@Lucy Cavanagh  & Cade Grimes

CE JOUR LA - 21h06
La nuit était déjà tombée. Une légère brise enveloppante permit à Cade de respirer un coup après avoir fermé la portière de sa Chevrolet noire. Il avait, cette fois, décidé de la garer un peu plus loin, pour ne pas attirer les regards un peu trop curieux. Jusqu’à ce qu’il soit sur les lieux, la discrétion était de mise. D’autant plus que, lorsqu’il s’approcha de l’immense demeure éclairée, il s’aperçut qu’il ne détenait pas le précieux sésame permettant de franchir la porte principale, jalousement gardée par deux grands gaillards en costumes bien repassé. Cette invitation, Grimes espérait ne pas en avoir besoin. « Ce nom te donnera accès à n’importe quelle sauterie par ici. » Lui avait assuré son complice. Beaucoup de convives étaient là en couple. Monsieur en élégant smoking et Madame tout en scintillement jusqu’aux oreilles. Son cœur manqua de s’affoler quand il croisa, tout près de l’entrée, le regard de Stacy Banks-Conelly. Une soixantenaire, parfaitement bien conservé, aux allures de diva que Grimes connaissait pour l’avoir côtoyé pendant ses années chez les fédéraux. Elle fut également étonnée de le voir là après tout ce temps mais ne lui adressa qu’un simple mouvement de tête et un large sourire. Elle n’était pas surprise de le voir porter un tel accoutrement puisque le costume faisait parfois partie de l’attirail du bon agent fédéral américain qui souhaite faire son boulot de manière stricte. La présence de Mme Banks-Conelly dans les parages n’était pas une bonne nouvelle. Elle pourrait en effet compromettre les plans, notamment en révélant sa véritable identité. En ralentissant un peu pour qu’elle passe avant, il finit par arriver devant les gorilles. « Newman. Garrett. » Après un bref coup d’œil sur le registre, et pendant que Cade retint sa respiration tout en arborant un sourire de convenance, l’un d’eux lui indiqua l’entrée. « Bonne soirée Mr. Newman. »

Avec un soupir intérieur de soulagement, Cade rajuste un peu sa cravate. Une dizaine de pas le séparèrent de la grande salle. Il s’arrêta un instant pour évaluer l’espace, les invités présents, le buffet au loin et l’estrade de l’autre côté. Des serveurs aux plateaux ronds et aux gants blancs vagabondaient un peu partout entre les grappes de gens. L’un d’eux sortit l’enquêteur de sa rêverie. « Monsieur, une coupe de champagne ? » Refuser serait malvenue. Un champagne de ce nom ! Il attrapa la coupe et s’écarta un peu pour se mettre en retrait et mieux analyser les lieux. Un grand escalier au tapis de velours menait à l’étage qui l’intéressait. Lorsque les discours débuteront, il s’y dirigerait tout doucement.

UN MOIS PLUS TÔT – 19h47
Une fesse sur le bureau, café à la main, Cade observait cette feuille posée devant lui. « Jack Coleman est l’homme d’affaire le plus réputé de la côte, ça sera pas facile de prouver le vol… ». Ce larcin n’était pas palpable. Coleman possédait une fortune et il avait encore de l’appétit pour mettre la main sur un projet informatique monstrueux, de toute pièce créé par le client qui avait fait appel aux services d’un enquêteur privé. Tout était rassemblé dans un fichier. Un seul petit dossier qui pesait des millions. « C’est pas insurmontable. » Cade était sûr de lui, cependant, l’affaire n’était pas donné. « Où s’trouve son bureau ? » Son associé avait levé les yeux sur lui et dans son regard, Cade savait que les choses allaient être ardues.

@Lucy Cavanagh  & Cade Grimes

S’inviter dans une prestigieuse soirée rassemblant des gens importants du business australien n’était pas une chose irréalisable pour Cade. Il avait gardé de nombreux contacts, des personnes douées qui avaient précédemment bossé avec lui lorsqu’il était encore au FBI, et qui avaient une influence sur un paquet de réseaux mondiaux. Il lui fallait toujours s’inventer un nom, un métier et une vie au cas où il tomberait sur un ou une curieuse. Ce soir, il serait Garett Newman, homme d’affaire au portefeuille bien rempli qui venait faire des éloges à son confrère. Officieusement, il enquêtait pour récupérer ce fichier informatique qui ne devait absolument pas se trouver entre les mains de Coleman. La salle était bondée et puait le fric à plein nez. Certaines scènes rappelèrent à Cade les quelques galas auxquels ses parents l’avaient forcé à se rendre quand il était bien plus jeune. Ces sourires hypocrites sur les visages. Ces poignées de mains intéressées. Heureusement, il y avait une chose positive dans ces fiestas de riches : on y mangeait et buvait très bien. Le champagne que l’on proposa à Cade dés son arrivée dans le grand salon était divin. Il le savoura en observant la salle et en s’imprégnant de l’atmosphère avant d’entrer dans le vif du sujet. Il procédait souvent comme ça. Il regardait, inspectait le terrain et la population, et puis il étudiait rapidement la façon dont il allait s’y prendre. Clairement, il n’était pas l’heure d’agir. Pas encore.

Jack Coleman s’apprêtait à faire son discours de bienvenue. Il montait sur scène sous les applaudissements de ses invités qui s’étaient tous figés pour entendre ses quelques mots vides. Si Grimes se rendaient jusqu’aux escaliers, il effectuerait un mouvement qui ne manquerait pas d’être vu. Il décida donc d’attendre et d’écouter lui aussi ce cinquantenaire en costume noir et blanc et au nœud papillon parfaitement noué autour de son cou. Quelques minutes plus tard, Coleman fut de nouveau salué pour la fin de son papotage et tous se remettait à discuter et à se rendre près du buffet tout juste ouvert. C’est le moment que Grimes avait choisit pour traverser lentement la foule. Il grimpa les marches en prenant un air tout à fait naturel et en réajustant sa veste. Troisième bureau sur la gauche. Il se souvenait avoir étudié le plan de la baraque avec son associé. Il faudrait faire vite. Des serveurs et autre agent de sécurité arpentaient les lieux comme des gardiens de taule. Un coup d’œil devant lui et un autre derrière, et il ouvrit la porte du bureau de Coleman pour s’y engouffrer et refermer rapidement la porte.

Quand il se tourna, il tomba nez à nez avec… « Lucy ?! » Elle s’était levée, pensant probablement qu’il était l’un des gorilles venus la foutre dehors. Cade fronça les sourcils. « Qu’est ce que vous foutez là ?! » Chuchota t-il. C’était pourtant évident. Encore une fois, elle était là pour la même raison que lui. De l’autre côté de la porte, des voix se firent entendre. Sur le qui-vive, Grimes entrebâilla tout doucement la porte pour regarder si sa mission était déjà compromise. Il leva son index derrière lui, en direction de Lucy sans lâcher ces deux hommes qui discutaient dans le couloir des yeux. Il ne fallait pas qu’elle bouge, ni même qu’elle ouvre la bouche.

@Lucy Cavanagh  & Cade Grimes

Ca faisait partie du job. Se fondre parmi une centaine de convives, tous venu écouter un homme comme s’il s’agissait du messie, et sourire pour n’éveiller aucun soupçon. Prendre ce qu’il y avait à prendre, le plus souvent dans une pièce infranchissable, et repartir comme si de rien n’était. Lorsqu’il était agent fédéral, Cade avait quelques fois endossé ce type de couverture pour arriver à ses fins. Mais son identité était bien rapidement révélée au grand jour pour qu’il puisse finalement exercer ses fonctions et faire appliquer la loi. Depuis qu’il enquêtait pour des comptes privés, il lui fallait faire preuve d’encore plus de discrétion et avec ses gros sabots, c’était parfois compliqué d’y parvenir. L’affaire pouvait aussi devenir plus complexe si une rivale de taille se perd systématiquement dans ses pattes. Alors que Grimes avait attendu la fin du discours de l’hôte de la soirée, et qu’il avait enfin trouvé le bureau de Coleman, il y était entré avec l’intention de récupérer ce fameux fichier et de déguerpir des lieux aussi rapidement que possible. C’était certainement le but de Lucy qu’il trouva déjà assise devant l’ordinateur. C’était incroyable de voir comme leurs chemins pouvaient se rencontrer ces derniers temps. Et quand il s’agissait du boulot, Cade n’était pas convaincu que ce duo fonctionnait très bien. Pour preuve, la dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés sur la même affaire, la jeune femme s’était volatilisée avec les preuves que lui-même avait déniché.

« Qu’est-ce que vous foutez là ?! » Il avait chuchoté, craignait que sa surprise de la voir ici ne vienne inquiéter quelques gorilles. La jeune femme ne broncha pas, elle ne lui accorda qu’un tout petit regard avant de se remettre au travail et il n’y avait pas à cherché loin, elle devait être là pour la même raison que lui. Bordel ! Avant qu’il n’ait pu ouvrir la bouche de nouveau, ou qu’il n’eut pu faire un seul pas vers elle pour lui réclamer sa part du gâteau, des voix raisonnèrent dans le couloir. Un œil éclairé par la lumière qui s’en dégageait, Cade cherchait à savoir à quelle distance le danger se trouvait. La main de Lucy vint se loger dans la sienne et il fronça les sourcils. Il prit le risque de se tourner vers elle sans lâcher la poignée de la porte du bureau. « A quoi est-ce que vous jouez ? » L’observant en tentant d’avoir une réponse par le regard, l’enquêteur se posait des questions quant à ce comportement bien mystérieux. La Lucy sarcastique et dégainant la moindre réplique cinglante à ses mots avait-elle des doutes quant à la mission qu’elle était en train de mener ? Il inspecta l’interstice de la porte de nouveau. « Vous êtes là pour le fichier que Coleman détient illégalement je suppose… ? » Si elle en était à confirmer cette hypothèse, il était désormais trop tard pour s’attarder là-dessus. Il était temps d’endosser un autre costume car deux agents de sécurité fonçaient droit sur la pièce. Cade avait cette capacité à réagir vite aux situations périlleuses. Et il fallait bien que Lucy y prenne part puisqu’ils formaient désormais un duo de malfaiteurs. Il se retourna, colla la jeune enquêtrice contre le mur juste à côté de la porte, et rapprocha son corps du sien. Sa main vint remonter sa robe sur sa cuisse sans retenue et il fourra son visage dans sa nuque pour poser ses lèvres sur sa peau. Presque aussitôt, les deux hommes franchirent le seuil et les trouvèrent l’un contre l’autre. « Hey, qu’est que vous fichez ici ? Qui êtes-vous ? » La mine faussement déconcertée de Cade alla avec son discours. « Oh… pardonnez-nous messieurs… » Un sourire niais, un raclement de gorge, il fallait avoir l’air d’avoir été chopé en plein ébats. Encore fallait-il que Lucy adhère à ce plan. Elle n’avait pas trop le choix… « On cherchait juste…un petit coin tranquille. »