essayé, il avait forcé les choses…Jessica avait tout pour plaire physiquement. Mais malgré tout ce qu’elle pourrait tenter, elle n’aurait jamais les mots de Savannah. Son sourire, ses yeux malicieux. Elle n’aurait jamais cette douceur sensible et réconfortante quand elle le prendrait dans ses bras, ni ce feu brûlant et sexy dans la voix quand elle lui hurlerait dessus. Jessica n’aurait jamais ce qu’il désirait. Et certainement par crainte de la voir quitter son quotidien à nouveau, Cade se livrait à quelques confessions inédites sous le regard intimement familier de Savannah. Il n’était plus question de lui mentir ou de nier. – J’essaie de changer ça Sav. C’est compliqué. Mais j’essaie. Et j’t’assure que tu m’aide beaucoup. Grâce à elle, il faisait des efforts et il voulait vraiment les faire. Laisser de côté ses habitudes individualistes et tout faire pour ne pas la décevoir.

“Un fantasme pour tous les hommes du coin, sans aucun doute!” Quoi ? alors par ici le fantasme n°1 c’était une jeune fille à l’allure juvénile avec un tablier et des sabots de bois ? Pour peur qu’elle soit entourée de vaches laitières, le tableau n’était pas du tout attrayant.  – Charles Ingalls bosserait trois fois plus, c’est certain ! Sans vouloir offenser Caroline Ingalls, Savannah avait bien plus de potentiel, même avec une robe à fleurs lui tombant sur les pieds et un chapeau noué sous son menton. C’était une idée de déguisement pour une prochaine invitation… Passé le sujet cauchemardesque de la voisine un peu trop bizarre à son goût, Cade décapsula les deux bières et plongea dans un autre épisode, bien moins amusant. – Il est rentré à New York. Pas sans aller s’plaindre auprès de ma sœur et en remettre une couche sur mon comportement « virulent et excessif ». Bon, okay. Cade avait manqué de lui refaire le nez. Mais cette réaction, tout comme son comportement glacial et sarcastique avait été amplement mérité et la jolie blonde pouvait facilement en témoigner. Il n’y avait pas à dire, comparé à certaines de leurs altercations passées, l’ex agent fédéral avait été plutôt sage. Pas d’insultes gratuites, juste des statuts supposés. Et le poing de Cade avait terminé dans le mur de son appartement ! Il n’y avait pas de quoi aller pleurnicher auprès de Milena ! "J’suis désolé pour ce qu’il a pu te dire d’ailleurs. Il raconte connerie sur connerie quand les gens ne l’intéressent pas. Et crois moi, s’il avait appris pour toi et moi, ça aurait été pire.” Si Papa Grimes avait eu connaissance de leur histoire, de leurs hauts et de leurs bas, nul doute qu’il aurait joué sur tout ça. Pour peu qu’il accuse Savannah de retenir son fils ici et de l’empêcher de mener une carrière décente, il n’y avait pas des kilomètres. Et c’était tout ce dont l’ainé n’avait pas besoin ! “J’suis pas sûre qu’il serait parvenu à grand chose…Si ce n’est récolter un coup amplement mérité cette fois.” Elle tira un sourire sur le visage mélancolique de Cade, et il reposa ses lèvres sur le goulot de la bouteille de bière en imaginant cette fois Savannah en une sorte de Wonder Woman privée de son lasso.

L’évocation de son paternel lui avait-elle coupé l’appétit ? Elle attrapa un gâteau, délaissant alors riz, sushis et ces baguettes qui lui avait demandé tant d’efforts. “Quand j’étais petite, je prenais ces gâteaux uniquement pour le concept, alors que je trouvais le goût pas terrible” Cade n’était pas très adepte de ses trucs là. Lui qui était habituellement gourmand, ne se précipitait pas dessus. Même l’idée d’y tirer une phrase humoristique dont il pourrait se servir un jour pour clouer le bec de quelqu’un de l’emballait pas. Mais… que ne ferait-il pas pour elle ce soir. “J’sais pas si ça sera plus censé que ce que dit ta voisine, mais sait-on jamais.” Sans la lâcher des yeux et arborant un air faussement las, il finit par saisir le gâteau qu’elle lui tendait. – Allons-y. Lança t-il en faisait trainer ses mots et en cassant le biscuit. – Qu’est ce qui m’attend dans les prochains mois… ? Ironiquement, il déplia son morceau de papiers, les yeux maintenant rivés dessus, comme presque pris au jeu. Ses pupilles parcoururent les quelques mots qui y figuraient. Nulle. Ridicule. Absurde ? Pas tant que ça si on relisait encore une fois. D’ailleurs, Cade haussa les sourcils et leva les yeux sur Savannah, en attendant de voir si elle avait mieux. “C’est si terrible que ça?” Il se pinça les lèvres. Terrible ? Non, c’était… - Non c’est… Trop impatiente, elle se penchait même pour essayer de voir. Grimes s’assura que le papier soit hors de sa portée, et de sa vue. "Allez dis-moi!" Elle usait de tous les stratagèmes et ce regard suppliant et terriblement charmant pouvait fonctionner. "Promis, je me moquerais pas!" Pourquoi se moquer ? C’était tout à fait… réfléchi comme pensée. – Y’a pas de raison, ça me correspond ! Il étendit de nouveau le papier devant ses yeux, ses coudes plantés dans ses cuisses, et il le lit encore dans sa tête. « Assurez-vous que votre vie reste longue et utile, comme un rouleau de papier toilette. » what the f… - Dieu t’a gâté, profites en bien ! Enonça-t-il sérieusement, non sans retenir un sourire fier à la fin de cette phrase totalement sortie de son imagination. – Saisis ta chance d’être assise à côté d’un élu du ciel ! Et il continuait sur sa lancée, haussant les sourcils et laissant transparaitre un rictus ricaneur. Cade ramassa un morceau de biscuit sur la table et le fourra dans sa bouche, moment où Savannah en profita pour saisir son morceau de papier. Un plus grand sourire narquois s’empara alors du profil de l’ex agent fédéral. – Et toi ? Qu’est-ce que t’as ? Ses doigts viennent entourer la bouteille de bière de nouveau.

Poussée par cette force indescriptible qui me ramène inévitablement à lui, je suis forcée de réaliser que les choses n’ont jamais changé, et qu’elles ne sont pas prêtes de le faire, peu importe les décisions que je prendrais. Tous ces efforts pour me convaincre que cette histoire était semble t-il terminée seront restés vains, rattrapés par l’attraction perpétuelle qui se joue de nous et cette affection que nous éprouvons encore à l'égard de l’autre, et qui s’exprime ne serait-ce que par la force d’un simple regard. Après tout ce qu’il y a pu se passer, ce lien pourtant écorché reste infaillible, nourris par des sentiments qui nous ramènent inévitablement l’un à l’autre, des sentiments que j’ai tenté de refouler tant de fois, et qui m’amènent ce soir jusqu’à la porte de son appartement. Le voir en compagnie de cette femme avait provoqué une douleur si forte en moi mais qu’elle m’avait ramené à cette réalité incertaine que je m’étais forcée à fuir, celle dans laquelle le coeur est maître, et à laquelle il est impossible d’échapper. La possibilité de le perdre s’était matérialisée sous mes yeux, et si la colère et une pointe d’incompréhension s’étaient chargés de me tenir éloigné de lui et a accepté la situation à défaut de pouvoir y remédier, les quelques mots de Cade s’étaient chargés de me ramener à notre histoire, et à souligner l’importance de cette dernière à ses yeux, justifiant ses actes regrettables.  Je me mentais à moi-même, meurtrie par l’idée d’une douleur ingérable à venir. Mais n’était-ce pas ce que je m’imposais en choisissant de m’en tenir éloigné?

La simplicité du moment est appréciable, et les quelques confidences auxquelles nous nous livrons ne semblent pas empiéter sur ce terrain. Il fût un temps où le malaise aurait été de mise dans ce genre de circonstances, mais cette fois-ci, étrangement, aucun de nous deux ne semblent vouloir échapper à cet instant, comme s’il était important pour nous de pouvoir exprimer oralement les tourments qui expliquent la situation actuelle. Un fait reste cependant commun, ce besoin, cette incapacité à vouloir sortir l’autre de notre vie. J’avais essayé de composer avec ça, de le garder égoïstement auprès de moi en ignorant l'ambiguïté de nos rapports, mais j’avais surtout compris qu’il était impossible pour nous de devenir amis, pas plus que d’accepter l’absence de l’autre dans notre quotidien. Ma présence ici ne laisse-t-elle donc pas présager la direction que je souhaite pour nous? Je viens à lancer le sujet de son père et le chaos qu’il a semé par sa simple visite l’autre jour. Loin de moi l’idée de vouloir remuer le couteau dans la plaie, je voulais surtout m’assurer de la suite de cette histoire, bien que celle-ci semblait bien écrite dès lorsque l’aîné des Grimes lui avait ordonné de quitter les lieux. Le contenu n’étant pas ce qui m’intéresse vraiment, mais plutôt de savoir comment Cade composait avec tout ça, s’il s’affairait à s’enfermer un peu plus dans sa propre prison ou s’il parvenait à passer outre tout ça, à s’en détacher?"J’suis désolé pour ce qu’il a pu te dire d’ailleurs. Il raconte connerie sur connerie quand les gens ne l’intéressent pas. Et crois moi, s’il avait appris pour toi et moi, ça aurait été pire.” Peut-être que son acharnement aurait été encore plus terrible, et que les mots seraient parvenus à faire vriller la sagesse de Cade, en attendant, je doute que cela aurait suffit à nous éloigner l’un de l’autre, et ce que j’avais pu voir de mes propres yeux ce jour là avait suffit à m’indiquer clairement la direction à prendre. Je ne pouvais pas défendre l’indéfendable, et je comprenais le besoin de l’ancien agent de s’en tenir à distance, et ce, peu importe les liens du sang qui les uniraient à tout jamais. “J’suis pas sûre qu’il serait parvenu à grand chose…Si ce n’est récolter un coup amplement mérité cette fois.” Et si Cade ne souhaitait pas s’en charger, je n’aurais pas eu de mal à m’y soumettre, peu importe la douleur que cela aurait provoqué physiquement. En attendant,  cette visite, si insupportable avait-elle pu être aux yeux de Cade, nous avait permis de nous retrouver d’une certaine façon, alors qu’une distance persistait à juste titre dans nos échanges suite à cette rupture, et la rancune qu’elle avait engendré chez l’ancien agent.

Mon attention vient à se porter sur le dessert qui n’a pas été choisi au hasard. Malgré les années qui passent, je réalise que ce genre de jeu stupide parvient encore à paraître attrayant à mes yeux. A l’époque, les phrases présentées n’avaient pas toujours eu grande consonance pour moi, mais j’imaginais qu’avec quelques années de plus au compteur, je parviendrais à les apprécier davantage…ou au moins à m’en amuser. “Quand j’étais petite, je prenais ces gâteaux uniquement pour le concept, alors que je trouvais le goût pas terrible” Mon regard vient à trouver le sien, un sourire presque nostalgique sur les lèvres en lui livrant ce petit détail. Qui pouvait vouloir s’emparer de ce genre de gâteau finalement superficiel visuellement alors que des choses bien plus gourmandes se trouvaient à côté?  “J’sais pas si ça sera plus censé que ce que dit ta voisine, mais sait-on jamais.” A en voir la mine peu enthousiaste de Cade, je devine qu’il n’est pas réellement séduit par son aspect, mais qu’il se prête au jeu, comme s’il s’y sentait forcé.” – Allons-y.” Je souris, tentant de le séduire et lui faire ainsi oublier le goût peu subtile de cette friandise. ”. – Qu’est ce qui m’attend dans les prochains mois… ?” Mes traits s'étirent davantage face au peu de crédit qu’il pourrait accorder à ce qui serait écrit sur le morceau de papier. Déçue par ce qui figure sur le mien, j’observe avec attention la réaction de Cade, espérant qu’il aura été plus chanceux, mais cet air perplexe ne parvient pas à me conforter dans l’idée qu’il partage ce sentiment lui aussi. Son silence est bien trop pesant.“C’est si terrible que ça?” demandais-je sans plus attendre “ - Non c’est…” La curiosité est trop forte, et je tente de le devancer pour éviter qu’il me fasse patienter plus longtemps. Une tentative qui se résume à un parfait échec, puisqu’il fait en sorte que ça reste hors de ma vue. "Allez dis-moi!" Ma persévérance étant visiblement dérangeante, je m’affaire à le faire céder par un air mi-séducteur mi-innocent,espérant qu’il finisse par s’y plier.  "Promis, je me moquerais pas!"Une promesse que je ne serais sûrement pas en mesure de tenir selon ce qui s’y trouve, mais ça, il le sait sûrement déjà. “ – Y’a pas de raison, ça me correspond ! ” J’arque un sourcil, doutant finalement du contenu sans même savoir de quoi il  retourne.”- Dieu t’a gâté, profites en bien !” Je relève les sourcils, étonnement silencieuse alors que j’attends la chute de cette réplique, et surtout un amusement qu’il ne saurait contenir plus longtemps. Mais après quelques secondes, un éclat de rire résonne dans la pièce, prouvant mon amusement du moment alors que mon corps bascule un instant vers le dossier du canapé. “Eh bien dis donc….Ce gâteau n’attendait que toi!” lachais-je avec une pointe de moquerie perceptible alors qu’un sourire vient l’accompagner ”. – Saisis ta chance d’être assise à côté d’un élu du ciel !” Je me pince les lèvres face à cette modestie inexistante, qui est toujours parvenue à faire son petit effet sur moi. “Ils ne mentionnent pas un égo surdimensionné dessus?” demandais-je innocemment, alors qu’une once de malice se glisse dans mon regard lorsqu’il croise le sien. Il finit par détourner l’attention, m’offrant l’opportunité de saisir le message qu’il lui est adressé pour en vérifier la véracité. Un haussement de sourcils alors que je finis par lâcher un rictus en l’observant du coin de l’oeil. “C’est beaucoup moins flatteur…Tu t’en remettras?” demandais-je en lâchant finalement le morceau de papier. “– Et toi ? Qu’est-ce que t’as ?” Je passe ma langue entre mes lèvres, révélant un air joueur alors que je regarde à nouveau le bout de papier, comme si j’avais besoin de lire à nouveau. “Tu vas pas me croire…” Je relève un instant le regard vers lui, m’assurant d’avoir toute son attention. "Une invitation à danser à venir”. Je hausse les sourcils, m'emparant d’un faux air surpris alors que bien malgré moi, je ne parviens à dissimuler ce léger sourire amusé. “Je m’attendais pas à ça….C’est pour me montrer tes progrès depuis la dernière fois?” Je penche légèrement le visage vers mon épaule, un large sourire sur les lèvres. “Ca sera avec grand plaisir” annonçais-je en appuyant mes mots par un regard presque charmeur. Il n’avait pourtant pas formulé la moindre demande à ce sujet, et voilà que je l’inventais, poussant le jeu à mon avantage. Allait-il cependant chercher à se défiler, guetté par un sentiment de honte qui pourrait l’habiter face à cette scène complètement improbable? Une danse, au beau milieu de son salon, alors que la tension entre nous ne semble pas s’être évaporée…Un véritable supplice!

Papa Grimes n’avait pas épargné Savannah quand il était venu et Cade n’osait imaginer ce que ses réflexions auraient pu être s’il avait été au courant de la moitié de l’histoire qui les liait tous les deux. Les fréquentations de son ainé, peu importait d’où elles sortaient, étaient toujours associées à une médiocrité sans nom. Un peu comme tout ce que Cade pouvait entreprendre ou tenter de réaliser dans sa vie, aux yeux de son paternel. L’ex agent fédéral se félicitait alors que son cher papa ne sache rien des sentiments toujours existants qu’il avait pour la jolie blonde. Le carnage avait été évité et nul doute que son poing n’aurait pas heurté que le mur de son appartement si Savannah avait été dans le viseur de ce tyran. "J’suis désolé pour ce qu’il a pu te dire d’ailleurs. Il raconte connerie sur connerie quand les gens ne l’intéressent pas. Et crois-moi, s’il avait appris pour toi et moi, ça aurait été pire.” Impossible de ne pas revenir sur ce sujet et son évocation seule prouvait qu’une barrière était levée pour de bon. Une conversation calme et posée pouvait évoluer sans que l’un des deux ne s’emballe en reprochant des faits passés à l’autre. Cette petite complicité retrouvée faisait du bien à un Cade qui, malgré le presque-baiser dans la cave, se sentait un peu perdu face aux changements de directions multiples que leur relation avait pris. Ils n’étaient plus ensemble, c’était un fait, mais ils n’étaient pas non plus devenus de purs inconnus qui se rencontrent pour des politesses. “J’suis pas sûre qu’il serait parvenu à grand chose…Si ce n’est récolter un coup amplement mérité cette fois.” Un sourire envahit le visage de Cade dont les traits se relâchaient petit à petit. Cette note d’humour lui rappelait pourtant que, même séparés, Savannah n’avait pas hésité à se mettre de son côté pour contrer son paternel ce jour-là. Elle n’avait pas fui comme l’aurait fait toute ex qui se retrouverait en plein milieu d’un débat familial qui ne la concernait plus du tout.

“Quand j’étais petite, je prenais ces gâteaux uniquement pour le concept, alors que je trouvais le goût pas terrible” Alors qu’une gorgée de bière glissait dans sa gorge, Cade observa ce biscuit sans trop d’enthousiasme. Savannah insista pour qu’il s’adonne à ce petit jeu puéril et pourtant tellement attirant ce soir. “J’sais pas si ça sera plus censé que ce que dit ta voisine, mais sait-on jamais.” Ce qu’il trouva à l’intérieur aurait pu sortir de sa propre bouche. Une phrase bourrée d’ironie, un peu moqueuse, qui le déconcerta dés qu’il l’eut lu. “C’est si terrible que ça?” Cade balbutia en tentant de faire bonne figure mais qu’y avait-il à tirer de ça ?! Bizarrement, il n’y avait pas le nom du sage, ou de l’abruti qui en était à l’origine. Savannah trépignait telle une adolescente qui attendait le prochain épisode de sa série à l’eau de rose. "Promis, je me moquerais pas!" Ça, il en doutait fortement. Voilà pourquoi il inventa quelque chose de bien plus valorisant et sourit fièrement pour illustrer cet heureux hasard. “Eh bien dis donc….Ce gâteau n’attendait que toi!” Il haussa les sourcils, il n’en fallait pas plus pour le lancer dans ce personnage dépourvu de modestie qu’elle connaissait bien. – Saisis ta chance d’être assise à côté d’un élu du ciel ! Lui qui se comparait bien souvent à un superhéros dans ce genre de situation où il devait se mettre en avant avait bien franchit un cap en se disant touché par la grâce du Divin. “Ils ne mentionnent pas un égo surdimensionné dessus?” Savannah le connaissait décidément trop bien et il était de plus en plus difficile de jouer la comédie très longtemps car en voyant ses yeux rébarbatifs, il baissa les armes, amusé. Elle en profita pour s’emparer de son petit papier, et il la laissa faire. Elle aurait mis la main dessus tôt ou tard pour avoir le fin mot de l’histoire. “C’est beaucoup moins flatteur…Tu t’en remettras?” Se voir comparer sa propre vie à un rouleau de papier toilette n’était pas génial pour l’égo, mais il ne méditerait pas là-dessus toute la nuit, contrairement à l’intention de l’auteur. – J’en sais rien, j’vais pas pouvoir m’empêcher d’y penser la prochaine fois que j’irai aux p’tits coins !

En levant sa bière jusqu’à ses lèvres et en scrutant le papier entre les mains de Savannah, il s’y intéressa désormais. Chacun son tour. – Et toi ? Qu’est-ce que t’as ? Cet air malicieux qui le faisait franchement craquer illumina le regard de la jolie blonde. “Tu vas pas me croire…” Sa bouche épouse le goulot de la bouteille ambrée et s’en sépare finalement alors que ses yeux restent figés sur elle. "Une invitation à danser à venir”  Une invitation à… Cade haussa les sourcils, quelque peu abasourdi par cette coïncidence qui le ramenait à l’un de leurs rendez-vous où Savannah avait tout fait pour le voir sur la piste de danse. -Oh.. Souffla t-il doucement et de façon gêné. “Je m’attendais pas à ça….C’est pour me montrer tes progrès depuis la dernière fois?” Il n’y avait qu’eux dans la pièce. Fallait-il que cette prédiction ait lieu immédiatement ? Vraiment ? Les pupilles de l’ex agent se dirigèrent sur elle et il emprunta un air embarrassé. – Ca impliquait forcément d’être en condition… dans le genre… une grande salle, de la musique… d’autres convives. Il reculait, reculait, se remémorant le peu de pas de danse qu’il connaissait. Il manquait clairement de pratique et même si toutes les conditions étaient réunies, pas sûr qu’il s’adonne à une petite représentation. “Ca sera avec grand plaisir” Elle penche la tête, ses cheveux blonds se posent sur son épaule et elle lui sourit. Un supplice. Il pourrait lui offrir tout ce qu’elle demandait et plus quand elle lui faisait ce coup là ! Mais danser… au beau milieu de ce salon. La demande était tellement saugrenue que Cade ne pensa pas une seconde à vérifier le papier qu’elle tenait toujours entre ses doigts. Il soupira alors qu’en vérité, tout son corps mourrait d’envie de se rapprocher du sien, peu importait le moyen. Il laissa la bouteille de bière sur la table basse et se leva pendant qu’elle chercha la musique de fond sur son téléphone. – Désolé de te dire ça mais j’ai pas vraiment progressé depuis la dernière fois. Il resta sérieux et lui tendit la main, les premières notes raisonnèrent. Ce premier contact physique le traversa comme une vague, il en sourit faiblement pour ne pas le lui montrer. Quelques pas plus au milieu du salon, Cade fit tourner Savannah sur elle-même avant d’ajuster sa main dans la sienne. L’autre vint se poser délicatement dans le bas de son dos. Attiré l’un vers l’autre, et désormais plus proche que n’importe quand ces derniers mois, l’ex agent en profita pour lui glisser un petit mot à l’oreille. – Je te suivrai bien sagement si tu veux bien me guider un peu. Un double sens voulu. Le parfum subtil de Savannah l’envahit lentement. – J'écouterai tes conseils et commentaires avec attention, c'est promis ! L’avoir dans ses bras, même s’il s’agissait d’un défi dissimulé, lui confirmait qu’il en avait besoin. Elle lui manquait. Leurs moments insouciants lui manquaient. Il la retrouvait…un peu. Alors qu’ils avaient fait quelques pas en tournant légèrement, Cade pu remarquer le papier de Savannah, resté sur la table à portée de vue...

Mon regard plongé dans le sien, je me rappelle combien ça pouvait être si facile avec lui. Les épreuves que nous avions traversées avaient été conséquentes, pour autant, la considération mais surtout l’attachement que nous éprouvions l’un pour l’autre semblaient persister, défiant cette rupture comme si elle n’y trouvait pas sa place, comme si elle ne suffirait pas à tout arrêter pour de bon. En le retrouvant sur le territoire australien, je n’aurais jamais songé un seul instant que l’on puisse avoir une telle histoire, et aujourd’hui, voilà qu’il m’était impossible d’accepter de le voir sortir de ma vie, impossible de m’en résigner. Il m’avait fallu du temps pour savoir qui il était vraiment, et j’étais désormais prise au piège par ce tempérament excessif, mais surtout cette authenticité et sensibilité qu’il avait mit du temps à dévoiler, préférant s’enfoncer dans un silence déroutant, et un côté mystérieux. J’aimais qui il était, j’aimais cette femme que j’étais devenue à ses côtés, et je savais au fond de moi qu’il était l’une des personnes sur laquelle je pouvais encore compter, peu importe l’état de cette relation. Il m’a fallu du temps pour le réaliser, mais je n’ai pas envie de perdre ce que je ressens en étant à ses côtés, pas plus que de le perdre lui, et face à cette situation tendancieuse, il est temps pour moi d’accepter d’aller de l’avant et d’oublier cette partie de moi, qui est complètement pétrifiée à l’idée de souffrir face à un avenir incertain.

En apportant ces gâteaux, je ne peux m’empêcher de livrer à nouveau un petit détail du passé, insignifiant, mais qu’il m’est pourtant si facile de partager avec lui. Une astuce pour tenter de l’adoucir alors que je lui demande de s’y prêter? Peut-être. En attendant, il se laisse entraîner par le jeu, laissant un air troublant sur son visage qui, bien évidemment, ne tarde pas à éveiller ma curiosité légendaire. Ladite réplique suffit à m’amuser, tout autant que celle qu’il se sent obligé d’ajouter, avec une modestie sans nom. “Ils ne mentionnent pas un égo surdimensionné dessus?” Un léger air provocateur souligne mes traits, parce que ça fonctionne toujours comme ça entre nous. Et me voilà à vérifier par moi-même le contenu, doutant probablement de sa bonne parole. “C’est beaucoup moins flatteur…Tu t’en remettras?” Un haussement de sourcils, alors que je relâche le papier nonchalamment sur la table basse. “– J’en sais rien, j’vais pas pouvoir m’empêcher d’y penser la prochaine fois que j’irai aux p’tits coins !” Un léger rictus alors qu’il ne tarde pas à s’attarder sur ce que j’ai pu trouver à l’intérieur du mien. Je le regarde à nouveau, hésitant un instant sur ma réponse en faisant mine de le relire pour gagner du temps. “Tu vas pas me croire…”  Et ça serait légitime… On ne peut pas dire que cet esprit de manipulation me soit si inconnu. Seulement, dans ce contexte, il pourrait lui être tout aussi bénéfique. "Une invitation à danser à venir” Son corps est là, mais son esprit semble avoir du mal à encaisser cette information. C’est pourtant clair. Son étonnement me pousse à éprouver un amusement considérable, alors qu’une partie de moi culpabiliserait presque de lui imposer un tel supplice. Cade et la danse….On ne peut pas dire que ces deux éléments soient compatibles. “-Oh..” Je me pince les lèvres, luttant pour retenir un rire. “Je m’attendais pas à ça….C’est pour me montrer tes progrès depuis la dernière fois?” Il n’avait pourtant rien demander, et peut-être qu’il chercherait rapidement à s’assurer que je ne l’embobine pas à mon tour… “– Ca impliquait forcément d’être en condition… dans le genre… une grande salle, de la musique… d’autres convives.” Un sourire spontané face à ces propos qui le rendent particulièrement adorable. “Cette règle fait partie de la bible Grimes?” demandais-je en plissant les yeux, alors que j’étire davantage mes lèvres. Je ne devais pas lui laisser le choix, il flanchait! C’était le moment de profiter de sa faiblesse pour lui tirer la main d’avantage, sans le brusquer pour autant, au risque de le voir passer la porte sans prendre le temps de l’ouvrir, à l’image de l’un de ces vieux dessins animés qu’il aime tant. “Ca sera avec grand plaisir” Il ne peut qu’abdiquer, alors que je m’arme d’une moue particulièrement attendrissante pour m’en assurer. Son soupir indique la victoire, le top départ pour attraper mon téléphone et chercher rapidement un son de circonstance. Les premières notes se font entendre, alors que je lâche mon téléphone sur le canapé. Ce sourire malicieux me trahit alors qu'il me tend la main, soumis à cette demande aussi surprenante qu'imaginaire. Ma main vient se glisser doucement dans la sienne, savourant l'effet que ce simple contact provoque en moi. Mes yeux se baissent sur ce dernier un bref instant, alors qu'un pincement de lèvres est nécessaire pour dissimuler ma satisfaction du moment.

D'un mouvement parfaitement maîtrisé, il éconduit mon corps jusqu'au sien, nous poussant à nous retrouver face à l'autre. Ses doigts se lient au mien, sa main se dépose sur ma chute de reins, et c'est désormais la proximité de nos deux corps qui semblent avoir raison de moi. Je ressens ça, chaque vibration qui parcourt mon corps, chaque palpitation qui rend cet instant si particulier, si singulier, je ressens tout. L'effluve de son parfum qui me ramène immédiatement à cette attraction qui m'amène inlassablement à lui, à nos souvenirs, sa voix qui me rappelle combien j'aime être à ses côtés, et éprouver toutes ces choses – Je te suivrai bien sagement si tu veux bien me guider un peu. Mon visage recule légèrement, permettant ainsi de pouvoir plonger mon regard bleuté dans le sien avec une pointe d’envie qu’il m’est difficile de cacher.– J'écouterai tes conseils et commentaires avec attention, c'est promis ! Je relève légèrement les sourcils"Je n'ai pourtant pas l'impression que tu aies besoin de mon aide cette fois-ci" Un sourire flirte avec mes lèvres. Ce slow était bien loin de cette salsa que je lui avais infligée quelques années auparavant, et pourtant, l'attraction n'en était pas moins forte qu'à l'époque. "Tout semble si…naturel" Derrière cette danse se cachait une histoire qui avait pris en profondeur, des corps qui avaient su s'appréhender assez vite, des caractères qui avaient su se dévoiler face à une confiance des plus sincères. Mon regard scrute le sien, subissant bien assez vite la force de ses sentiments qui me tiennent en haleine depuis le début. Quelques secondes, et puis... "Mais si on devait améliorer cet instant, j'imagine que je t'avouerais qu'il n'y a aucun autre endroit où je voudrais me trouver en ce moment" Un léger sourire pour appuyer mes mots. "Aussi ridicule que cette scène puisse paraître" Un amusement qui est rapidement effacé alors que je prends une légère inspiration. "J'te dirais aussi qu'il n'y a pas un jour où je n'ai pas pensé à toi…Pas un jour où je n'ai pas éprouvé ce manque" Ma main posée sur son bras, remonte doucement, jusqu'à son épaule, me permettant de m'assurer que tout ça est bien réel, de m'enivrer de l'intensité du moment et de satisfaire ce besoin que de le serrer à nouveau contre moi sans que personne ne puisse m'en empêcher. Des gestes tactiles qui me dépassent, alors que ma main glisse jusqu'à sa nuque que je caresse, guidée par sa respiration que je semble percevoir. "Pas un jour où j'n'ai cessé de t'aimer" Mon visage, si proche du sien, l'effleure faiblement, alors qu'une bulle d'intimité semble nous envelopper, me poussant presque à oublier la mélodie en arrière-plan. Les paupières mi-closes, je me laisse porter par ce palpitant qui tambourine dans ma poitrine à m’en faire mal, mes doigts glissent sur les siens, resserrant l’étreinte, mon corps semble aimanté par le sien, alors que mes lèvres s'approchent dangereusement des siennes, dans une tension des plus palpables. Je m'arrête dans mon élan, souhaitant croiser son regard pour murmurer "J’refuse de fuir plus longtemps" avouais-je sans vaciller un seul instant. J'évoquais là cette relation qui m'avait effrayée, mais pour laquelle j'étais prête à me battre encore plus, ne sachant que trop bien sa rareté. Mon nez effleure un bref instant le sien, sentant cette vague soulever mon être entier, et savourer le bien-être fulgurant qui s'empare de moi avant de venir attraper sa lèvre supérieure avec les miennes et succomber à cette odeur qui m’a tant manquée, rendant audible ce souffle libérateur après m'y être soumise.

Sur le peu de fois où Cade avait dû déplier l’un de ces petits papiers sortis d’un biscuit chinois dégueulasse, pas une seule n’avait été en sa faveur. Pas un seul de ces proverbes ou faits à venir n’avait été sympa avec lui et lui avait octroyer une caractéristique morale ou physique positivement originale. Et ce n’était évidemment pas la présence de Savannah face à lui qui allait changer les choses. Cette phrase à méditer qui figurait sur son papier n’aidait en rien à se vanter ou à impressionner la jolie blonde. Donc, comme à son habitude, Grimes saisit l’occasion de tourner ça ironiquement à son avantage. L’Elu de Dieu ? Pff, s’il y avait une force divine là-haut, il y avait fort à parier que l’ex agent fédéral n’avait pas gagné son intérêt, et ça malgré toutes les bonnes actions qu’il avait pu réaliser quand il bossait pour les fédéraux. Sans compter qu’il n’avait pas mis les pieds dans une église depuis… plusieurs années. – Et toi ? Qu’est-ce que t’as ? Il était alors bien plus intéressant de voir ce que Savannah avait récolté. Certainement quelque chose de tout aussi rébarbatif mais forcément plus digne. "Une invitation à danser à venir” Nom de Dieu. En fait non… pas Dieu ! Quelqu’un d’autre semblait les espionner et avoir truqué son gâteau ! Et puisque ça se prêtait totalement à la scène actuelle, deux jeunes gens proches dans un atmosphère guidée par les émotions, Savannah sauta évidemment sur l’occasion. “Je m’attendais pas à ça….C’est pour me montrer tes progrès depuis la dernière fois?” Grimes balbutia. Elle connaissait pourtant son niveau de danse, et son goût pour ce loisir impliquant un dévouement physique total… Il chercha une excuse qui se révéla bien vite non recevable. “Ca sera avec grand plaisir”. Après un soupir, il abdiqua, faible face à ce sourire enjôleur et complètement soumis à la puissance de ses sentiments pour elle.

Les premières notes raisonnent doucement dans le petit salon. Le piano, un brin de mélancolie alors que Cade sourit à l’intérieur. Son corps se rapproche de la silhouette fine et gracieuse de Savannah, et cette assurance qu’il trimballait jusqu’ici était en vérité une façade. Il pouvait jouer de l’humour en se levant, celui-ci était désormais écrasé par une sensibilité qu’il n’avait pas ressenti depuis qu’ils s’étaient quittés, et par tout ce qui émanait au fond de lui quand ses mains la touchèrent. – Je te suivrai bien sagement si tu veux bien me guider un peu. Les premiers pas n’étaient pas catastrophiques malgré le décor romanesque et le trouble que cette proximité jetait en lui. – J'écouterai tes conseils et commentaires avec attention, c'est promis ! Encore cette ironie à double sens qui tentait de faire surface pour dissimuler la confusion que son esprit et son cœur crachaient. "Je n'ai pourtant pas l'impression que tu aies besoin de mon aide cette fois-ci" Okay. Grimes était sans doute un peu trop dur avec lui-même en ce qui concernait la danse. En réalité, il avait été adolescent lui-aussi. Il en avait invité des jeunes filles à danser des slows, notamment lors du bal de promotion attaché à tout bon lycéen américain qui se respecte. Avec tout de même quelques réticences, Cade s’y était rendu avec dans l’intention ferme de conclure avec Maddie, cette belle brune qui l’avait tant repoussé malgré son attirance notable envers lui. Le fin mot de l’histoire, même ses meilleurs potes ne le connaissait pas ! – J’essaie de m’appliquer. Non, il n’en était pas à compter ses pas. De toute façon, il n’arriverait pas à se concentrer assez pour le faire. L’atmosphère était nébuleuse, troublante de douceur et de sensations connues et pourtant si lointaines.  Sa main posée légèrement sur sa chute de reins semblait le trahir. "Tout semble si…naturel"

"Mais si on devait améliorer cet instant, j'imagine que je t'avouerais qu'il n'y a aucun autre endroit où je voudrais me trouver en ce moment" C’était comme si le verre vide se remplissait de nouveau. A travers chacun de ses pas, et chacun de ses mots, Cade comprenait qu’elle se rapprochait. Et qu’elle comblait ce manque qu’il subissait depuis leur rupture. Il partageait son point de vue tout simplement parce qu’il avait pensé à ce moment où ils seraient réunis de nouveau de nombreux jours, et de nombreuses nuits. Et même si cela induisait qu’il doive effectuer quelques mouvements de danse, il s’y résignait avec dévotion. Le sourire de Savannah vint renforcer ses mots et ramollir encore plus tous les membres de son corps. "Aussi ridicule que cette scène puisse paraître" Son palpitant, lui, s’énervait de plus en plus quand il croisait son regard bleuté et qu’il saisissait l’authenticité de ses propos et de ce moment. Un fin sourire élargit doucement les lèvres de Cade. – C’est loin d’être ridicule. Fit-il de façon réservée pour ne pas la stopper dans sa lancée. Il évoquait non pas la scène, mais les pensées qu’elle osait lui révéler. La musique continuait d’illustrer leur slow et les révélations toujours plus intenses de Savannah. "J'te dirais aussi qu'il n'y a pas un jour où je n'ai pas pensé à toi…Pas un jour où je n'ai pas éprouvé ce manque" Bon sang, elle parlait pour lui. Lui-même aurait pu lui dire qu’elle n’avait jamais vraiment quitté son quotidien. Et Grimes était maintenant sûr qu’elle aussi avait été victime de leur séparation. Qu’elle s’était infligé ça contre sa volonté et ses désirs. Il crevait d’envie au fond, alors qu’il sentait cette caresse le long de son bras. Sa main vint se loger dans sa nuque en le laissant lascivement silencieux. Il s’imprégnait de cette déclaration, de cette tendresse dont elle faisait preuve, et ses yeux verts ne pouvaient plus se détacher de son visage parfait. Un bien fou l’envahit. "Pas un jour où j'n'ai cessé de t'aimer" Une douce torture. Une phrase qui fit éclater cette bulle dans son estomac. Ses lèvres avaient frôlé les siennes et Cade se sentait partir. Une respiration lourde qu’il tentait de maitriser et son attention n’était plus portée que sur elle. Elle, et sa bouche qui aimantait la sienne avec une telle force qu’il ne sentit pas sa propre paume de main remonter de quelques centimètres dans son dos. Les notes de la chanson continuaient mais il ne les entendait plus. Ses pas, il ne les voyait plus et à dire vrai, il s’en foutait. Il n’osait plus parler, de crainte de briser cet instant avec un mot inapproprié. Il refusait qu’elle fasse marche arrière…c’était désormais impensable.

Les yeux de Cade se relèvent pour croiser ceux de Savannah une nouvelle fois. "J’refuse de fuir plus longtemps" Complètement assujetti, Cade pliait face à ce qui l’envahissait. Face à elle. Il l’aimait, quoi qu’il puisse en dire et quoi qu’il puisse s’être passé. Elle cède en posant ses lèvres sur le siennes avec une délicatesse qui suivait la mélodie et qui allait avec des retrouvailles dignes de ce nom. Immédiatement, une vague libératrice déferle en lui alors qu’il se retient dans un premier temps pour ne pas brusquer les choses. Il ne veut pas libérer sa bouche et prolonge ce contact aussi longtemps qu’il le peut, paupières maintenant closes. Ses lèvres s’entrouvrent pour capturer les siennes, encore un peu, encore… Leur gout lui avait tellement manqué. Ses pieds s’étaient arrêtés, ses pensées s’étaient immobilisées sur le seul bien-être que ce baiser lui procurait, et le désir qu’il ressentait à présent de la serrer contre lui. Sa main redescendit à sa place initiale, sur sa chute de reins d’où il pouvait facilement, doucement et fermement l’attirer plus près s’il le pouvait. Quant à son autre main, elle trouva le chemin vers son visage. Ses doigts effleurèrent sa nuque et son pouce se perdit sur sa joue. Quand il daigna, après plusieurs secondes quitter ses lèvres, Cade porta un regard langoureux sur elle. On pouvait le dire, c’était un regard amoureux. Durant un instant suspendu où le silence avait repris ses droits dans l’appartement, il la regarda, réalisant qu’elle était bien là et qu’elle venait de couper cette corde qu’elle avait elle-même tendue entre eux quelques mois auparavant. Et il la trouvait inlassablement ravissante. Encore plus sous cette faible lumière et avec cet air lascif dans les yeux. Des mots auraient pu sortir. Une confession. Un retour positif en réponse à ces aveux. Mais Cade se contenta d’esquisser un large sourire, balayant d’une expression tout ce qui s’était passé et cédant à tout ce qu’il avait voulu. Après ça, il n’y tenait plus et fourra son visage dans le cou de Savannah pour faire glisser ses lèvres sur sa peau la plus fine, dont l’odeur le transperça. – J’te laisserai plus. Chuchota-t-il brièvement dans un souffle, comme s’il s’abreuvait de tout ce qu’il pouvait retirer d’elle à ce moment. Sa main s’était lentement frayé un chemin sous son haut, dans son dos, et le contact avec sa peau chaude lui confirmait qu’il s’agissait là d’une réalité. Savannah Williams était bien dans ses bras !

La peur, l'incertitude, ces doutes persistants et particulièrement déstabilisants...chacun de ces éléments m'avaient tenu l'écart de lui. Les histoires amoureuses que j'ai vécues par le passé avaient toutes été sommées par un terrible échec, principalement par ma faute. Un tableau que j’avais certainement trop idéalisé, et dans lequel ma place n’était pourtant pas si évidente. J’avais fait des erreurs, et, au vue de la situation, je continuais d’en faire, incapable de savoir ce qui était le mieux pour moi, de dissocier la raison de cette peur profonde. L’histoire n’était pas parfaite, parsemée de nombreuses erreurs et de non-dits qui auraient probablement dû apposer le point final à cette dernière. Et pourtant, il m’est impossible de m’y résoudre. J’ai mis du temps pour le comprendre, pour voir la situation avec clarté, mais les faits sont là, et ma présence ici ne se limite bien évidemment pas à vouloir partager un simple repas avec lui, cette envie bien plus profonde me pousse à laisser tomber le masque et à justifier le plus simplement possible des réactions qui auraient pu le laisser perplexe. Cette atmosphère est pourtant particulièrement détendue, illustrant une fois de plus la simplicité de nos échanges et ce lien particulier qui nous unit. Lien que j’ai exposé au danger en lui rendant sa liberté. La simple vision de Cade avec cette femme avait suffit à déclencher un véritable chaos en moi. Et cette colère que je lui avais vouée n’était rien comparée à celle que je ressentais pour ma propre personne. La conclusion s’était imposée à moi, me retrouvant bloquée dans ce piège que j’avais moi-même bâti. J’avais tout foutu en l’air, et si cette image aurait dû rassurer mon égo pour sa clairvoyance, c’est la douleur qui avait persécutée mon être tout entier, me permettant de réaliser qu’il était encore là, bien trop présent dans cet organe logé dans ma poitrine. Ses quelques aveux au sein de cette cave avaient agi comme un pansement pour les plaies qu’il avait lui-même causées. Je refusais de l’imaginer auprès d’une autre, je refusais de renoncer, d’abandonner cette chose précieuse mais pourtant si forte qui me ramène inlassablement à lui. Et si je devais évoquer ce qu’il provoque en moi de façon plus précise, j’étais prête à le faire.

Cette danse imaginaire est l’occasion parfaite, pour ne pas dire un brin calculée, pour pouvoir me rapprocher de lui. Je me réjouis silencieusement qu’il n’ait pas eu l’esprit de vérifier mes dires, surtout face à cette distraction qui ne rime clairement pas avec plaisir pour lui. Est-ce sa confusion du moment qui l’en empêche? Ou a-t-il perçu les avantages qu’il pourrait lui aussi en tirer face à ce rapprochement physique qu’entraîne ce genre de chose? Ma main se retrouve dans la sienne, provoquant une sorte de décharge dans mon corps par ce simple contact, me rappelant combien mon corps peut-être encore si réceptif à la moindre attention qu’il m’accorde. Je me retrouve face à lui, luttant pour ne pas laisser apparaître ce sourire satisfait sur mon visage. Ce rapprochement est des plus enivrants, me rappelant maintes souvenirs passés en sa compagnie. De ce parfum attirant à la douceur de ses gestes, je perds peu à peu le contrôle face à des sens qu’il m’est impossible de maîtriser et qu’il stimule sans en avoir la moindre idée. Sa voix me ramène à cet instant, qu’il tente probablement de réussir à travers quelques pas de danse irréprochables. “– Je te suivrai bien sagement si tu veux bien me guider un peu.” Une phrase qui pourrait presque paraître ironique face à la confiance qui le caractérise, et pourtant… Cade Grimes peut se montrer particulièrement docile quand il en a envie. "Je n'ai pourtant pas l'impression que tu aies besoin de mon aide cette fois-ci" Mon regard croise le sien, et c’est presque impossible de taire cette lueur qui émane de ce dernier, témoignant du trouble qu’il provoque en moi, et c’est à travers un léger sourire que je tente de garder la tête froide. “– J’essaie de m’appliquer.” Je hoche la tête, évoquant mon avis sur le sujet. Si ce cher Grimes n’aime pas danser, la danse semble particulièrement l’apprécier alors qu’il se montre particulièrement attrayant dans ce contexte. “Ca se ressent” repris-je, étant incapable de me défaire de ses yeux. Ressentait-il cet état de fébrilité qu’il provoquait en moi? Mes lèvres se pincent brièvement, consciente que le moment est le plus opportun pour exprimer ce que je me suis efforcée de taire depuis bien trop longtemps. Un ton légèrement hésitant, presque intimidé par les premiers mots que je lui expose, et qui je l’espère seront appréciés, en dépit de ces montagnes russes qu’il subit inlassablement à mes côtés. "Mais si on devait améliorer cet instant, j'imagine que je t'avouerais qu'il n'y a aucun autre endroit où je voudrais me trouver en ce moment" Je le jauge, tentant de deviner à travers ses yeux émeraudes si le chemin que j’emprunte n’est pas sinueux et qu’il est prêt à recevoir quelques confessions à nouveau, sans vouloir se cacher derrière une barrière invisible pour tenter de se préserver d’un dénouement qu’il pourrait craindre, blessé par mes actions passées. "Aussi ridicule que cette scène puisse paraître". Nous deux, dansant au beau milieu de ce salon…L’image pouvait prêter à rire, pourtant, pour rien au monde je veux m’en échapper. “– C’est loin d’être ridicule.” Un encouragement à poursuivre, alors que l’espace d’un instant, je me plais à croire qu’il ressent ça lui aussi, la magie de cet instant. Il n’en faut pas plus pour que je poursuis sur ma lancée, alors que cette danse, entraînante, me pousse à laisser glisser mes mains sur lui, m’offrant la satisfaction de réaliser que tout ça est bien réel, nourrissant cette sensation de bien-être qu’il m’est impossible d’occulter. Une sorte d’avertissement face à un lâcher prise imminent. "Pas un jour où j'n'ai cessé de t'aimer" soufflais-je. L’émotion qui émane de ce rapprochement, toujours plus profond, est à son comble. Je m’apprête à succomber sous peu à cette délicieuse pression, savourant chaque seconde qui m’en séparent. "J’refuse de fuir plus longtemps" Mes lèvres ont trouvé refuge près des siennes, et je peux désormais sentir la chaleur de son souffle sur les miennes. Un appel, il m’est désormais impossible de résister plus longtemps, ma bouche s’empare doucement de la sienne, savourant de pouvoir les retrouver sans craindre un retournement de situation. Libérée de ce poids qui ne m’a pas quitté ces dernières semaines, je me laisse envahir par la sensualité du moment. Sa main se pose sur ma nuque, la mienne sur son poignet, l’empêchant inconsciemment de s’échapper de cette étreinte. Il me faut un bref instant pour relever les paupières lorsque ma bouche s’est détachée de la sienne. Et la façon dont il me regarde me désarme. Mes yeux se perdent tantôt sur cette bouche qui est source d’envie, tantôt sur ses yeux qui me coupent le souffle. Le sourire qu’il esquisse me foudroie sur place, mes bras viennent se perdre autour de lui, alors que je sens désormais la douceur de ses lèvres dans le creux de mon cou. Je ferme les yeux, retrouvant cette sensation familière, et la savourant sans retenue.”– J’te laisserai plus.” Quelques mots qui s'apparentent presque à une promesse et qui suffisent à étirer mes lèvres, appréciant cette bulle réconfortante qu’il crée en moi. Je suis incapable de me détacher de lui, et rien ne peut me pousser à le faire. Mes doigts remontent à l’arrière de sa tête, jouant avec ses cheveux. Ses lèvres remontent jusqu’à ma mâchoire, m’offrant là la possibilité de m’emparer de sa bouche. Un baiser plus langoureux, dans lequel je me perds littéralement, obsédée par ce désir qui s’embrase en moi, et qui gagne du terrain au fil des secondes. Une envie perceptible et sans plus attendre partagée par ce cher Grimes qui vient me soulever, provoquant un léger rictus avant de retrouver la sensualité du moment, qui nous amène rapidement jusqu’à la chambre.

J’ouvre les yeux légèrement, aveuglée par la lumière qui illumine la pièce qui me pousse à les fermer de nouveau. L’espace d’une seconde, l’appréhension que tout ça ne se résume qu’un à simple rêve m'inonde, un battement de cœur presque douloureux, la chaleur de son corps contre le mien me permet cependant de me libérer de ce tourment. Ma main quitte son torse pour se perdre sur sa taille, ayant le besoin de l’étreindre, une fois de plus. Mon visage se détache de sa peau, alors que je redresse ce dernier pour pouvoir l’observer, visiblement déjà réveillé, et perdu dans ses pensées. “J’ai fais un drôle de rêve…. Figure-toi qu’on dansait toi et moi!” Un large sourire pour illustrer mes propos. Cette danse n’était pourtant pas ce qu’il y avait marqué définitivement la soirée, bien qu’elle y était à l’origine. “Quoi? T’as fait ce rêve toi aussi?” demandais-je face à cette moue pensive qu’il tente de chasser en l'observant. Mes lèvres viennent se presser sur sa peau chaude, remontant jusque dans le creux de son cou.