Il fallait avouer que des fois, tu oubliais que les gens de ton âge ne cherchaient pas de partenaires stables avec qui partager leur vie. C’était étrange comme constat mais c’était un fait. Tu ne cherchais pas vraiment un prince charmant car tu approchais de tes trente-cinq ans et tu savais que cela n’existait pas mais tu cherchais un partenaire. Il était clair que ce n’était pas du tout ce que recherchait ton frère ce qui t’amusait plus qu’autre chose. Il avait toujours eu le besoin de bouger, de ne jamais rester en place et cela semblait être le cas dans sa vie amoureuse. Mais après tout pourquoi pas ? S’il était heureux comme ça, tu ne pouvais pas lui en vouloir, c’était sa vie après tout. Par contre, tu doutais qu’il ait vraiment besoin de ton aide pour trouver des filles qui voudraient passer la nuit avec lui voilà pourquoi tu préférais laisser tes amies en dehors de tout ça, cela valait beaucoup mieux. « Ca, c'est ce qu'elles te font croire ! Je parie que vous avez souvent ce genre de conversation de filles où vous vous imaginez dans les bras de Matt Damon l'espace d'une folle nuit torride ! » Tu ne pus t’empêcher de laisser échapper un petit rire en secouant la tête. Ce n’était pas vraiment le genre de conversation que tu avais avec tes amies, du moins pas depuis l’adolescence ou l’université mais cela arrivait à tout le monde de fantasmer sur un acteur mais de là à ce que ça se traduise par coucher avec ton frère, il y avait tout un monde. « Est-ce que tu es en train de me dire que tu te compares à Matt Damon ? » Demandas-tu à ton frère d’un ton taquin. Il était séduisant certes mais Matt Damon c’était autre chose. « La plupart de mes amies sont mariées, en couple ou avec des enfants. Elles ont bien mieux à faire que de coucher avec un grand enfant. » Lui dis-tu avec un sourire en coin sur les lèvres. « Mais je ne doute pas que tes charmes feront des ravages à Brisbane. » Tu n’avais aucun mal à voir ce qui pouvait attirer les demoiselles dans les bras de ton frère. Tu préférais ne pas penser à sa vie sexuelle mais tu n’étais pas aveugle non plus, il avait toujours été séduisant et c’était un charmeur né. Un trait qu’il avait pris à votre père mais tu préférais ne pas le souligner.

Cade essaya de te soutirer des informations sur le reste de la fratrie mais tu refusais de lui en donner. Ce n’était pas à toi de le faire. S’il était à Brisbane pour un petit moment et n’avait rien à faire, il avait le temps de reprendre contact avec ses frères pour prendre de leurs nouvelles. Comment est-ce qu’il sera accueilli ? Tu es bien incapable de le lui dire. « Je l'espère. » Tu hoches la tête sans rien rajouter de plus. Cela sera un choc pour Leo et pour Nunzio de revoir leur aîné, tu espérais que cela se passerait bien et surtout que la première rencontre serait pour eux comme une petite graine que l’on plante et qui doit pousser au fur et à mesure qu’on l’entretient. Cade te confia ensuite ses projets professionnels le temps de sa mise à pied. Tu ne pouvais qu’être sceptique face à ses paroles, tu ne croyais pas vraiment qu’il allait être accueilli à bras ouverts par les services australiens. « Je ne vais pas chercher à ce qu'ils m'embauchent. Je sais très bien que ce n'est pas possible dans la situation actuelle. Je vais proposer mon aide, tu sais bien que je vais finir par sauter du haut d'un pont si je ne fais rien de mes journées ! » Tu te doutais que Cade avait besoin de s’occuper. A part quand on part en vacances à plusieurs, personne n’aime s’ennuyer trop longtemps. Et sa mise à pied pouvait durer quelques semaines comme plusieurs mois, il n’avait pas l’air de réellement savoir. Tu ne pus t’empêcher de te dire que c’était peut-être l’occasion d’essayer de faire quelque chose qui l’éloignerait un peu de son travail. « Tu peux aussi trouver des choses à faire qui n’ont rien à voir avec l’ASIS. Tu n’as jamais eu envie de tenter de faire autre chose ? » Toi tu n’y avais jamais réfléchi mais si tu pouvais faire une pause pendant quelques temps, tu ferais autre chose. Peut-être un métier qui te permettait d’être en contact avec un autre milieu que celui dans lequel tu évoluais actuellement. Un métier qui te laisserait aussi plus de temps pour toi et te donnerait moins de responsabilités.

Vos retrouvailles auraient pu rester bon enfant, tout en légèreté et bonne humeur. Mais une fois votre plat arrivé, il était impossible de faire comme si tout allait bien. Tu voulais que Cade comprenne qu’il ne suffirait pas qu’il arrive avec ses explications et qu’il espère pouvoir partir de zéro comme si de rien n’était. Qu’il ne veuille ou non, vous aviez un passé familial commun, un passé que tous ne pouvait pas oublier facilement. « Alors comment ça fonctionne Milena ?! Dis moi. Comment je dois m'y prendre pour ça se passe bien ? Ce sont des excuses que vous attendez ? Des... longues tirades larmoyantes qui appuient sur les quelques dizaines d'erreurs que j'ai commis ces dernière années ? » Tu soupires légèrement sans pouvoir t’empêcher de penser que Cade n’avait pas compris ce que tu venais de lui dire. Tu ne savais pas ce qu’attendaient tes frères et tu ne présumais pas le savoir. Tu ne voulais pas qu’il arrive comme si de rien n’était et fasse comme s’ils s’étaient vus quelques temps auparavant, comme il l’avait un peu fait avec toi finalement. « Personnellement je n’attends rien du tout. » Lui dis-tu clairement. « Et je ne sais pas quelle est la bonne chose à faire, ce sera à toi de le décider. Je te dis juste que de faire comme si de rien n’était. On est presque devenu des étrangers Cade, moi aussi j’ai dû repartir de zéro en arrivant ici. » Parce que c’était trop facile d’arriver sur ses grands chevaux. « Je ne t’en veux pas d’être parti mais tu ne peux pas m’en vouloir de te reprocher de ne pas avoir été là. Tu peux penser ce que tu veux de papa et maman mais quand j’étais au plus mal il y a trois ans, c’est eux qui ont été là. Et puis j’ai réussi à me reconstruire à Brisbane et à créer un lien avec Leo et Nunzio mais j’en ai bavé. » Lui dis-tu parce que même si tes frères n’avaient pas été méchants, ils avaient été méfiants. « Et qui nous dit qu’une fois ta mise à pied terminée, tu ne t’envoleras pas de nouveau vers les Etats-Unis sans donner de nouvelle ? » Parce qu’il était là tout le problème finalement.

Se comparer à Matt Damon ? Non... enfin... en réalité ça lui était peut être déjà arrivé, ou bien ça lui avait traversé l'esprit. Toujours était-il qu'il se faisait certes une image des soirées entre filles qui entremêlaient manucures, conversations coquines et masques de peau mais il n'était sans doute pas très loin de la vérité... du moins si celle-ci concernait des jeunes femmes de 17 à 21 ans, complètement raides dingues du beau gosse de la fac qui leur a jeté un pâle regard en traversant la bibliothèque. Cade oubliait parfois qu'il arrivait à grand pas sur la quarantaine et que sa soeur avait passé l'âge d'être une gamine. Le temps passait à une vitesse folle et ce n'était pas le peu de nouvelles qu'ils avaient l'un de l'autre qui leur faisaient réaliser ça. L'ainé sourit. "Grand enfant" selon sa frangine, il assumait amplement. Cade était bien décidé à ne pas grandir pour certaines choses. Il se prenait bien trop au sérieux comme ça avec son boulot et préférait laisser place à un peu plus de folies dans sa vie personnelle. - Je prend ça comme un compliment venant de la très jolie jeune femme, épanouie et autonome qu'est devenue ma frangine préférée ! C'était lancé de façon totalement ironique mais c'était pensé ! Milena avait toujours été belle, mais plus les années passaient et plus elle devenait ravissante. Un charme anglo-italien qui devait en faire baver plus d'un et elle était doté d'un caractère qui ne pouvait pas laisser indifférent. Si Cade avait été aussi proche d'elle, c'était aussi pour sa personnalité, sa capacité à affronter le quotidien et à le remettre parfois à sa place quand il le fallait. C'était souvent ce genre de femmes qui étaient présentes dans la vie de l'ainé...

Le FBI, ça n'avait pas été un choix évident. Cade était d'abord rentré dans la police de New York puis de Boston. L'idée de faire valoir la justice tout en ne restant pas les fesses posées sur une chaise l'avait emballé. C'était sur le terrain qu'il se sentait le mieux. Avec ou sans uniforme, il avait toujours eu à coeur d'aider les autres et ça s'était confirmé quand les services spéciaux lui avaient offert à un poste après de nombreux tests et autres formations. Aujourd'hui, Cade ne se voyait rien faire d'autre. Il n'était même pas sûr de savoir faire autre chose. - Oh si, je me vois parfaitement bien dans une de ces boîtes guindées à effectuer des analyses de marché complètement inutiles et à les argumenter devant une équipe de pingouins prête à dégainer les critiques au moindre faux pas. Cade força un sourire sarcastique. Non, ce n'était décidément pas son truc. Il redevint sérieux et, avec un air las, il finit par répondre. - J'en sais rien... j'ai du mal à m'imaginer vendeur de fringues ou... dépanneur dans un garage. Pourtant, il avait de grandes connaissances en matières de voitures et pourrait facilement se faire à se métier. Hum... peut être qu'il ne présentait pas assez de risques à son goût et que, mettre mes mains dans le cambouis pour sa caisse ça passait mais faire ça toute la journée pour d'autres, voir des  moteur, des pompes à huiles et faire des vidanges tous les jours, peut être pas.

Une assiette tellement appétissante se trouvait devant lui et pourtant, Cade n'y avait pas encore beaucoup touché. Seules quelques frites avaient disparues mais il n'avait pas encore mordu dans ce Cheeseburger dont le fromage lui aurait habituellement faire sortir les yeux des orbites. La raison de ce manque d'enthousiasme culinaire soudain ? Sans aucun doute la conversation qu'il redoutait et qui arrivait bien trop tôt. Il aurait encore voulu profiter de ses retrouvailles légères avec Milena mais tout était allé bien vite. Et pour cause... le retour de Cade était sujet à beaucoup de questions et beaucoup de discussions peu agréables à venir pour lui. D'un certain côté, mieux valait plonger dans le grand bain tout de suite... L'ainé écoutait sa soeur, osant à peine la regarder. Ses yeux déviaient fréquemment sur son assiette, sur la vitre qui laissait entrevoir un extérieur peu passionnant mais qui demeurait un bon passage pour son échappatoire visuel.  Ses mots lui allaient droit au coeur, certains faisaient même mal. Particulièrement le "Tu peux penser ce que tu veux de papa et maman mais quand j’étais au plus mal il y a trois ans, c’est eux qui ont été là." Papa et maman... ah, ça le faisait bien rire au fond. Mais elle avait raison, il n'avait pas été là... - Je suis là maintenant ! Il leva les yeux pour croiser son regard, une frite à la main, il poursuivit. - Y'a eu des moments compliqués, je sais bien. Pour moi aussi. Mais à partir de maintenant, je serai là Milena. Et je dirai la même chose à Nunzio et à Leonardo tout en sachant qu'ils vont pas être facile à convaincre et qu'ils vont attendre de voir avant de me faire confiance. La dernière question de Milena l'achevait presque. Il se l'était demandé lui aussi. Qu'allait-il faire quand son bureau appellerait pour lui dire de rentrer, de reprendre son service ? Allait-il les abandonner là en ne respectant pas ses paroles et en laissant tout tomber ? Ou bien... Cade laissa retomber cette frite dans son assiette et il s'appuya sur ses coudes pour approcher son visage et encrer son regard dans celui de sa soeur. - Ca n'arrivera pas. Si Los Angeles m'appelle sous peu, ils attendront ! J'ai pas l'intention de m'en aller comme ça... Pas tant que tout n'était pas réglé, pas tant que sa conscience souffrait et que son coeur d'ainé ne serait pas apaisé.

La vie amoureuse de ton frère semblait inexistante, du moins c’était ce qu’il te faisait comprendre. Cela ne te surprenait que très moyennement parce que ton frère n’avait jamais été du genre à se poser, même quand vous étiez jeunes. Tu ne pus t’empêcher de te demander si l’exemple de tes parents n’avait pas été un tel exemple de non harmonie qu’il vous avait tous poussé à avoir du mal à vous lancer dans des relations de couple saines ou du moins vous aviez du mal à trouver quelqu’un qui pourrait vous compléter. Il n’était pas rare que tu te demandes à quel point l’exemple que tu avais eu sous les yeux en grandissant t’influençait à tous les niveaux. Et plus tu t’y penchais, plus tu remarquais que cette trace était encore présente aujourd’hui et plus tu avais peur de te transformer en mauvaise mère si un jour tu avais des enfants. Pour l’instant tu ne risquais rien, tu n’avais à t’occuper que de toi et tu ne pouvais blesser personnes d’autres avec tes erreurs familiales. Ton frère était un charmeur, il l’avait toujours été et même si tu ne lui présentais pas des amies à toi, tu ne doutais pas qu’il n’aurait aucun mal à trouver de la compagnie à Brisbane. « Je prend ça comme un compliment venant de la très jolie jeune femme, épanouie et autonome qu'est devenue ma frangine préférée ! » Tu secoues la tête mais ça l’est en quelque sorte. Ton frère avait de nombreuses qualités et tu pouvais voir ce qui attirait les femmes chez lui. Même s’il n’était pas Matt Damon, il avait quelque chose et cela lui suffisait. Tu te demandais s’il finirait par trouver une jeune femme qui lui ferait changer son mode de vie mais il n’avait pas vraiment l’air de vouloir changer quoi que ce soit.

Alors que vous étiez devant vos assiettes bien remplies, Cade te parla de son boulot et de ce qu’il espérait faire à Brisbane pour ne pas rester inactif. Tu restais dubitative sur ce qu’il pourrait décrocher comme job à l’ASIS, tu ne voyais pas comment des services secrets d’un autre pays prendraient le risque d’embaucher ton frère. S’il tenait vraiment à travailler pour eux, il faudra certainement qu’il quitte le FBI et il n’en était apparemment pas question pour l’instant. Tu ne pus t’empêcher de demander à ton frère s’il n’avait jamais voulu faire autre chose. Comme à son habitude, sa réponse fut cinglante et sarcastique. « Oh si, je me vois parfaitement bien dans une de ces boîtes guindées à effectuer des analyses de marché complètement inutiles et à les argumenter devant une équipe de pingouins prête à dégainer les critiques au moindre faux pas. » Tu ne pus t’empêcher de lever les yeux au ciel exaspérée. Ton frère ne faisait jamais les choses à demi mesure d’où cette réponse qu’il venait de te faire. Tu n’essayais pas de le convaincre d’aller s’enfermer dans une entreprise mais il y avait pleins d’autres boulots en dehors d’entreprises traditionnelles. « J'en sais rien... j'ai du mal à m'imaginer vendeur de fringues ou... dépanneur dans un garage. » Tu pouvais comprendre que cela soit difficile, tu ne te voyais pas faire autre chose que le métier que tu faisais actuellement non plus donc c’était un peu hypocrite de ta part de lui poser cette question mais après tout, il aurait pu avoir un plan B à un moment dans sa vie. « Il y a peut-être d’autres métiers que tu peux faire autres que vendeur de fringue ou garagiste sans t’enfermer dans un bureau. » Dis-tu avant d’ajouter : « Si tu comptes rester à Brisbane, c’est peut-être une piste à creuser. » Quand tu étais arrivée en Australie, tu n’avais pas pu travailler immédiatement. Tu avais passé six mois à l’université pour valider une équivalence de tes diplômes et te plonger dans le droit australien. Ce n’était pas simple de changer de pays et pas qu’au niveau des visas.

Le retour de Cade te faisait plaisir certes mais il restait tout de même de nombreux sujets sur lesquels vous deviez vous expliquer. Tu ne cherchais pas à blesser ton frère ou à être méchante mais tu ne voulais pas qu’il pense que tu avais tout oublié, que tu pouvais tout oublier facilement comme si de rien n’était. Non, cela ne marchait pas ainsi et même si tu avais envie de faire confiance à ton frère, tu n’oubliais pas qu’il était certainement à Brisbane pour une durée déterminée et qu’il finirait par repartir tôt ou tard aussi vite qu’il était venu. « Je suis là maintenant ! Y'a eu des moments compliqués, je sais bien. Pour moi aussi. Mais à partir de maintenant, je serai là Milena. Et je dirai la même chose à Nunzio et à Leonardo tout en sachant qu'ils vont pas être facile à convaincre et qu'ils vont attendre de voir avant de me faire confiance. » Mais pour combien de temps ? Cette question résonnait dans ton esprit car tu avais réussi à construire une vraie relation fraternelle avec Leonardo et tu essayais toujours avec Nunzio mais avec Cade il ne restait plus grand chose. Simplement une nostalgie et une affection très forte que vous partageriez toujours quoi qu’il arrive. Comment le croire quand il te disait qu’il serait là désormais alors qu’il allait certainement repartir ? Tu ne savais pas vraiment quoi lui répondre, comme il venait de te le dire, seules ses actions parleront pour lui. « Ca n'arrivera pas. Si Los Angeles m'appelle sous peu, ils attendront ! J'ai pas l'intention de m'en aller comme ça... » Tu ne peux t’empêcher de lever un sourcil à cette affirmation. La vérité c’est que tu ne crois pas vraiment ce que ton frère est en train de dire. Certainement qu’il le pense et qu’il est sincère, tu n’en doutes pas mais refuser de retourner aux Etats-Unis quand le FBI le rappellera voudra dire quitter les forces spéciales et est-ce qu’il y était réellement prêt ? « J’ai envie de te croire Cade, sincèrement mais on sait tous les deux que s’ils t’appellent et que tu ne sautes pas dans le premier avion pour les Etats-Unis, tu perdras ta place au sein de l’organisation. Ils ont bien assez de candidats pour s’embarrasser de ceux qui ne veulent pas revenir quand on les appelle. » Particulièrement après une mise à pied où Cade devra refaire ses preuves au sein de l’organisation. Peut-être que ton frère quitterait le FBI mais pour faire quoi ? Il ne pourra pas travailler dans la police ou les pompiers ou l’ASIS sans avoir la nationalité australienne et elle est bien difficile à obtenir, surtout s’il ne compte pas se poser avant un moment. « On te laissera tous une chance mais réfléchis bien à ce que tu veux avant de nous faire miroiter une réalité qui demain ne sera peut-être pas celle que tu nous promets. »

La vie amoureuse de Cade Grimes ? Ah.. oui.. c'était tout un sujet en soi. Bien qu'il n'y avait pas tout à fait matière à en parler pendant trois heures non plus. C'était à la fois mouvementé et aussi calme que la mer méditerranée en plein été. Cela dépendait en fait du côté vers lequel on se tournait. Si on comptait les rencontres qu'il avait pu faire, il faudrait se concentrer un peu pour pouvoir se souvenir de toutes. Si on se penchait sur les relations plus sérieuses, c'était tout à fait différent. Les filles qui avaient réellement comptées dans la vie de Cade se comptait sur les doigts d'une seule main. La dernière en date, Joan, ne lui avait plus donné de nouvelles depuis qu'il avait tiré sur son frère. Un malade mental sans nom qui avait fait plusieurs victimes. C'était la seule et unique fois que l'agent fédéral, alors encore en fonctions, avait développé de réelles sentiments pour un membre de la famille d'un meurtrier qu'il avait traqué durant de nombreux mois... et ça ne lui avait pas trop réussi à vrai dire. Autant dire qu'on ne l'y reprendrait plus ! Tout ça, il l'épargnait encore à Milena. Elle n'avait pas besoin de tout connaitre de ses déboires sentimentaux. Et de toute façon, Cade n'était pas le genre de type qui s'étalait là dessus. Déjà qu'il détestait parler de lui...évoquer ses histoires, ce n'était pas à l'ordre du jour.

Ce qui y figurait en revanche, c'était son boulot. Milou semblait bien inquiète quant à ce que Cade allait faire ici à Brisbane alors qu'il ne pouvait pas rester sans rien faire et qu'il ne pouvait pas exercer son métier pour l'instant. L'ainé des Grimes était loin d'être fainéant. Il fallait qu'il bouge, qu'il s'occupe, peu importe la manière et le lieu. Sa soeur avait raison, l'ASIS serait forcément réticente à le faire entrer chez elle, mais il pouvait tout de même tenter le coup, ou peut être aider sur quelques affaires en cours... bref, il y ferait un saut dans quelques jours pour être fixé. - Tu vas finir par me proposer un poste de secrétaire dans ton cabinet ? Un léger rire envahit Cade. Il savait bien que ce n'était pas d'actualité et il n'avait guère envie de bosser comme secrétaire pour et avec sa frangine. Cade avait toujours été un homme de terrain et s'imaginer sur un bureau à classer des dossiers ou à prendre des rendez-vous, ça lui donnait presque la nausée. - Je suis débrouillard. Si mes supérieurs restent muets, je trouverai à m'occuper. Ce n'est clairement pas un problème ! Sûr de lui devant sa soeur, mais sans doute un peu moins intérieurement, il n'avait pas l'intention de se voir faire la morale pendant encore une heure.

Si Milena s'inquiétait de savoir ce qu'il allait faire de ses journées, elle était aussi sur la réserve quant à son retour auprès de la fratrie. C'était un peu vexant car Cade déployait une certaine énergie à se montrer sincère et direct envers elle. Il la rassurait, lui disait qu'il serait là à partir de maintenant...mais c'était comme si elle en doutait. Pourtant, elle le savait bien...qu'il tenait toujours ses promesses, qu'il n'avait qu'une seule parole et qu'il avait une sainte horreur de revenir dessus. De la déception se lisait sur son visage. Le verbe qu'elle employait, "miroiter", lui fit plus de mal qu'autre chose. Pour la simple et bonne raison que ce n'était pas son genre. Cade perdait un peu l'appétit. Son assiette restait encore bien remplie. Il dévia le regard, presque exaspéré. - Je fais rarement des promesses en l'air Milena ! Et si ces quelques années t'ont fait oublié ça, c'est vraiment qu'au départ, tu ne me cernais pas autant que je pouvais le penser ! Voilà, c'était balancé. Mais Cade était comme ça, il jetait parfois ses pensées au visage de son interlocuteur sous le coup de l'impulsivité. Il soupira un instant et reprit de façon plus posé. - Il s'est passé certaines choses... dernièrement, et j'ai pas mal réfléchis dans mon coin. Vous avez toutes les raisons, les garçons et toi, de douter de la sincérité de ma démarche après toutes ces années d'absence mais pour moi c'est bien clair. J'aurais pensé que toi au moins tu comprendrais...  

C’était facile de taquiner Cade, de rire et d’oublier tout le reste mais tu n’étais pas encore capable de tout oublier. Ce n’était pas possible pour toi de tout laisser derrière toi et de faire comme si de rien n’était. Parce que c’était trop facile et c’était injuste de la part de Cade d’attendre cela de ta part. Les retrouvailles se passent d’abord très bien parce que malgré tout, tu es heureuse de voir ton frère. Tu ne l’as pas vu depuis des années, depuis la dernière fois que tu avais été lui rendre visite avant de t’envoler quelques mois plus tard pour l’Australie. Depuis, tu l’avais vu une fois quand il avait posé les pieds sur le sol australien pour l’enterrement de vie de garçon d’un de ses amis. Vous vous étiez retrouvés pour une journée mais une journée en plus de trois ans, est-ce réellement à prendre en compte ? Tu n’en sais rien. Tu es contente de voir que malgré tout, Cade reste Cade, particulièrement dans son attitude envers les femmes. Cela ne te dérange pas de savoir que ton frère court les filles s’il les respecte, cela te suffit. Tu aimerais qu’il se pose mais tu as envie de le voir heureux et si c’est ce qui le rend heureux, tant mieux alors. Tu ne manques pas de remarquer que dans votre famille, personne n’a d’enfant pour l’instant, malgré votre âge et des fois tu te demandes si c’est à cause de vos parents, de cette enfance qui vous a maqués au fer rouge. Mais une fois assis à l’intérieur du restaurant, tu ne peux t’empêcher de demander à ton frère ce qu’il fait de ses journées et ce qu’il compte en faire. Ce qu’il te confie est loin de te rassurer et tu ne peux t’empêcher de te demander si Cade a vraiment réfléchi à cette stratégie avant de s’y lancer. « Tu vas finir par me proposer un poste de secrétaire dans ton cabinet ? » Tu ne peux t’empêcher d’être amusée quand à cette remarque de ton frère. Plutôt mourir que de lui offrir ce type de job parce que tu sais qu’il ne le prendra pas au sérieux et tu ne joues pas avec ta carrière, c’est ta seule vraie réussite. « Seulement quand j’aurai décidé de couler mon cabinet. » Lui dis-tu avec un sourire taquin à ton tour. Cade n’était pas fait pour ça et il le savait très bien, il n’avait pas besoin de te l’entendre dire. « Je suis débrouillard. Si mes supérieurs restent muets, je trouverai à m'occuper. Ce n'est clairement pas un problème ! » Tu sais que ton frère n’est pas un fainéant, tu sais qu’il se débrouillera mais tu te demandes si cela sera suffisant. Quand on est shooté à l’adrénaline du FBI, est-on capable de se débrouiller dans un job du monde réel ? Tu n’en sais rien. Tu espères que la réponse est oui pour le bien de ton frère mais tu en doutes un peu. Cependant, tu lui réponds : « Je ne doute pas que tu arriveras à te débrouiller pour trouver quelque chose. » Avec sa belle gueule et ses capacités physique, Cade trouvera forcément quelque chose, tu espérais que c’était quelque chose qui l’intéresserait un peu cependant.

Le sujet sur son boulot n’était qu’une entrée en matière car rapidement, les choses se gâtèrent dans votre échange. Ce retour brutal et parce qu’il a été mis à pied et laisse penser qu’il sera dans un avion dès que le téléphone sonnera pour le réhabiliter. Ton frère s’évertue à te faire croire le contraire mais est-ce bien raisonnable ? Parce que tant qu’il n’aura pas la nationalité australienne, il ne pourra pas travailler sérieusement dans un organisme qui se rapproche du FBI à Brisbane. Et quand tu le lui fais remarquer, ton frère perd légèrement son sang froid en te lançant à la figure : « Je fais rarement des promesses en l'air Milena ! Et si ces quelques années t'ont fait oublié ça, c'est vraiment qu'au départ, tu ne me cernais pas autant que je pouvais le penser ! » Tu lèves un sourcil face à ces paroles. Ce que ton frère ne comprend pas non plus c’est que tu n’es plus une petite fille, tu n’es plus une adolescente qui croit tout ce qu’on lui dit. C’est beau les mots et les promesses mais ce sont les actes qui parlent d’eux même et Cade n’a pas été là ces dernières années, ça c’est un fait. Et après tout, il y avait du vrai dans ce qu’il disait, vous ne vous connaissiez plus vraiment aujourd’hui. « Je ne suis plus une gamine qui croit tout ce qu’on lui dit Cade. Tu m’excuseras de douter qu’entre une famille que tu n’as pas vue depuis des années et retrouver ta carrière, tu ne fasses pas le premier choix mais le deuxième. » Lui dis-tu excédée à ton tour. Si tu étais une chose c’était réaliste et rationnelle. Si Cade voulait rester à Brisbane et te prouver le contraire, très bien mais qu’il ne s’énerve pas quand tu ne le croyais pas sur parole. « Il s'est passé certaines choses... dernièrement, et j'ai pas mal réfléchis dans mon coin. Vous avez toutes les raisons, les garçons et toi, de douter de la sincérité de ma démarche après toutes ces années d'absence mais pour moi c'est bien clair. J'aurais pensé que toi au moins tu comprendrais... » Bien sûr que tu comprenais que ton frère ait envie de retrouver un semblant de famille. Bien sûr que tu comprenais qu’il ait envie de fuir une réalité américaine trop prenante. Tu le comprenais très bien. Mais il n’avait pas le droit de venir en pensant que tout s’arrangerait comme par magie non plus. « Je comprends que tu aies besoin de faire une pause et que tu veuilles essayer de recoller les pots cassés mais tu ne peux pas arriver en pensant que c’est ton droit de réclamer cette relation et qu’on va te l’accorder en toute confiance sans poser de questions. Ca ne marche pas comme ça Cade. » Lui dis-tu en secouant la tête. « On te laissera nous prouver que l’on a tord mais tu ne peux pas nous reprocher de douter, pas quand tu as pratiquement disparu de notre vie pendant des années. » Dis-tu le plus simplement du monde.

Voilà, il n'avait pas fallu très longtemps avant que la conversation légère et amusante que Cade partageait avec sa petite soeur se transforme en un échange plus tendu sur les raisons du retour de l'aîné et sa volonté de recoller les morceaux avec la fratrie. Il se gardait, pour l'instant, d'en dire plus sur ses étapes de réflexion et sur ce qui l'avait poussé à revenir auprès d'eux. Il voyait bien que ce n'était guère le moment d'en rajouter et il n'avait pas non plus envie que Milena le voit comme un tueur acharné. Ce qu'il n'était pas. Du moins... tirer sur un criminel malade mental pour l'empêcher de nuire faisait-il de lui un assassin injuste à classer dans la même catégorie que ces coupables qu'il chasse tous les jours dans son boulot ? Lorsque le moment serait venu et que les tensions dues à son arrivée à Brisbane serait retombées, peut être que Cade envisagerait en raconter, en quelques mots, ce qu'il s'était passé pour qu'il se retrouve dans cette situation. Mais pas là... pas le premier jour de ses retrouvailles avec Milena, pas devant un hamburger qui se ratatinait et des frites qui refroidissaient.

Ce qui lui faisait le plus de peine, c'était que Milou avait raison: De longue années avaient passées et vraisemblablement, elles avaient eu raison de leur relation. Eux qui avaient pourtant partagés beaucoup de choses, qui tenaient l'un à l'autre autrefois...Cade avait comme l'impression d'avoir perdu tout ça et certes, il ne niait pas en être le fautif, il espérait juste un peu de compassion de la part d'une soeur qui avait été témoin de tout ce qu'il avait vécut étant plus jeune. Il ne lui demandait pas de comprendre, juste de ne pas le voir comme celui qui a abandonné sa famille et qui s'en est sentit que mieux. - De toute façon la question ne se posera qu'une fois que j'aurai des nouvelles de ma hiérarchie. Saches juste que je ne compte pas disparaitre dans la nature alors que j'ai entrepris de vous retrouver, et ça avec la plus grande des sincérités ! Il s'était calmé. Sa voix était plus posé mais ses mots n'en étaient pas moins tranchants et sûrs. Cade avait toujours été quelqu'un de déterminé, et ça, Milena devrait aussi s'en rappeler. Quand il commençait quelque chose, il allait au bout quoi qu'il advienne. Il attrapa une frite, tiède, et la fourra dans sa bouche sans grande conviction.

Ses yeux verts se reposèrent sur sa soeur. Il constatait avec un amusement non dissimulé qu'elle avait un caractère bien affirmé et qu'elle n'en démordait pas. Elle lui rappelait bien quelqu'un... Il se mit à sourire doucement. - J'ai compris... je suis à l'épreuve. Tu sais que j'adore relever des défis ! Il l'avait de toute façon prit comme tel depuis le moment où il avait mit le pied dans l'avion. C'était un défi personnel que de revenir auprès de sa famille alors que tout avait semblé les éloigner avec le temps. Il était prêt à leur montrer, à tous les trois, qu'il en était capable. Il se donnerait les moyens et Milena ne pourrait qu'en être rassurée. - Manges, ça va être froid et ce serait bien dommage ! Fit-il avec un demi sourire en attaquant lui même son hamburger à pleine dents.

Arriver à se projeter, à croire que ton frère est sérieux quand il te dit qu’il renoncerait au FBI pour rattraper le temps perdu à Brisbane, c’est trop te demander. Tu n’arrives pas à croire qu’après toutes ses années, ton frère choisirait sa famille plutôt que son boulot parce que quelle famille étiez-vous pour lui ? Vous aviez grandi aux Etats-Unis, il y avait passé la plus grande partie de sa vie. Il avait assez d’amis et collègues là-bas pour savoir que la famille était quelque chose de sacré qui fonctionnait bien la plupart du temps mais pas la vôtre, jamais la vôtre. Dévorée par la compétition, dévorée par l’envie de briller, par l’envie de sortir des griffes parentales, vous aviez fini par tous vous perdre de vue les uns après les autres. Quel dommage … Tu n’avais plus eu la force de vous garder unis, c’était trop te demander. Alors tu n’arrivais pas à croire aux belles paroles de ton frère, pas tant qu’il n’aura pas réellement fait le choix décisif. Mais tu veux bien lui laisser une chance de se rattraper, au moins le temps qu’il sera là. « De toute façon la question ne se posera qu'une fois que j'aurai des nouvelles de ma hiérarchie. Saches juste que je ne compte pas disparaitre dans la nature alors que j'ai entrepris de vous retrouver, et ça avec la plus grande des sincérités ! » Tu hoches la tête parce que sur ce point là, tu veux bien le croire. Mais qui vivra verra n’est-ce pas ? Cade ne va pas être appelé par sa hiérarchie de suite, cela prendra un peu de temps et tu verras bien ce qu’il advient à ce moment là. « C’est bien noté. » Lui dis-tu avant de prendre une gorgée du verre qu’il se trouve devant toi. Tu manges doucement mais sûrement, profitant de ce moment avec ton frère malgré la discussion très sérieuse qui vous anime. C’est un peu ton moment de pause aussi avant de retourner chez toi et de retoucher à tes dossiers, c’était plus fort que toi, tu ne pouvais pas t’en empêcher. Tu avais bien fait comprendre à ton frère qu’il allait falloir qu’il fasse ses preuves s’il voulait que tout redevienne comme avant et il semblait l’avoir compris. Votre relation s’était délitée avec le temps et c’était bien dommage mais rien n’est définitif, certaines choses peuvent être reconstruites. « J'ai compris... je suis à l'épreuve. Tu sais que j'adore relever des défis ! » Tu le sais et tu espères que c’est un défi qu’il relèvera même si tu ne peux t’empêcher d’avoir des doutes. Sans être trop pessimiste, si tu juges la situation par rapport aux choix précédents de Cade, tu ne peux pas dire que sa famille ait été prioritaire. Tu n’ajoutes rien cependant et il te dit : « Manges, ça va être froid et ce serait bien dommage ! » Tu sais que ce sujet est terminé pour ce soir et c’est sans doute mieux ainsi. Vous aurez tout le temps du monde pour reparler de tout ça quand ce sera le moment. Pour l’instant, tu préfères profiter de ces retrouvailles et tu termines tranquillement de manger en discutant avec ton frère. Une fois le repas terminé, il te ramène à ta voiture avec la promesse de ne pas disparaître. Tu montes dans la voiture un sourire sur les lèvres en espérant qu’il la tienne. Parce que voilà que tous les Grimes étaient à Brisbane et tu comptais bien essayer de recréer un semblant de famille si c’était possible.